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Chapitre 15 - Épées dans le coeur

La semaine suivante n'apporta pas la moindre nouvelle. Le bureau des archives ne témoigna d'aucun signe, plongeant Alisée dans un mélange de désespoir et d'agacement. Cela allait bientôt faire trois semaines qu'elle vivait au palais. La nuit de son arrivée, une part d'elle — celle atteinte par ce puissant fléau qu'était la stupidité — espérait trouver son frère en un instant. Elle voulait bien croire que rien ne pouvait être aussi facile, mais combien de temps devrait-elle encore attendre ? Tout lui devenait de plus en plus difficilement supportable, sans parler de l'inquiétude qui la rongeait désormais au sujet de Nehanda...

Seule une personne réussissait à apporter un peu de gaieté dans sa vie : Danila. Cette dernière avait entamé sa lecture de Quatre mariages et un bain de sang et ne pouvait désormais plus s'en passer. Dès qu'elle terminait un chapitre, elle s'empressait de trouver Alisée pour commenter certains événements.

— Cette Dame Caroline est vraiment stupide ! s'exclama-t-elle un jour en faisait irruption dans sa chambre. Pourquoi voudrait-elle se marier avec ce vieil abruti qui sort de nulle part ? Ce n'est pas logique, puisqu'elle a déjà passé une nuit avec John ! Si elle tient tant que ça à "racheter son honneur", fit-elle en levant les yeux au ciel et mimant des guillemets, c'est lui qu'elle doit épouser ! Pourquoi faut-il toujours que les auteurs rendent les choses si compliquées ?

La réserviste gloussa, puis lui conseilla de vite lire les chapitres suivants. Le mariage de cette Dame Caroline et de ce "vieil abruti" n'allait plus tarder, tout comme le fameux bain de sang...

— Je les lirais bien tout de suite, répondit la jeune vampire, mais les Jeux de Mendoza nous attendent ! Enfile vite une cape et nous pourrons partir !

La veille, elle avait demandé à Alisée la permission de la tutoyer, ce qui arrangeait bien l'intéressée. Elle appréciait cette impression d'avoir une amie à laquelle elle pouvait parler librement.

— Le soleil vient tout juste de se coucher et j'ai à peine fini de me préparer. Ne crois-tu pas que nous ferions mieux d'attendre un peu avant de nous rendre dans les jardins ?

Même si elle avait tâché d'y trouver un quelconque intérêt, ces festivités ne la réjouissaient guère... Comme elle serait plus tranquille à rester cloîtrée dans sa chambre ou à la bibliothèque !

— Tout le monde est déjà descendu, s'enthousiasma Danila en tapant dans ses mains. Jae-Sun est un peu comme toi et n'aime pas trop ce genre d'événement, mais il est toujours le premier à se rendre aux Jeux !

— Nous avons la nuit devant nous et de toute façon, je dois attendre que...

L'arrivée de Nessa et de son chariot mit un terme définitif à ses protestations. Contrairement à l'ordinaire, la femme de chambre ne portait pas sa tenue bleu ciel et son tablier blanc, mais une jolie robe rose en mousseline qui évoquait le printemps. Un beau chapeau de paille orné d'un ruban recouvrait même ses cheveux blonds.

— Bonsoir, mes demoiselles, déclara-t-elle avec son doux sourire. Je prends simplement un peu de votre sang, mademoiselle Alisée, et vous pourrez descendre aux jardins.

— Je croyais que vous aviez votre nuit de libre, se surprit la belle vampire en lui tendant son bras.

Elle était désormais rompue aux prises de sang, ne sentant presque plus la douleur. Presque, songea-t-elle en retenant un gémissement face aux picotements causés par l'entaille. Danila grimaçait en observant le liquide rouge s'écouler dans la flasque, comme si elle avait mal à sa place. Cependant, par respect pour la domestique qui devait sûrement bien plus souffrir en fournissant chaque jour de son essence vitale, elle s'abstint de tout commentaire.

