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Partie Une

Cigarette à la main, écouteurs dans les oreilles, Chan marchait lentement dans les ruelles désertes de son village de campagne. Les rues étaient désertes, les lampadaires éteints. Seule la lueur de la lune et des quelques fenêtres encore éclairées illuminait le bitume.
Il ignorait où ses pas le menaient, mais ça n'avait pas d'importance. De toute manière, il saurait retrouver son chemin. Il connaissait les rues comme sa poche, et ce n'était pas sa première excursion nocturne.

Il leva les yeux vers le ciel. Il n'y avait pas un nuage. Les étoiles brillaient, distantes et froides. Promesse d'un autre monde, loin et inaccessible.

Il exhala la fumée grise de ses poumons, dessinant au-dessus de lui un petit nuage terne. Puis, tirant sur sa cigarette, il emplit ses poumons d'un air chaud et épais, lui meurtrissant la gorge. Mais la douleur en était presque agréable, grisante en un sens. Il retint cet air douloureux autant qu'il le put, les larmes lui piquant le coin des yeux. Enfin, il souffla de nouveau.

Comment en était-il arrivé là ? Il n'avait à première vue aucune raison de se sentir aussi minable. Il avait un diplôme prometteur, une petite amie aimante avec qui il partageait une superbe maison, des parents qui le soutenaient... Pourtant, depuis qu'il avait fini ses études six mois plus tôt, rien n'avait plus de sens. Il avait beau chercher des jobs, aucun ne lui convenait. Les seuls dans lesquels il arrivait à avoir un entretien ne le recontactaient jamais. Il en était venu à douter de ses capacités, voir même de son envie de continuer dans le domaine. Il avait passé plusieurs années à trimer pour obtenir son diplôme, mais aujourd'hui il n'était même plus sûr que ça lui plaise toujours.

Bien-sûr, il en avait parlé avec sa petite amie Miyeon. Mais, carriériste, elle ne comprenait pas son questionnement. Et après plusieurs discussions, ce sujet devint sensible.
Leur relation autrefois si belle s'était noircie de son mal-être. Ils s'aimaient toujours, mais elle ne le comprenait pas alors que lui ne la comprenait que trop bien.

Il emprunta le chemin qui menait vers la rivière. Il aimait bien regarder la beauté des reflets de lune sur l'eau calme. Il s'assit sur le ponton qui traversait le courant et regarda les lignes blanches qui se dessinaient sur le liquide noir de nuit.

Il se perdit dans la contemplation, oubliant, s'oubliant. C'était plus facile ainsi. La douleur, la tristesse et l'incompréhension disparurent au tribut de la beauté inconditionnelle de la nature. De sa perfection imparfaite et de son ordre chaotique. Sa vie ne faisait peut-être aucun sens, mais peut-être était-ce tout simplement ce qu'était la vie. Les arbres, la rivière, la lune, tous n'avaient pas de réelles raisons d'être et pourtant, ils étaient là et continuaient tous les jours. Alors pourquoi était-ce si dur pour lui ?
S'oublier. C'était plus simple comme ça.

Il ferma les yeux.

Le temps défila sans qu'il ne s'en rende compte, comme toujours.

Ses AirPods s'éteignirent, et il fut contraint d'écouter la vie nocturne de cette nature qu'il aimait et enviait à la fois. Les oiseaux s'éveillèrent doucement à mesure que l'horizon se teintait d'un bleu plus clair. La nuit était presque finie et l'aube pointait derrière les arbres.

Les doigts endoloris de froid, il retira ses écouteurs, les rangea et sorti son portable. Cinq heures. Il devrait rentrer.
Il se leva difficilement, les membres engourdis. Mais alors qu'il entamait le chemin de retour, d'une démarche maladroite, son attention fut attirée sur la berge.

Un jeune homme aux cheveux noirs et en pyjama se tenait droit comme un piquet, les pieds à la limite de l'eau. Il regarda le ciel, puis au plus grand étonnement de Chan, porta un violon à son cou.

Il se mit à jouer.

