
Chapitre 21
Ashton
J'ai l'impression de me reconvertir en psychopathe slash stalker. Voilà plus d'une semaine qu'Ellyn et moi avons couché ensemble. Huit jours également que je l'ai entendu dire à Mia qu'elle avait l'impression d'être suivie. Du coup, j'ai pas fait les choses à moitié. Dès que j'ai pu, j'ai collé des mouchards. Sur sa caisse, dans le sac qu'elle ne quitte jamais, dans la doublure de la veste qu'elle porte le plus souvent. Finalement, j'ai aussi tracé le GPS de son téléphone. Quatre précautions valent mieux qu'une. Je me dis qu'il y a peu de chance pour qu'elle n'ait pas au moins un de ces trucs avec elle. Franchement, j'en ai chier, il a fallu que je trouve le bon moment à chaque fois, pour qu'elle me capte pas. C'était chaud.
Pitt veut que je passe chez lui. J'ai failli refuser. Je me suis mis en tête de ne plus la quitter d'une semelle. Chose carrément bizarre et flippante, le souci que je me fais pour elle est toujours là. Il ne semble pas vouloir se faire la malle.
Mon dernier coup de fil à Jeff remonte à hier. Il a voulu qu'on s'entretienne par téléphone afin que je lui explique les derniers événements plus clairement. Je lui ai fait part de l'invitation de mon coloc' et quand j'ai mentionné un certain Pitt, il m'a demandé d'où il sortait, que normalement je devais partager ma chambre avec un dénommé Brad. Lorsque je lui ai expliqué le topo concernant le surnom et le lien avec Brad Pitt, il était mort de rire. Je me demande parfois s'il est vraiment mon référent. Quoi qu'il en soit, il était ravi que, selon lui, je me fonde dans la masse et que je me fasse des amis. S'il savait.
Il m'a donc suggéré d'accepter l'invit' et de demander à mon remplaçant de gérer pendant quelques heures. J'aime pas l'idée. Seulement, j'ai pas pu lui faire savoir. Je me voyais mal lui dire : Ouais, mais en fait cette fille, je crois que je la kiffe plutôt bien et c'est hors de question que quelqu'un d'autre veille sur elle à ma place.
Si je l'avais fait, il aurait compris que la règle numéro 4 avait déjà sauté et il m'aurait fait rapatrier illico presto. C'est hors de question.
Quand Pitt a su que je venais, j'ai cru que je lui avais décroché la lune. Il m'a balancé que sa mère voulait rencontrer cet ami qui le dévergonde un peu. Je suis pas sûr que ce soit bon signe. Nan, en vrai, ça craint. Quand je vais passer le pas de la porte, elle va nous faire une syncope. Je veux pas être à l'origine d'un infarctus. Alors, pour faire un peu illusion, même si j'ai horreur de ça, j'ai mis une chemise. J'ai remonté les manches parce que j'ai horreur que mes bras soient couverts et j'ai enfilé un pantalon un peu moins destroy que les autres. J'espère qu'elle ne s'attend pas non plus à ce que je me pointe en costard. C'est mort. Plutôt crever.
J'enfile ma veste en cuir et au même moment où je démarre ma bécane, Pitt m'envoie son adresse. Je fronce les sourcils. Pourquoi il m'indique la même rue que la Diablesse, ce con ?
Je lui demande par SMS s'il ne s'est pas gouré, mais il m'assure que non. Chelou. Je glisse mon portable dans ma poche, enfonce mon casque sur ma tête et mets les gaz. Je vais enfin pouvoir pousser ce petit bijou un peu plus que je n'ai pu le faire jusque-là. Sur la ligne droite, je me fais plaisir. Je tourne la poignée de l'accélérateur, le moteur réagit à la seconde près et rugit juste avant de m'élancer à pleine vitesse. C'est bandant. Je regrette de ne pas pouvoir la tester sur autoroute. Si j'avais été dans mon ghetto où j'ai passé toute mon adolescence, la question ne se serait pas posée. Mais j'y suis pas et si c'était le cas, mon cul ne serait pas posé sur la selle de ce monstre. À la place, je serais en train d'arpenter les rues à trouver une connerie à faire pour combler l'ennui.
