Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 17 - Bienvenue sur la Terre des Vampires

Comment s'habiller pour se rendre à un conseil de chefs de clans ? Là était bien la question. Alisée ne tenait pas à s'attifer comme si elle assistait à un bal royal, mais elle ne voulait pas non plus avoir l'air ridiculement banale face aux autres dirigeants. Leur avis à son sujet avait beau peu lui importer, elle préférait éviter une humiliation publique.

Heureusement, Nessa et Danila s'étaient mis en tête de l'aider. Toutes deux avaient d'abord ouvert de grands yeux lorsqu'elle les avait informées de l'invitation faite par le roi, avant de la harceler de questions :

— Pourquoi avoir accepté si vite ?

— Tu es sûre que c'est une bonne idée ?

— Si vous m'en aviez parlé, je vous aurais volontiers prêté l'argent qu'il vous faut. Vous ne préférez pas annuler ?

— De toute façon, je demanderai à Jae-Sun de veiller sur toi, mais Nessa a raison, pourquoi ne pas avoir réfléchi plus longtemps ?

Ces interrogations lui avaient vite donné le tournis, et par chance, ses deux amies étaient ensuite reparties vaquer à leurs activités. Elles tenaient malgré tout à la préparer au mieux pour la réunion. Le soir de l'événement, la femme de chambre lui avait apporté un portant chargé de jolies robes, tandis que Danila était venue la voir afin de l'aider à choisir.

Désormais, Alisée observait tous les tissus avec anxiété, incapable de faire un choix.

— Celle-ci ? proposa-t-elle à ses deux accompagnatrices en désignant une tenue rose clair parsemée de broderies dorées.

Danila avait pris place au bord de son lit, tandis que Nessa se tenait debout à côté d'elle, incapable de se résoudre à s'assoir sur le matelas de sa maîtresse. Elle paraissait aussi chercher à éviter le regard de mademoiselle Song, sans toutefois faire preuve de la moindre impolitesse à son égard.

— Je pense que celle-ci fait trop "balade estivale dans les jardins pour cueillir des marguerites", objecta la jeune immortelle en enroulant une mèche de cheveux bruns autour de ses doigts. Mais tu as un goût vestimentaire beaucoup plus sûr que le mien. Peu importe celle que tu choisiras, ta robe t'ira forcément.

Avec un soupir, la réserviste ne tergiversa pas davantage et attrapa un amas de tissu rouge foncé. Autant rester sur des valeurs sûres.

— J'ai parlé à Jae-Sun, reprit Danila avec un petit sourire encourageant. Il affirme qu'en général, les conseils se déroulent plutôt tranquillement. De toute façon, sans vouloir te vexer, je ne pense pas que les chefs ou le roi te demandent réellement ton avis. Tu serviras plus de...

— Plante verte ? Décoration ? compléta l'intéressée en partant vers son coffre à bijoux.

— Eh bien... Je ne l'aurais pas formulé exactement comme ça, mais... Puisque tu le dis.

Toutes les trois s'esclaffèrent, tandis qu'Alisée s'efforçait de dédramatiser la situation. Ce n'était pas la première fois qu'elle devrait jouer les ornements muets et insignifiants. Dame Miranda n'avait jamais hésité à la réduire à ce rôle. Elle aurait cependant aimé ne plus être qu'un simple joli vase.

Un bocal sans importance, dont on ne se préoccupait jamais du contenu.

Arrête de te lamenter, s'agaça-t-elle. Tu préfèrerais plutôt arpenter les rues de Mendoza, peut-être ? Ce qu'elle pouvait s'exaspérer lorsqu'elle s'apitoyait ainsi sur son sort !

— Et à votre avis, le roi apprécierait plus une plante avec un collier doré ou argenté ? s'amusa-t-elle en désignant deux bijoux qui à eux seuls, auraient largement suffi à remplacer ses trente pièces d'or nécessaires.

— Il faut que tu mettes le plus voyant que tu puisses trouver ! s'exclama Danila en se levant pour la rejoindre. Comme ça, ton éclat éclipsera celui de Beatricia.