— En effet, je pourrai disposer de mon temps comme je l'entends et assister aux Jeux, mais je dois d'abord récolter le sang nécessaire à Sa Majesté. Il ne me reste que quelques prélèvements à effectuer.

— Le roi ne pourrait-il pas se passer de se nourrir pour une nuit ? fit remarquer Alisée avec exaspération.

Après tout, puisque absolument rien ne pouvait entraîner sa mort, il devait bien pouvoir faire une petite entorse à son régime alimentaire... Si on y réfléchissait, il n'avait besoin d'aucun sang pour rester en "vie".

— C'est déjà aimable de sa part de nous laisser tranquilles le reste de la nuit, répondit Nessa en haussant les épaules. Cela me fait uniquement perdre une heure, ce qui n'est pas très grave. Les combats les plus intéressants se déroulent en général à la fin des festivités.

Ces histoires de "combats" ne tentaient pas trop la réserviste, mais chatouillaient néanmoins sa curiosité. Du moment qu'elle n'avait pas à y prendre part, cela lui allait très bien.

Une fois la flasque remplie, la domestique laissa la belle vampire cicatriser, puis plaça la petite bouteille dans son chariot.

— Nous pouvons vous attendre, si vous voulez, proposa Danila avant qu'elle ne quitte la pièce. Comme ça, nous irons aux Jeux toutes les trois !

— C'est très gentil, mademoiselle Song, la remercia Nessa, touchée, or je ne voudrais pas vous embêter...

— Mais pourquoi donc tout le monde croit-il m'embêter ? s'écria la concernée. Ne vous inquiétez pas, nous avons bien quelques minutes. Je viens de réaliser que je n'avais pas pris de chapeau, il va falloir que je repasse à ma chambre en chercher un.

— Mes placards en sont remplis et jusque-là, je n'ai jamais eu l'occasion d'en mettre un, intervint Alisée. Il doit bien y avoir un modèle qui pourrait te convenir.

Tandis que la femme de chambre s'éloignait après avoir finalement accepté de les retrouver dès ses prélèvements terminés, les deux immortelles se mirent en quête d'un couvre-chef pour chacune d'elles. Ce ne fut pas une mince affaire, la plus âgée détestant les chapeaux. Non seulement ils tenaient difficilement sur ses épais frisottis bruns, mais en plus elle se sentait ridicule. Sur la Terre des Loups, ils n'étaient pas très en vogue et l'on pouvait facilement s'en passer. Ici, il semblait que sortir à l'extérieur la tête nue passait presque pour inconvenant.

— Tu n'as qu'à plutôt prendre une ombrelle, la conseilla Danila.

— Une ombrelle ? répéta-t-elle, incrédule. C'est absurde, il fait nuit, je n'en vois pas...

À la réflexion, un chapeau était-il réellement plus utile ? Résignée et lassée par toutes ces simagrées de la Cour, elle attrapa celle qui se trouvait dans son armoire. Ce genre d'objet n'existait même pas sur le territoire des loups-garous.

Sans plus faire de manières, elles quittèrent la chambre pour retrouver Nessa, qui les attendait au bout du couloir.

— Nous avons mis tant de temps que ça ? s'alarma Alisée, étonnée que la domestique ait déjà fini son travail.

— Non, rassurez-vous, gloussa-t-elle. Drew m'a proposé de ramener le sang collecté à Sa Majesté. Il nous rejoindra tout à l'heure.

Elles se mirent sur la route des jardins, vers lesquels tous les courtisans affluaient. Quel est le rôle de tous ces gens, exactement ? s'interrogea la belle vampire avec perplexité. Maintenant que les recherches au sujet de son frère l'obsédaient moins, elle prenait conscience de toute la masse de personnes inutiles qui vivaient au palais. Que quelques chefs de clans demeurent près du roi se comprenait, mais à quoi servait le reste ? Pour la plupart, il s'agissait d'amis et de fidèles des dirigeants. Ils profitaient de tous les privilèges et divertissements d'une vie royale, sans autres tâches à accomplir que rire et enfiler de jolies toilettes. Elle s'obligea cependant à ne pas être trop critique envers eux, Danila faisant après tout partie de leur catégorie. Et toi aussi, en quelque sorte.