Quand mon frangin m'a sorti de l'orphelinat, j'avais jamais été aussi heureux qu'à ce moment précis. Seulement, je suis vite redescendu. Ouais, je me suis cassé la gueule de très haut. Il paradait à présenter son petit frère partout. Voilà ma relève, qu'il disait. J'ai compris par la suite que la seule raison pour laquelle il m'avait tiré de là, c'était pour que je l'aide dans ses affaires. Qui arrêterait un gamin de neuf ans en le soupçonnant de traîner avec de la drogue dans son sac d'école ? J'ai très vite pris le rôle de passeur. J'allais chercher la came chez le fournisseur et je la ramenais à mon frère. Quand j'y pense, c'est à gerber. J'aurais pu par la suite lui dire non, lui coller mon poing dans la gueule. Me rebeller. Le truc, c'est que c'est la seule famille que j'ai jamais eue, alors, je l'ai pas fait. Il était content de ce que je faisais, il disait que j'étais doué, je lui donnais le smile. Ça me suffisait. Quand je vois le remerciement aujourd'hui, je me dis que j'aurais pas dû hésiter.
Je tourne à droite dans la rue où habite Ellyn, aperçois la caisse de mon remplaçant un peu plus loin et m'arrête devant un portail noir. Mon regard fait des va-et-vient entre sa baraque et celle de Pitt. Ce p'tit con c'est bien gardé de me dire qu'il est son voisin. Le portail coulisse et je m'engage sur l'allée d'une immense maison où des colonnes blanches soutiennent le toit de la terrasse. Je me gare près de la fontaine devant la façade, coupe le contact et vire mon casque que je pose sur la moto.
Un coup d'œil vers la porte et la voix de Jeff surgit dans mon esprit. J'ai dû lui demander conseil. Dans mon ghetto, on s'invitait pas les uns chez les autres. On zonait dans le parc, les ruelles, les parkings souterrains. Première fois de ma vie que je mets les pieds dans une famille. Qui plus est, pleine aux as.
Ok, poli et bien élevé.
Tout ce que je ne suis pas. C'est bien ma veine. Pourquoi il a tenu à ce que je vienne ? Ah, oui, pour faire les présentations. Si ça se trouve, je vais faire un aller-retour vite fait. À peine sa daronne va me voir qu'elle va me claquer la porte au nez.
J'appuie sur le bouton de la sonnette qui résonne à l'intérieur et patiente. Je prends sur moi, je m'en serais bien grillée une en attendant. Je souffle et regrette déjà d'avoir accepté. Cette après-midi va me saouler.
Du bruit me parvient de derrière le battant et la porte s'ouvre sur une femme d'une quarantaine d'années. Elle me fixe un instant et je me racle la gorge.
Poli, on a dit.
— Bonjour, madame Miller.
On peut faire mieux. Ma voix rauque et le ton que j'emploie trahit clairement que j'ai pas l'habitude de tout ce tralala. Un peu plus et je lui claquais un « Yo, est-ce que Pitt est dans le coin ? ».
Étonnement, elle me sourit. Bah merde, qu'est-ce qui lui prend ?
Elle m'observe comme un gamin qui vient d'ouvrir son paquet de carte Pokémon et tombe sur une carte rare.
— Tu dois être Ashton ! s'exclame-t-elle avec le smile. Et je t'en prie, appelle-moi Mary.
— Ash', c'est Ash'. Tout le monde m'appelle comme ça, alors...
— Bien, alors entre, Ash'.
Je m'exécute et avance dans le hall, tandis qu'une fille d'à peu près mon âge approche et tend ses bras pour choper ma veste. Réflexe sortit tout droit de la rue, je me dégage. Qu'est-ce qu'elle me veut elle ?
— Donne-lui, elle va pas se tirer avec.
Je lève les yeux sur Pitt qui dévale les escaliers et laisse la nana prendre mes affaires. Je le savais, je suis pas fait pour ce monde. D'ici la fin de cette satanée journée, on aura le droit à une catastrophe.
Je rejoins mon coloc' et lui tend mon poing pour qu'il cogne dedans comme on en a pris l'habitude. Sa mère nous zyeute et donne l'impression qu'elle n'avait jamais vu son fils avec un pote. Son attitude, la façon qu'elle a de m'accueillir comme si personne n'avait mis les pieds ici depuis un moment. Elle a l'air presque soulagée. C'est bizarre. Surtout qu'elle ne s'attarde pas sur mon apparence comme je m'y attendais et comme la plupart des gens le font.
Je jette un coup d'œil sur elle et elle me sourit avant d'observer son fils. Pourquoi elle semble soucieuse comme ça ?
— T'as trouvé facilement ?