Tout en gloussant, Alisée accepta une rivière de pierres précieuses qui habillerait à merveille son décolleté. Après tout, mieux valait prendre les choses à la légère : si elle sortait de ce conseil sans trop faire de vagues, elle pourrait sûrement espérer se rendre à Mendoza le lendemain. Cela signifiait donc qu'il ne lui restait que vingt-quatre heures avant d'enfin avoir des nouvelles de sa famille. Et si tu sais où se trouve Damien, alors tu t'enfuiras de ce château sans plus regarder en arrière.

Elle serait désolée pour Danila et Nessa, mais les deux jeunes filles finiraient vite par l'oublier.

En attendant, elle acheva de se préparer, puis se mit en route pour la salle où se tenaient les conseils. Guidée par la protégée de Jae-Sun, qui connaissait le palais comme sa poche, elle s'arrêta bientôt devant une petite porte entrouverte. Des voix leur parvinrent depuis l'intérieur. La réserviste pria pour ne pas être en retard et être exemptée de faire son entrée sous tous les regards.

Son amie l'encouragea à frapper le battant, ce qu'elle fit après avoir redressé la tête et pris une inspiration. Comme personne ne témoigna du moindre signe qu'on l'avait entendue, elle se permit de doucement pousser la porte. Elle se retrouva alors face à une petite salle circulaire, aménagée d'une magnifique table ronde en son centre. Le bois massif luisait sous la lumière d'un joli lustre plutôt sobre, qui éclairait les lieux avec un doux éclat.

Cinq personnes se tenaient attablées sur d'élégantes chaises rouges aux coutures dorées, dont Beatricia, Branwell et Jae-Sun. Si la première ne prit même pas la peine de jeter un coup d'oeil à la nouvelle venue, les deux autres l'observèrent attentivement : l'un avec le même regard avide que d'ordinaire, l'autre pour la saluer, ainsi que faire un signe discret à Danila qui était restée près de la porte.

— Mademoiselle ! s'exclama le chef du clan McLawrence avec un insupportable sourire mielleux. Que nous vaut cet honneur ?

Sa remarque attira l'attention des deux autres personnes présentes, qui jusque-là, étaient trop absorbées dans leur conversation pour la regarder. L'une était une femme qui physiquement, devait avoir une quarantaine d'années. Ses cheveux blonds parsemés de quelques mèches grises étaient tirés en un chignon sévère, qui rappela à Alisée celui de Dame Miranda. Cependant, ses yeux marron dégageaient une chaleur rassurante, à l'inverse du regard glacial de Beatricia qui pesait sur elle.

Le voisin de la femme blonde était également plus vieux que la plupart des courtisans, ses courts cheveux blancs contrastant avec sa peau noire.

— Sa Majesté m'a invitée en tant que...

Elle hésita. Un vague sourire moqueur commença à se peindre sur le visage du frère et de la soeur, alors elle se hâta de compléter :

— En tant que conseillère.

— Oh vraiment ? pouffa Beatricia. Hormis avec votre collier aveuglant, je ne vois pas exactement en quoi vous allez pouvoir éclairer nos lanternes...

Visiblement, son coeur perforé par la princesse se portait à merveille.

— Si toutes les personnes présentes à cette table devaient obligatoirement être d'une quelconque utilité, intervint sereinement Jae-Sun, alors il ne resterait plus grand monde.

Les deux vampires qu'Alisée ne connaissait pas s'esclaffèrent, rejoints par Danila qui se tenait toujours derrière la porte. D'un seul regard, son chef de clan lui indiqua gentiment de partir, l'arrivée du roi ne devant sans doute plus tarder. Elle adressa un dernier sourire à son amie, puis s'en alla.

La belle vampire s'installa sur la chaise que lui désigna Jae-Sun, juste à côté de la sienne. Elle se retrouva face aux deux inconnus, qui lui rendirent le sourire qu'elle s'efforça de leur adresser. Dire qu'elle n'était pas à l'aise aurait été le minimum que l'on pouvait avouer... Et les yeux sombres de Branwell qui pesaient encore sur elle ne l'aidèrent pas tellement à se sentir mieux.

