Chapitre 42
Ashton
Tout en tendant l'oreille pour être certain que personne n'arrive, j'ouvre le coffre-fort du sous-sol pour en sortir mon Glock et un plein de munitions. À tous les coups, je m'en servirai pas, mais je préfère prévoir.
J'ai encore dû raconter des bobards à ma Diablesse pour expliquer le fait que je m'absente une heure ou deux au max'. C'est très loin de la vérité et de ce que je compte vraiment faire, mais au moins, elle m'a assuré qu'elle m'attendrait ici avec Pitt et Mia. Elle est persuadée que mes parents sont de passage en ville et veulent dîner avec moi avant de repartir directement pour leur travail. Alibi à chier. Je sais pas d'où s'est sorti, mais c'est la seule excuse que j'ai trouvée pour justifier de devoir bouger aussi tard.
Ils ont décidé de squatter chez moi pendant que je serai sur les Docks. Ça me rassure. Pitt est là, l'alarme sera enclenchée, mon remplaçant en planque dans la rue juste devant. Je peux partir un minimum tranquille, même si j'aime toujours pas l'idée de la laisser. J'ai l'impression de devenir parano.
Je jette un coup d'œil à mon téléphone et avise l'heure. 23 h 00. Impecc'. Je préfère débarquer la nuit. Déjà parce que je pourrai me faire plus discret et qu'ensuite j'aurai plus de chance de mettre la main sur ce type. Red. La journée, généralement, ce genre de gars gèrent leur business.
Tandis que je vérifie que je n'ai rien zappé, la porte s'ouvre à la volée. Précipitamment, je glisse mon flingue dans mon dos et ferme le sac où j'ai fourré les balles et d'autres armes qui pourraient me sauver les fesses en cas de besoin.
Pitt apparaît et je soupire.
— T'es con, j'ai cru que c'était Ellyn.
Il lève un sourcil tout en s'approchant et frotte l'arrière de son crâne. Je sais pas qui de lui ou moi est le plus stressé. Perso, c'est pas le fait de me rendre dans cet endroit qui craint, qui me fait monter en pression, mais plutôt de me faire griller par ma copine. J'enchaîne les mensonges et je me demande encore comment elle peut les gober. Je suis mauvais à ce jeu-là. Ou du moins, c'est ce que je pensais. Faut croire que je me débrouille plutôt pas mal, sinon elle me serait déjà rentrée dedans. Ou alors, elle a capté que je lui raconte des histoires et attend le bon moment pour me porter le coup fatal.
Mon pote, lui, se fait tout un tas de films sur ce qui pourrait se passer là-bas. Je peux pas lui en vouloir, il y a de quoi.
— Je te rappelle que c'est toi qui m'as donné une dizaine de minutes pour trouver une excuse et te rejoindre ici.
Pas faux. Mais il a ouvert la porte comme un fou furieux.
— J'étais concentré.
Il ricane et jette un coup d'œil à mon sac.
— Qu'est-ce que t'as là-dedans ?
— Vaut mieux pas que tu saches, tu pourrais nous faire une attaque.
— De toute façon, j'ai déjà ma petite idée.
— Alors pourquoi tu demandes ?
— Je suis nerveux. Et quand je le suis, je pose trop de questions.
Je ris franchement et l'observe me demandant s'il se fout de moi.
— Tu poses toujours trop de questions.
Il fait mine de ne pas comprendre et je secoue la tête, amusé.
— Amène-toi.
Il acquiesce et s'exécute, pendant que je saisis le petit boîtier qui contient les oreillettes.
Curieux, il détaille celle que je lui tends, tandis que je les règle sur la bonne fréquence.
— Tu pourras la garder sur toi, elles ne la verront pas.
Il opine, me regarde mettre en place la mienne et m'imite, l'air sérieux. Je referme le coffre-fort et glisse un regard sur lui, prêt à mettre les voiles.
— On teste pas ? Dans les films, ils font toujours ça.
En le voyant comme ça, je comprends que c'est un de ses rêves de gosse. Participer à une mission impossible, voire carrément suicidaire. La Porsche juste à côté de moi, me rappelle, que moi, j'en ai réalisé certains en me pointant ici. Et le gamin que j'ai été me souffle que je peux bien faire ça pour lui.
Je m'éloigne de quelques pas pour éviter les interférences, tandis que son regard brille déjà. Une fois assez loin, je me convaincs silencieusement que je ne vais pas avoir l'air débile et me tourne vers lui.
— Un, Deux, test, soufflé-je.
Son sourire illumine immédiatement son visage et il lève ses pouces en l'air.
— Ça déchire !
Je me marre et reviens vers lui, attrapant au passage mon casque et les clés de ma bécane.
— Fait gaffe de ne pas parler devant les filles. On oublie vite.
Ça doit faire la dixième fois que je lui rappelle, mais mieux vaut trop que pas assez. Je vois mal comment il pourrait expliquer de taper la discute tout seul.
