Chapitre 41 : le doute
Romy ne savait pas où se mettre, en vérité. En fait, il ne comprenait pas grand-chose. Si ce n'était qu'Almarica avait l'air totalement détruite, et que tout était à cause de Fenror. Fenror, qui actuellement paraissait tout aussi dévasté. Un tel secret ... il n'était pas sûr de bien saisir ce qu'il s'était vraiment passé, mais ...
« - ... Le courage dont Philios a fait preuve ... Je ne peux que le saluer. J'ignorais qu'il avait ... Oh, Philios. Et dire que son nom a été souillé durant si longtemps. C'est insupportable !»
La douce voix de Kryos, d'ordinaire calme et posée, avait aujourd'hui des inflexions enflammées. Et Romy ne pouvait pas lui en vouloir ...
- C'est monstrueux, murmura Sheena, en secouant la tête.
- Oui, souffla Fenror, avant d'enfouir le visage d'Ash entre ses mains.
Il n'avait plus vraiment faim, mais il se força tout de même à engloutir ce qui se trouvait dans son assiette. Quelque chose lui disait qu'ils allaient avoir besoin de force, pour aujourd'hui. Il jeta un coup d'œil en biais à Amélia, qui gardait son regard rivé sur la porte par laquelle Almarica s'était éclipsée, l'air sombre. Pendant un instant, il crut qu'elle allait se jeter à la suite de leur amie, mais finalement ... elle se contenta de l'imiter, en buvant son thé, et finissant son assiette. Zelphis s'accroupit devant Fenror, lui murmura quelques mots, avant de poser une main sur son épaule.
La vérité avait enfin éclaté ... Ça lui faisait étrange. Des mois qu'ils se demandaient tous ce qu'il s'était passé ... pour apprendre ça. C'était monstrueux, en effet. Même s'ils avaient apparemment vaincu Bellum ... ce dernier avait trouvé le moyen de saccager la vie de son frère et sa sœur. Ce type était une véritable horreur. Et il s'y connaissait, en matière de famille ignoble. Il repensa à ses parents. À ce qu'il lui avaient fait, à ce qu'il leur avait fait. Des membres importants des Saint Souls ... Il repensa au piège qu'ils leur avaient tendu, à la gare, avec les valises : Romy n'était pas bête. Il savait parfaitement que ça ne marcherait pas pour toujours. Il avait gagné de l'avance, mais ce ne sera pas éternel. Ils allaient devoir se remettre à bouger, et vite. Mais ils étaient enfin arrivés à Windy-Hill ... Pouvaient-ils rentrer chez eux, maintenant ? Ou devaient-ils réellement aller à Sunset Mansion ? Il voulait simplement que tout s'arrête ...
«- Ne t'inquiète pas. Ça ira, Romy.»
Eh bien, actuellement, il voulait que ça aille maintenant. Tout de suite.
Mais malheureusement, c'était un caprice enfantin, et il le savait. Avec un léger soupir, il se força à terminer les différents plats qu'il avait pris dans son assiette, tout en continuant d'observer Fenror et Zelphis du coin de l'oeil.
Si le premier semblait anéanti, le second paraissait surtout désolé. Presque ... Plein de remords. En même temps, avec tout ce qu'il savait sur cet ancien roi, il avait toutes les raisons d'être plein de remords.
«- Au début, nous ne le supportions pas, en effet. C'était un être très ... princier. En opposition à Fenror, et à Philios On ne pouvait faire deux frères plus différents qu'eux. Un peu comme Bellum et Fenror ... Non pas que je compare Bellum à Zelphis, mais Zelphis n'était pas vraiment connu ou réputé pour être un enfant de cœur.»
Romy haussa un sourcil, sceptique, et grommela sous sa barbe.
- Un mec génial, en somme.
«- On ... peut dire ça, oui. C'était un excellent roi, mais une personne ... étrange. Qui ne comprenait pas pourquoi parfois, certaines personnes lui disaient non.»
Oh, vraiment un type charmant pas vrai ?
«- Vers la fin, il a changé. Il ... est devenu plus humble. Plus respectueux envers nous. C'était ... un personne changée. Et bien plus agréable, ouais. Mais Almarica et Zelmaria n'ont jamais vraiment cessé de le haïr. À juste titre.»
En effet. Lui même n'était pas vraiment sûr de pouvoir lui faire confiance. Et si la nourriture avait été empoisonné ?
«- Idiot. Ça suffit.»
- hu-um ... Mais du coup, je me posais une question. Katherina ... ?
À l'entente de son nom, la demoiselle se retourna vers lui, impérieuse, avant de lui jeter un regard à glacer le sang. Elle était terrifiante. Amélia, plissa les yeux en sa direction, et articula une insulte sous son souffle ... qu'elle entendit bien évidemment. Lorsque la petite brune lui retourna le regard le plus outré qu'il soit, Amélia se contenta de lui renvoyer un merveilleux sourire.
Elle était parfaite, Absolument parfaite.
«- Katherina ... était la petite sœur de Zelphis. Mais aussi la grande de Philios. Elle a toujours été très protectrice de ce dernier, bien qu'ils n'aient tout au plus qu'un an d'écart. Ses frères passaient avant tout pour elle. C'était une personne respectée, au sein du royaume. Dévouée à sa patrie comme quasiment personne d'autres avant elle. Mais elle était aussi très attachée aux traditions. Un peu trop, sans doute. Tout ce qui sortait de ce contexte pour elle était un vrai blasphème.»
Il avait cru le comprendre, en effet. Et Amélia qui continuait de défier l'ancienne reine du regard, avec un sourire des plus goguenard ... Katherina paraissait apprécier cela avec de moins en moins de retenu ... Un crêpage de chignon potentiel ?
«- Alors lorsque Philios et Svelja ont ramené parmi eux Zelmaria, moi, Leedna, Kryos, Fenror, Guemnir et Almarica ... Elle a faillit ... ah, comment dites-vous déjà ... Ah oui ! Faire une apoplexie.»
- Je vois ...
«- Mais c'est surtout à Almarica qu'elle en voulait. Énormément, même.»
- Parce que Philios l'aimait ?