Mon coloc' me tire de mes pensées et je plante mon regard dans le sien. Si j'ai trouvé facilement ? Il se fout de ma gueule ou quoi ? Il crèche à côté de chez Ellyn.
Sauf qu'il n'est pas au courant que je sais où elle vit. Faut pas que je fasse de gaffe. Putain, ça va être chaud.
— Ouais, avec le GPS, ça a été tout seul.
Il acquiesce et sourit. Bon et maintenant on est censé faire quoi ?
— Les enfants, je vous laisse j'ai encore du travail. Je vais demander à Sonya de vous préparer quelque chose pour le goûter.
Je lève un sourcil sans lâcher Pitt des yeux. À goûter ? Vraiment ? Je suis plus un gosse. Je sais même plus la dernière fois que j'en ai pris un.
Pitt grimace, embêté et me fait comprendre de ne pas faire attention, tandis que sa mère s'éloigne déjà.
— Merci m'man.
Il me fait ensuite signe de le suivre et je lui emboite le pas, curieux. Lui aussi a l'air bizarre.
En traversant le salon, par réflexe, je fais un tour d'horizon et remarque plusieurs photos de famille accrochées au mur. Au moins celles-là ne sont pas truquées.
Il ouvre la baie vitrée, se dirige vers la petite cuisine d'été de la terrasse à l'arrière de la maison et chope deux bières dans le frigo avant de m'en tendre une. Je le remercie d'un mouvement de tête et sort mon briquet pour la décapsuler. Il m'observe faire du coin de l'œil, mais ne relève pas. Première fois qu'il est aussi silencieux. J'avale une gorgée et il m'imite.
Tout à coup, sorti de nulle part, un chien aussi haut que mes pompes se pointe et me gueule dessus. Je baisse les yeux sur lui pendant qu'il tente de bouffer mes baskets et le repousse avec mon pied.
— C'est quoi ça ?
Pitt soupire et se baisse pour soulever le chihuahua.
— Kiki.
Je pouffe de rire sans pouvoir me retenir. Kiki ? Non, sérieux ?
— C'est le chien de ma mère, se défend-il.
Je me mords la lèvre pour me contenir puis les observe tour à tour lui et le clebs qu'il tient dans ses bras.
— Et donc, Kiki est censé garder le palace, le cherché-je.
Il se fend la poire et reprend une gorgée.
— Faut pas croire, il est hargneux.
— Ouais, je viens de voir, ricané-je.
Bordel, il se ferait bouffer en moins de deux dans le ghetto. La plupart des lascars se trimballent avec des molosses sous stéroïdes.
J'avance ma main pour tenter une caresse sur sa tête et la bestiole manque de m'arracher un doigt. Va chier ! Il se prend pour qui ? Mon coloc' se fend la gueule et repose le moucheron avant de me lancer un regard plus sérieux.
— Désolé pour ma mère. Elle... c'est compliqué.
Je fronce les sourcils. Ça manque un peu d'infos, mais c'est toujours ça. Je comprends que quelque chose ne va pas et ça me suffit. De toute façon, je suis qui pour juger ce genre de chose ? Y'a qu'à me regarder, j'ai carrément pas de famille, mon frangin deale et j'ai évité la taule de peu. Tout le monde à ses casseroles. Moi le premier.
— T'inquiète. Par contre, j'ai bien envie de te buter pour autre chose.
Je préfère changer de sujet, il n'a clairement pas l'air de vouloir s'étaler. Ça me met un peu dans une situation compliquée, mais je saurais rebondir si besoin. Il me fixe, perplexe et je désigne la baraque de la Diablesse à côté avant de lui décocher une claque derrière la tête.
— T'aurais pu me dire que t'étais son voisin, couillon.
Il se marre comme un con et hausse les épaules.
— Je savais pas que c'était le scoop de l'année. Comment t'as su ?
— Je l'ai aperçue en arrivant.
Voilà, ça, c'est réglé. Bobard crédible.
Il acquiesce et me désigne un endroit un peu plus loin. Je le suis et l'imite posant mon cul sur un transat.
— Tu la croises souvent ? demandé-je.
— T'es vraiment accro ou quoi ?
N'importe quoi. Peut-être. Juste un peu.
— Nan, j'me renseigne, c'est tout.
Il secoue la tête, amusé pendant que je prends une gorgée.
— Tu te renseignes beaucoup sur elle, je trouve.
— Parce qu'elle m'intéresse. Tu le sais, j'te l'ai dit.
