Chapitre 26 : réveil impromptu
Lorsque son réveil sonna, il sursauta tellement fort qu'il crut tomber de son lit. Il lui fallut quelques secondes pour se ressaisir, et comprendre ce qui lui arrivait, encore à moitié endormi. Bon sang de ... Sa tête allait exploser.
- Raaah, sérieux, éteins ton réveil, mec ! lui cria son meilleur ami, d'une voix étouffé.
Il retira le livre qu'il lisait avant de s'endormir subitement de sa poitrine, et se dépatouilla de sa couverture avant de réussir vaille que vaille à éteindre son capricieux réveil. Il avait encore oublié de le désactiver hier. Et comme si cela ne suffisait pas, il avait réveillé toute la chambrée à sept heures du matin, un samedi de début de vacances. Ils allaient le tuer, les deux autres.
- Il est quelle heure ? marmonna une voix à sa gauche.
- Sept heures, soupira-t-il en attrapant un marque page avant de le fourrer dans son livre à la page voulue.
- Sept heures ?! Mais ... Je vais te tuer, Henry.
- Désolé, Aïdan. J'ai oublié, hier.
Avec un soupir, Henry posa son livre sur la table de chevet. Le tour du monde en quatre-vingts jours, par Jules Verne. Son roman favori. Aïdan se moquait souvent de lui, en lui disant qu'il finirait par le connaître par cœur, à force de le relire sans cesse.
Aïdan, qui, d'ailleurs, râlait à qui mieux mieux, rouspétant que maintenant qu'il était réveillé, bon courage pour se rendormir, et que tout ça, c'était la faute du binoclard sans mémoire qui lui servait de frère de cœur. Son meilleur ami finit par pousser un long soupir, et envoya valdinguer sa couette d'un mouvement de pied, avant de se redresser en baillant bruyamment. Puis, il se passa la main dans ses cheveux bruns mi-longs, qu'il démêla par la même occasion. Henry grogna. Il enviait la chevelure d'Apollon de son meilleur ami, qui en plus d'être digne d'un mannequin de magazine sept jours sur sept en toutes circonstances, n'avait pas besoin de voir un peigne. Lui, par contre, il avait l'impression que ses cheveux étaient une entité vivante et réticente quant à son propre corps. Il avait depuis longtemps abandonné l'idée de les apprivoiser, et s'était plus ou moins habitué à sa tête de hérisson. Il enleva ses grosses lunettes avec lesquelles il s'était endormi, et s'étira de toutes ses forces, faisant craquer ses bras avec un sourire de satisfaction, faisant crier Aïdan.
- AAAAAAH ! Je DÉTESTE quand tu fais ça, Henry Hunter ! Le bruit des os qui craquent c'est vraiment répugnant ! beugla son ami en le foudroyant de son regard gris clair.
- Les gars, s'il vous plaît, pas dès le matin ... soupira son second colocataire en tapotant légèrement son oreiller.
- Ah, désolé Julian.
Julian Smith n'avait rejoint leur chambrée que depuis quelques semaines, mais il appréciait fortement la compagnie du Blood Element bien que ce dernier soit très renfermé sur lui-même. Il préférait nettement sa compagnie à celle de son frère jumeau, Jonathan, clairement trop pompeux et arrogant pour lui.
- Bon, c'est pas tout ça, mais vu que tu nous as réveillés aux aurores, je vais en profiter pour aller courir un peu. M'attendez pas pour le petit déjeuner ! s'écria Aïdan en attrapant ses affaires avant de s'habiller à la hâte.
Julian marmonna une réponse positive avant de se retourner dans son lit, sans doute encore à deux doigts de replonger dans les bras de Morphée. Henry aussi aurait aimé se recoucher lui aussi, mais il avait du travail à faire, alors il imita Aïdan et alla à la bibliothèque.