C'était une mélodie que Chan ne connaissait pas. Ce n'était pas particulièrement beau, ni bien joué, mais le jeune homme ne se souciait guère de ses fautes. Il jouait avec un large sourire aux lèvres. Ses doigts glissaient sur l'instrument avec une sorte de certitude insolente. Son archet dessinait des va-et-vient ordonnés ne laissant rien paraître des fausse notes.

Son attitude singulière poussait Chan à rester. Mais plus il le regardait, plus il se sentait à la fois admiratif et agacé. Comment pouvait-il porter si peu d'importance au résultat de sa performance ? Pourquoi ne faisait-il aucun effort pour corriger ses erreurs, ses fausses notes, ses faux pas ?

Puis, l'air de rien, le jeune homme se stoppa et s'en retourna d'où il était venu.
Agacé, Chan l'imita.

En rentrant chez lui, Chan trouva Miyeon réveillée. Elle était assise sur une chaise près de la table à mangé, une tasse de café entre les mains.

« T'étais où ? demande-t-elle en se levant.

— Sorti. »

Il l'enlaça et déposa un baiser sur ses lèvres.

« Pourquoi tu es debout si tôt ?

— Tu n'étais pas là. »

Il la serra doucement contre lui.

« Excuse-moi. J'avais besoin...

— De temps seul. Je sais. C'est ce que tu dis à chaque fois. Mais je commence à vraiment m'inquiéter Chan. Je m'inquiète pour toi... pour nous. On ne peut pas continuer comme ça. »

Il la repoussa doucement. Il le savait, mais ce n'était pas si facile.

« Je vais dormir. »

Et il alla se recoucher sous les protestations sans forces de sa petite amie.

***

Une autre nuit, un autre jour. Chan était assis sur le ponton, il faisait bon, et la lune baignait le monde d'une lumière blanche. Le soleil se levait lentement sur l'horizon lointain. Un carnet entre les mains, il notait ses pensées. Miyeon le lui avait conseillé. « Ça pourra peut-être t'aider à mettre tes idées au clair » avait-elle dit.
Jusqu'à présent, ça n'avait fait que mettre à jour la profondeur de son mal-être. Écrire que l'on veut disparaître à plus d'impact que de simplement le penser.

Il posa son stylo et son carnet sur le bois humide du ponton et en ce même instant, un air de violon entama sa course. Cet air familier, étrange et imparfait. Ce même air que Chan avait entendu quelques jours plustôt. Cet air joué par la même personne. Un jeune homme en pyjama faisant face au soleil levant.
Chan n'y avait plus pensé, mais en le voyant à nouveau les questions qu'il s'était posé à son sujet lui revinrent. Qui était-il ? Pourquoi jouait-il au lever du soleil, en pyjama, pourquoi ne se souciait-il pas de la qualité de son jeu, pourquoi continuait-il à jouer alors qu'il n'était pas bon ?
Le questionnement fit rapidement place à l'agacement.

Jalousie, envie, frustration, colère.

Ô que d'émotions que Chan fuyait comme la peste. Et ce jeune homme insouciant avait le don de les réveiller en lui avec une vivacité nouvelle.

Il se leva pour essayer de fuir ces sentiments détestables, pour ne pas voir ce qu'ils cachent, ce qu'ils veulent lui montrer.
Seulement, ce faisant, il attira l'attention du musicien. Ce dernier se tourna vers Chan et avec un large sourire aux lèvres lui fis un grand signe de la main.

« Bonjour ! cria-t-il »

Chan s'enfuit sous le regard perplexe de l'homme au violon.

***

Main dans la main, Miyeon et Chan marchaient en direction de la rivière.

« Tu penses que l'homme au violon sera là ?

— Je pense pas, c'est l'aube quand j'y vais d'habitude.

— C'est quand même un peu étrange de jouer au lever du soleil. Tu penses que c'est un truc religieux ? »

Chan garda le silence quelques instants et serra la main de sa petite amie.

« Peut-être.

— Et si c'était un fantôme ?

— Tu plaisantes ? demande-t-il en riant.

— Non ! Imagine, c'est un fantôme ! Tu me dis que tu l'as jamais croisé ailleurs que là, et il semble apparaître de nulle part... »

Un frisson parcourut le dos de Chan. Quelle idée saugrenue... Pourtant, une part de lui n'arrivait pas à totalement rayer cette possibilité.