«- Très exactement. Parce que Philios l'aimait. Elle voyait Almarica comme une menace pour son frère. Quelqu'un l'ayant manipulé, l'ayant changé, l'ayant ... transformé en une vulgaire marionnette.»
- Mais c'est ignoble ! Almarica est loin d'être capable de telles choses ! Elle déteste les manipulateurs !
À l'époque où ils ne la connaissaient encore que sous le titre de Marika Haru, elle était une battante. Et toujours en croisade contre l'injustice qu'elle pouvait apercevoir autour d'elle. Un jour, une des amies de Nancy avait clairement volé un bijou précieux à une camarade de classe. Et cette amie pleurait des larmes de crocodile, en beuglant qu'on mentait, que ce n'était pas elle la voleuse ... Marika avait manqué de l'envoyer à l'infirmerie. Alors avec ce qu'il entendait de la part de Kryos ... Ça lui donnait la gerbe. Katherina avait vraiment l'air d'une peste. Une peste coincée, et obtus.
«- En effet ... Mais Almarica était issue du royaume ennemi. Et une Reïsha, qui plus est. On s'est tous battus bec et ongles pour se faire accepter à la Cour de Zelphis. Même ce dernier était méfiant de nous. Et son animosité envers Fenror n'avait de secret pour personne.»
- Parce qu'il voulait draguer Svelja, on sait tout ça.
Zelphis et Fenror, en entendant le nom de la guerrière, relevèrent de concert la tête vers lui. Il se contenta de leur faire un sourire nerveux, et secoua la main.
- Kryos me met à jour ...
Le regard de Zelphis se fit soudainement plus vif, brillant, et il claqua des doigts, d'une manière étrangement spontanée.
- Tu es le réceptacle de Kryos ! Donc je suppose ...
Il pointa son frère, qui montra les dents en retour.
- Guemnir.
Puis Amélia.
- Leedna, bien évidemment.
Le sourcil impérieux qu'elle haussa valait autant qu'une bonne insulte. Il porta le regard sur Ciela, qui se contenta de prendre une grande inspiration, crispée. Zelphis esquissa alors l'ombre d'un sourire, et il hocha la tête.
- Svelja.
Ciela tiqua, en entendant le nom, mais ne fit aucun commentaire.
- Et Zelmaria, termina-t-il, en la désignant d'un mouvement de la main.
Contrairement à ce à quoi il s'attendait, Sheena ne se recroquevilla pas sur elle même. Elle se redressa de toute sa hauteur, et plissa les yeux. Crìs, a ses côtés, rayonnait de fierté. Et Fenror esquissait un sourire ... presque triste.
Katherina baissa la tête, les bras croisés, et soupira longuement, alors que Zelphis applaudissait sans la moindre raison, l'air émerveillé.
- C'est incroyable. C'est miraculeux, même. Je n'en reviens pas, tout a marché ... Enfin, tout ... Je suppose ? Ressentez-vous des douleurs ? Des effets secondaires ? Par les dieux, je n'avais pas prévu une telle cohabitation ... Fenror, j'ai besoin d'informations. Tu dois tout me raconter dans les moindres détails.
C'est à ce moment-là que le visage d'Ash s'assombrit. Et Romy sut ce qui allait suivre.
- En fait ... C'est compliqué, Zelphis. Et avant tout, je dois te raconter quelque chose. Et j'ai besoin que tu me prêtes oreille.
Zelphis quitta son expression un peu enfantine, et immédiatement, un air plus sérieux prit le pas. Il croisa les bras, à son tour, et Katherina releva la tête, soudainement plus attentive.
- Tout a commencé en ... décembre dernier.
À ce moment-là, Amélia se leva alors, le plus discrètement du monde, sans un bruit. Elle s'éclipsa dans le couloir, et Romy l'y suivit, par réflexe.
Au passage, il frappa dans la main que lui tendait son frère, et ébouriffa Sheena. Eux semblaient décidés à rester. Tant mieux. Ils ne seraient pas trop de trois à tout expliquer.
Il retrouva son amie plantée dans le couloir. Amélia semblait hésiter, toute seule. Peut-être songeait-elle à quelle direction prendre ? Elle regardait autour d'elle, l'air perdue, enveloppée dans ses bras comme dans une couverture.
- Ça va ? lui demanda-t-il, avec douceur, souhaitant éviter de la surprendre.
Elle fit volte face, vivement, mais se détendit en le reconnaissant. La jeune fille haussa les épaules, et laissa son regard parcourir les murs autour d'elle.
- J'ai ... une petite migraine, mais ça va. J'ai vu ... pire. Et toi ?
- Moi je vais bien. Et aux dernières nouvelles, ce n'est pas moi qui ai été possédé.
Elle esquissa un petit sourire, et sembla contenir un éclat de rire. Mais elle finit par secouer la tête, doucement, et avança de quelques pas.
- Je vais bien. Leedna a pris soin de moi. Tu sais qu'elle m'a montré de belles choses ? Un champ magnifique. Où elle aimait se rendre, plus jeune.
- Oh, ça fait envie ... murmura-t-il, en lui emboîtant le pas.
Elle semblait nerveuse ... Il ne savait pas vraiment ce qui lui était arrivé, à New York, mais selon Julian, des Saint Souls avaient porté la main sur elle. Rien que d'y penser, il mourrait d'envie d'étrangler ces minables.
Il était inquiet, pour elle. Mais il ne savait pas comment réagir. Il connaissait Amélia. C'était une fille fière. Et déterminée. Il ... il l'avait aussi vue autrement. Perturbée. Embarrassée. Apeurée. Terrifiée, même. Mais là ... Là, elle semblait juste ... apaisée ? Non, ce n'était pas le bon mot. Une certaine tension habitait ses épaules, crispait sa mâchoire ... Elle n'était pas apaisée. Simplement fatiguée. Et très tendue. En même temps, avec ce qu'ils venaient d'entendre ...
- Tu cherches Almarica ?
- Ouais. Je ... Je n'ai pas envie qu'elle reste seule.
Romy plissa les lèvres. Oui, c'était compréhensif. Mais ...
- Peut-être justement vaudrait-il mieux la laisser seule.
L'Element lui fit les gros yeux, et il haussa les épaules, presque malgré lui.
- On ne peut pas la laisser seule après tout ça ...