Elle tâcha de l'ignorer, tandis que le dirigeant du clan Song lui présentait les autres vampires :

— Voici Madelaine, cheffe du clan Bel-Iris, ainsi que Duma, qui est à la tête des Manawé.

Elle inclina la tête dans leur direction, heureuse de pouvoir mettre des visages sur des noms de clans dont elle entendait parler. Désormais, elle connaissait la majorité des membres les plus éminents de la Terre des Vampires. En moins d'un mois, cela représentait presque un exploit.

— Dites-moi, mademoiselle Alisée, persifla Branwell comme s'il lisait dans ses pensées, vous connaissez décidément une ascension fulgurante ! Quelques semaines plus tôt, nous ignorions tous votre existence, mais voilà que vous vous retrouvez à notre table... Je ne serais même pas étonné si vous deveniez cheffe de clan avant la prochaine pleine lune !

— C'est à se demander de quelle manière vous vous y êtes prise, compléta Beatricia en attrapant une carafe en verre pour se remplir un gobelet de sang.

— Elle a sûrement dû prendre exemple sur vous, intervint la princesse Isabella en débarquant dans la pièce. Vous êtes bien placée pour savoir qu'avec mon père, le pouvoir s'obtient par divers chemins...

Son entrée, ainsi que celle de ses deux gardes du corps, découragèrent les plaisanteries de Beatricia. Cette dernière attrapa son verre du bout des doigts, tandis que Son Altesse prenait place le plus loin d'elle possible.

— Heureuse de voir que vous vous portez comme un charme, minauda la fille du roi à l'intention de la cheffe de clan.

Puis sans lui laisser le temps de grimacer une réponse, elle fit volte-face vers Alisée. Celle-ci s'interdit de se dérober à son regard bleu perçant, dont l'étincelle d'espièglerie lui rappelait définitivement celle d'Adrian.

— J'avoue être surprise, déclara Isabella en agitant ses doigts graciles dans sa chevelure noire. D'habitude, mon père évite de mêler ses trophées de chasse aux affaires importantes... Finalement, il faut croire que vous avez réussi à lancer une mode, Beatricia.

Aucune des deux concernées ne prononça un mot. Loin de se formaliser du manque de réactivité de son auditoire, la princesse claqua des doigts en direction de ses gardes. Les soldats, restés sagement en retrait derrière elle, les mains croisées dans le dos, s'avancèrent aussitôt. Il s'agissait des mêmes que ceux présents aux Jeux de Mendoza, y compris le séduisant brun aux yeux bleu-vert ayant combattu la Blackfire. Il sortit de sa poche un petit carnet qu'il tendit à Son Altesse, alors que l'autre lui donnait une petite flasque métallique.

Isabella prit d'abord le temps de boire une gorgée, puis s'intéressa au contenu du livret.

— Alors, qu'avons-nous ce soir ? commença-t-elle en feuilletant les pages avec légèreté, sans s'adresser à personne en particulier. Un nombre toujours plus important de Sans-Clan, quelques légers conflits à la Frontière... Bref, rien de bien excitant.

Alisée aurait juré avoir vu son garde du corps brun lever les yeux au ciel. Beatricia et Branwell ne se gênèrent pas pour le faire éhontément. En ce qui les concernait, les trois autres chefs de clan, dont Jae-Sun, prêtaient une attention particulière à la princesse.

— Je crois que cette recrudescence de Sans-Clan devrait nous inquiéter, se permit d'intervenir la femme se prénommant Madelaine. Depuis le meurtre de Paolo qui a entraîné la dissolution du clan Jornes, de nombreux vampires se sont retrouvés sans dirigeant, ni protection. Et je crains que cela ne commence à nous échapper...

— Je suis bien de votre avis, fit le roi qui avait choisi ce moment pour montrer son nez. Nous pouvons d'ailleurs remercier nos amis loups-garous d'avoir semé ce bazar...

Il referma la porte derrière lui et alla ensuite s'asseoir juste à côté de sa "fille", bien que leurs huit années d'écart d'âge physique rendent cette idée perturbante. Il ne prêta aucune attention à la réserviste, pas plus qu'aux autres chefs qui ne s'étaient même pas levés lors de son arrivée.