« Tout compte fait... Pourquoi un fantôme s'amuserait à jouer mal du violon ? dit-elle en riant »

Leurs pas les menèrent sur le ponton et alors qu'ils étaient sur le point d'atteindre l'autre rive, une mélodie s'éleva de la berge.

« Oh ! s'exclama Miyeon en pointant du doigt en direction de l'homme au violon.

— Tu vois que c'est pas un fantôme. »

Ils rirent et continuèrent leur chemin en écoutant l'air approximatif. Mais alors qu'ils passaient à proximité du musicien, la musique changea. D'une aria inconnue, il se transforma en un morceau que Chan connaissait. Et pour le connaître, il le connaissait parfaitement. Il se stoppa net.

« Salut d'amour, Edward Elgar Op.12, murmura-t'il sans s'en rendre compte. »

Les notes glissaient sur le violon avec une facilité déconcertante, une allégresse tendre et sereine. Le joueur maladroit de plus tôt s'était transformé en virtuose. Aucune faute, aucun contre-temps. Juste de la perfection. Une perfection que Chan n'avait jamais réussi à atteindre, une perfection qui lui rappelait à quel point il était imparfait.

« Il sait jouer finalement, dit Miyeon avec un large sourire. »

Les souvenirs d'un lui plus jeune, un lui qu'il voulait oublier, lui revinrent. Il se revit enfant, assis devant un grand piano, à essayer de jouer ce morceau. Il se revit échouer encore et encore. Pourquoi était-ce si facile pour cet inconnu alors que pour lui, c'était impossible ?
La gorge serrée, il tira Miyeon vers le ponton.

« Rentrons.

— Quelque chose ne va pas ? »

Il ne répondit pas et fuit, encore.

***

Le soleil descendait lentement, caressant la cime des arbres de son rayonnement chaleureux.

Chan, carnet en main écrivait encore ce qu'il avait trop honte de dire et trop peur de penser.
Mais le ponton n'était plus son lieu de prédilection. Il avait changé la rivière pour le bois qui l'entourait. Il espérait ne plus jamais croiser l'homme au violon. La violence des sentiments qu'il suscitait chez lui l'exaspérait. Pourquoi, et surtout comment un inconnu arrivait à le mettre hors de lui ?

Au fond, Chan se doutait bien de la réponse. Elle n'était pas très loin, mais soulever le voile de la conscience l'effrayait. Rester dans l'ignorance et dans la douleur était plus supportable que de faire face à la réalité. Plus confortable. Familier.

Il poussa un soupir et se laissa aller contre l'arbre qui lui servait de dossier. Il observa le sentier qui se faufilait entre les arbres. Des gens arrivaient. Il se redressa d'un bon, enfonça sa capuche sur sa tête et se dépêcha vers le village. Il préférait la nuit. Personne ne pouvait le voir, personne ne pouvait poser son regard sur lui et sa vie misérable d'incapable.

Il pressa le pas et arriva rapidement sur la placette près du parc. Malheureusement, alors qu'il pensait la trouver déserte, une foule l'accueilli. Peut-être une dizaine de personnes, mais la tolérance de Chan avait tellement réduit que ce nombre lui paraissait comme énorme.

Au milieu de la place, au centre de tous les intérêts : l'homme au violon.

Il jouait encore son aria inconnue avec cette même désinvolture et mépris pour les règles dont il faisait preuve à la rivière.

Chan jura dans sa barbe. Pourquoi devait-il toujours tomber sur lui ?

La colère le submergea d'autant plus, que tous paraissaient prendre plaisir à écouter le violoniste. Personne ne trouvait rien à redire à son style désinvolte et à sa façon ridicule de ne pas rattraper ses erreurs.

Cependant, malgré lui, Chan se stoppa et posa son regard plein de jalousie sur le musicien.