- Je ... pense qu'il vaut mieux, tu sais.
Il pensa à son frère, lorsqu'ils s'étaient rendus compte à quel point leurs parents étaient des monstres. Il pensa à Sheena, lorsqu'elle avait appris la mort de sa sœur. Puis à Ash. Ou bien lui. Lui, qui avait perdu Kiwi, Violet ... Le poids de leur deuil lui retomba sur les épaules. Le poids de la trahison de Léo, également. Et durant un instant, Romy ploya sous cette charge de souffrance. Sa vision se brouilla sous les larmes, qu'il peina à retenir.
- Romy ? Eh, Romy ...
La main que posa Amélia sur son épaule le fit tressaillit. Mais au lieu de la repousser, il se contenta d'essuyer ses larmes, las.
- Ça va. Je suis simplement ...
- Fatigué ?
- On peut dire ça.
À son tour, elle esquissa un joli sourire, et elle hocha la tête, avant de soupirer.
- On l'est tous.
En effet. Finalement, ils se contentèrent de rester là, dans le couloir. Entendre sa respiration tout près de la sienne, alors que sa main n'avait toujours pas quitté son épaule, l'apaisait. Elle l'apaisait.
Au bout d'un instant, il se redressa, et ils firent quelques petits pas, ensemble. Sa main quitta son épaule, à son regret, et elle s'arrêta de nouveau.
Son regard s'était posé sur une des peintures devant elle. Un jardin, magnifiquement fleuri, explosant de mille et une couleurs. La lueur du soleil jouait merveilleusement bien avec l'eau de la fontaine au centre du tableau, d'où s'élevait une magnifique sculpture pleine de charme et de grâce. Celle d'une femme ou d'un homme, il aurait bien été incapable de le dire. Si ça se trouve, c'était celle d'une baleine. Ou d'un gros insecte. Yerk.
- C'est beau.
Enfin, ça avait l'air. Il n'était pas très doué, quand ça concernait à peu près tout ce qui touchait à l'art.
- C'est un des jardins du palais royal.
- Hein ?
- Leedna. C'est ... C'était son endroit préféré, au palais. Quand ils étaient tous ensemble, là bas. Et même avant.
- ... Oh.
Amélia croisa les bras, et son regard se fit soudainement bien plus doux.
- Dis ... Kryos te parle, parfois ?
- Oh, oui. Assez souvent, même.
- Et ... Il te raconte beaucoup de choses ?
- Ça dépend. La plupart du temps, on débat sur des trucs, et des machins, marmonna-t-il en haussant les épaules.
Elle lui jeta un regard de biais, avec un minuscule petit sourire.
- ''Des trucs et des machins'' ?
- Eh, oh, ça va hein. On parle de choses diverses, si tu préfère, madame je suis à cheval sur les mots.
Cette fois-ci, elle se fendit d'un vrai sourire, et il ne put se retenir de l'imiter.
- Et toi ? Leedna te parle souvent ?
- Ça dépend. La plupart du temps, elle est silencieuse. Mais elle est toujours là quand il faut.
Il repensa au fait que Leedna avait pris sa place durant presque deux jours. Tout ça pour ... protéger Amélia ? Elle semblait vraiment être ... une bonne personne.
- Tant mieux, alors. Tu mérites tout le soutien que tu puisses trouver.
Elle lui coula un regard en biais, qu'il fit de son mieux pour éviter. Une sueur froide lui coula le long de la nuque, et il maîtrisa un petit frisson. Est-ce qu'il avait ... dépassé les bornes ? En avait-il trop dit ? Mais qu'est-ce qui lui avait pris, enfin ?
Pourtant, au bout d'un certain temps, elle finit par reprendre la parole.
- Merci, Romy.
- De rien ...
Il déglutit, deux fois, et souffla longuement. Il n'était pas passé loin de la catastrophe.
- J'espère tout de même qu'Almarica va bien ...
- Ouais, moi aussi.
- Je sais que tu penses que la laisser seule est une bonne chose, mais ... Ah, je suis désolée.
- Le sois pas, moi aussi, ça m'inquiète. Tu ... pense qu'on devrait aller la chercher ?
Elle pinça les lèvres, et joua nerveusement avec une de ses mèches de cheveux.
- D'un côté j'ai envie d'aller la voir, mais d'un autre ...
Soudain, elle se tut, en écarquillant les yeux ... avant de grimacer. Peut-être était-elle en conversation avec Leedna. Il se détourna un instant, laissant nerveusement son regard parcourir le couloir. D'autres tableaux, d'autres paysages. Et les meubles ... Est-ce que Zelphis et Katherina les avait achetés en temps réel ? Incroyable que de se dire qu'ils avaient vécu durant huit mille ans ... Qu'est-ce qu'il pourrait bien faire de sa vie, durant huit mille ans ? Ah, certes, il aurait bien le temps de finir tous ses Zeldas, et même plus, mais ... au bout d'un moment, il tournerait en rond. Vivre éternellement ... Non, il ne se le concevait pas vraiment.
Son regard accrocha alors un tableau. Pas très grand, un peu dissimulé derrière un meuble imposant, il représentait ... Zelphis. Un Zelphis habillé de vêtements un peu étranges. Curieux, il voulut s'approcher du tableau, pour l'inspecter un peu plus en détail ... Quand il se prit les pieds dans le tapis.
Et tomba sur le meuble.
Amélia poussa un cri strident, et il se rattrapa au meuble comme il put, manquant de faire tomber une porcelaine quelconque ... Et le tableau chuta à terre avec un bruit sourd.
- Romy ! Tu peux pas faire attention ?!
- J'ai pas fait exprès ! répliqua-t-il, en se redressant maladroitement.
- Encore heureux ! Ouf, rien n'est cassé ...
Et personne n'avait l'air d'avoir rien entendu. Tant mieux ! Tandis qu'Amélia se dépêchait de remettre en place les bibelots qu'il avait déplacé avec sa collision, Romy récupéra le tableau. Même pas égratigné. Ça, c'était de la bonne cam', rien à dire là dessus ... pourtant, au moment de le remettre au mur, quelque chose tomba à ses pieds, avec un bruit métallique. Oups.