— Je pense toujours que la solution serait de créer un nouveau clan, proposa Branwell en volant le gobelet de sa soeur afin de jouer avec. Je sais que nous en avons déjà brièvement parlé lors de notre dernière réunion, mais cela reste l'unique option raisonnable pour tout le monde.

— Justement, répliqua Isabella avec un air de défi, à la fin de notre précédente entrevue, vous aviez consenti à réfléchir à mon idée. À savoir, accepter de recevoir plus de membres dans votre clan. Avez-vous consacré deux minutes de votre précieux temps afin de poser vos pensées sur ce sujet ?

Visiblement, le conseil était commencé. Alisée s'étonna d'abord qu'il reste autant de chaises vides. Elle en compta cinq, puis se rappela que cela correspondait au nombre de chefs qu'elle n'avait pas encore rencontrés. Ils devaient certainement vivre sur leurs propres territoires, préférant agir sur le terrain que flâner à la Cour. Elle ignorait quel choix était le plus efficace.

— Je n'ai pas changé mes positions, affirma Branwell avec un certain sérieux. Je persiste à croire qu'augmenter le nombre de places dans chaque clan ne fera que nous affaiblir. Créer un nouveau groupe permettra de diminuer significativement les Sans-Clan. De cette manière, aucun de nous n'aura à voir son budget réduit.

— Cela ne change en rien le problème, contra la princesse. Contrairement à ce que vous aimez croire, l'argent ne tombe pas du ciel. Si nous fondons un clan, nous devrons également lui attribuer une somme de pièces d'or pour subvenir aux besoins de ses membres. Et nous trouverons ces ressources en puisant dans les comptes de chaque groupe actuellement en place.

Le dirigeant des McLawrence répliqua aussitôt, bien décidé à tenir tête à Son Altesse.

Si elle eut d'abord du mal à suivre la conversation, Alisée mit à profit ses souvenirs pour comprendre l'origine du problème. Peu de temps avant qu'elle ne quitte la Terre des Loups, un scandale avait éclaté : lors d'une nuit de pleine lune, un mystérieux lycanthrope avait assassiné un vampire, qui se trouvait être un membre éminent de la Cour des immortels. Grâce à des circonstances rocambolesques, la belle vampire avait même fini par deviner quel loup était à l'origine de ce meurtre, même si cette information ne devait s'ébruiter...

L'événement ayant été plutôt rapidement étouffé, il n'avait causé aucune grave tension entre les deux espèces. Cependant, la perte d'un chef de clan semblait avoir entraîné une certaine pagaille sur la Terre des Vampires. D'après ses déductions, elle crut comprendre qu'aucun successeur n'avait remplacé le dirigeant tué, réduisant ses anciens protégés au statut de pauvres Sans-Clan.

— Je savais que vous continueriez à jouer les autruches, alors j'ai effectué quelques petites recherches pour vous montrer que vous avez tort, lança Isabella avec dédain à l'adresse de Branwell.

Il venait d'essayer de lui prouver de mille façons possibles qu'augmenter les places dans chaque clan serait une catastrophe. La princesse, loin de se laisser abattre, parcourut énergiquement son petit carnet. À grands coups de taux de pauvreté affolants, ainsi que de chiffres édifiants concernant l'augmentation des violences entre individus, elle démantela tout l'argumentaire du dirigeant.

Malgré sa prétendue désinvolture affichée au début de la rencontre, il devint bientôt évident que Son Altesse ne prenait pas son rôle à la légère. Aucun détail concernant son royaume ne lui échappait. Son livret, d'apparence pourtant insignifiant avec sa vieille couverture déchirée, recelait d'informations précises sur tous les sujets possibles. Elle savait exactement comment les utiliser pour convaincre son opposant, ce qui n'empêcha pas ce dernier de rester fixé sur ses idées :

— Je suis désolé, mais c'est absolument hors de question, affirma-t-il calmement une fois qu'elle eut reposé son carnet. Le plus important est de préserver la puissance et l'autorité de chaque clan. Si nous ne sommes plus capables d'assurer cela, alors ce ne seront pas quelques milliers de miséreux qui traîneront dans les rues, mais des millions.