Le soleil couchant caressait sa peau rougie par l'effort, faisant briller les perles de sueur sur son front. Il souriait, les yeux noirs ne regardant rien, totalement concentré sur ce qu'il faisait. Il vibrait au rythme de sa musique. Il n'était pas parfait et donc sa musique n'avait pas à l'être. Il n'était qu'un humain qui prenait plaisir à partager ce qu'il faisait. Ses sourcils se fronçaient à chaque trille un peu complexe, mais se relâchaient quand les erreurs, où ce que Chan pensait erreurs, se dessinait dans la mélodie.

Puis lentement, alors que l'air arrivait à sa fin, son regard se leva et plongea dans celui de Chan.

Une étincelle, une fléchette toucha Chan en plein cœur. L'envie le consumait, la colère le brûlait. « Pourquoi lui et pas moi » pensa-t-il.

Un large sourire étira les lèvres du jeune musicien et quand bien même le regard de Chan était haineux, le sien était plein d'indulgence et d'amour.
Il cessa de jouer un instant puis reprit un nouvel air.

Les mâchoires serrées, le corps en tension, Chan fis un pas en avant comme s'il se sentait obligé d'aller vers lui, mais entendant les paroles sombres de son esprit croître, il s'en alla. Encore.

***

Une énième dispute entre Miyeon et Chan en rapport avec le futur brumeux de ce dernier, le poussa hors de leur maison. Il ne pouvait plus supporter de se voir juger sur un sujet où il se sentait impuissant.

Le printemps avait laissé place à l'été et le journal de Chan se remplissait bien plus vite qu'il ne l'avait voulu. Il ne le relisait jamais. Le Lui d'hier faisait peur tant il était à bout et ses mots ne faisaient qu'écho aux douleurs de celui d'aujourd'hui.

Tous les jours n'étaient pas sombres et désespérants, mais ceux qui l'étaient pouvaient atteindre un niveau auquel il ne s'était jamais douté.

Fatigue et manque de sommeil, pleurs incontrôlables et impassibilité étonnante. Il n'en pouvait plus.

Il faisait bonne figure devant sa petite amie, ne lui montrant que le haut de l'iceberg de noirceur que formait son cœur endolori. La douleur n'avait pas plus de sens que la joie n'avait de goût. Souvent, le soir, il se couchait en se répétant des horreurs. Qu'il était idiot et incapable, qu'il ne méritait pas les gens qui l'entourait, qu'il n'était qu'une déception pour tous. Puis il s'imaginait des plans fous dans lesquels il disparaissait de la surface de cette terre sans laisser la trace qu'il n'a jamais existé. Que c'eut été doux de pouvoir quitter ce monde sans faire souffrir les gens qu'il aimait.

Le cœur lourd, il marchait sans conviction en direction du bois. Là-bas, il se sentait comme en sécurité. Dans les bras de mère-nature, il oubliait presque la douleur qui le tourmentait.
Ses pas le menaient toujours plus loin dans la forêt. Tout autour de lui n'était que verdure et arbres centenaires. L'air était parfumé de l'odeur de l'humus, des feuilles, et des fleurs tardives. La chaleur du soleil d'été glissait sur les feuilles jusque dans les sous-bois humides.
Fermant les yeux, il se laissa guider par le murmure du vent.

Lorsqu'il les rouvrit, se tenait devant lui, l'homme au violon.

Son instrument en mains, il regardait Chan l'air surpris, comme s'il ne s'était pas attendu à le voir ici.

« Toi ! S'exclama Chan, incrédule. »

L'homme le suivait-il ou bien quelques destinées les poussait à toujours se retrouver ? Une flamme s'embrassa dans le cœur de Chan. Il voulut le frapper.

« Moi ? »

Le musicien lui lança un regard perplexe, une légère moue d'incompréhension déformant ses lèvres.

« Je... »

Chan ne savait quoi dire, et aussi rapidement qu'il s'était allumé, le brasier de colère s'éteignit. L'homme au violon avait allumé la bougie de sa haine, mais Chan n'avait plus de mèche à brûler. Il baissa les yeux sur les doigts calleux du violoniste. Il tenait son instrument avec une ferveur religieuse, mais tremblait un peu. Lui faisait-il peur ?
Des larmes lui piquèrent les yeux.