Amélia lui jeta un regard mortifié, et il se mordit la lèvre inférieure, s'invectivant de tous les noms ... Jusqu'à ce qu'il réalise que techniquement, un tableau ne devait pas faire de bruit métallique. Et que surtout, une clé ne pouvait, en toute logique, pas tomber d'un tableau ...
- Mais qu'est-ce que ... ?
- Romy, repose ça.
- Non attends ... Regarde, t'as vu ça ? Elle est pas récente, cette clé. Et elle est un peu rouillée non ?
- On s'en fiche, tu ...
- Non, non. Regarde. Une clé comme ça ... commença-t-il en la lui agitant sous le nez.
Elle lui décocha un regard noir, avant de secouer la tête.
- Une clé comme ça, c'est surtout PAS à NOUS. C'est à dire ...
- Pourquoi planquer une clé derrière un tableau ?
- Qu'est-ce que j'en sais ?
- Amélia, réfléchis. Il n'y a qu'eux deux dans cette baraque, ils ne reçoivent jamais de visiteurs. Pourquoi se donner la peine de planquer une clé ?
Elle se tut un instant, troublée par sa remarque, et Romy en profita pour étudier la clé un peu plus en profondeur. C'était une clé ancienne. De celles qu'on utilisait bien avant le vingt-et-unième siècle.
- Et pourquoi la planquer derrière un tableau de soi ? C'est un peu mégalo non ?
Elle haussa un sourcil, et croisa les bras.
- Je ne sais pas si le mot est celui que j'aurais utilisé mais ... Ouais, c'est bizarre. Surtout que le tableau est dissimulé derrière un meuble. Qui dissimule un tableau derrière un meuble ?
- Quelqu'un qui l'avait oublié ... ou quelqu'un qui ne veut pas qu'on le trouve ?
Ils échangèrent un regard un peu perdu ... avant de fixer la clé.
- Tu pense que c'est ... la clé d'une porte ?
- Ou d'un coffre, pour autant qu'on sait.
Il retourna la clé entre ses mains, plusieurs fois, et serra les lèvres. Elle était un peu trop imposante pour ouvrir n'importe quoi, mais pas assez pour un truc énorme ... ou alors, il était très nul pour évaluer l'importance des clés anciennes. Ce qui était fort possible. Il était fatigué, après tout. Et n'y connaissait rien.
Amélia la lui prit alors des mains, et à son tour, elle l'inspecta sous certains angles.
- Elle est relativement épaisse. Et vu la matière, elle semble également être solide. C'est une clé de porte. Une porte assez lourde.
Ah d'accord. Amélia s'y connaissait en clés anciennes ? En voyant son regard, elle haussa les épaules.
- Quoi ? C'est évident, non ?
- Si tu le dis ...
- Bref. On en fait quoi, du coup ?
- Bah on va chercher ce que ça ouvre ?
- Enfin, Romy !
- Bah quoi ? Tu m'en veux d'être curieux ?
- On est pas chez toi. On peut pas se permettre de fouiller en ...
Il plissa les yeux, et croisa les bras.
- Écoute. Je les aime pas, et ils cachent des trucs. Et quelle personne n'ayant rien à cacher planque une clé derrière un tableau d'elle-même ?
- C'est complètement tiré par les cheveux, Romy.
- Allez ! T'aimes pas Katherina, j'aime pas Zelphis, unissons notre mécontentement pour quelque chose d'utile.
Elle haussa un sourcil, peu convaincue, mais Romy lui fit les yeux doux.
- Et en plus ... J'ai toujours rêvé de faire mon Détective Conan, marmonna-t-il plus pour lui même qu'autre chose, avec un gros sourire.
- Ton ... Ton quoi ?
- Rien.
Elle leva les yeux au ciel, et fixa le tapis devant elle, un instant, l'air en pleine réflexion ... Puis elle exulta un soupir. Romy ne put s'empêcher de sourire. Il avait gagné ...
- Alors, selon toi, par où commencer à chercher ? Vu que tu as l'air une experte en clés anciennes ...
Elle le foudroya du regard, et balaya le couloir du regard. L'escalier menant à l'étage, les autres pièces ... Elle se mordit la lèvre inférieure, un instant, l'air en pleine réflexion, tout en triturant la clé entre ses doigts.
- La clé n'a pas été usée depuis un moment, apparemment. Et surtout ... Elle n'ouvre aucune des portes du rez-de-chaussée. Tu as remarqué que même si elles avaient une poignée, elles n'ont pas de serrure ?
Il se figea un instant, et porta son regard sur la porte la plus proche. Elle avait raison.
- Celles de l'étage, tu penses ?
- On peut essayer, mais je pense que ce sera pareil.
- Ton instinct ?
- Plus ou moins ... Et un semblant de logique. S'il n'y a pas de serrure ici, il n'y en aura pas à l'étage. Et puis ... Les portes sont trop légères pour être ouvertes avec une clé pareille. Il faudrait autre chose.
- Un truc plus épais ? Genre ... une porte d'entrée ? Celle de la maison ? Elle, elle a une serrure.
- Ouais, mais la clé ne correspondrait pas. Trop grosse pour rentrer dans une serrure pareille.
- T'as retenu ça ? s'étonna-t-il.
- Écoute, mêle-toi de ce qui te regarde, Romy, grommela-t-elle en rosissant un peu.
Il ricana un instant, et se tut, lui laissant le temps de réfléchir un temps soit peu. C'est ... presque adorable, que d'assister à la révélation d'une nouvelle passion. Peut-être que pour son prochain anniversaire, il lui offrirait une clé ancienne. Enfin, à part ça ...
- Donc ... tu penses que ça n'ouvre rien ici ?
- J'ai pas dit ça. C'est possible que ce soit une clé qui ouvre autre chose que ...
Soudain, elle redressa la tête, et une drôle de lueur passa dans son regard. Il ne put retenir un grand sourire, et mit les mains dans les poches. Quand Amélia avait une idée, c'était toujours extraordinaire.
- Je pense ... que ça ouvre quelque chose qui n'est pas à porté de vue.
- Comme ... une porte secrète ? murmura-t-il, en frissonnant d'excitation.
- C'est probable, admit Amélia, en esquissant un petit sourire.