Si la princesse avait eu des épées à la place des yeux, nul doute que ceux de Branwell se seraient retrouvés crevés depuis longtemps.

— Personnellement, intervint Beatricia avec un petit air las, je pense que nous devrions laisser les choses comme cela. Pas besoin de rajouter des places dans chaque clan, ni d'en créer un nouveau.

Elle eut au moins le mérite de conférer un point commun à son frère et Isabella : tous deux braquèrent sur elle un regard noir et surpris.

— Ce n'est pas comme si c'était la première fois que nous nous retrouvions dans cette situation, allégua la Blackfire. Dès qu'un clan disparaît sans être immédiatement remplacé, il s'ensuit toujours une période un peu compliquée. Quand les misérables en auront suffisamment marre de leur sort, ils s'exileront vers la Frontière, ou mieux encore, sur la Terre des Loups.

Face à une marée de coups d'oeil peu convaincus, elle ajouta en haussant les épaules :

— Pourquoi essayer de guérir une maladie quand ne pas la soigner peut la faire partir ?

— Évidemment que vous ne voulez pas agir, rétorqua la princesse. La dissolution du clan Jornes, qui était voisin du vôtre, pourrait considérablement faire augmenter la superficie de votre territoire si nous consentions à vous céder temporairement leur terrain. Sauf que justement, les membres de votre clan se portent plus mal que jamais.

Beatricia leva un sourcil et ses lèvres se plissèrent en une moue dédaigneuse.

— Et puis-je savoir pourquoi vous avancez cela ?

Cette fois, la fille du roi ne dégaina pas son carnet.

— Étant donné que l'ancien territoire des Jornes n'est en ce moment plus gouverné par qui que ce soit, il y règne une totale anarchie. Et que font les anarchistes ? Ils profitent de ceux qui sont dans une situation presque aussi fragile que la leur pour les faire basculer de leur côté.

— Si je comprends bien, gloussa la cheffe de clan, vous sous-entendez que mes sujets sont "fragiles" ?

— Déjà, ce ne sont pas vos sujets, la reprit Isabella avec un petit sourire mauvais. Par chance, connaître la qualité du lit de mon père n'octroie pas encore le titre de reine. Heureusement, sinon nous nous retrouverions avec des milliers de monarques à nourrir...

Alisée s'attendit à ce que le souverain intervienne, mais il ne bougea pas d'un cheveu. À vrai dire, depuis le début du conseil, il n'avait pas témoigné du moindre signe de présence d'esprit. Il se contentait de sortir sa flasque de temps à autre, les yeux perdus sur le bois lumineux de la table. Quelques fois, la réserviste croyait le voir jeter des coups d'oeil dans sa direction, sentant l'éclat de ses iris briller sur elle. Pourtant, dès qu'elle osait furtivement l'observer, elle le trouvait muré dans sa contemplation du meuble.

— Deuxièmement, ajouta son héritière, les Blackfire commencent à en avoir assez de vous, Beatricia. Si vous preniez le temps d'écouter les nouvelles en provenance de votre territoire, vous apprendriez qu'ils se sentent négligés et mis de côté.

La soeur de Branwell éclata d'un rire tonitruant.

— Alors là, vous m'en apprenez une, Votre Altesse ! Encore une fois, qu'est-ce qui vous pousse à tenir de tels propos ?

Comme si la princesse attendait précisément cette question, elle sortit une lettre cachée dans son carnet et la jeta à son ennemie. Cette dernière toisa le morceau de papier avec mépris, avant de le déplier du bout de ses griffes.

— Je ne vois pas en quoi cela me concerne, déclara-t-elle après avoir lu son contenu en diagonale. Ce rapport fait état d'agitation sur le territoire du clan Tanner, pas sur le mien.

— Dois-je réellement vous sortir une carte ? s'exaspéra Isabella de sa voix presque enfantine. Les Tanner vivent juste à côté de vous. Rien n'empêche des Blackfire de se rendre chez eux pour se lamenter discrètement. Comme on dit, mieux vaut battre le loup de son voisin que le sien.