Arrivée dans le grand hall, elle prit le temps de lever les yeux vers les si étincelantes chandelles du lustre. Le réel mystère de ce palais restait la somme que dépensait le monarque en bougies...

Néanmoins, cette question quitta bien vite son esprit lorsqu'elles dépassèrent d'immenses portes-fenêtres menant aux jardins. Elle apprécia d'abord l'air frais qu'elle n'avait pas respiré depuis trop longtemps, puis prêta attention aux centaines de bosquets qui s'étendaient à perte de vue. Chacun des petits buissons portait une lanterne, éclairant les lieux d'un éclat jaune aussi scintillant que les étoiles. De minces allées serpentaient à travers les végétaux, formant une espèce de labyrinthe d'où dépassaient des hauts-de-forme et des ombrelles. Des exclamations hilares leur parvenaient de tous les côtés, mélangées à des tintements de métal.

— Les duels ont dû commencer ! s'écria la jeune vampire en sautillant. Venez !

Elle mena ses compagnes à travers les arbustes, se laissant guider par le tumulte des combats. Elles dépassèrent divers plants de lilas, fuchsias, amandiers fleuris, et autres fleurs dont Alisée ignorait le nom. Toutes ces belles couleurs, apportées par la fin du printemps, l'émerveillaient. Chaque végétal s'harmonisait parfaitement avec son voisin, comme si la moindre nuance des pétales avait été soigneusement pensée. Ce lieu allait presque finir par concurrencer la bibliothèque...

Elles parvinrent bientôt sur une parcelle de terrain dégagée, entourée par les bosquets. Un attroupement se formait autour d'un carré de terre, où l'herbe avait été arrachée à force de piétinements. Ces derniers étaient causés par des combattants, dont les épées fendaient l'air et s'entrechoquaient avec fracas. Danila fendit la foule bruyante pour s'approcher au plus près du combat, ses amies sur les talons.

— Ah te voilà ! s'exclama-t-elle en apercevant Jae-Sun, debout aux premières loges. J'étais sûre que tu serais là.

Les bras croisés sur sa veste noire et l'air vaguement ennuyé, il paraissait moins enthousiaste que ce que sa protégée avait laissé entendre.

— C'est uniquement parce que je savais que tu passerais ici en premier que je suis venu, déclara-t-il avec son calme habituel.

Danila observa quelques instants le duel en cours, avant de soupirer et de se tourner vers son petit groupe.

— Ça ne deviendra vraiment intéressant qu'en fin de nuit, fit-elle, apparemment fine connaisseuse. En attendant, nous pouvons faire le tour des autres activités.

Personne n'émit d'objection, les combats à l'épée n'étant la tasse de thé d'aucun des trois autres. Ils circulèrent à travers les allées bordées d'arbustes, découvrant un nouvel espace de jeu à chaque détour. Des courtisans s'adonnaient gaiement à des lancers de fer à cheval, essayaient de sauter le plus haut possible pour attraper des rubans, se défiaient à des courses de vitesse surnaturelle... Tout paraissait se dérouler dans une étonnante ambiance bon enfant, sans que la déception d'une défaite ne se transforme en rage sanglante.

En se retournant, Alisée remarqua que l'imposant château les dominait, ses tours infiniment hautes les réduisant à la taille de cafards. Elle repéra au loin les grilles forgées en motifs de roses, qu'elle avait franchies la nuit de son arrivée. Derrière se cachait la tristement sobre petite cour menant à la salle de l'Attribution. Maintenant qu'elle avait découvert les splendeurs que cachait le palais, le maigre aperçu que le roi laissait entrevoir de sa demeure lui paraissait d'autant plus ridicule. Croyait-il vraiment que son peuple se laissait berner par cette apparence de simplicité ? Les récits de festivités telles que celles-ci devaient bien dépasser l'enceinte du château et atteindre la capitale, ainsi que le reste du royaume...