Il partit se laver aux douches communes le plus silencieusement possible de peur de réveiller de nouveau Julian, avant de s'habiller chaudement pour aller déjeuner sur le pouce. Fort heureusement, il n'y avait personne. Remarque, pas étonnant, à une heure aussi matinale. Il attrapa un toast et un café bien noir et très serré pour se mettre un coup de fouet avant de se mettre en marche vers la bibliothèque, qui, heureusement pour lui, était toujours ouverte bien avant les horaires habituelles. Le bibliothécaire adorait son travail, et y était toujours de très tôt jusqu'à très tard. Ils s'entendaient bien, tous les deux. Parfois, il plaisantait même en disant qu'il adorerait voir Henry reprendre son travail. Et Henry, à l'insu du vieil homme, y songeait sérieusement.
Il se frotta vivement les mains avant d'accélérer le pas, frissonnant.
- Aaaah ... Il fait froid.
Il songeait à allumer une flammèche, mais craignait d'enflammer les gants qu'Helen lui avait offerts pour Noël. Sa sœur le tuerait. Il souffla longuement, s'amusant de la vue de sa buée s'envolant dans cette fin de nuit traînante. La fin de l'hiver ... Le Printemps allait être superbe, cette année.
C'est alors qu'une petite masse foncée attira son regard. Il s'arrêta subitement, les sourcils froncés ... et une petite fille sortit alors des fourrées. Ébahi, il regarda cette drôle de gamine traverser le chemin blanc devant lui, en sautillant et fredonnant légèrement. Persuadé d'halluciner, il fallu quelques secondes pour pouvoir ouvrir la bouche et articuler quelque chose.
- H-hé ! Toi, là-bas !
Elle s'arrêta vivement et se tourna vers lui, en penchant la tête sur le côté.
- Tu ... Tu as vu l'heure qu'il est ? Ne te balade pas hors des chemins blancs alors qu'il ne fait même pas encore jour !
Elle s'approcha en sautillant toujours, et dans la lueur grandissante de ce tout début d'aurore, Henry constata avec surprise que malgré sa petitesse, elle devait être plus âgée qu'il ne le pensait. Une jeune adolescente. Et la manière dont elle était vêtue le fit frissonner. Une chemise en tissu grossier très abîmée et très légère, associée à un pantalon usé jusqu'à la corde. Et elle n'avait même pas de chaussures ! Certes, le climat ici était doux, mais tout de même ! Il s'accroupit face à elle, alarmé.
- Tu n'as pas froid comme ça ? Bon sang de Dieu mais tu viens d'où ? Tu es une étudiante ? Je ne t'ai jamais vue !
Elle habitait en ville ? Si oui que faisait-elle ici, le portail n'ouvrait que vers dix heures ! S'était-elle égarée la veille ? Avait-elle passé la nuit dans les bois ? D'où venait-elle ? Et c'était quoi cette tenue ? Il coupa court à l'ébullition de question. La pauvre enfant devait être affamée, apeurée, congelée ... Il devait la mettre au chaud !
- Viens avec moi, je te ramène dans ... commença-t-il en lui saisissant les deux mains, tentant de les réchauffer comme il le pouvait.
- Merci mais non merci.
- ... Hein ?
Elle se dégagea de ses deux mains, qu'elle claqua vivement devant son nez, riant de sa surprise.
- Je me débrouille champion, mais, merci. Ça m'a fait du bien, de te rencontrer, en vrai. Les choses vont peut-être enfin bouger ! Ah, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas revu quelqu'un comme toi.
Puis elle se pencha pour lui tapoter la tête avec un sourire éclatant, son regard camouflé par sa frange désordonnée. Puis, complètement ahuri, il la regarda repartir sans un mot.
- JE ... Attends ! Tu crois que je vais te laisser ...
Mais avant qu'il n'ait pu dire un mot de plus, la fillette se fondit dans l'obscurité, comme si elle s'était évaporée. Éberlué, Henry resta planté là comme un idiot, se demandant s'il venait de faire un rêve éveillé ... Que venait-il de se passer ?