Sa métaphore laissa l'assemblée dubitative, y compris son garde du corps brun qui eut l'audace de hausser les sourcils. Heureusement, comme il se tenait derrière Son Altesse, celle-ci ne le remarqua pas. Elle se contenta d'écouter avec agacement les protestations de Beatricia.

Alisée, elle, ne saisissait pas la moitié de la conversation. À première vue, il s'agissait avant tout d'une prise de bec futile entre la princesse et la soeur de Branwell. Aucune n'acceptait de concéder le dernier mot à son adversaire. Nul besoin d'être très malin pour deviner qu'elles nourrissaient une rancoeur réciproque, qui ne devait pas dater de la veille... Cependant, la belle vampire comprit vite que derrière ces petits règlements de comptes, se cachaient de réels problèmes.

Même s'il lui fallut mobiliser toute son attention, elle parvint bientôt à trouver un quelconque sens à la discussion : le groupe de Beatricia, déjà fragilisé par des tensions sous-jacentes, était menacé par des Sans-Clan. Ces derniers venaient tout droit de l'ancien territoire Jornes et souhaitaient répandre un certain chaos chez les Blackfire. Attaques de villageois, pillages de boutiques, violences en tout genre... Les pauvres protégés de Beatricia se retrouvaient donc complètement à cran et rejetaient la faute sur une personne : leur cheffe. Pour exprimer leur mécontentement, ils se rendaient dans les tavernes des Tanner, leurs voisins.

Et en attendant, toi, tu attrapes une migraine, songea la réserviste, débordée par toutes ces informations. Les autres dirigeants délivraient leurs opinions à tour de rôle, chacun ayant un avis plus ou moins précis sur la question. Jae-Sun, ainsi que les deux chefs de clan dont Alisée venait tout juste de faire la connaissance, se rangeaient plutôt du côté d'Isabella. Toutefois, ils ne semblaient pas non plus estimer que ces tensions chez les Blackfire vaillent vraiment la peine de s'inquiéter.

— Je ne suis pas non plus une débutante, se désolait Beatricia face aux insistances de la princesse. Cela fait près de quatre cents ans que je dirige mon clan. Je sais reconnaître une situation préoccupante, or celle-ci est juste un...

Elle réfléchit un instant en agitant sa main.

— Un malheureux dommage collatéral suite à la disparition des Jornes, conclut-elle. Ne faisons rien, observons comment se déroulent les choses, puis nous aviserons si le problème persiste. N'est-ce pas ce que nous faisons toujours ?

Isabella poussa un long soupir excédé, mais ne chercha plus à insister.

— Comme vous voulez, abdiqua-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine. Ce conflit implique tout de même deux clans actuels, ainsi que les membres d'un ancien, or si vous estimez que cela n'en vaut pas la peine, alors soit. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous ai proposé aucune solution.

La Blackfire parut prête à lever les yeux au ciel. Néanmoins, sa lassitude tangible la poussa à ne pas rouvrir les hostilités.

Ainsi, un silence bienvenu tomba sur l'assemblée. Quelques-uns en profitèrent pour se resservir un verre, comme si tout le monde s'accordait pour marquer une trêve. Jae-Sun adressa un léger sourire grimaçant à Alisée, comme s'il lui envoyait son soutien. Il devait sans doute la croire noyée sous toutes ces informations, et à vrai dire, ne se trouvait pas très loin de la vérité.

Pourtant, dans une certaine mesure, être au coeur des préoccupations d'un royaume plaisait à la belle vampire. Même si ses connaissances en politique étaient plus que réduites, il lui semblait être au milieu de la Trilogie des Âmes, lorsque les souverains discutaient d'affaires importantes avec leurs conseillers.

Sauf qu'en l'occurrence, le roi demeurait parfaitement muet. Pas une seule fois il n'avait exprimé son avis, laissant sa fille et les chefs de clan s'opposer librement. Il devait avoir vidé au moins cinq de ses flasques, une désagréable odeur de sang de vampire imprégnant la pièce dès qu'il les ouvrait.