— Nessa ! cria une voix dans leur dos alors qu'ils dépassaient l'emplacement d'un jeu consistant à renverser des boîtes en lançant des balles.

Drew accourrait vers eux, ses cheveux roux coiffés d'un chapeau noir qui n'avait rien à envier à celui des gentilshommes. Il le retira brièvement pour saluer la Neutre, puis rougit légèrement en constatant la présence des vampires. En particulier devant une...

— Ma... Mademoiselle Song, bafouilla-t-il timidement.

Ses lèvres restèrent entrouvertes comme s'il voulait ajouter quelque chose, mais il n'émit plus aucun son.

— Bonsoir à vous, lui répondit Danila avec un sourire un peu hésitant. Excusez-moi, nous devons certainement nous connaître, mais je ne me rappelle plus votre nom...

— Eh bien, non, je...

Il ne put terminer sa phrase, et Alisée chercha le regard de Nessa afin d'obtenir des explications. La domestique gardait cependant les yeux rivés sur le valet. Son expression indéchiffrable laissa la belle vampire dubitative. Elle risqua un coup d'oeil vers Jae-Sun, mais au même moment, un passant l'interpella pour le saluer.

— Et si nous allions chercher l'emplacement du... tir à l'arc ? improvisa-t-elle, tentant ainsi de briser l'étrange silence qui commençait à devenir pesant. Il doit bien y en avoir un, non ?

— Oh oui ! s'exclama son amie, ses émeraudes étincelantes. C'est mon activité préférée !

Ils se lancèrent ainsi à la recherche du stand, la conversation uniquement alimentée par Danila qui exprimait sa passion pour le tir à l'arc. Les deux autres vampires ponctuaient de temps à autre son discours de quelques remarques approbatives, bien que la réserviste n'ait jamais décoché une flèche de sa vie. Les Neutres restèrent muets, l'un par timidité, l'autre parce qu'elle paraissait fascinée par le sol.

Ils atteignirent sans mal un nouvel espace d'herbe, où des courtisans visaient des cibles plus ou moins habilement.

— Euh... En fait, il y a trop de monde, balbutia la jeune vampire en faisant mine de repartir.

— Vas-y, lui ordonna Jae-Sun avec une certaine dureté, compensée par son doux regard encourageant.

— Mais... Mais si je me rate ils vont...

— Tu ne vas pas te rater.

Face à cette déclaration catégorique, elle n'osa pas davantage protester. Elle se dirigea vers un arc et un carquois libres, puis se mit en position pour tirer.

Sa robe fleurie l'empêcha d'aligner son coude exactement comme elle l'aurait voulu, mais son regard s'imprégna d'un calme teinté de concentration. Elle attendit quelques secondes, sans doute afin de détecter le sens du vent, comme le supposait Alisée, puis libéra sa flèche. Celle-ci s'envola dans les airs, avant de rater la cible de quelques centimètres. Des murmures se firent entendre parmi les courtisans qui avaient baissé leur arc pour la regarder. Devinant sûrement que seule la présence du chef de clan les empêchait d'ouvertement se moquer, elle parut prête à s'enfuir en courant, mais le regard du vampire l'en dissuada.

— Recommence, lui intima-t-il d'une voix claire qui mit un terme aux chuchotements.

Si elle secoua d'abord la tête, elle finit par encocher une nouvelle flèche. Cette fois, elle ferma les yeux quelques secondes, certainement pour oublier tout ce qui l'entourait. Un silence tomba, troublé par l'agitation provenant des autres activités. Danila finit par rouvrir les paupières, puis tira aussitôt.

La pointe de sa flèche atteignit la cible en plein dans le mille.

Jae-Sun et Alisée furent les premiers à l'applaudir, bientôt imités par le reste des courtisans. Un sourire timide se dessina sur les lèvres de l'archère, qui baissa les yeux en revenant vers son petit groupe.