* * * * *
Aïdan courait bon train, chacun de ses pas le portant plus loin que l'autre. Il adorait courir. En plus, il n'y avait rien de négatif à cela, temps que l'on était pas dans l'excès, comme toute chose, bien sûr. Heureusement, il était trop flemmard pour que quelque chose de nocif lui arrive. Dès qu'un essoufflement se faisait ressentir, il se mettait à marcher, et se remettait à courir dès son rythme cardiaque revenu à la normal. Courir, ça le calmait. C'était simple, défini, et régulier. Rien de grave ne venait jamais le perturber, et ça lui permettait de se sortir de la tête ses soucis quotidien. Comme cette fichue dissertation qu'il avait rendue in-extremis et qui lui voudrait sans doute une belle bulle ... Aaaaaah, il en avait marre, de l'école. Vivement que tout se termine ... Il pourrait enfin quitter le domaine scolaire, et se mettre à voyager ! Voir le monde, il ne rêvait que de ça. L'île était belle, certes, mais ... On en avait vite fait le tour. Ses parents étaient des casaniers. Le seul grand voyage qu'ils avaient fait, c'était de partir de leur village natal pour la S.E.A, lorsqu'Aïdan avait eut l'âge d'entrer à l'école primaire. Résultat, il n'avait connu que ça, lui qui rêvait d'étendre ses ailes pour voir ce que le reste de l'univers lui réservait ! Il sourit malgré lui. Une blague d'oiseau alors qu'il était Element d'air ... Henry l'aurait massacré à coup de bouquins de mille pages ! Cette pensée lui fit redoubler d'ardeur, le sourire aux lèvres. La liberté. Voilà ce que lui offrait la course.
Plongé dans ses pensées, Aïdan ne faisait plus attention à rien. Et c'est ainsi qu'au détour d'un virage, il rentra littéralement dans quelqu'un, et hurla de surprise, avant de se rétamer violemment par terre, avec l'autre personne en prime.
- Et mer ... Mon coude.
Argh. Ça saignait. Il s'était pas loupé ... Ça lui apprendra, à courir en manche courte. Un léger gémissement sur sa droite lui remémora soudainement qu'il n'était pas tombé seul, dans son étourderie passagère. Affolé, il se redressa, et ... se tourna vers Céleste Gray. Son cœur rata un battement. De toutes les personnes dans lesquelles il aurait pu rentrer, POURQUOI Céleste Gray ? Aaaah, il en avait gros sur le karma, pour qu'une telle poisse lui tombe dessus.
- E-eh ! Ça va ?! s'affola-t-il en se dressant sur ses genoux.
La belle jeune fille tenait son crâne en étau entre ses deux mains, son joli visage déformé par une grimace. Ses cheveux habituellement aussi soyeux que lisse étaient tout emmêlés et s'étaient salis avec le givre boueux du chemin. Il jura entre ses dents. Mais quel idiot, sérieusement !
- Ça va ... Juste ... Je suis tombée la tête la première alors ... lui répondit-elle avec un peu de difficulté.
Craignant du sang, Aïdan la releva doucement en position assise, tâtant légèrement l'endroit où elle était tombée. Ouf. Pas de sang. Il laissa échapper un soupir discret. Bon au moins, il ne l'avait pas tuée, c'était déjà ça.
- Désolé, vraiment, j'étais dans la lune et ...
Elle secoua légèrement la main pour l'interrompre, ses étranges yeux dorés un peu embués par la douleur.
- C'est pas grave, sincèrement. C'est moi qui aurait dû éviter de m'arrêter en plein milieu du chemin.
Elle paraissait complètement sonnée. Argh, ce n'était pas une bonne chose.
- Viens je t'emmène à l'infirmerie.
- Hein ? Non, non, ça va, tu sais ...
- Ça va, ça va ... Mais oui. Ne discute pas.
Puis, il glissa un bras sous ses genoux, un autre autour de ses épaules, et la souleva de terre sans problème. Wow. Céleste était encore plus légère qu'il ne le pensait. Enfin, peut-être que c'était l'adrénaline qui lui faisait ressentir un poids aussi léger ... Et il se garda bien de le dire.
- Mais ... Euh ... H-hé !
- Ne bouge pas trop, si tu as mal à la tête, ça va empirer, lui dit-il doucement par peur d'une potentielle migraine, et tout en faisant attention à ne pas trop la secouer.