Ils se regardèrent, un instant, et ... commencèrent à fouiller. Toutefois, fouiller en tentant de faire le moindre de bruit possible, c'était bien étrange, et peu pratique. Heureusement, l'esprit logique d'Amélia élimina plusieurs possibilités. Pas de porte possible sur un couloir menant à l'extérieur, déjà. Ensuite, des portes ouvrant sur des pièces déjà présentes, c'était également très peu probable. Il fallait donc trouver un lieu qui n'ouvrait sur aucune pièce présente, mais qui puisse toutefois avoir suffisamment d'espace pour au moins la place d'y tenir une pièce ... La possibilité de l'étage ressurgit dans leur esprit.
Une petite voix lui disait que c'était stupide que de tenter une telle chasse au trésor. Qu'il avait mieux à faire. Mais l'entièreté de son être préférait se jeter dans la quête d'une porte inexistante. Peut-être était-ce un moyen d'évacuer le stress. Ou d'éviter de devenir fou.
Romy était lancé dans quelque chose qui le dépassait totalement. Il avait parfois l'impression d'être un jouet dans les mains de l'Inexistante. Et il ne parlait pas de Ash et Ciela, qui paraissaient avoir le gros de son attention ... En rentrant à l'Académie, gamine légendaire ou non, il aurait quelques mots avec elle.
Mais au moment de monter à l'étage, Amélia lui attrapa la manche, le regard rivé sur le tapis. Et lorsqu'elle releva un regard plus lumineux que jamais sur lui, il sut où elle voulait en venir.
- Tu penses à ...
- Une trappe.
Durant un instant, il faillit bondir à pieds joints. Il se sentait comme une sorte d'explorateur. Un Lara Croft. Ou un Nathan Drake, pour autant qu'il sache.
- Une trappe ... Mais comment savoir où la trouver ? Elle pourrait être n'importe où dans la maison.
Au moins, si c'était effectivement une trappe, ça éliminait les possibilités de l'étage.
- Non, pas forcément. Tout est une question de pratique. Tu ne vas pas mettre une trappe dans une salle de bain, par exemple. Il faut que ce soit un lieu qui puisse, certes, contenir beaucoup d'espace, mais aussi ... qui ne gêne rien. Comme la tuyauterie, ou la plomberie ... Oh, si seulement on avait un plan de la maison ... grommela-t-elle, en fronçant les sourcils.
Ah, maintenant Amélia était une architecte ... Et bien, pourquoi pas ?
- Tu as un peu trop joué aux Sims ? la taquina-t-il, avec un sourire en coin.
Ce ne fut que lorsqu'il constata que ses joues avaient pris une bonne teinte rose qu'il perdit son sourire.
- Attends, Amélia ... Sérieusement ?
- Eh, oh, hein, on est tous passés par là ... grommela-t-elle.
- Je critique pas, c'est cool les Sims ... C'est juste que ... je ne t'aurais pas vu jouer à ça ?
- Ah oui ? Tu m'aurais vu jouer à quoi, alors ?
- Nintendogs ?
Elle lui assena une tape sonore sur l'épaule, et il ne put s'empêcher de ricaner.
- Je te déteste.
- Mais non, personne ne me déteste.
- Tsss ...
- Toutefois, tu n'as pas tort. Mettre la main sur le plan de la maison pourrait être une bonne idée ... Ah, j'ai une idée ! La bibliothèque !
- Tu penses qu'on pourrait trouver ça là bas ?
- Ouais ... On range toujours les plans dans les bibliothèques. Du moins, c'est comme ça que ça se faisait ... Dans les maisons anciennes. Tu vois ?
Elle lui jeta un regard un peu sceptique, mais haussa les épaules.
- Ouais, je vois.
Tous deux, ils entrèrent dans la bibliothèque, en refermant doucement la porte derrière eux, et Amélia marcha jusqu'au milieu de la pièce, avant de faire le tour sur elle-même.
- Bon. Ça m'a l'air d'être une bibliothèque tout ce qu'il y a de plus normale. Enfin, je veux dire ... Rien qui ne puisse signifier : eh, mes plans sont ici !
- Ouais ... Peut-être qu'on peut essayer de chercher si on trouve ... un tiroir ?
- Mouais ... Ou alors ...
Soudain, elle se figea. Et regarda ses pieds, rien qu'un instant. Elle fit deux pas en arrière. Puis deux pas en avant. Et encore, et encore ...
- Eh, à quoi tu joues ?
- Chut. Le sol. Écoute ...
Écouter quoi ? Elle marchait sur un tapis ... Pourtant, au rythme de ses pas ... il reconnut une légère dissonance. Un son presque étouffé ...
Il se précipita vers elle, et marcha à son tour. Non seulement il y avait une légère différence dans le bruit de pas, entre ici et plus loin, mais il y avait aussi ... un léger renfoncement.
Ils échangèrent un regard, et ... s'attelèrent à retrousser le tapis. Tapis, qui étrangement, ne relâcha pas un grain de poussière. Ah, être un Element d'air devait certainement aider à faire le ménage ... De temps en temps, il s'amusait à nettoyer sa chambre à ''sa manière'', même si ça déplaisait fortement à Ash.
Le tapis s'enroula avec facilité, alors qu'ils dégageaient la zone incriminée ... pour y trouver ... Une trappe.
Une vraie trappe, comme dans les film. Le loquet permettant de tirer la trappe était renfoncé dans le bois, avec suffisamment de finesse pour que rien ne dépasse. Incroyable ...
- On avait raison ! s'exclama Amélia.
- Ça fait plaisir, quand même ... ricana Romy.
Il passa la main sur la trappe, s'étonnant de la douceur du bois. Il se serait attendu à quelque chose d'un peu plus rugueux ... Mais surtout, au vu de la teinte de la trappe, bien plus claire que le reste du plancher, il devina qu'elle ne devait pas être exposée bien souvent ... Et là, au bord d'un des côtés de la trappe ... Une serrure.
- Amélia, la clé !
Elle la lui donna, prestement, et Romy l'enfonça, fébrile ... Avant de la tourner. Le mécanisme céda avec difficulté, en un déclic assez bruyant.
- C'est beaucoup trop cool ... ricana-t-il, en retirant la clé.
- Je dois bien l'avouer ... C'est classe, admit Amélia, en ricanant doucement.