— Toi qui prétendais n'être douée dans aucun domaine, tu pourrais faire partie des gardes de la princesse ! s'impressionna la réserviste, ne plaisantant qu'à moitié. Crois-moi, mieux vaut savoir tirer à l'arc que chanter de stupides chansons !

La complimentée gloussa sans la regarder, visiblement peu habituée aux éloges.

— Vous... Vous pensez que vous pourriez m'apprendre ? bégaya Drew en devenant rouge pivoine et en triturant ses doigts.

Danila hocha la tête avec vigueur, puis l'entraîna vers la cible d'où elle venait. Les autres restèrent à l'écart, Alisée parce qu'elle ne voulait pas se ridiculiser, Jae-Sun car il semblait préférer regarder sa protégée s'amuser, et Nessa...

Cette dernière observait Drew et la jeune vampire sans que ses iris marron ne trahissent la plus petite émotion. Alisée ne sut dire si c'était la brise légère qui envolait le ruban de son chapeau, la délicatesse de sa robe rose, ou justement cette absence d'éclat dans son regard, mais la vision de la domestique lui serra le coeur.

— Ils vont bien ensemble, constata-t-elle à voix basse après un moment, plus pour elle-même que les deux immortels.

À voir Drew et Danila rire joyeusement face à la maladresse du valet, il aurait été impossible de prétendre le contraire. Et pourtant... Même si elle se refusait à se mêler de leurs affaires, Alisée avait cru deviner que les Neutres avaient des sentiments l'un pour l'autre, mais que leur manque d'assurance les empêchait de se l'avouer. Or peut-être que Drew commençait à se lasser de la réserve de la femme de chambre, prenant sa timidité pour de l'indifférence. Et face à une si rayonnante jeune fille telle que mademoiselle Song...

Jae-Sun dut lui aussi saisir le trouble de Nessa, mais il demeura muré dans le silence.

— Ne pensez-vous pas que vos combats intéressants vont bientôt commencer ? lança Alisée après que le valet ait réussi à tirer une flèche sur la cible et non pas dans les buissons.

Danila acquiesça et ils revinrent vers l'espace où se tenaient les duels. La domestique gardait un air absent, ne répondant que par politesse aux tentatives de discussions de la réserviste. Elle prétexta finalement une migraine afin de les quitter et refusa que la belle vampire l'accompagne.

— J'ai simplement besoin d'un peu de calme, lui assura-t-elle d'une voix tremblante. Ne vous en faites pas.

Lorsque ses yeux se posèrent une derrière fois sur Drew en pleine discussion avec sa nouvelle amie, ils étaient chargés de larmes. Alisée fit un pas pour la rattraper, mais Jae-Sun secoua la tête. Bien qu'elle eut du mal à s'y résoudre, elle finit par laisser Nessa partir. À l'heure actuelle, elle savait que la Neutre avait besoin d'être seule.

Ses pensées restèrent douloureusement tournées vers elle pendant un long moment, jusqu'à ce que l'arrivée de deux concurrents sur le terrain de combat n'attire son attention. Branwell et Beatricia s'avançaient sur la piste, chacun une épée en main.

— Et maintenant, clama celui qui annonçait les duels, deux illustres gagnants des éditions précédentes, Beatricia Blackfire contre Branwell McLawrence !

Des acclamations fusèrent parmi la foule, qui se faisait de plus en plus dense à mesure que la nuit avançait. Tout le monde se regroupait afin d'observer les combats, y compris la princesse Isabella, entourée de deux de ses gardes du corps vêtus de noir. Elle portait son habituelle robe blanche, qui tranchait avec l'étonnante tenue de Beatricia.