Dans la pénombre de cette pré-aurore, il ne la distinguait pas bien, mais il eut l'impression qu'elle était gênée. Quelque chose en lui s'en amusa.
- J-je peux marcher ... Tu sais !
- Je préfère éviter, si tu titubes ou quoi, tu risques de tomber de nouveau, et ce n'est pas préférable. Crois-en mon expérience, je suis sportif !
- Ah ... hum, merci ... lui répondit-elle d'une petite voix fluette.
Il ne put retenir un grand sourire.
- Désolé, mais je vais devoir te faire la conversation, pour éviter que tu ne t'évanouisses ou quoi. C'est la marche à suivre en cas de chute.
C'était surtout une excuse complètement bidon pour la faire parler et lui parler. Il était vraiment pathétique.
- Qu'est-ce que tu faisais dehors à cette heure aussi matinale ?
- Je courais. Enfin, je tentais de m'y mettre ... Héhé. Gloria me taquine trop sur les gâteaux au chocolats que je mange et ... Hum, elle a sans doute raison. Euh ! Gloria est ma meilleure amie et ma coloc' ! Aaaah, pardon, je dis n'importe quoi ...
- Non, non, parle ! C'est justement ce qu'il faut, dit-il, avec un demi-sourire.
Elle rit doucement, du rire discret qu'il avait tant de fois entendu lorsqu'elle parlait avec Gloria, ou une autre de ses amies.
- Et puis ... Calvin pense que ce serait bien que je me mette en forme aussi.
Ah ... Calvin. Tsss. Il perdit son sourire. Il détestait le m'as-tu-vu qui servait de petit ami à Céleste. Un moins que rien qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Très honnêtement, Céleste valait mieux que lui. Mais elle semblait ne pas s'en rendre compte ... Et c'était fort dommage.
- Tu me parais déjà en forme, lui dit-il à mi-voix.
Elle se raidit légèrement, avant de remuer un peu.
- A-ah ... ? Euh, merci ...
Eeeeeet bravo Aïdan. Il n'aurait pas pu se taire ? Raaah.
- Hurm. T'as pas froid ?
- Non. Veste chaude, marmonna-t-elle.
Elle s'était refermée sur elle même. Rah. Il méritait vraiment la médaille du cornichon volant.
Quelques minutes plus tard, il était devant la porte du bâtiment d'administration, le perron étant illuminé de la lueur dorée du hall, dégagée par l'immense lustre. Par égard pour Céleste, il la déposa lentement sur le perron, se doutant qu'elle n'apprécierait pas vraiment d'être portée comme un bébé devant les membres de l'administration déjà au travail ou devant un quelconque professeur.
- Merci de m'avoir ...
Elle s'interrompit en se tournant vers elle. Et ses prunelles dorées s'agrandirent plus qu'il ne pensait ça être possible.
- A-Aïdan Starlight ?
- Euuuh ... Oui ?
- Oh, mon dieu. Mais c'est pas possible, Calvin va me tuer, Gloria va me tuer ... Argh, marmonna-t-elle, soudainement très pâle, le regard fixé sur ses chaussures.
Il eut un temps d'arrêt, profondément perplexe. Ce pouvait-il ... Que Céleste ne l'ait pas reconnu, alors qu'il l'avait portée et lui avait parlé durant une bonne dizaine de minutes ? Apparemment ce fut le cas. Son ego en prit un coup. Quelque peu frustré, il se passa la main dans les cheveux en soupirant.
- Oui, c'est moi qui t'ai portée, désolé pour ça, hein.
Elle se contenta de lui répondre par un petit sourire, profondément mal à l'aise.
- Désolée mais ... Hurm, fit-elle en évitant clairement son regard.
Génial. Maintenant il était exaspéré et de très mauvaise humeur.
- Oui, bon ça va, je sais que je ne suis pas très fréquentable, mais je suis pas le grand méchant loup non plus ! Bonne journée ! s'écria-t-il en faisant demi-tour, dévalant les manches du perron à toute allure.