Il la bouscula, et elle répondit en lui donnant un coup dans l'épaule, manquant de le faire rire à son tour.
Il aimait cette petite chasse aux trésors à ses côtés plus qu'il ne voudrait bien l'admettre ...
- Attends, je vais l'ouvrir, finit-il par dire, en se relevant.
- Tu es sûr ? Elle a l'air lourde ... Je peux t'aider.
- Nan. J'ai pas besoin d'aide, je suis un mec voyons.
Elle roula des yeux en grommelant, et il fit semblant de faire rouler des muscles imaginaires.
- Dépêche-toi, espèce d'idiot, gronda-t-elle ... avec un petit sourire en coin, toutefois.
Il enjamba la trappe, et s'accroupit, prenant doucement le loquet entre ses deux mains, et lui jeta un coup d'œil.
- Tu es prête ?
- Allons-y.
Romy se redressa, et tira de toutes ses forces. Et qu'est-ce que c'était lourd ! Il faillit lâcher un glapissement, mais réussit à se contenir au dernier moment, alors qu'il réussissait à ouvrir la trappe.
Ils toussèrent de concert alors que celle-ci relâchait un grand nuage de poussière.
- Ok, là, ils ne doivent pas nettoyer beaucoup ... réussit à dire Amélia entre deux quintes de toux.
Romy invoqua un léger courant d'air qui chassa la poussière, et il réussit à bloquer la trappe alors qu'il l'avait ouverte aux trois quarts.
- Tu vois quelque chose ? lui demanda-t-il alors qu'il venait s'installer à côté d'elle.
- Des escaliers, je crois ... mais ... c'est tout.
En effet, se présentait devant eux une belle volée de marches qui s'enfonçaient dans les ténèbres ...
- Ah, ça fait un peu glauque, là ...
- Complète ...
- QU'EST-CE QUE VOUS FAITES ?!
Le hurlement les firent sursauter de concert, et ils se retournèrent ... pour trouver là une Katherina blanche de rage.
Oups.
* * * * *
Judith rêvait. Du moins, le pensait-elle. Tout autour d'elle, se trouvait une grande forêt. Non. Pas une forêt. Le parc de l'Académie.
Un endroit où elle avait passé bien trop de temps, entre deux cours. Et la voilà de retour.
Elle se mit à marcher, doucement, et effleura un tronc de ses doigts, doucement. Tout était si familier, tout était si ... nostalgique.
L'Académie lui manquait. Beaucoup, même. Mais lorsqu'elle était partie, ça avait été sans se retourner. Son objectif primaire était bien plus important que tout le reste ... Et après presque dix ans de recherche assidue, elle allait y parvenir.
Elle se souvint, de toutes les fois où ses anciens camarades s'étaient moqués d'elle. Lui disant que son rêve de poursuivre les études de sa grand-mère n'était que bêtises et futilités. Combien de fois les professeurs l'avaient-ils fustigés pour sa passion ? Combien de fois l'avait-on menacé de la dénoncer au Conseil, pour oser tenter de reprendre les études de sa défunte grand-mère, trahie par des bureaucrates butés sur leur conservatisme ? Et combien de fois, elle même n'avait-elle pas songer à arrêter ?
Mais enfin, elle y était. Et ils allaient tous payer. Ils allaient tous voir qu'elle avait raison. Que sa grand-mère n'était pas une folle. Et surtout, ils allaient tous regretter de ne pas lui avoir fait confiance.
Elle enleva sa main du tronc, avec un petit sourire insatisfait. Si c'était sa grand-mère qui avait trouvé la clé pour ouvrir Eneria, le monde aurait été bien moins en danger que maintenant. Lorsque Rezher ouvrirait les portes ... tout sombrerait dans le chaos. Absolument tout.
Et au fond d'elle, une petite voix lui soufflait que toute la soif de connaissance et de vengeance au monde ne pouvait s'accomplir au prix de tant de vies. Mais cette fois-ci ... elle n'arriva pas à la faire taire totalement.
Judith laissa échapper un soupir, et finit par contourner l'arbre ... pour trouver là une fillette.
Haute comme trois pommes, bizarrement vêtue, elle la fixait de ses yeux olives, alors qu'une bourrasque de vent emmêlait ses longs cheveux bruns.
- Tu es sûre que c'est ce que tu veux ?
Judith tressaillit un instant, à l'entente de cette voix désincarnée, qui semblait émaner de l'enfant ... Qui n'avait pourtant pas ouvert la bouche.
- Es-tu sûre que c'est ce que tu veux, Judith ? Est-ce que tu es sûre que tu désires tout sacrifier pour ça ? Crois-tu que c'est ce que ta grand-mère aurait voulu ?
Elle se figea, et expira longuement troublée. Qu'est-ce que ... mais qu'est-ce que ... Elle ... Non. Ce n'était qu'une bêtise. Mais pourtant, quand la question de la fillette résonna à ses oreilles, qu'elle fit son chemin dans sa tête ... Elle sentit son cœur se serrer.
Sa grand-mère aurait été dévastée. Détruite. Peut-être aurait elle été bien plus affectée à l'idée que ses recherches tombent entre de mauvaises mains, qu'elle l'avait été à l'idée qu'elles soient détruites. Et ... Elle avait été celle qui les avait amenés à Rezher.
Lorsqu'il était venu vers elle, lui avait parlé de ses projets, lui avait signifié combien il avait besoin d'elle, et de tous ses souvenirs ... Petite, elle farfouillait tellement dans les papiers de sa grand-mère qu'elle avait réussi à tout retenir. Combien de fois s'était-elle efforcée de retranscrire tous ses souvenirs ? Combien de fois ... trop. Bien trop. Mais ça n'avait fait que l'aider à faire travailler sa mémoire. Et tout ça, elle l'avait accompli en secret. Si jamais quiconque entendait parler de son projet, elle se verrait complètement anéantie. Arrêtée, même. Mais il était hors de question que le travail de sa grand-mère disparaisse à nouveau. Alors elle avait fait profil bas ... Jusqu'à ce que Rezher ne vienne la trouver. Et qu'il ne la convainque de la rejoindre. De lui donner les travaux de sa grand-mère. À l'époque, Judith s'en était fichue comme de son premier bavoir. Elle avait tout donné à Rezher sans se poser la moindre question. Sans ... se soucier de ses autres buts. Il voulait trouver Eneria, elle voulait honorer la mort de sa grand-mère, l'œuvre de toute sa vie ... Et puis, elle avait intégré son organisation. Et avait choisi de détourner les yeux de ses actes d'embrigadement, de propagande sectaire, et de tout ce qui allait avec. Avait choisi d'ignorer les actes de Jonas, cette espèce de scientifique fou, qui lui réclamait le corps de la jeune Sheena Brighten. Avait choisi d'ignorer la volonté première de Rezher. Celui de relâcher Bellum sur cette terre, avait choisi d'ignorer sa soif de chaos et de sang.