Il acquiesce, content de me l'entendre dire encore une fois et je soupire.
— À vrai dire, non, ça fait un moment que quand elle rentre pour le week-end, je la vois pas sortir. Ou alors quand c'est le cas, elle fait le mur pour se tirer.
Je me rappelle la fois où je l'ai vu faire et où je l'ai suivie jusqu'en boîte.
— Si tu veux mon avis, c'est bizarre, ajoute-t-il.
— Comment ça ?
— Je sais pas, ses vieux ont l'air... genre de la vieille école, tu vois ? Super strictes. Et encore plus louche, son père est complètement parano.
Je l'encourage à continuer et il se redresse.
— Suis-moi, j'vais te montrer.
Je me lève, sceptique et marche à ses côtés alors qu'il retourne vers la villa. Silencieusement, on rejoint les escaliers et tandis que je monte les marches derrière lui, mon regard est attiré par un cadre. Je reconnais Pitt sur la photo et le mec à côté lui ressemble beaucoup. Trop jeune par contre pour être son père. Je ne m'attarde pas, puis une fois en haut, avance dans le couloir jusqu'à ce qu'il ouvre une porte. J'entre dans ce qui semble être sa piaule, il referme derrière nous et me désigne la fenêtre.
— Jette un coup d'œil.
Discrètement, j'écarte le rideau et m'aperçois que ça donne sur le jardin des Reeves. Ça ferait un putain de bon spot pour rester en planque. Des ouvriers s'activent autour de la maison et je fronce les sourcils. Pitt se plante à ma droite et les pointe du doigt.
— Ça doit faire trois semaines que ce cirque dure. Ils font installer tout un système de haute sécurité. Ils avaient déjà ce qu'il fallait, mais apparemment, ça suffit pas.
Je glisse un regard sur lui et hausse les épaules. Je préfère jouer l'indifférence.
— Rien d'étonnant. T'as vu la baraque ? C'est sûrement bourré de trucs qui coûtent la peau du cul.
Il secoue la tête en claquant sa langue contre son palet.
— Nan, y'a un truc pas net. J'ai le nez pour ça. Ça leur a pris d'un coup, comme si y avait urgence.
— Ouais, je vois le délire.
Soudain, dans mon champ de vision, je distingue une silhouette. Même si j'ai vu ce type dans la pénombre sur le parking à la soirée de Mia, je le reconnais. Il porte le même sweat. Posté dans la petite ruelle qui longe l'arrière du terrain, je ne perçois pas son visage. Il est planqué et tente de voir ce qui se passe. Fils de pute.
Je serre les dents et mon sang ne fait qu'un tour. Sans attendre, je tourne les talons, bouscule à moitié Pitt et trace.
— J'reviens !
J'ouvre la porte à la volée et dévale les escaliers, seulement guidé par mon objectif : mettre la main sur ce connard. Même si ça implique ensuite que ma mission soit finie et que je doive retourner au centre pour qu'on m'en confie une autre. Cette idée, bizarrement, me retourne les tripes sans que je comprenne pourquoi. Pourtant, si Ellyn peut être débarrassée de celui qui menace sa famille, je le ferai sans hésiter. Je suis là pour ça avant tout.
Sous le regard de la mère de Pitt, je trace vers la sortie.
— Tout va bien ? s'inquiète-t-elle.
Je ne prends pas le temps de lui répondre et une fois dehors, remonte l'allée en courant.
À mesure que j'approche du portail qui reste fermé, j'étudie la meilleure façon de le franchir. J'avise le muret qui entoure la propriété et mon choix est fait. J'ai pas le temps d'attendre que le gardien se bouge le cul et appuie sur le bouton pour l'ouvrir.
Sans plus réfléchir, je grimpe sur une grosse pierre qui borde le parterre de fleurs, donne une impulsion et saute pour attraper le haut du muret avant de me hisser à la force des bras. Avoir évolué dans la rue me donne quelques avantages. Je sais parer à l'urgence. Repérer les issues. Fuir.