Si Henry apprenait ce qu'il venait de se passer, il en aurait pour toute la vie.
Sortir avec cette peste de Clémentine avait été sa plus grosse erreur de seconde. Dès qu'il s'était rendu compte que sous ses gentilles manières et son look de première de la classe, cette jeune fille était une des pires harpies qu'il n'avait jamais rencontrées, il avait rompu. Bien mal lui en prit, puisque cette dernière avait répandu tout un tas de rumeurs mensongères et profondément dégradantes à son égard qui avaient fait de lui un machiste doublé d'un mec facile qui n'avait aucune considération pour ses soi-disantes multiples partenaires. Il avait abandonné depuis longtemps l'idée de se défaire de cette mauvaise réputation, ses quelques tentatives s'étant soldées par un échec retentissant et un retour des flammes dès plus désagréables. Depuis la gente féminine l'évitait comme la peste, et des filles qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam lui vouaient une haine féroce.
Pourquoi s'était-il imaginé qu'avec Céleste, ce serait différent ? Il était stupide que d'y avoir cru. Certes, ils ne s'étaient jamais vraiment adressés la parole mais ... Il pensait qu'elle passerait au dessus des rumeurs. Que s'était-il imaginé aussi ? Tsss ...
- Attends, attends ! J'ai jamais dit ça. Juste ... Je ne pensais pas que ce serait toi. Désolée pour ça. J'ai juste été surprise ... Pardon.
- Quatre.
- Hein ?
- C'est au moins la quatrième fois que tu t'excuses à moi depuis que je t'ai rentré dedans, lui dit-il avec un léger sourire.
Elle se tortilla en rougissant fortement, et lâcha un petit rire nerveux.
- Désolée. Je ne suis pas très à l'aise ... en général. Enfin, euh ... Gloria dit que les conversations avec les êtres humains ... Ça n'est pas trop ma tasse de thé.
Il refréna un grand sourire de justesse. Et bien, Gloria avait raison.
- Écoute, repartons de zéro d'accord ? Je suis déso ... Hum. Je m'appelle Céleste Gray, finit-elle par soupirer. Merci beaucoup de m'avoir amenée ici.
Il remonta lentement la marche et saisit la main qu'elle lui tendait.
- Je sais qui tu es. On est l'un derrière l'autre en cours d'histoire.
Elle sembla surprise par sa déclaration.
- O-oh ! Tu ... T'en es rendu compte.
- Pourquoi ne l'aurais-je pas fait ? s'amusa-t-il en penchant légèrement la tête sur le côté, avec un sourire en coin.
Elle lui rendit son sourire, et lâcha sa main, avant de prendre son bras, inspectant son coude blessé.
- Wow, tu t'es pas raté. Tu ne veux pas venir à l'infirmerie avec moi ?
- ... Si tu veux.
N'importe quoi. Passer ne serait-ce que quelques secondes de plus avec elle le réjouissait plus que raisonnable.
Il traversèrent le hall désert avec un silence gênant, et Aïdan se fit la réflexion qu'il n'avait jamais vu ce lieu aussi vide que ce matin là. Ça lui faisait bien étrange ... Seuls leurs bruits de pas résonnaient sur le sol rutilant de l'administration, et il grimaça. Malcolm Horace, leur très cher et très vénérable Directeur aimait beaucoup trop la propreté à son goût ... Ça cachait toujours quelque chose, un maniaque du ménage. Bon, bien sûr, ce n'était pas Horace qui faisait lui même le ménage, mais il était de notoriété commune que celui-ci ne supportait pas la moindre trace de saleté ... En plus de ne pas supporter les étudiants de l'académie. Aïdan n'avait jamais aimé leur Directeur.
- Ça va ? demanda Céleste, le sortant de ses pensées. Tu fais une drôle de tête.
- Je n'aime pas vraiment entrer dans le bâtiment administratif en week-end ... Ça me fiche les jetons.
Elle rit légèrement.
- Tu n'as rien fait de mal pourtant, non ? Tu n'es pas un grand méchant loup, le taquina-t-elle avec joie.