Tout ce qui comptait pour elle, c'était qu'il était prêt à l'aider à restaurer la mémoire de sa grand-mère ... Mais maintenant, sous le regard presque accusateur de cette drôle d'enfant ... Ses certitudes vacillaient.
- Es-tu sûre que c'est ce que tu désires, Judith ?
Elle recula d'un pas, puis d'un deuxième, n'arrivant pas à se défaire de son regard, si transperçant ... Elle voulait ... Elle voulait ... Mais oui. Que voulait-elle, au juste ? Ce qu'elle désirait simplement, c'était ... Elle entrouvrit la bouche, prête à lui répondre ... Quand quelqu'un lui attrapa l'épaule.
- Pardon mademoiselle !
Elle ouvrit les yeux, surprise, et se redressa vivement. S'était-elle endormie ? Le train roulait encore ... Qu'il était lent.
Mais quand elle releva la tête, vers Karen, qui venait de la réveiller, elle ne put s'empêcher de s'alarmer de son regard ... affolé. Que se passait-il ?
- Mademoiselle ... j'ai une très mauvaise nouvelle à vous faire part.
* * * * *
Amélia ne savait pas vraiment où se mettre. En fait, elle avait envie de plonger dans cette espèce de cave qu'ils venaient de découvrir, et refermer la trappe derrière elle. Katherina était absolument terrifiante.
- J-je ... euh ... balbutia Romy, les mains tendues devant lui, comme s'il était prêt à repousser la jeune fille en cas d'attaque.
Jeune fille qui pouvait prendre l'apparence d'une grand-mère psychopathe. Et vu l'expression presque haineuse qu'elle arborait, elle paraissait prête à leur faire la peau.
- Où avez-vous trouvé cette clé ?! rugit-elle, les poings serrés.
- Par terre, couina Romy, presque par réflexe.
Elle haussa un sourcil, dubitative, et Amélia se redressa, en la foudroyant du regard. Elle en avait assez, de son attitude.
- C'est la vérité. La clé est tombée de derrière le tableau.
- ''Tombée'', hein ? Bande de ... Je savais que je n'aurais pas dû vous ...
- ÇA SUFFIT ! rugit Amélia à son tour, en bondissant sur ses pieds. J'en ai plus qu'ASSEZ de ton comportement ridicule ! Tu nous traites comme si nous étions à ... à la solde de Bellum, alors qu'aux dernières nouvelles, c'est plutôt vous qui seriez à ses côtés.
L'ancienne reine ouvrit de grands yeux, bouche bée, et à ses côtés, Romy poussa une sorte de glapissement, tout aussi choqué que son interlocutrice.
- C-comment osez-vous ... Comment OSEZ-vous ... balbutia-t-elle, en la pointant d'un index accusateur. Bellum est ... il est ... Un fléau. Le plus grand fléau de mon époque ... Il ... Comment osez-vous ...
Elle eut un mouvement de recul ... lorsqu'elle se rendit compte que les yeux de l'ancienne reine se remplissaient de larmes.
- Bellum a ... Il a ... détruit, tout, absolument tout. Ils nous a tout enlevé. Même ... Notre terre ... Comment OSEZ-VOUS m'accuser d'être à la solde d'un TEL MONSTRE ?!
Amélia pinça les lèvres, soudainement mal à l'aise. Lorsqu'elle avait accusé Katherina, elle l'avait fait sur un coup de tête, sans vraiment y penser, simplement exaspérée par son attitude accusatrice. Elle avait eu un comportement si hautain, depuis leur arrivée ... Elle voulait juste la remettre à sa place. Et lui faire goûter un peu de son propre poison. Pas la ... faire pleurer.
- Vous êtes ceux qui avez commencé à toucher ce qui ne vous appartient pas, siffla-t-elle, rageusement, en passant une main blanche sur son visage.
Était-ce possible d'être d'une telle pâleur sans être mort ? Cette fille était décidément bien particulière.
- Aux dernières nouvelles, vous n'êtes pas les ''gentils'' de l'histoire, rétorqua Romy, d'un ton sarcastique, en se relevant à son tour.
- De ce que Leedna m'a dit, vous n'avez pas été un ange, avec eux, renchérit Amélia.
Au nom de la guerrière qui l'habitait, Katherina tressaillit, et vrilla son regard bleu sur elle. Si jamais elle se décidait à l'attaquer, elle ne pourrait pas se défendre. Leedna ne pourrait intervenir, et elle n'était qu'une Element inutile sans plantes dans la pièce. Quant à Romy ... elle n'était pas sûre qu'il puisse faire le poids face à quelqu'un de l'expérience de Katherina.
- Ce n'était pas censé arriver ... Ce n'était pas censé se passer comme ça. Quelque chose a raté, murmura-t-elle, comme pour elle-même, en les balayant du regard.
Quoi ? Comment ça ?
- De quoi tu causes ? demanda Romy, les poings sur les hanches.
Elle secoua vivement la tête, mais Romy plissa les yeux. Il n'était pas prêt à laisser passer ça.
- Les âmes. Les âmes n'étaient pas censées être ... capables d'habiter autrui.
- Quoi ? Mais ... Quoi ?
- Ce n'était pas ainsi que c'était prévu ... Ce n'était pas ainsi que mon frère avait conçu la chose.
Sa colère et sa peine semblaient momentanément oubliée, au profit de sa réflexion. Elle semblait en plein dialogue interne, les sourcils si froncés qu'ils semblaient se rejoindre sur son front.
- Les âmes ne devaient pas être capables d'intégrer d'autres corps.