Un pantalon de cuir marron habillait les jambes de la cheffe de clan, moulant ses belles courbes à la perfection. Alisée eut une soudaine pensée pour Kristal, la "vampire enfant" qui vivait avec elle chez Dame Miranda. La petite rousse aurait crié au scandale face à la "vulgarité" d'un tel accoutrement. Sans parler de la tunique blanche qui devait être celle d'un homme ! Malgré tout, Beatricia avait l'air encore plus belle en tenue de combat qu'en robe de soirée. Ses cheveux châtains aux mèches blondes étaient retenus en un chignon, et une lueur de détermination miroitait dans ses yeux bleus.

Le même éclat habitait ceux de Branwell, défiant sa soeur du regard. Pour sa part, il n'avait pas quitté ses vêtements habituels, ayant simplement posé sa veste noire.

— Ils vont vraiment se battre l'un contre l'autre ? demanda Alisée, sceptique.

— Ils sont tous les deux très doués, l'informa Danila. En général, tous les chefs de clan font partie des meilleurs combattants... Enfin presque, ajouta-t-elle en jetant une petite oeillade à Jae-Sun.

— Je sais combattre, déclara-t-il calmement, les bras obstinément croisés sur son torse. C'est seulement que je préfère consacrer mon temps à autre chose qu'aux croisements de fer inutiles.

Le cri d'une trompette résonna. Branwell et sa soeur se mirent en garde. Ils s'adressèrent chacun un petit sourire arrogant, puis un second clairon se fit entendre. En un battement de cils, la cheffe de clan fit fondre sa lame sur son frère, qu'il para sans mal dans un premier fracas métallique. D'un habile mouvement du poignet, il feignit de viser le haut de son corps, mais baissa le bras pour la toucher au ventre. Beatricia ayant anticipé le coup, elle se recula, avant de revenir à la charge. Chacun semblait parfaitement connaître les attaques de l'autre. La moindre tentative de feinte se soldait par un échec, ou une légère éraflure. Le tout se déroulait à vitesse surnaturelle, étourdissant tous les pauvres Neutres de l'assemblée.

— Quand sait-on qui a gagné ? s'enquit Alisée auprès de Danila.

Son manque d'attention pour les précédents combats l'empêchait de se souvenir de la manière dont avaient été déterminés les vainqueurs.

— Il faut infliger à son adversaire une blessure qui l'aurait tué s'il avait été un Neutre ou un loup-garou. Mais plaquer la lame sous la gorge peut suffire. Il vaut mieux éviter de la trancher, pour le principe...

Elle grimaça en prononçant ces mots, avant de reprendre tout son intérêt pour le duel.

Même si la réserviste trouvait ce cirque légèrement stupide, elle se força à suivre le dénouement. Aucun des deux combattants ne prenait le dessus sur l'autre. Aucun ne mesurait ses coups non plus. Ils ne se laissaient pas la plus petite seconde de répit, luttant l'un contre l'autre comme s'ils étaient de vrais soldats sur le champ de bataille. La foule scandait leurs noms avec une hargne égale, supportant tour à tour la jeune femme, puis son frère.

À la chemise maculée de sang de Branwell, il devint bientôt évident que sa soeur l'avait touché plus de fois, malgré la déchirure de son propre pantalon. Elle finit par envoyer un violent coup dans son genou gauche, qui le fit s'affaisser en poussant un gémissement. Elle le bloqua au sol en se jetant sur lui à califourchon, la pointe de son épée plaquée sous sa gorge. Vaincu, il poussa un soupir haletant, avant de laisser aller sa tête en arrière, dans un signe de résignation.

Un petit sourire triomphal déforma les lèvres de la cheffe de clan. Elle se pencha à l'oreille de son frère pour lui murmurer un mot, que les hurlements de la foule dissimulèrent.

— Beatricia Blackfire remporte ce duel ! cria celui qui devait faire office d'arbitre.

Elle se releva sous les applaudissements des badauds, puis s'inclina de manière théâtrale. Des mèches en délire s'échappaient de son chignon et de la terre maculait ses vêtements, mais peu importait, elle restait éblouissante.

Alisée se sentit obligée d'applaudir, tout comme Danila. Cependant, une autre personne ne se donna pas cette peine.