Le retour de sa pique le charma. Cette fille était vraiment incroyable. Encore plus qu'il ne le pensait.
La première fois qu'il avait rencontré Céleste, elle était en train de disputer vigoureusement un jeune morveux qui embêtait une gamine sous prétexte qu'elle était boulotte et qu'elle aimait trop le chocolat pour son embonpoint. Jamais il n'avait vu une fille être aussi belle en colère. Et bon dieu, jamais il n'aurait voulu qu'elle se mette en colère contre lui. Elle était effrayante ! Mais tellement belle. Ses yeux lançaient des éclairs, et elle grondait ses mots, d'une voix profonde et impérieuse. Lorsque le jeune garçon était reparti en pleurnichant, elle s'était retournée vers la petite, et était passée de la colère à la douceur en un claquement de doigts. La fillette était repartie, rayonnante. Et lui était resté planté là, le regard fixé sur l'inconnue qui venait de littéralement l'époustoufler. Sans qu'elle ne se rende compte de sa présence, elle était repartie aussi vite qu'elle était apparue dans son champ de vision. Quand Aïdan s'était rendu compte qu'ils étaient dans la même classe, il avait failli bondir. Et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il constata que la flamboyante jeune fille qui avait réglé son compte à une petite brute était en réalité timide et très, très discrète. Par rapport à la personnalité extravertie et flamboyante de Gloria Weston, sa meilleure amie, Céleste pouvait paraître ''bien fade'' selon certaines personnes (qu'il avait bien envie de faire taire par ailleurs), mais il n'avait jamais pensé ça. Jamais. Voir tous les jours la Céleste Gray toute gentille qui ne parlait pas beaucoup, ou alors d'une petite voix, tout en ayant l'image de ''l'autre'' Céleste en tête ... Ça avait quelque chose de profondément particulier. Mais pas déplaisant.
- Ah ... Walter est levé tôt, ce matin, commenta Céleste, en arrivant devant l'infirmerie de son adulte favori, en désignant la lumière vive émanant de la porte ouverte de la chaleureuse pièce.
Aïdan haussa les sourcils. Oh ? Elle savait qui était Walter ? Lui et Henry connaissait l'infirmier, car ce dernier avait pris en affection profonde la grande sœur de son meilleur ami, Helen. Dès lors, l'infirmier s'était aussi attaché à eux, et bien qu'envahissant au départ, ils avaient tout deux vite apprécié la compagnie de l'adulte dans la fleur de l'âge.
- Tu le connais bien ?
- Oh, oui c'est le ... hurm. C'est euh ... une ... Une connaissance proche de Gloria, et donc, de la mienne, justifia-t-elle rapidement.
Puis, sans lui laisser le temps de dire un mot de plus, elle ouvrit la porte en grand, saluant joyeusement Walter, qui l'accueillit avec un cri de joie.
En entrant dans la salle, il trouva son infirmier préféré entrain de faire le tourniquet sur son siège à roulette, les bras en l'air, comme un grand enfant de plus de cinquante ans.
- Ma petite Céleste ! Comment vas-tu aujourd'hui ? Que me vaut une visite aussi tôt un vendredi matin ? Les cours ne commencent que dans une heure !
Céleste sourit à pleines dents.
- Walter, on est samedi. Vendredi, c'était hier.
Il cessa vivement de tourner et se leva en titubant, avant de se jeter sur son calendrier, saisir maladroitement un stylo, et barrer les deux derniers jours en grommelant.
- J'me suis endormi pendant un peu trop longtemps, si j'ai raté deux jours ... Roooh.
- Gloria est passée vous voir hier, pourtant !
- Aaaaah ? Oh, la petite gourgandine ! C'est elle qui m'a dit qu'on était jeudi hier ! Ah, si je l'attrape, celle-la ... ! gronda le vieil infirmier en reposant avec colère son stylo.
Dans son coin, Céleste rigolait silencieusement, amusée par les frasques du vieil homme.
Il se racla la gorge, et lorsque Walter se tourna vers lui, son sourire fit trois fois le tour de son visage.