« Vous êtes l'homme du ponton n'est-ce pas ? »

Pris au dépourvu Chan plongea son regard dans le sien. S'il avait peur, il ne laissait rien paraître, il ne pouvait lire que de la compassion dans ses yeux.
Il ne put plus retenir ses larmes.
Il pleura face à cet inconnu.

Ne s'attendant pas à ce que Chan fonde en larmes, l'homme au violon recula d'un pas. Mais au lieu de s'en aller, il rangea rapidement son instrument et se rapprocha.

« Quelque chose ne va pas ? Vous avez besoin d'aide ? demanda-t-il »

Il posa une main timide sur l'épaule de Chan. À ce contact, ce dernier sursauta essayant de calmer ses pleurs. Mais la douleur et le désespoir avaient trouvé une échappatoire et ils se déversaient hors de lui sans qu'il ne pût faire quoi que se fut.

« Je... Je suis juste fatigué. »

Un sourire triste naquit sur le visage de l'inconnu.

« Je comprends. Venez vous assoir. »

Et il le guida doucement vers un banc où ils s'assirent.

« Je suis désolé, dit Chan en essuyant ses joues.

— Pleurez autant que vous en avez besoin. »

Chan était partagé entre la honte de se montrer vulnérable devant un inconnu et la terrible souffrance qui trouvait un apaisement. Une part de lui essayait de tout bloquer, mais telle une outre trop pleine, les émotions débordaient de lui.

Les pleurs durèrent un moment et finalement, il réussit à se calmer. Il se sentait encore à fleur de peau. Il savait que s'il pensait ne serait-ce qu'un peu, les larmes reviendraient.
Pour l'instant il était vidé, calme de toute émotion. Ses yeux le brûlaient et sa tête le faisait souffrir.

L'homme à l'instrument sortit un paquet de mouchoirs de son étui à violon et le lui tendit.

« Merci, murmura Chan. »

Il ne le remerciait pas que pour les mouchoirs.

« Y a pas de quoi. Voulez-vous parler de ce qui vous met dans cet état ? »

Chan secoua la tête. Il ne voulait pas en parler.

« C-comment fais tu ?

— On se tutoie ? Ok. Comment fais-je quoi ? demanda l'inconnu. »

Il ne le regardait pas, le violoniste regardait les arbres autour d'eux un léger sourire aux lèvres.
Chan le regarda quelques instants avant de reprendre, la gorge nouée.

« Comment fais-tu pour jouer comme tu le fais ?

— C'est-à-dire ? »

Il se tourna vers Chan les sourcils froncé, l'air perplexe.

« Lorsque tu joues du violon. C'est... frustrant.

— Ah ? Pourquoi ?

— Tu ne corriges même pas tes erreurs, tu joues sans te soucier de ce que vont penser les autres, tu joues avec une désinvolture que j'ai jamais vue et c'est terriblement frustrant. »

Le jeune homme ricana et se laissa aller contre le dossier du banc.

« C'est toi qui pleures et c'est moi qui dois parler de moi ? »

Chan se sentit un peu mal à l'aise. Ses joues se mirent à chauffer.

« Hum... Avant toute chose et si tu commençais par me dire ton prénom, inconnu du ponton ?

— Oh... Heu, Chan, je m'appelle Chan. »

Le violoniste sourit et lui tendit sa main. Chan la prit dans la sienne. Elle était chaude et calleuse, longue et fine.

« Hyunjin, enchanté. »

Un petit silence gêné.

« Pourquoi ma technique de jeu te perturbe autant ? C'est pas comme si ça changeait quelque chose pour toi.

— Si. »

Hyunjin eut un petit rire.

« Qu'est-ce que ça change si je ne joue pas les bonnes notes ?

— Ça change tout. La mélodie n'est plus la même, c'est pas comme ça qu'il faut faire ! »

Le violoniste rit à nouveau, ce qui agaça Chan. Se moquait-il de lui ?