Dès que je suis en haut, je saute de l'autre côté et me retrouve sur le trottoir. Un coup d'œil de chaque côté et je repère l'entrée de la ruelle dans laquelle j'ai aperçu l'autre enfoiré. Je m'élance et cours comme un dératé jusqu'à l'angle. Lorsque je déboule, au loin, je repère le lascar et accélère. Il est carrément pas prêt à ce qui va lui tomber sur la gueule. Je tente de me persuader que je saurai me contrôler, mais ça va être compliqué, je le sais. Au centre de formation, on faisait des mises en situation. Seulement, là, c'est différent. Aujourd'hui, c'est loin d'être de la mise en scène. C'est réel. Et ça concerne Ellyn. Je savais que c'était une mauvaise idée, que c'était interdit. Pourtant, je me suis rapproché d'elle. Ça a été bien plus fort que moi. Je n'ai pas pu le contrôler. Peu à peu, je comprends pourquoi on nous interdit de développer une quelconque relation avec le client. Parce que si c'est le cas, qu'on ne s'y tient pas, tout peut vite partir en couille. La situation peut vite dégénérer.
Mes foulées résonnent sur le bitume à cause des murs qui s'élèvent de chaque côté du passage et lorsque le gus m'entend, il se redresse. Rapidement, il pivote vers moi et reste figé une demi seconde. Un bandana cache le bas de son visage et immédiatement je me dis que c'est le bon gars. Que c'est lui derrière tout ce merdier. Sans ça, il ne se cacherait pas.
Lorsqu'il réalise que je fonce sur lui, il ne perd pas de temps et fait demi-tour pour courir aussi vite qu'il peut. Ce con à une bonne accélération. Le mec est sportif, c'est certain. Seulement, moi, en plus de l'être aussi, j'ai de l'entraînement. Les deux ans passés à me former ne vont pas servir à rien, Jeff me l'a assuré.
Ni une ni deux, je détale et sprint comme jamais. À mesure que j'avance, je me rapproche de lui, le bruit de ses semelles sur le sol, sa respiration heurtée, les grognements qu'il lâche lorsqu'il sent que l'étau se resserre. Peu à peu, ces sons me parviennent plus clairement. Je vais l'avoir. Il le sait. Un rictus au coin des lèvres, j'appuie plus fort sur la dernière impulsion que je donne et lui saute dessus. Un placage dans les règles de l'art. Bordel, je devrais m'inscrire dans l'équipe.
La chute fait mal, mon bras râpe sur les gravillons, mais je l'ignore. Joue contre terre, il fulmine de rage et je me redresse pour le remettre brusquement sur ses pieds. Brusquement, je le colle face au mur et il râle de douleur tandis que je le bloque. Mon souffle complètement fou s'abat sur son oreille et je gronde de colère.
— T'es qui putain ?
Il tourne la tête de côté et je distingue son regard mi-enragé, mi-paniqué. Pourquoi j'ai l'impression de l'avoir déjà vu, putain ?
De ma main libre, je tire sur le bandana qui dissimule la moitié de son visage et lorsque je découvre de qui il s'agit, je serre les dents. Mon poing se crispe sans que je puisse le contrôler et je le retourne pour qu'il soit face à moi tout en le gardant sous contrôle.
— C'est toi qui lui colles au cul ? craché-je hors de moi.
Il se débat, me file un coup de coude dans la gueule et je lèche le sang qui s'écoule de ma lèvre. Je le repousse violemment, sa tête cogne contre la brique et j'appuie un peu plus fort avec mon avant-bras sur sa gorge.
— Réponds, putain !
Il plante son regard dans le mien, esquisse un sourire et je me retiens de toutes mes forces de lui coller une droite. Il faut que je me contrôle. Si je cogne quelqu'un sans raison, j'aurai le droit à un blâme. Surtout si cette personne et innocente. Le truc, c'est que, putain, il a tout sauf la tronche de quelqu'un d'innocent.
— Merde, je sais pas de quoi tu parles ! Lâche-moi !
Il sait pas de quoi je parle ? À d'autres. Son regard prouve le contraire. S'il continue à sourire, je vais lui faire ravaler ses dents.
Mon flingue coincé dans mon dos sous ma chemise me démange. Juste pour lui foutre la trouille. Juste pour le pousser à avouer. S'il ne le fait pas avec un canon sous le nez, c'est qu'il n'a rien à se reprocher. Les gosses de riches n'ont pas l'habitude de ce genre de situation, il se pissera forcément dessus.
Mes pupilles rivées aux siennes, je le défie silencieusement de me répéter qu'il n'est au courant de rien. Il ne détourne pas les yeux. L'éclair de peur qui traversait ses iris il y a quelques secondes, a disparu. Cette fois, je n'y perçois que de la fureur. Je connais cette expression. Je sais à quoi il pense. Il étudie les options qui s'offrent à lui pour se tirer de là.
Essaye un peu pour voir.
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