- Aïdan Starlight ! Bonjour mon petit père ! Comment vas-tu ?
- Ça peut aller, merci, dit-il en haussant les épaules.
Céleste lui jeta un regard en biais, peut-être surprise par la familiarité de Walter à son égard.
- Et bien ! Que me vaut le plaisir de votre visite à ... Huit heures du matin !
- Non, Walter, sept heures, on est passés en heure d'hiver, rectifia-t-il, les mains dans les poches.
Walter foudroya du regard la vilaine, très vilaine horloge, et reporta ses yeux bleu sur Céleste qui s'avança un peu en avant.
- En fait, on s'est rentrés dedans et on est tombés tout à l'heure, et je suis tombée sur la tête, et il est tombé sur le coude, et ...
Walter réagit plus vite qu'Aïdan n'aurait cru ça possible. Il attrapa Céleste et la fit s'asseoir sur l'un des lits de l'infirmerie avant de commencer un examen.
- Sur quelle zone es-tu tombée ? As-tu mal ? Des vertiges, des absences ? Pas de problèmes pour parler ?
- Euh ... pas plus que d'habitude ...
- Ce n'était pas prudent pour toi que de venir jusqu'ici en marchant ! Si tu était tombée ...
- N-non ! Euh ... Aïdan ... Il m'a porté jusqu'ici ... murmura-t-elle en le désignant.
L'infirmier se retourna vers lui, et il se mit à hocher la tête, deux fois, l'air indéchiffrable.
- Assis-toi sur mon siège, mon garçon, j'arrive.
Aïdan s'exécuta sans un mot, peu habitué à l'autorité qui émanait de Walter. Ce dernier était rarement sérieux, ou pris au sérieux, mais quand ce dernier cessait les blagues ou ces bêtises enfantines, il y avait intérêt à lui obéir sous peine d'une belle engueulade. Du moins, Aïdan le soupçonnait, il n'avait jamais vraiment désobéi au vieil homme. Les gens tout contents les trois quarts du temps, il fallait se méfier d'eux. C'était très souvent les plus dangereux. Comme les personnes silencieuses ou généralement très calmes ... le souvenir de Céleste lui revint, lui arrachant un petit sourire. Il se demandait si un jour, il aurait l'occasion de revoir l'autre Céleste.
- Bon, tu n'as rien. Au pire, une migraine ou un mal de crâne intense, qui arrivera d'ici un quart d'heure. Tu as eu de la chance.
- Je n'aurai pas de bosse ?
- Bien sûr que si. Mais pour l'instant, je te demande de te reposer. Couche-toi, et fais une sieste, d'accord ?
- Oui, oui ... Merci Walter.
Il lui fit un dernier sourire avant de se tourner vers lui. Il resserra sa cravate rouge pétard, avant de se passer la main sur sa barbe de trois jours, et de venir vers Aïdan.
- Que s'est-il passé avec la petite Gray ? lui demanda-t-il à mi-voix par égard envers la jeune fille couchée dans le lit derrière eux.
- Bah ... Je courais, un peu dans la lune, et je lui ai rentré violemment dedans. On est tous les deux tombés et ... tu connais le reste.
Le vieil hocha la tête, pensif, et lui examina le coude.
- Rah la la ... Les jeunes de nos jours, grommela-t-il en allant chercher de quoi le désinfecter. Une chute, et toute suite, c'est les grandes coulées de sang.
Aïdan retint une vilaine grimace quand Walter désinfecta sa plaie, et après avoir tout bien épongé, il lui appliqua un gros pansement avant de l'entourer de gaze.
- C'est bien nécessaire, tout ça ? Je me suis juste écorché le coude !
- Comme ça au moins, tu pourras dire que tu as failli perdre ton coude à profit de Céleste Gray ... lui dit-il avec un sourire en coin.
Il lui fallut toute la bonne volonté du monde pour ne pas éclater de rire.
- Je te dis que c'est une coïncidence.
- Je ne crois pas vraiment aux coïncidences, mon petit père. Tout arrive pour une raison.