« Ce qu'il faut faire ? C'est bien restrictif comme façon de penser. Cela dit, je ne vais pas te juger là dessus. J'ai passé des années à me torturer avec ces idées et je t'avoue qu'elles viennent me chercher encore parfois aujourd'hui. Bien faire, mal faire, au final tout ça n'a pas de sens. La musique est un art, comme la peinture, et certes, il y a des techniques, mais nous sommes libres de les suivre ou non. Il n'y a pas de manière correcte de faire de l'art. Si je n'ai pas envie de jouer « parfaitement », personne ne m'y oblige. Et puis qu'est-ce que ça veut dire « jouer parfaitement » au final ? Jouer la bonne série de notes, ou jouer avec son cœur et exprimer qui on est ?
» Lorsque je tiens mon violon, lorsque je laisse la musique s'écouler en moi jusque sur mon instrument, je ne fais plus qu'un avec elle. La musique est un moyen pour moi d'explorer qui je suis. Un moyen de communiquer avec moi-même. C'est un outil puissant qui me permet de me définir tout en me créant en même temps. C'est peut-être pas clair ce que je dis, mais pour moi ça a du sens. »

Chan resta silencieux. Il ne comprenait pas bien ce que disait Hyunjin, ou bien ne voulait pas le comprendre.

« Maintenant que j'ai répondu à ta question, est-ce que tu voudrais bien répondre à une des miennes ?

— Hum ? »

L'esprit de Chan était encore embrumé et il craignait de devoir répondre à des questions trop intimes. Il regarda le violoniste se lever et se placer face à lui.

« "Salut d'amour " pourquoi ? Demanda-t-il »

Voilà le genre de question auquel il ne voulait pas répondre.

« Lorsque je t'ai vu passer avec ta petite-amie, j'ai eu comme un flash, et je savais que je devais jouer cette mélodie, mais pourquoi d'après toi ? Pourquoi cet air entre tous ? »

Chan soupira longuement. Pouvait-il lui dire la vérité ? Pourquoi pas.

« J'ignore pourquoi tu as eu ce « flash » mais cette musique. Je la déteste autant que je l'aime. J'ai toujours trouvé cet air beau, d'autant plus lorsque l'on sait pourquoi Edward Elgar l'a écrit. Un cadeau de fiançailles à sa femme. C'est une belle preuve d'amour et en tant qu'enfant, je trouvais ça beau et romantique. J'ai voulu l'apprendre au piano, espérant qu'un jour, je trouverai une violoniste avec qui la jouer. Mais je n'ai jamais été très doué au piano et mon jeu était... médiocre. Par honte et frustration je ne l'ai plus jamais joué. Peu de temps après j'ai abandonné la musique. C'était il y a si longtemps, vingt ans presque. Mais je n'ai jamais oublié cet air.

— Ta petite amie est violoniste ?

— Non non, elle n'aime pas tellement la musique, elle travaille en tant qu'informaticienne pour une boite du coin.

— Oh, je pensais. Enfin vis-à-vis de ton histoire... Pourquoi avoir abandonné la musique ? »

Voilà longtemps que Chan ne s'était plus posé cette question. C'était un sujet qui lui faisait mal, encore un.

« Je... Je n'étais pas bon, c'était trop difficile. Je savais que je ne me démarquerais jamais du lot, que je n'arriverai jamais à en faire quoi que ce soit alors j'ai préféré arrêté.

— Mais tu n'étais qu'un enfant ! T'avais quel âge quand tu t'es dit ça ?

— Je sais plus exactement, dix ans peut-être.

— À dix ans, tu as préféré abandonner quelque chose que tu aimais parce que tu n'étais pas assez bon ? Sais-tu combien d'années il m'a fallu avant d'être fière et heureux de ce que je faisais au violon ? »

Chan ne répondit rien, les lèvres pincés, le coeur serré.

« J'ai commencé à sept ans et ce n'est que vers mes quinze ans que j'ai commencé à véritablement comprendre le sens de la musique et à être fier de mes productions. C'est aussi vers cet âge-là que j'ai décidé d'en faire mon métier. Mais à dix ans, je m'amusais seulement avec cet instrument. Enfin, ce que j'essaie de te dire, c'est qu'à dix ans, on est pas sensé se poser ce genre de questions. As-tu déjà pensé à essayer de nouveau ? »

La tête basse Chan ne répondit pas, se demandant ce qui n'était pas normal chez lui. Pourquoi n'avait-il pas pu simplement apprécier l'apprentissage du piano ? Pourquoi avait-il fallu qu'il abandonne aussi vite ? Il le savait aujourd'hui, il regrettait de ne plus faire de musique.

« J'y ai pensé. Mais je n'ai jamais... Jamais eu le courage.

— Le courage ? La musique, l'art, c'est quelque chose qui devrait être fun, quelque chose de personnel et unique, on s'en fiche du résultat. »

Il lui tendit la main. Chan l'observa un moment puis timidement glissa sa main dans la sienne. Hyunjin le tira sur ses pieds et attrapant son instrument, il le traina dans les bois.

« Où va-t-on ?

— Fais-moi confiance. »

Plus facile à dire qu'à faire, il ne le connaissait pas. Mais étrangement, la main chaude dans la sienne le rassura. Il se revit enfant, jouant dans les hautes herbes avec ses amis, courant sur les chemins de terre, l'air emplit d'une mélodie joyeuse.

Un petit sourire se dessina sur ses lèvres.
Il vivait une petite aventure qui lui mettait du baume au cœur.

Ils marchèrent un moment sous le chant des grillons, puis arrivèrent face à une grande maison à la mode européenne. Elle était belle et ancienne. Les jardins sauvages embaumaient les fleurs et une large glycine mêlée d'un chèvrefeuille lançait son odeur entêtante dans l'air nocturne.

« Où sommes-nous ? demanda Chan.

— Chez moi. Nous allons jouer du piano ! »

Hyunjin lui lâcha la main et ouvrit la porte d'entrée avant de lui faire signe de le suivre.

***

Tard dans la nuit, Chan rentra chez lui. Miyeon s'était endormie sur le canapé en l'attendant. Il s'approcha doucement de sa petite amie et la réveilla avec toute la tendresse dont il était capable.

« Chérie, je suis rentrée.

— Hum. Il est tard.

— Oui, je sais. Tu aurais dû aller dormir. »

Elle fit la moue et le serra dans ses bras.

« Tu étais où ? Dehors ?

— Non, j'étais chez le violoniste.

— Quoi ?! »

Elle se recula, les joues rouges et les sourcils froncés.

« Je suis tombé sur lui dans les bois, on a discuté puis on est allé chez lui pour jouer du piano. »

Un large sourire étirait les lèvres de Chan. Il se sentait comme euphorique bien que l'idée de retrouver sa petite amie toujours en colère l'avait un peu tirer de son petit nuage. Heureusement, elle semblait calmée.

« Jouer du piano ? Tu sais jouer d'un instrument ?

— J'en jouais quand j'étais petit.

— Mais pourquoi aller chez un inconnu en pleine nuit pour jouer du piano ?! Chan sérieux, je te comprends plus... »

Elle le repoussa doucement en se levant.

« Tu t'es amusé au moins ? Demanda-t-elle en soupirant.

— Miyeon, le prend pas comme ça !

— Et comment suis-je censé le prendre Chan ? Je m'engueule avec mon petit ami et quand il rentre il est tout sourire parce qu'il a « joué du piano » avec un inconnu ! Pendant ce temps, j'étais ici, à me demander si tu aller revenir ou si c'était fini entre nous ! Tu aurais pu au moins m'envoyer un message, non ?!

— Je... Je suis désolé Miyeon.

— Je vais me coucher, ne me rejoins pas. »

Et elle s'en alla.

La bulle de bonheur, la parenthèse dans sa misère venait d'éclater et il se retrouvait de nouveau à même le sol à broyer du noir.
Il s'allongea sur le canapé, le regard dans le vide. Il ne s'endormit pas et malgré lui ses pensées se tournèrent vers la soirée qu'il avait passé avec Hyunjin.
Ils s'étaient installés autour du piano avec une bière fraîche et les deux jeunes hommes avaient discuté de tout et de rien pendant que Hyunjin lui rappelait les bases de jeu.
Pas d'abîme hurlant de douleur, pas de questions inutiles sur l'avenir, pas de reproches, pas de jugements. Seulement deux personnes s'amusant à créer. Tout avait été simple, facile.

Il prit son ordinateur portable et téléchargea un logiciel de composition musicale.

***

...

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