- Je suis complètement paumé.
- Moi aussi ... souffla Amélia, frustrée par la situation.
Et aucun signe de Leedna ... depuis qu'elle l'avait convaincue de ne pas rechercher Almarica, elle n'avait refait aucune apparition. S'était-elle endormie ? Elle ne la sentait pas ...
- Je ne comprends pas ... comment cela-a-t-il pu arriver ?
- Ouais, bah là, c'est nous qui comprenons rien. Eh, on est dans la réalité, pas dans un livre d'aventure ou je ne sais quoi. T'as pas à jouer ta mystérieuse sous prétexte que tu gardes un morceau d'intrigue pour plus tard. Crache le morceau.
Elle darda un regard meurtrier à Romy, mais finit par se redresser, l'air toujours en pleine réflexion.
- C'est ... compliqué à expliquer. Et c'est également ... Un secret. Un secret familial très lourd. Qui est ... aussi la raison pour laquelle l'Inexistante nous a donné protection.
- Quoi ?! s'exclamèrent-ils de concert.
Elle savait que l'Inexistante leur avait, effectivement, donné sa protection, au même titre qu'elle l'avait fait pour Julian ... mais que cela soit lié à ''un secret de famille'' qui semblait AUSSI concerner les âmes qu'ils hébergeaient ... Qu'est-ce que c'était que ce délire ?
Katherina se frotta le front, en soupirant longuement, et commença à basculer d'un pied sur l'autre, l'air soudainement agitée.
- C'est blasphématoire ... Si blasphématoire ...
- Ouais, comme quasiment tout ce qui existe si on croit ce qui sort de ta bouche, grogna Romy, en roulant des yeux.
Nouveau regard meurtrier. Nouveau sourire ironique de la part de son ami. Et un long soupir en retour ...
- Je suis désolée. Mais pour ... simplifier les choses, si aujourd'hui vous êtes des réceptacles ... C'est à cause de mon frère.
Elle cligna des yeux. Une fois. Deux fois. Et soudain, elle eu l'impression que son cerveau avait décidé de fermer boutique. Quoi ? Hein ? Kézako ? Mais rien de ce qu'elle disait n'avait de sens !
- Euh, j'ai bien peur de ne pas avoir suivi ton raisonnement ...
Elle souffla vivement, l'air soudainement exaspérée, mais eut la ... gentillesse, de reprendre ses explications :
- Lorsque vous avez touché les armes des guerriers légendaires ... Les âmes se sont soudainement éveillées en vous, pas vrai ?
- O-oui ...
- Eh bien, si ces âmes étaient là, dans leurs armes ... C'est à cause de mon frère. Mon frère, et l'idée blasphématoire qu'il a eu avec Fenror.
Amélia ouvrit de grands yeux, et Romy poussa un hoquet de stupeur. Qu'est-ce que ... Mais qu'est-ce que ...
Pourtant, alors que Katherina ouvrait de nouveau la bouche, s'apprêtant à lâcher une nouvelle bombe, peut-être ... Un hurlement retentit dans toute la maison, les faisant tous sursauter. Puis ...
- KATHERINA !
La jeune fille fit volte-face, alors que son frère arrivait derrière elle, le souffle court, son visage ordinairement bronzé soudainement bien trop pâle.
- Que se passe-t-il ? balbutia-t-elle, d'une voix blanche.
- Des intrus. Des mauvais intrus. Des Saint Souls.
Amélia laissa échapper un hoquet de stupeur ... et se mit à violemment frissonner. Il les avait retrouvés.
Zelphis repartit aussi vite qu'il était arrivé, sa sœur et eux deux sur les talons, et ils finirent tous par débouler dans la salle à manger. Tout le monde était rivé aux fenêtres ... à l'exception de Crìs, qui s'était plaqué contre un mur ... L'air terrorisé. Son frère se précipita vers lui, angoissé, et Amélia réussit à se frayer un chemin jusqu'au fenêtre.
Fort heureusement, les rideau de dentelles l'air tout droit sortis du XIXème siècle masquaient suffisamment bien la vue pour que personne ne puisse les apercevoir de l'extérieur. Mais elle pouvait très bien voir ce qu'il se passait.
Tout comme elle constatait la présence des dizaines de Saint Souls devant la maison, en un uniforme presque militaire, bien loin des capes qu'elle avait connue six mois auparavant.
Et parmi eux ... Elle reconnu les parents des jumeaux. Encarna et Herman Altafuente.
Mais surtout ... Elle reconnut cette femme, un peu trop bien habillée pour être en compagnie de ces clowns, l'air en grande conversation avec les parents des jumeaux ... Isabelle Sailor.
Qu'est-ce que sa MÈRE pouvait bien faire ici ?!
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Bonjour, bonsoir ! Comment allez-vous ? J'espère que vous n'êtes pas trop lassé.e.s de cette longueur extraordinaire, et que ce chapitre a tout de même su vous distraire ... ou vous plaire.
Cette pause d'Octobre m'a fait beaucoup de bien. J'ai pu remettre mes idées à jour, et me concentrer sur la fac, et ma santé. Ceux et celles qui me connaissent irl savent à quel point j'ai un terrible système immunitaire ...
Enfin bref ! Je vous promets que le prochain chapitre sera plein d'action ... Aha !
J'espère qu'il vous aura plu, et j'espère aussi que vous allez bien ! Merci de votre patience, vous êtes des anges ... Un jour, je serai plus productive, qui sait !
Sinon, j'ai quelques projets en cours, dont mon plus gros après S.E.A. Après avoir fini S.E.A, je commencerai à le poster, j'espère ! Sinon, j'ai sous la main un recueil de textes que j'ai composés ... Ça vous intéresse ? C'était sur le thème de l'Inktober 2019 ...
Dans tous les cas, je vous remercie de votre attention, et vous souhaite une bonne fin de journée/de soirée/de nuit ! Et pitié, ne me lisez pas à trois heures du matin alors que vous avez cours à sept heures ... allez vous coucher, ce sera mille fois mieux pour vous !
À la prochaine, petits gardons tout frais !
P.S. : finalement, le chapitre a été posté à la date prévue ! Remerciez pour ça mon merveilleux correcteur thanatoskull !
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