- Donc Clémentine m'a pourri la vie pour une raison autre que le fait que ce ne soit qu'une sorcière ?
- Oui, sans doute.
Aïdan leva les yeux au ciel. Il aimait bien Walter, mais là, il allait un peu loin.
- Tu es en train de me dire que si mon idiot de meilleur ami n'avait pas oublié d'éteindre son réveil, j'aurai peut-être gâché l'opportunité de ma vie ? railla-t-il.
Le regard appuyé de Walter lui donna envie de ravaler ses paroles. Originellement sarcastiques ... Maintenant ... Elles prenaient un tout autre sens. Après tout, s'ils ne s'étaient pas tous levés aux aurores, il ne se serait jamais retrouvé avec Céleste, et n'aurait jamais passé autant de temps avec elle ... Il secoua la tête, atterré. Et voilà que les bêtises de Walter le contaminait, maintenant. Toutefois, le trouble apporté ne disparaissait pas. Quelle bêtise ...
- Bon, c'est pas tout ça, mais je vais y aller. Je vais rentrer me changer. Merci pour tout, Walter.
- Pas de problèmes Aïdan. Reviens quand tu veux.
Il leva la tête vers Céleste, qui s'était endormie dans le lit, ses cheveux étendus autour de sa tête telle une auréole brune, avant de sortir le plus discrètement possible de l'infirmerie.
* * * * *
Ça faisait au moins six fois qu'il lisait la même ligne, incapable de se concentrer plus que nécessaire. Son hallucination étrange lui collait à l'esprit de manière profondément dérangeante. Mais qu'avait-il bien pu avoir dans son café pour qu'une telle vision lui parvienne ? Sa grand-mère aurait hurlé au Diable ... Avec un soupir découragé, il tourna la page de son livre, tentant vainement de s'impliquer dans l'histoire.
C'est alors qu'un bruit d'une porte que l'on claque violemment le fit sursauter. Un « pardon » contrit surgit alors, et Henry grimaça en reconnaissant la voix de son meilleur ami. Sachant parfaitement qu'avec la présence d'Aïdan à la bibliothèque, il lui serait impossible de lire ne serait-ce qu'un mot de plus, il referma son livre et le poussa loin de lui. Puis, la tête brune d'Aïdan surgit entre les rayons, et se dernier arriva vers lui aussi rapidement qu'il lui était possible sans courir, et se laissa tomber sur la chaise en face de lui, imitant sa position sans le vouloir, bras croisés, penché en avant sur la table.
- Wow, t'as vraiment une tête d'ahuri.
- Henry, il m'est arrivé un truc de dingue ce matin, je te jure.
- Pas plus dingue que moi, je pense, marmonna-t-il en pensant à la gamine.
- Oh là, je pense pas.
- Tu veux parier ?
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SURPRIIIIIIIIIIIIIIISE !
Alors les gens, vous avez aimé ? Héhé.
J'espère que vous avez passé un excellent Noël et de bonnes fêtes de fin d'années ! (C'est quand le nouvel an chinois déjà ?)
Je vous présente Henry Hunter, et Aïdan Starlight, respectivement les pères d'Ash et Ciela. Ce sont de gentilles personnes ! Je me demande si ça vous a surpris, ce drôle de chapitre ?
A leur époque, Brunette était encore plus claudo que maintenant ahaha !
Sur ce, j'ai rien d'autre à dire, et je vous laisse ENCORE mariner pour Windy-Hill. J'suis sûre vous devez bien rager (nan j'plaisante, sachez que je rage aussi).
Allez les gens ! Prenez soin de vous !
A la prochaine bande de particules d'ananas !
[pardon de la part du.de la correcteur.trice qui n'a pas pu corriger pour le 25 à cause d'une putain de compo de sa race. Bisous] Pardonnez nous, merci beaucoup de votre patience ! Le nouveau chapitre de Âmes Ethérées aurait aussi dû être posté mais des complications empêche le postage. Bref, encore de la patience vous sera demandé ! Merci pour tout et bon vent ! Vous êtes géniaux.
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