— Ma chère Beatricia, vous reste-t-il un peu de forces pour un nouveau combat ? l'interpella la princesse des vampires dès que les acclamations se furent tempérées. Préférez-vous vous battre contre Daniel ou Duncan ? Tous les deux brûlent de vous affronter...

D'un petit geste aussi insolemment léger que sa voix, elle désigna les gardes du corps qui se tenaient à ses côtés. Aussi stoïques que des stèles, ils ne paraissaient pas vraiment "brûler" d'impatience pour quoi que ce fut, or aucun n'afficha la moindre marque d'étonnement.

Comme si elle décelait le piège que devait sûrement lui tendre Isabella, la cheffe de clan fronça le nez. Derrière elle, son frère se relevait avec peine, bien amoché. Il n'avait pas l'air particulièrement irrité ou vexé, affichant même un vague sourire. Il se dirigea vers une bouteille de sang que lui tendait un homme, puis en but une gorgée avant de la donner à sa soeur.

— Tu en auras plus besoin que moi, lui fit-il alors qu'elle n'avait pas encore accepté le duel lancé par la princesse.

Mais laissant la malice et l'arrogance se peindre sur son visage, elle attrapa la bouteille et déclara :

— J'aimerais bien voir si un Blackfire est capable de me battre... Duncan, me ferez-vous l'honneur ?

Sans témoigner d'une quelconque émotion, l'un des gardes s'avança. Il s'agissait du grand brun aux yeux bleu-vert qui avait interpellé Alisée, lorsqu'elle se rendait aux appartements du roi.

Il dégaina l'épée accrochée dans son dos, puis attendit silencieusement que son adversaire se mette en place. Cette dernière vida sa bouteille de sang et se posta sur la piste, son arme bien en main. Le clairon retentit. Un nouveau combat démarra.

Au début, le dénommé Duncan parvint presque à convaincre la foule qu'il essayait vraiment de gagner ce duel. Il ripostait à chaque coup de Beatricia, tentait des offensives dans les rares moments où elle se trouvait en difficulté... Ses mouvements lestes témoignaient d'un entraînement chevronné. Une chose était sûre : il ne déméritait pas son statut de garde du corps royal.

Mais très vite, il devint flagrant qu'il ne donnait pas son maximum. La cheffe de clan, plus habituée à combattre son frère que Duncan, commettait des erreurs dangereuses. Il aurait pu en profiter pour lui asséner le coup de grâce, or il ne se montrait pas assez réactif. Il ne faisait cependant nul doute qu'il remarquait chacune de ces fautes.

Pourtant, il ne fit pas le moindre effort pour tirer la situation à son avantage.

Même quand la lame de Beatricia finit par lui transpercer l'abdomen, il parut à peine surpris. Le sang gicla sur le sol dans une gerbe qui dégoûta Alisée. Elle entendit Jae-Sun marmonner quelque chose tandis que la foule poussait de grands cris hystériques. Tous saluaient la vampire, qui une fois de plus, venait de mettre à terre un de ses illustres adversaires.

Elle s'inclina une nouvelle fois, plus étincelante de fierté que jamais. Le garde, tombé à genoux, se releva sans mal et rejoignit sa princesse. Cette dernière ne lui adressa pas un seul regard, ses yeux glaçants fixés sur Beatricia.

— Félicitations, ma chère, déclara-t-elle enfin, une once d'espièglerie tangible dans sa voix. Vous voir combattre me rappelle toujours à quel point vos compétences ne se réduisent pas au seul domaine où l'on vous sait tous exceller...

Si quelqu'un parmi la foule eut envie de murmurer quelque chose à son voisin, il s'en abstint.

— Vous me flattez trop, Votre Altesse, lui répondit Beatricia avec une minauderie volontairement exagérée. Mes talents n'égalent assurément pas les vôtres...

À l'inquiétant sourire qui se dessina sur les lèvres d'Isabella, Alisée devina qu'elle venait de dire exactement ce que la princesse attendait.