Il hoche la tête, l'air soucieux, tandis que j'ouvre la porte.
— Si ça part en vrille, j'appelle les flics.
— Te fais pas de bile, ça ira. Je connais ce genre d'endroit et j'y vais pas pour foutre le bordel. J'veux des infos, c'est tout.
Il ricane nerveusement.
— Parce que tu vas me dire que si le type te répond pas, tu vas rester zen ?
Je le fixe et hausse les épaules. Je vois pas quoi répondre à ça. Enfin, si, mais ça ne lui plairait pas. À la place, j'élude sa question et commence à monter les escaliers pour rejoindre le rez-de-chaussée.
Il m'emboite le pas, silencieux et lorsque j'arrive dans le salon, Ellyn, qui est assise sur le canapé, se redresse.
En quelques pas, elle me rejoint avec ce léger sourire aux lèvres comme si elle n'arrivait pas à faire mieux. J'aime pas la voir comme ça. J'aimerais qu'elle se confie, mais à chaque fois que je suis sur le point de lui demander, je me rappelle que je suis pas tout à fait honnête avec elle et que j'ai pas réellement le droit de le faire.
Je baisse les yeux sur elle, tandis qu'elle se hisse légèrement sur la pointe des pieds pour poser ses lèvres sur les miennes. Mon corps s'électrise comme toujours et je la retiens pour l'embrasser de nouveau alors qu'elle allait s'écarter.
Sa bouche s'éloigne et elle ancre ses iris aux miens.
— Tu penses en avoir pour longtemps ?
Je secoue la tête, sans quitter ses prunelles sombres.
— J'vais faire vite.
L'air malin, elle recule d'un pas et je la suis du regard.
— Tant mieux parce que j'ai d'autres projets pour la soirée.
Je me fige et retiens un grondement de frustration, à deux doigts de tout envoyer bouler pour rester avec elle. La seconde qui suit, je me ravise. Si je fais ça, alors le malade qui en a après elle restera un peu plus longtemps en liberté. Y'a pas moyen.
— T'auras à peine le temps de t'apercevoir que je suis parti.
— Ça, ça risque pas.
Comme un idiot, mes lèvres s'étirent. Quand elle balance ce genre de chose, je me sens toujours con. Avant, ça aurait juste mis le feu aux poudres et je lui aurais sauté dessus. Aujourd'hui, c'est différent, ça m'atteint de plein fouet.
J'enfile ma veste, mets le sac sur mon dos et jette un regard discret à Pitt. Il m'adresse un signe de tête entendu, puis, après un dernier baiser volé à ma Diablesse, je trace vers la sortie. Plus vite je serais revenu, mieux ce sera.
Décidé à en finir rapidement, j'enfonce mon casque sur ma tête et enfourche ma bécane. Au premier tour de clé le moteur rugit et je m'élance.
Une fois sur la route, je tourne la poignée d'accélérateur à fond et le monstre hurle. La vitesse me file des frissons pendant que l'adrénaline se diffuse dans mes veines. Cette sensation n'est comparable à aucune autre. C'est grisant, envoûtant. Dangereux. Il n'y a rien de raisonnable dans ce que je fais. Ça a toujours été le cas, mais là, ça l'est encore moins. À cette vitesse, une chute ne pardonnerait pas. J'en suis conscient, pourtant je prends le risque. Pour ressentir ce qui m'envahit à l'instant, ça en vaut la peine.
J'enchaîne les lignes droites, les virages, savoure chaque seconde de cette évasion qui me permet de ne penser à rien d'autre. Dans ma tête, je fais le vide. Il le faut. Si je déboule sur les Docks et que je rage déjà, ça risque de vite partir en couille.
Dès que je passe le panneau de la ville, je ralentis et instantanément l'adrénaline s'évapore. C'était bon. Bandant. Tout ce que j'aime.
Le feu passe au rouge, je m'arrête et pose un pied à terre. Les yeux rivés sur le cercle du bas, j'attends qu'il me donne le signal pour m'élancer de nouveau. Le son d'une cylindrée gronde derrière moi et un type s'aligne à ma hauteur, assit sur un motocross Kawasaki. J'avise le numéro trois plaqué sur le carénage, il tourne la tête vers moi et m'adresse le signe que tous les motards s'échangent lorsqu'ils se croisent. C'est la première fois que j'y ai le droit et ça aussi, c'est un sentiment unique. J'ai toujours admiré ce lien qui les unit tous, même s'ils ne se connaissent pas.
Le pilote m'observe et la couleur de ses yeux me frappe à travers la visière de son casque. Un bleu tellement clair que c'en est surréaliste.
— Jolie bécane ! lance-t-il assez fort pour que je l'entende.