Au bout d'un moment, il finit par remarquer que le calme n'attendait que lui pour se rompre et commença d'une voix tranquille :

— Je suis d'accord avec Beatricia. Nous ne créerons aucun nouveau clan, ni n'ajouterons aucune place dans ceux déjà existants. La situation n'est pas encore assez critique.

Cette déclaration mit en rogne aussi bien Isabella que Branwell, mais ils se contentèrent de discrets regards irrités.

— Toutefois, ajouta le monarque, j'aimerais connaître votre avis, mademoiselle Alisée. Que pensez-vous de tout cela ?

Face aux neuf paires d'yeux qui se retrouvèrent rivées sur elle — y compris celles des gardes royaux — la réserviste se sentit soudain légèrement mal à l'aise... D'autant plus que la princesse semblait lui prêter une attention redoublée, attendant sûrement la plus petite parole de travers pour se moquer d'elle.

— Eh bien... J'imagine qu'il existe un millier de détails dont je n'ai pas conscience, mais... D'après vos dires, le problème viendrait des Sans-Clan et de l'agitation qu'ils génèrent. Vous en parlez comme s'ils étaient des chiens fous impossibles à contrôler, dont le seul but serait de tout détruire sur leur passage...

Elle marqua une pause, certaine que ses prochaines paroles allaient la ridiculiser. Malgré tout, chacun des attablés paraissait attendre qu'elle poursuive, alors c'est ce qu'elle fit :

— Mais si je ne me trompe pas, avant de perdre leur clan après la disparition de leur chef, ces gens vivaient sereinement au sein de leur territoire, non ? Ils devaient avoir un logement, un emploi, peut-être même une famille et des amis... Rien que parce qu'ils n'ont plus de dirigeant, l'équilibre de toute une contrée a soudainement volé en éclats ?

Il y avait pour sûr beaucoup trop de naïveté dans ses propos. Cependant, elle ne comprenait pas pourquoi tout le monde parlait de ces Sans-Clan comme s'ils ne possédaient aucune raison.

— Vous n'avez jamais vécu sur la Terre des Vampires, n'est-ce pas ? l'interpella Isabella d'une voix étrangement dénuée de menaces.

Alisée secoua la tête.

— À l'origine, les clans ont une unique fonction, commença la princesse en baissant les yeux. Créer un statut de privilégié pour ceux qui se plient aux ordres de la monarchie. Du moment que vous apportez une offrande convenable à mon père et que vous payez les autres impôts qui vous sont réclamés, vous avez une place dans un groupe.

Tout cela, la réserviste était bien placée pour le savoir...

— Néanmoins, il faut également contribuer à faire prospérer son clan, c'est-à-dire travailler pour lui et respecter les ordres qui y sont établis. En échange, vous avez la garantie d'avoir un toit sur votre tête, des soldats pour vous protéger, ainsi que du sang dans votre verre. Vous pouvez posséder autant de Neutres que vous le désirez, qu'ils soient achetés ou volés. En clair, vous menez une petite vie tranquille, comme dans un joli conte pour enfants. Sauf que d'un coup...

Elle claqua subitement des doigts, faisant sursauter Branwell que son discours commençait à lasser.

— D'un coup, la bulle du joli conte peut éclater. Votre chef de clan meurt ou renonce à ses fonctions, alors vous perdez tout. En quelques semaines, les soldats qui jusque-là vous défendaient vous excluent de chez vous, et vous devenez ceux contre qui ils vous protégeaient : des Sans-Clan.

Elle se tut quelques secondes, le temps de laisser planer un silence théâtral.

— Vous vous retrouvez à la rue, sans droit d'occuper un travail, ni de posséder des Neutres. Tout ce qu'il vous reste est l'argent que vous avez eu ou non la sagesse de mettre de côté, ainsi que votre rage de vous battre.

— Pour faire simple, intervint Jae-Sun comme Alisée commençait à ouvrir de grands yeux, vous ne représentez plus rien pour la société. Les milices au service des clans tentent de vous chasser de leur territoire et il ne vous reste plus nulle part où aller. Si vous voulez vous nourrir, il vous faut entrer dans des trafics de Neutres, qui sont évidemment surveillés de près par les miliciens.