— Que diriez-vous de vérifier vos dires ? répliqua-t-elle en s'emparant de l'épée de son second garde.

Alors que l'expression de Beatricia se teintait de méfiance, elle s'approcha de la piste. Le pas aussi léger que celui d'un chat, elle lissa un pli inexistant sur sa fine robe blanche. Ses pieds nus effleuraient à peine la terre, donnant l'impression qu'elle volait. D'ailleurs, il n'aurait pas été étonnant que la brise emporte son corps si maigre. Sans sa force surnaturelle, jamais elle n'aurait pu tenir une épée. À la voir comme cela, la réserviste doutait même qu'elle puisse réussir à combattre.

Pourtant, lorsque Beatricia envoya le premier coup, elle le para sans la plus petite difficulté... ainsi que tous les suivants. Loin d'attaquer, elle se contentait d'esquiver et de bloquer toutes les tentatives de la cheffe de clan. L'agacement se lisait sur le visage de celle-ci, qui attendait en vain le moment où la princesse rentrerait vraiment dans le combat. Or Son Altesse se bornait à défendre. Les petits coups furtifs que lui assénait la soeur de Branwell en auraient énervé plus d'un, mais pas Isabella.

La facilité avec laquelle elle les anticipait laissait ébahi. Elle avait même l'arrogance de baisser son arme entre chaque assaut, comme si elle s'ennuyait.

Si les spectateurs hurlaient pour les duels passés, ils restaient parfaitement muets pour celui-ci. Aucun n'osait prendre le parti de l'une ou de l'autre. Leur loyauté envers la Couronne exigeait certainement qu'ils encouragent leur princesse, mais sa détermination à ne démarrer aucune offensive les décontenançait.

— Si votre stratégie est de me laisser croire que vous êtes faible, je sais déjà que ce n'est pas le cas, lui dit finalement Beatricia, elle-même lassée par ce combat dénué d'intérêt.

Isabella pencha lentement la tête sur le côté. Sans qu'Alisée ne sache pourquoi, ce simple mouvement la glaça plus que ses prodigieuses parades à l'épée. Devant elle, elle crut voir un frisson secouer les épaules de Danila.

— Je tenais simplement à rester polie, susurra la princesse en enroulant une mèche de ses cheveux noirs autour de ses doigts. Mais puisque vous y tenez...

Une demi-seconde plus tard, sa lame se retrouva enfoncée dans le coeur de la cheffe de clan.

Elle poussa un cri strident, qui fit sursauter toute la foule. Si l'ambiance était à la fête pour les précédentes effusions de sang, celle-ci les laissa tous frémissants de stupeur.

L'hémoglobine tacha le sol une fois de plus, ainsi que la tunique de Beatricia. Lorsque la princesse retira l'épée de sa poitrine, elle se laissa piètrement tomber à terre, ses mains tremblantes pressées contre sa blessure. Le liquide rouge s'étala tout autour d'elle, alors qu'elle perdait conscience peu à peu. Il aurait suffi que la lame soit en bois et non en métal pour qu'elle meurt sur le coup. Grâce à sa condition de vampire, elle se réveillerait intacte d'ici quelques heures.

Cela n'empêcha pas l'assemblée de rester tétanisée par le choc. Alisée elle-même eut un élan de pitié pour la cheffe des Blackfire...

Comme ultime marque d'insolence, Isabella eut l'audace d'essuyer son épée sur le pantalon de sa victime. Elle quitta tranquillement la piste, sans faire un seul instant cas de ceux qui l'entouraient. Heureusement pour Branwell, car si elle avait vu le regard foudroyant qu'il lui lançait, lui aussi se serait retrouvé avec un coeur percé. Elle revint vers ses gardes, auxquels elle rendit son arme, puis haussa simplement les épaules.

— Encore une qui ne l'avait pas vu venir, fit-elle de sa petite voix légère.

Et sous un silence général, elle s'en alla.

Quelques minutes plus tard, la foule se dispersa. La fête était terminée.

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