Le feu passe au vert et je n'ai même pas le temps de lui répondre qu'il part pleine balle. Je le suis de regard jusqu'à ce qu'il disparaisse au loin plus vite encore que j'ai l'impression d'avoir roulé jusque-là. Il a ça dans le sang, je l'ai calculé au moment même où il s'est rangé à ma droite. Un sentiment étrange m'envahit. J'ai l'impression de le connaître, alors que je suis sûr que non.
Je me remets en route, emprunte des rues de plus en plus petites et décide de m'arrêter dès que je remarque que les Docks sont à quelques mètres devant. Pas la peine d'alerter tout le quartier en entrant ici à moto. Je coupe le contact, vire mon casque et me redresse tout en scannant les environs. Pas un bruit.
Avec prudence, je vérifie une dernière fois que mon arme est bien chargée, puis la glisse dans mon dos pour la coincer dans la ceinture de mon jean. Je remonte la capuche de mon sweat sur ma tête et cette fois, c'est un autre sentiment qui me submerge. J'ai l'impression de retourner deux ans en arrière. De redevenir cet ado qui évoluait en terrain hostile, qui s'est adapté et qui a fini par en faire son terrain de jeu.
Les pavés du quai sont à peine éclairés par les lampadaires fatigués et je me rends compte que Pitt avait raison. Chaque paradis possède sa part d'ombre. C'est sûrement con, mais ça me rassure. Je suis pas tout à fait dans un monde qui m'est complètement inconnu. Ici, je me sens plus comme chez moi.
Au même instant, je réalise que mettre la main sur Red sera difficile. Les entrepôts, c'est pas ce qu'il manque. Les repères de gangs non plus. Je distingue sur la droite un regroupement d'immeubles désaffectés et je me demande par où commencer. Si je dois tout fouiller, j'en ai pour des plombes. Hors de question. Les mots de ma Diablesse résonnent dans mon esprit et moi aussi je compte faire autre chose que traîner dans les ruelles humides du port toute la nuit.
Des bruits de pas se rapprochent et un gars un peu à l'ouest apparaît devant moi. Il vient clairement de consommer de la drogue. Il me fixe, les yeux injectés de sang et je ne me démonte pas. S'il peut m'aider à trouver celui que je cherche, je prends.
— Je cherche Red, tu sais où j'peux l'trouver ?
Il fronce les sourcils brièvement et ricane.
— Personne sait où il crèche, j'te souhaite bonne chance.
Je retiens un grognement. Il faut surtout pas que je pète les plombs. Je fouille dans la poche de ma veste tandis qu'il me surveille, méfiant et j'en sors des billets. Son expression change. Il y voit immédiatement une opportunité de s'acheter un peu plus de coke.
Je lui tends quelques biftons, il se jette dessus et je m'efforce de ne pas perdre patience. Lorsqu'il redresse la tête, c'est pour m'indiquer une direction du menton.
— Y'a un type, Soân. Il se fait appeler X. Tu l'trouveras un peu plus loin. Il pourra te donner plus d'infos.
J'acquiesce et sans un mot de plus le contourne pour continuer mon chemin tout en m'allumant une clope. Ça m'aidera peut-être à rester calme.
À mesure que j'avance, je distingue une lumière incandescente qui s'élève et danse sur les murs. Sans hésiter, je m'approche de l'angle du bâtiment et découvre un baril autour duquel des lascars sont rassemblés. Au-dessus des flammes, certains se réchauffent les mains. Deux autres un peu plus loin dealent leur came et un troisième un peu à l'écart, assis sur un muret fait le guet. Je connais ça. Plusieurs fois, j'ai endossé ce rôle pour mon frangin. Durant quelques secondes, je les observe faire leur petit manège tandis que des souvenirs surgissent.
Les deux dealers s'emportent tout à coup et le mec posé sur le muret se redresse. Les mains dans les poches, il s'approche du client qui pose problème. Tranquille, il tente de le raisonner, lui rappelle qu'il doit déjà de la tune et que c'est hors de question qu'ils lui fassent encore une avance sur sa conso'. Le camé pète les plombs, sort un couteau à cran d'arrêt pour menacer ses revendeurs et en une fraction de seconde, celui qui tentait de le ramener au calme le maîtrise. Il est doué et ses gestes pour bloquer le type sont précis.
Toujours en le maintenant, il le pousse vers l'entrepôt derrière eux, referme la porte une fois entré et ressort aussi sec. Il s'allume une clope, un coup de feu retentit à l'intérieur et il se fige. Son regard trahit ce qu'il ressent. Il vient d'amener ce mauvais payeur à l'abattoir. Il le sait et il regrette. Pourtant, l'instant qui suit, il renfile son masque, tire sur sa cigarette et jette un coup d'œil à ses potes.
— X, ramène-toi !
Instantanément, je percute. C'est le mec qui est censé me lâcher quelques tuyaux sur Red. Il a pas l'air commode et ça tombe bien parce que je le suis pas non plus.
Déterminé, je m'assure que mon sweat et ma veste en cuir cachent bien mon flingue dans mon dos et sors de ma cachette.
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