— En clair, reprit Son Altesse avec un léger sourire terrifiant, soit vous finissez desséché par manque de sang, soit vous vous faites tuer par des soldats qui n'ont en général aucun mal à repérer les voleurs de Neutres.

Il fallut un long moment à la belle vampire avant de trouver quoi dire. Parmi toutes les questions qui l'assaillaient, elle tâcha de sélectionner les moins stupides :

— Mais... Mais pourquoi exclure ces gens de chez eux ? Pourquoi ne pas les laisser suivre le cours de leur vie en se contentant de leur attribuer un nouveau chef de clan ? Si jusque-là tout fonctionnait correctement, il n'y a aucune raison de corrompre cet équilibre à cause de la disparition d'un seul dirigeant, si ?

La réponse se fit attendre, si bien qu'Alisée se demanda s'il en existait seulement une. Ce fut finalement Sa Majesté qui prit la peine de la lui fournir :

— L'immortalité. Voilà votre raison.

Elle le dévisagea, attendant plus d'explications.

— Nous sommes un vaste royaume, déclara solennellement le roi. Cependant, nous avons nos limites. Si nous n'effectuons pas un certain tri lorsque cela est nécessaire, alors nous nous retrouverions submergés d'immortels dont nous ne pourrions pas subvenir aux besoins. La dissolution d'un clan et la misère qui s'ensuit sont toujours des moyens efficaces d'effectuer ce tri. En veillant bien sûr à garder le contrôle de la situation et à prendre les décisions adéquates avant que les choses ne dégénèrent.

Le cheminement de tout cela avait beau se faire dans l'esprit de la réserviste, elle refusait d'y croire. Ainsi, le monarque répandait volontairement le chaos dans son pays afin... d'éradiquer la surpopulation ?

— Mais... Mais c'est...

— Injuste ? Horrible ? Lâche ? Une honte ? proposa la princesse. Bienvenue sur la Terre des Vampires.

Son petit sourire malsain finit de glacer les os d'Alisée. Cette dernière entrouvrit plusieurs fois les lèvres, sans que la moindre parole ne lui paraisse appropriée. Elle n'avait qu'une envie : quitter cette table et oublier tout ce qu'elle venait d'apprendre. Évidemment, elle n'ignorait pas que le roi était réputé pour avoir des méthodes radicales, mais...

Quelques beaux livres avaient suffi à lui faire oublier où elle se trouvait vraiment : au milieu de dangereux dirigeants qui dans l'ombre, contribuaient à tuer ceux dont ils étaient responsables.

Jae-Sun, ainsi que ses semblables, conservèrent les yeux baissés vers la table, dans un silence chargé de tension. Même Adrian ne parvint à soutenir le regard de la réserviste. Seule sa fille eut le courage d'y lire tout le dégoût et l'effroi qui y brillaient. Isabella ne fit toutefois plus aucun commentaire.

— Je crois que nous pouvons donc en rester là, conclut le monarque en se levant sans crier gare. Mademoiselle, un garde vous accompagnera à la capitale dès la nuit prochaine.

Puis avant qu'elle ne puisse poser la moindre question supplémentaire, il quitta les lieux. Sa fille et les chefs ne tardèrent pas à le suivre, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Jae-Sun et Alisée.

Un certain trouble voilait les iris marron du vampire. Il finit par prendre une inspiration inutile, comme s'il se décidait enfin à parler, mais l'immortelle le devança :

— Ce n'est pas de votre faute, je le sais, déclara-t-elle avec une dureté impossible à refouler. J'imagine que je n'ai de toute façon aucun droit de parler de tout cela, mais soyez rassuré, Danila ne saura rien.

Elle ne lui laissa pas un instant pour réfléchir à une réponse. Se levant de sa chaise à vitesse vampirique, elle le laissa à son sort.

Une seule hâte la dévorait : celle de retrouver son frère et enfin quitter ce maudit palais.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro