|21. Un-break my heart|
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CHAPITRE 21
UN-BREAK MY HEART
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Severus s’était confié à Debby, mettant son cœur à nu devant l’américaine. Il lui avait tout raconté en commençant par son enfance désastreuse puis poursuivant avec sa scolarité douloureuse avant de finir par les événements qui s’étaient enchaînés les uns après les autres à la suite de sa fuite de l’Angleterre. Debby l’avait écouté d’une oreille attentive sans jamais l’interrompre, tenant sa main comme un soutien silencieux. Il n’aurait jamais pu deviner que dire toute la vérité à la blonde l’apaiserait autant mais pourtant c’était le cas. Il ne s’était jamais senti aussi soulagé qu’aujourd’hui maintenant qu’il avait tout confié à Debby. C’était certainement différent de parler avec son père, Pepper ou encore Anthony.
Debby remit une mèche blonde derrière son oreille, pressant légèrement ses lèvres rosées. Elle le regarda avec douceur et tendresse, ne fuyant jamais son contact même après sa confession. Elle n’était pas apeurée et encore moins dégoûtée par ce qu’il était.
— Je m’étais doutée que tu avais eu une vie de merde mais là…
Debby relâcha sa main avant de se lever de table sans un mot pour retourner en cuisine. Le maître des potions regarda la chaise vide, décontenancé. Il était perplexe et se demandait si finalement, il s’était trompé dans sa lecture comportementale. Il n’avait vu aucune révulsion dans les yeux de la blonde et encore moins une certaine peur qui l’aurait fait couper court à son récit. Debby s’était montrée compatissante. Il allait quitter le restaurant de la blonde pour ne plus jamais y revenir lorsque cette dernière revint avec un plateau repas.
— Qu’est-ce…
— Nous n’aurons pas de discussion si tu ne manges pas, le coupa Debby.
— Je n’ai pas faim, Debby.
— Mange.
Il leva les yeux au ciel et décida de ne pas argumenter avec la blonde car il savait qu’elle était intransigeante dans ses décisions. Il la foudroya tout de même du regard pour faire bonne figure puis piqua sa fourchette sur une fine tranche de pomme de terre sautée.
— J’sais que ton mec et toi n’êtes pas contents de la décision rendue par votre justice magique mais tu ne pouvais pas avoir meilleur jugement, Sev.
— Meilleur ? renifla le maître des potions, blessé. Ils m’ont fait du mal, Debby ! Ils m’ont humilié pendant des années, ils ont failli me tuer et ils ont tué l’homme que mon compagnon considérait comme un père ! Par leur faute, j’ai été à deux doigts de perdre la vie.
— Si tu veux que le monde entier te plaigne pour ta vie misérable, balance ton histoire dans les journaux et tu auras tout un tas de personnes qui éprouveront de la pitié pour toi, cracha la blonde avec une froideur qui surprit le potionniste. Ouais, t’as eu des débuts difficiles, ta vie a été une merde mais tu n’es plus le p’tit gosse qui était effrayé par son père et encore moins le jeune garçon qui se faisait martyriser par ses camarades d’école. T’as grandi, mon british et beaucoup des monstres qui traînaient sous ton lit ne sont plus là et ceux qui restent ne le sont parce que tu refuses de les chasser définitivement de ta vie.
— Comment puis-je les chasser si je suis contraint de vivre avec l’un d’entre eux pendant dix ans ? demanda Severus d’un ton amer.
— Si tu espérais de la tendresse ou des cajoleries, tu t’adresses à la mauvaise personne, l’anglais. J’suis une femme mais pas une tendre et j’ai eu mon lot de merdes donc j’ne vais pas m’apitoyer sur ton sort.
— Je n’ai pas besoin de ta pitié, grogna le maître des potions.
— J’espère bien parce que j’en ai pas, répliqua la blonde avec un sourire en coin.
Severus retint une réplique cinglante sur le bout de sa langue et préféra se concentrer sur son repas. Il ne savait pas à quoi il s’était attendu de la part de Debby mais la façon dont elle avait de lui parler le blessait un peu. Il ne voulait pas qu’on le prenne en pitié mais il pensait que Debby comprendrait au moins ce qu’il avait vécu et qu’elle lui apporterait son soutien. Il baissa le regard sur son assiette, une nausée au bord des lèvres.
Il n’aurait peut-être jamais dû revenir.
— Tu ne t’en rends peut-être pas compte maintenant mais tu as besoin de ce loup-garou à tes côtés pour pouvoir tourner la page.
— Et comment ? Qu’est-ce que sa présence pourrait m’apporter si ce n’est que des ennuis ?
— La guérison, mon british. La guérison, répondit calmement la blonde. Tu te rendras compte avec le temps que le monstre qui a longtemps hanté tes rêves n’est plus qu’un être comme toi, un homme que tu es capable d’affronter sans peur. Tu te rendras compte qu’il est un humain et que tu n’as pas besoin de frémir d’horreur lorsque tu croises son regard. Tu sauras qu’il ne peut plus te faire de mal parce que tu n’es plus un enfant, tu n’es plus une victime, tu n’es plus sans défense. Tu as grandi, Severus, et il est temps que tu en prennes véritablement conscience mais aussi, tu n’es plus seul.
Il releva brusquement la tête et rencontra le regard de la blonde.
— Il n’y a pas dix solutions dans ton cas, mon cher. Soit tu prends conscience que tu n’es plus sans défense et que tu n’es plus seul soit tu continues à te lamenter sur ton passé merdique et tu passeras à côté d’une belle vie. C’est à toi de choisir.
— Je sais que je ne suis plus seul et encore moins sans défense, répliqua-t-il sèchement.
— Non, tu ne sais pas car tu t’es senti faible face à Dan. Tu t’es senti sans défense face à ton passé, face à ces garçons qui t’ont martyrisé. Tu t’es senti impuissant lorsque tu as dû traverser le premier trimestre de ta grossesse sans solutions. Tu n’as pas encore pris conscience que tu n’avais pas besoin d’être fort pour faire face à l’adversité. Tu n’as pas encore compris qu’être faible pouvait être une force car d’autres peuvent se montrer forts pour toi. D’autres peuvent se battre pour te protéger. J’étais là pour toi et j’aurais pu te soutenir mais tu ne m’as pas laissé faire.
— Je…je…bafouilla-t-il, penaud.
Il ne pouvait contester les dires de la serveuse et savait que Debby avait raison. Il savait qu’il y avait des gens qui s’inquiétaient pour lui et ne demandaient qu’une seule chose : lui venir en aide, mais il était réticent à se laisser prendre totalement en charge. Il avait peur de se montrer aussi dépendant.
— Tu vas me dire que tu es désolé ? supposa la blonde avec un reniflement dédaigneux. J’sais que tu as grandi dans la solitude et que ta seule amie était une vraie pute. Que le petit Jésus me pardonne de dire du mal des morts mais cette Lily était une sale chienne pour épouser le mec qui a fait du mal pendant des années à son meilleur ami. J’espère pour elle qu’elle brûle dans les flammes de l’enfer parce que crois-moi, lorsque mon jour viendra, j’me ferais un plaisir de régler quelques comptes avec elle et de lui apprendre le sens de l’amitié à cette pétasse.
Le potionniste ne pouvait pas dire qu’il était surpris d’entendre des mots injurieux à l’encontre de la défunte lionne. Il n’avait aucun argument valable pour défendre la gryffondor et savait que la jeune femme n’avait pas été une véritable amie. Il ne devrait éprouver aucun remords à écouter Debby injurier copieusement la défunte rousse. D’ailleurs, elle n’avait pas été la seule à s’être indignée du comportement de la née-moldue envers lui. Son compagnon et même son père qui semblait prôner les bons sentiments, faisaient partie d’une longue liste de personnes qui souhaitaient régler quelques comptes avec Lily.
— Tu devras faire la queue pour cela, l’informa-t-il.
— Hum, fit-elle simplement.
Debby poussa un soupir, évitant soudainement le regard du potionniste et son changement brutal de comportement intrigua Severus qui n’avait pas vu la blonde paraître aussi mal à l’aise. Elle avait toujours eu l’air d’être sûre d’elle en toute circonstance, jamais embrassée par qui que ce soit.
Pendant un court instant, la blonde laissa tomber son masque et se présenta telle qu’elle était réellement au potionniste : vulnérable et brisée. Il y avait tant de douleur et de regrets dans les yeux de la femme que l’ancien mangemort se sentit tout d’un coup plus proche de Debby qu’autrefois parce qu’elle avait vécu quelque chose de similaire, parce qu’elle avait souffert tout autant que lui.
— J’avais quatorze ans lorsque j’ai perdu ma virginité, raconta la blonde d’une voix rauque d’où perçait une profonde souffrance.
Severus eût soudainement l’appétit coupé et prit la main de Debby dans la sienne, sachant que la jeune femme avait besoin, elle-aussi, de mettre son cœur à nu.
Debby eût un rire amer alors qu’elle se remémorait ce terrible jour qui avait profondément marqué sa vie, laissant sur son corps et dans son esprit des cicatrices qui ne disparaitraient jamais. Et quelque fois, il arrivait que certaines de ces marques se rouvraient, un peu comme aujourd’hui. Elle réfréna péniblement le désir de fuir cet endroit et d’aller s’enfermer dans son appartement. Severus avait besoin d’elle. Il avait besoin de comprendre que la vie devait continuer et qu’il n’y avait qu’il puisse faire pour changer le passé mais simplement de l’accepter sans oublier.
— C’était brutal, poursuivit-elle un sanglot étouffé dans la gorge. Je n’avais rien pu faire pour éviter cela et même aujourd’hui, il m’arrive de me blâmer pour ce qui s’est passé et de me dire que c’était de ma faute mais au fond, je sais que je n’aurais rien pu faire. Je n’étais pas coupable car j’étais une victime.
Elle n’essaya pas de cacher ses larmes et encore moins sa douleur au potionniste. Elle se montra faible et vulnérable car elle n’avait aucune honte à se sentir ainsi. Elle avait passé tellement d’années à essayer de se rendre forte qu’elle savait qu’il était inutile de vouloir devenir une personne que l’on n’était pas sous prétexte que l’on était esseulé. Elle n’avait pas besoin d’être forte car d’autres personnes l’avaient été pour elle.
— C’était mon père, confia-t-elle d’une voix vacillante. J’ai été violée par mon père, Sev. Plusieurs fois, il a abusé de moi. Pendant deux années qui me furent pour moi une éternité, il m’a pris violemment dans ma chambre, dans la cuisine, sur le canapé usé et bancal sur lequel il passait ses journées à picoler et à roupiller. J’étais sans défenses face à cet homme qui faisait trois fois mon poids et qui mesurait vingt-cinq centimètres de plus que moi. J’avais tellement honte de moi, de ce qu’il me faisait à l’abri des quatre murs de notre baraque pouilleuse que je n’ai jamais osé dire quoi que ce soit à personne. Pendant longtemps, j’avais cru que c’était de ma faute, que je l’avais provoqué. D’ailleurs, il me le chuchotait à chaque fois qu’il me violait et qu’il déchirait sans aucune honte le vagin de sa propre progéniture, de son propre sang. Il murmurait à mon oreille que j’étais une p’tite salope et que je l’avais allumé avec mon joli p’tit cul d’ado innocente. Lorsque j’ai eu quinze ans, il m’a retiré de l’école pour m’enfermer dans notre baraque car il n’aimait pas que je me trouve trop près des mecs. Ça le rendait fou lorsqu’il me voyait à dix mètres d’un inconnu. L’alcool lui montait parfois trop à la tête et dans ces moments-là, il était extrêmement violent. Il me frappait parfois jusqu’à l’évanouissement et souillait mon corps lorsque j’étais inconsciente.
Debby retira brusquement sa main de celle du maître des potions pour se lever de sa chaise et tourner nerveusement en rond dans la pièce, mordillant sa lèvre inférieure.
— J’avais peur, Sev, et j’en avais marre de me faire tabasser sans raisons. Je souhaitais retrouver le père chaleureux que j’avais connu lorsque j’étais enfant. Je voulais retrouver la sécurité et le bonheur que me procuraient ses étreintes. Était-ce mal de ma part de vouloir qu’il soit à nouveau doux envers moi ? Était-ce mal d’espérer qu’il arrête de me baiser jusqu’à me faire saigner ? hurla-t-elle en pleurs. Dis-moi, Sev, ai-je eu tort d’agir comme je l’ai fait ? Ai-je eu tort de le supplier d’être doux et d’accepter sans me débattre qu’il me baise ? Ai-je eu tort d’apprécier sa douceur et de croire qu’il m’aimait vraiment ? Oui, une manière tordue mais j’ne voulais plus avoir mal, Severus. Il n’y avait personne à ce moment-là vers qui je pouvais me tourner car j’avais trop honte pour pouvoir en parler. J’avais peur du regard que l’on poserait sur moi si quelqu’un le savait. Je ne voulais pas que les gens soient dégoûtés, Sev.
Severus alla étreindre la blonde qui fondit aussitôt en larmes dans ses bras, relâchant enfin toutes les émotions qu’elle avait dû garder en elle pendant toutes ces années, mettant tous ces souvenirs dans un coffre-fort parfaitement bien scellé qu’elle n’avait plus osé toucher ni approcher, sachant combien son passé pouvait être laid et douloureux.
— Tu étais une victime, Deb, murmura-t-il.
— Mais je l’ai quand même accepté et j’ai fini par le vouloir, Severus, répliqua-t-elle, dégoûtée d’elle-même.
— Tu n’étais qu’une enfant, Deb, et c’était tout simplement de l’auto-préservation. Tu essayais de te protéger du mieux que tu le pouvais et personne ne peut te blâmer d’avoir choisi de t’accommoder de cette situation. Personne ne peut te juger pour cela et certainement pas moi, la réconforta-t-il.
— J’ai eu un bébé de lui, avoua-t-elle d’une voix basse. J’ai eu un enfant.
Severus raffermit son étreinte et se prépara mentalement à la suite de l’histoire de la blonde.
— Quand j’ai découvert que j’étais enceinte, tout a changé et j’ai pris conscience de la relation malsaine dans laquelle j’étais avec lui. Il y avait un bébé en moi et je ne voulais pas que mon enfant vienne au monde dans une famille aussi détraquée. Bordel ! J’veux dire, j’étais sa fille ! Qu’est-ce que cet enfant allait être pour nous ? Et si c’était une fille, la violerait-il aussi ? J’ne voulais pas de ça pour mon enfant. Pas de cette vie, Sev. Il fallait que j’parte de là mais j’ne pouvais pas le faire car…car…je…je…
— Tu peux le dire, Deb, je ne te jugerais pas, promit l’ancien serpentard.
— Je l’aimais, finit-elle par confesser d’une voix honteuse. J’étais tombée amoureuse de mon père. J’savais que c’était mal et j’me suis punie pour ressentir une telle chose pour l’homme. J’me suis détestée pour cela mais malgré tout je l’ai aimé comme une femme aime un homme. C’était un péché mais il avait déjà été commis dès lors où il avait posé les mains sur moi, nous damnant tous les deux, souillant nos âmes et nous empêchant d’atteindre un jour le paradis. J’sais que j’suis condamnée à l’enfer éternel et j’y suis prête.
— Debby…
— J’ai fait des choses merdiques dans ma vie, l’anglais, et j’ne peux pas condamner mon paternel pour toutes mes erreurs car quand j’ai su que j’allais avoir un bébé, j’aurais dû uniquement fuir et ne plus jamais revenir dans le coin mais j’savais qu’il me pourchasserait et qu’il me retrouverait tôt ou tard. J’me devais de mettre mon bébé loin de ce fou, loin de notre famille damnée. Nous étions maudits lui et moi et c’était suffisant.
Debby inspira profondément et apaisa lentement sa respiration pour reprendre le récit de son passé dans un calme qu’elle ne ressentait pas vraiment. Elle était bouleversée de devoir se souvenir de ce passé. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais l’oublier et que c’était une partie de son histoire qui l’avait forgé à devenir ce qu’elle était mais il n’empêche que cela faisait toujours autant mal.
— J’avais pas de blé et encore moins d’endroit où crécher mais cela n’était pas important car j’voulais fuir l’enfer que nous avions créé. J’ne voulais plus vivre dans le péché donc un soir, alors qu’il ronflait devant l’écran du téléviseur, j’ai ramassé le p’tit sac que j’avais préparé et j’ai récupéré silencieusement les clés de la maison qu’il gardait constamment sur lui. J’étais à un pas de la liberté, Sev, juste un seul lorsqu’il m’a attrapé par les cheveux et m’a ramené dans la maison. Il était comme un chien enragé lorsqu’il a compris ce que je voulais faire. Il pleurait lorsqu’il m’a cogné au visage et m’a traité de tous les noms, me traitant d’ingrate et me promettant qu’il ne me laisserait jamais m’enfuir et que je lui appartenais. J’étais à lui et il n’y avait rien qui pourrait changer cela. Une fois de plus, j’étais fragile et sans défense. Je l’ai supplié et j’ai crié à l’aide. J’ai hurlé aussi fort que je le pouvais et j’ai paniqué lorsqu’il m’a frappé dans le ventre. J’ai pleuré mon bébé, Sev. Je l’ai supplié d’épargner mon enfant, notre enfant. J’ne sais pas ce qu’il y avait dans sa tête d’ivrogne mais il a soudainement arrêté de me cogner et s’est agenouillé devant moi pour me demander pardon. Il a chialé comme un gosse devant moi et m’a supplié de le pardonner. J’étais tellement faible que j’ne pouvais pas me débattre lorsqu’il m’a soulevé et qu’il est sorti en trombe pour me conduire à l’hosto. Je crois m’être évanoui durant le trajet et à mon réveil, deux jours plus tard, il n’était pas là. J’étais seul à l’hosto, apprenant par une infirmière que mon bébé allait bien et qu’il était prévu pour décembre. J’étais tellement soulagée qu’il n’ait pas tué mon bébé que j’ai mis du temps avant de me rendre compte qu’il n’était pas présent. Puis des flics ont débarqué le lendemain dans ma chambre et m’ont appris qu’il s’était suicidé quelques heures après m’avoir conduit à l’hosto et qu’ils connaissaient toute l’histoire grâce à la lettre que mon paternel avait laissé avant de se tirer une balle dans le crâne comme le lâche qu’il avait toujours été. J’ai pleuré durant des heures son décès. Je l’ai pleuré, Sev, et même encore aujourd’hui, je pleure toujours pour lui. C’était une enflure ce mec, un sale type et un ivrogne mais c’était tout de même mon père. J’ne voulais pas que ça se termine ainsi, pas comme ça mais au fond de moi, j’ai toujours su que ça finirait mal. J’ai toujours su mais j’ai pleuré pour lui, pour moi, pour mon bébé, pour tout ce que j’ne vivrais jamais avec mon père et pour tout ce qui a été gâché à cause d’un chagrin dont il n’a jamais pu se relever. Je le pleure encore et il me manque toujours même après tout le mal qu’il m’a fait.
Bien qu’il n’ait pas vécu une enfance similaire, Severus comprenait tout à fait la jeune femme. Lui aussi, il avait pleuré pour Tobias et pour toutes les choses qui n’ont pas pu être à cause de l’ivresse constante de l’homme ainsi que de sa haine permanente qui détruisait leur famille. Il avait souvent regretté de ne pas être un moldu tout comme Tobias, pensant que peut-être ainsi, l’ivrogne aurait pu l’aimer et l’aurait considéré comme un fils non pas comme un monstre.
Debby se retira de son étreinte et sourit tristement au potionniste.
— Alors tu es maman ?
Debby secoua la tête, une larme perlant sur sa joue.
— J’ne pouvais pas le garder, Sev, car à chaque fois que je le regardais, j’ne voyais que lui. Ses yeux, sa bouche… C’était dur, putain ! J’ne voulais pas haïr mon bébé et encore moins qu’il grandisse avec le fardeau de mes péchés. Qu’aurais-je pu lui dire lorsque plus tard il aurait posé des questions sur son père ? J’ne pouvais pas le damner lui-aussi, Sev. J’ne pouvais pas. J’ne pouvais pas, sanglota Debby.
— Deb, j’te comprends.
Debby le regarda d’un air sceptique.
— Alors si tu comprends, tu es, toi aussi, capable d’aller de l’avant et d’accepter que dans toutes ces merdes, tu as été une victime et qu’il n’y avait rien qui aurait pu empêcher cela. Tu n’as pas à te sentir coupable de quoi que ce soit ou de trembler de peur devant ce loup-garou car il ne peut plus te faire de mal, l’anglais. Tu as grandi et tu n’es plus seul. Il y aura toujours quelqu’un pour surveiller tes arrières.
Debby posa ses yeux au-dessus de l’épaule du potionniste et ce dernier se retourna pour constater que Scott et Ororo se trouvaient de l’autre côté du trottoir, les yeux rivés sur le restaurant de la moldue.
— Je suppose qu’ils font partie de ta nouvelle famille, déduisit la blonde.
— Oui, ils sont comme un frère et une sœur pour moi, confirma-t-il.
Et il le pensait réellement. Scott n’était pas très bavard et aimait se retrancher dans un coin mais ils avaient tous les deux appris à faire connaissance et l’hybride aimait s’asseoir aux côtés du mutant dans un silence apaisant. Il aimait la douceur et la tendresse dont faisait preuve Ororo envers lui, le considérant comme son cadet. Elle aimait le materner et bien qu’il ait été embarrassé au départ de se trouver être ainsi couvé par la mutante, il avait fini par s’en accommoder et à grandement l’apprécier.
— Tu devrais rentrer, l’anglais. Demande à ton mec de t’emmener dîner dans un resto chic et dis-lui de réserver une chambre dans un palace. Profitez de ce moment, profite de sa présence et laisse-le effacer avec ses mains, ses baisers, ses caresses, les traces de ceux qui ont osé poser leurs mains sur ton corps sans ton consentement. Laisse-le te marquer et te faire oublier tous les autres. Laisse-le adorer ton corps, laisse-le te guérir avec son amour, l’anglais. Laisse-le te faire l’amour, conseilla Debby.
Severus ne put s’empêcher de rougir au conseil de la femme.
— Je…je…ne crois pas…que ce soit…hum…le moment, balbutia-t-il, gêné.
— Au contraire, répliqua fermement Debby. Tu as besoin de ça, Severus, et la seule façon qu’il puisse te montrer qu’il t’aime c’est en te faisant l’amour. Je te promets que tu te sentiras mieux par la suite.
— Je ne sais pas, souffla-t-il incertain.
— Si tu n’es pas prêt alors ne le fais pas mais juste, réfléchis à tout ce dont nous avons discuté.
— Je le ferais.
— Maintenant va-t’en d’ici et n’oublie pas de donner des nouvelles de temps en temps.
Severus enlaça une dernière fois Debby puis se dirigea vers la porte pour rejoindre les deux mutants qui l’attendaient à l’extérieur du restaurant mais avant de partir, il se retourna vers la moldue.
— Je suis désolé de ne pas avoir pu te faire confiance plus tôt.
— T’inquiète, je comprends qu’il est difficile d’accorder sa confiance après toutes tes merdes. J’ne t’en veux pas mais je t’en voudrais si tu disparaissais à nouveau de ma vie car t’es mon meilleur ami, Severus.
— Tu es ma meilleure amie, dit-il.
Debby sourit, heureuse de l’entendre. Elle le regarda rejoindre l’homme et la femme qui avaient attendu patiemment à l’extérieur de son resto et ils discutèrent quelques minutes tous les trois avant de s’en aller, marchant côte à côte.
La blonde lâcha un soupir et sentit son corps trembler violemment alors qu’elle se cramponnait à une chaise pour ne pas tomber. Elle prit une profonde inspiration et darda un coup d’œil à la salle vide avant de quitter silencieusement l’endroit, fermant définitivement le restaurant pour la journée. Elle n’avait pas eu envie de travailler ce matin et avait encore moins la pêche depuis qu’elle avait commencé cette discussion avec l’hybride.
Debby marcha, son esprit dérivant lentement vers des souvenirs tantôt douloureux tantôt joyeux de son passé. Elle avait toujours apprécié marcher car cela lui permettait de faire le vide dans sa tête, d’oublier pendant quelques instants la douleur qui s’était installée au creux de sa poitrine et qui l’étouffait depuis quelques années.
Sans avoir vraiment pris conscience de sa destination, ses pas l’avaient conduit au cimetière de la ville. Elle resta immobile à l’entrée, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Elle n’osait plus faire un seul pas, déchirée entre l’envie d’y entrer et celle de s’éloigner le plus possible de cet endroit.
« — Papa ne cessera jamais de t’aimer, Deborah. »
Elle ferma douloureusement ses paupières à la réminiscence du souvenir et souhaita plus que tout avoir le courage d’entrer mais face à son passé, elle se sentait défaillir à chaque fois. Elle n’avait jamais remis les pieds dans ces lieux depuis l’enterrement, incapable de tirer un trait sur son passé, incapable d’avoir le courage d’abandonner et de vivre comme elle l’avait conseillé au maître des potions.
La blonde allait rebrousser chemin lorsqu’une main se posa doucement sur son épaule, la faisant sursauter de frayeur. Elle ancra son regard bleu dans les prunelles sombres du potionniste et relâcha brusquement sa respiration.
— Tu m’as fait peur, lâcha-t-elle, tremblante. Tu ne devais pas être parti ?
— Tu avais besoin de moi, répondit Severus. Je suis là pour surveiller tes arrières et te relever si jamais tu tombes.
— Merci beaucoup.
Severus lui tendit sa main et elle la prit avec une légère hésitation. Elle ne se sentait pas prête de le faire mais elle savait qu’elle ne le serait jamais et que la présence de l’hybride à ses côtés lui permettra d’affronter ses peurs et de franchir les quelques mètres qui la séparaient de la guérison.
Ils entrèrent ensemble dans le cimetière et elle se cramponna à la main de l’ancien mangemort, faisant grimacer le jeune homme de douleur mais il ne la lâcha jamais. Elle les mena jusqu’à la tombe de l’homme qui fut pendant longtemps son tortionnaire et son bourreau.
Debby darda son regard sur la pierre en marbre blanc et ouvrit son sac pour en sortir son portefeuille et en extirpa une photo affichant un jeune adolescent aux cheveux bruns et aux yeux d’un gris orageux. Elle déposa l’image sur la pierre froide et se redressa, incapable de contenir ses larmes.
— Il s’appelle Stephen, dit-elle la voix rauque. Et comme tu peux le voir, il a tout pris de toi. Tes cheveux, tes yeux, ton visage…
Elle s’interrompit un instant pour repousser le sanglot qui obstruait sa gorge.
— Il m’était impossible de le regarder sans te voir. Il m’était impossible de l’aimer sans m’empêcher de le haïr et je me suis détestée de ne pas être une mère pour lui car sa présence me faisait trop mal, confia la blonde. Tout en lui me rappelait tout de toi. Le toucher était aussi apaisant qu’écœurant et pourtant j’ai essayé, je promets que j’ai essayé mais…mais je n’ai pas pu…je n’ai pas pu…
Severus resta silencieux, soutenant du mieux qu’il le pouvait la blonde qui éclata en sanglots, déversant pour la première fois tout ce qu’elle n’avait pas pu oser dire par peur d’être jugée et rejetée.
— Je te hais, cria-t-elle. Je te déteste ! Je n’ai pas pu prendre soin de Stephen parce que tout était faux, tout était mal. Je ne pouvais pas le souiller avec notre nom, avec cette histoire. Je n’ai pas pu lui faire ça alors j’ai dû…j’ai…dû le laisser partir. J’ai dû confier son bonheur à d’autres. Je devais le faire. Je devais le faire et je…
La blonde tira sur ses mèches blondes, bouleversée. Elle ne regrettait pas son geste mais il n’empêche que cela faisait toujours mal. Elle détailla tendrement la photographie de l’adolescent et eût un sourire affectueux.
— Il n’est ni comme toi ni moi. Il est intelligent et ses parents m’ont dit que Stephen comptait devenir toubib. Il sauvera des vies, il fera du bien et sera un grand homme. Il ne sait rien de moi, de nous mais un jour, quand je serais prête, quand je serais totalement guérie et que je serais capable de le voir lui et non toi alors à ce moment-là, je lui dirais la vérité. Je lui dirais que tu as été un vrai connard, un enfoiré de la pire espèce et que j’ai joué la pute pour ne plus avoir mal, pour ne plus souffrir mais je lui dirais aussi qu’avant que tout ne se déchaîne, qu’avant que tu ne deviennes cet enfoiré, tu avais été un père pour moi, que tu te crevais au boulot pour me nourrir et que tes caresses n’avaient rien eues d’incestueux mais qu’elles étaient apaisantes. Je lui dirais que je t’ai aimé et que…je…je…
Elle poussa un long soupir, essuyant ses larmes.
— Je t’ai pardonné, papa, murmura-t-elle. Je t’ai pardonné et j’espère que lorsque viendra mon tour, tu seras là pour m’accueillir en tant que père.
Elle sentit son âme s’alléger et sa douleur perdre en intensité. Elle l’avait enfin fait et pouvait ouvrir un nouveau chapitre de sa vie. Elle n’oublierait jamais mais elle allait faire de son mieux pour être heureuse. Le monstre de ses cauchemars avait été chassé et la haine qui avait noirci son âme venait de s’envoler pour ne laisser que d’amers regrets. Finalement, il n’y avait que Severus qui avait besoin de se rendre compte qu’il était temps de pardonner pour avancer.
Elle se retourna pour faire face à l’ancien mangemort et sourit pour le rassurer.
— Je n’ai plus besoin de toi, l’anglais.
— Si tu éprouves le besoin d’être soutenue pour discuter avec ton fils, je suis là, dit Severus.
— Stephen n’est pas mon fils, Sev. Je lui ai donné la vie mais le rôle de maman, je l’ai accordé à une autre qui a fait de lui le merveilleux garçon qu’il est aujourd’hui.
Le maître des potions acquiesça silencieusement, comprenant parfaitement la moldue. Après tout, lui et son compagnon avaient adopté deux formidables petits garçons qui leur avaient été confiés par leur mère respective pour qu’ils puissent en prendre soin.
— Je te reverrais dans une semaine, Deb, dit-il.
— D’accord. Et merci encore pour tout, l’anglais.
— Merci à toi aussi.
Il croisa une dernière fois le regard de la blonde avant de transplaner, quittant le cimetière pour rejoindre le reste de sa famille à l’institut Xavier. Il avait obtenu ce pourquoi il était revenu à Malibu auprès de Debby.
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