Chapitre 30
Ashton
Un bruit répétitif me tire peu à peu du sommeil et je fronce les sourcils. Encore dans les vapes, je remue légèrement et grogne. La douleur qui irradie mes côtes se rappelle à moi.
J'ouvre un œil et la première chose que je distingue est le plafond, tandis que le son qui me parvient se fait plus clair. Lorsque je percute qu'il manque le corps d'Ellyn contre moi, je me redresse rapidement sur mes coudes. À moitié endormi, je scanne ma chambre et lève un sourcil en la voyant qui arpente la pièce de long en large. Son pouce entre ses lèvres, elle ronge à moitié son ongle et bougonne toute seule. Merde, mais qu'est-ce qui lui prend ? Elle peut pas dormir comme tout le monde ?
Je tends le bras pour attraper mon portable et avise l'heure. Six heures du mat', bordel. Elle flippe quand même pas d'arriver à la bourre en cours ? On a encore de la marge.
Je continue de la regarder faire son petit manège alors qu'elle ne m'a pas remarqué dans la pénombre et esquisse un sourire. Elle a l'air en pétard et même comme ça, elle est sexy.
— Je peux savoir ce que tu fous ?
Elle sursaute, pose sa main sur sa poitrine et se fige.
— Putain, Atkins, tu m'as foutu la trouille.
Je me marre. C'est la deuxième fois que je la surprends de cette façon et je m'en lasse pas.
— Moi qui pensais que t'avais peur de rien.
— Sauf des types super costauds qui me reluquent dans une pièce à moitié plongée dans le noir, ronchonne-t-elle.
Un sourire en coin, je passe ma main dans mes cheveux. Rassuré qu'elle soit là, je me laisse tomber en arrière sur le matelas en ignorant la douleur pendant qu'elle recommence ses allers venus.
— On m'a appris que quand une fille bien foutue se trimballe à moitié à poil sous ton nez, il faut toujours en profiter.
Elle se plante au milieu de la piaule et me fixe. Parfois, j'ai l'impression qu'elle pourrait me sauter à la gorge quand je sors ce genre de connerie. À deux doigts de lui demander si elle est jalouse, je me ravise. Elle pourrait me tuer pour ça. Puis, je vois pas pourquoi elle le serait. Même si de mon côté certaines choses ont évolué, du sien, c'est sans doute loin d'être le cas. Et si ça l'était, je peux pas. Je suis bien assez dans le merdier comme ça. Tenter une relation ? J'ai jamais fait. Il y a aussi mon engagement envers le centre et le fait qu'une fois ma mission terminée, je devrai m'en aller. Ce serait du grand n'importe quoi. Alors pourquoi quand je retourne ça encore et encore dans ma tête, ça me fait grave chier ?
Ses billes sombres toujours braquées sur moi, elle soupire. Je passe mon bras sous ma tête et tente de deviner ce qui la met dans cet état. Comme si elle captait que j'allais lui demander des explications, elle se remet à faire les cents pas.
— Sérieux, tu vas me filer le tournis avec tes conneries. Tu vas me dire ce qui t'arrive, oui ou merde ?
Je suis pas le mec le plus délicat du monde, c'est certain. En tout cas, elle n'a plus l'air de se formaliser de la façon dont je lui demande les choses, ni de celle que j'ai de m'exprimer.
Elle se tourne vers moi, plisse le nez et laisse tomber ses bras le long de son corps.
— Tu devrais pas y aller.
Pas sûr de comprendre, je reste silencieux et tente de décoder.
— C'est vrai quoi, imagine qu'ils décident aussi de vous coincer sur le campus.
Nous y voilà. Elle se remettra jamais de ce qui s'est passé avant-hier soir ou quoi ?
Pour moi, c'était juste une baston. Un léger accrochage. J'ai connu bien pire. La Diablesse est loin de voir les choses comme moi. J'avais imaginé une fois tout le monde parti, que je pourrais enfin lui sauter dessus. Rien ne s'est passé comme prévu.
Une fois la soirée terminée, quand on s'est couchés, elle a tenu à dormir avec moi. Juste pour être sûre que j'aille bien. Elle m'a très vite fait comprendre qu'on ne s'enverrait pas en l'air. Selon elle, elle ne voulait pas me faire mal. C'est vrai qu'à chaque fois elle est assez sauvage, mais quand même, je suis pas un gamin qu'il faut emballer dans du papier bulle au moindre bobo.
Rien que pour ça, les Hater's m'ont encore mis plus en rogne. Ils ont ruiné la nuit de folie que j'avais espérée. Bande de connards.
— Pas question qu'ils pensent que j'en ai quelque chose à branler. Ces guignols me font pas peur. Qu'ils viennent, je les attends.
Résignée, elle avance et s'assoit sur le bord du lit. Elle se doutait de ma réaction, mais je commence à la connaître. Elle voulait quand même tenter de m'en dissuader.
— J'suis pas un gosse qu'il faut protéger, Ellyn. Je sais me défendre.
— Je sais !
— Bah alors quoi ?
Elle glisse un regard sur moi et hésite une seconde.
— Tout ça, c'est un peu ma faute.
Je fronce les sourcils. Elle y peut rien si ces types réagissent comme des machos sans cervelle.
— T'appartiens pas à Tyler. Ils ont aucun droit sur toi.
L'idée qu'ils puissent encore imaginer que c'est le cas me fout la rage.
— Mais si t'as des emmerdes, c'est parce que c'est mon ex.
— Les seuls coupables, ce sont eux et leur connerie.
Elle m'observe, pendant que sans un mot de plus, j'ouvre mes bras. Je me surprends moi-même. Je suis loin de me connaître ce genre d'attention. C'est tout nouveau. Pourtant, avec elle, ça me dérange pas. Au début, quand je m'apercevais de ce que j'étais sur le point de faire, je me reprenais aussitôt. Maintenant, ça me fait quasiment plus rien. Du moins, à part le fait que je trouve ça bizarre de changer à ce point en si peu de temps.
Sans se faire prier, elle se réfugie contre moi. Lorsque son corps entre en contact avec le mien, je serre les dents et mon souffle se coupe. Ok, l'autre enfoiré à bien visé et il sait cogner.
Elle se fige, lève le nez sur moi et n'ose plus bouger.
— Désolée, ça va ? Tu veux que je me mette de l'autre côté ?
Elle aussi, elle me surprend. Derrière son caractère de feu, le fait qu'elle s'inquiète comme ça, me laisse encore moins indifférent. Faut dire que j'ai pas l'habitude.
Je referme mes bras sur elle avant qu'elle s'échappe et secoue la tête.
— Reste là, ça va.
Nous nous observons une seconde et elle rompt le contact pour poser sa tête sur mon torse. Je retiens un soupir de bien-être. J'ai encore quelques réflexes de ce genre. Une part de moi refuse qu'elle puisse penser que je suis totalement accro. Même si clairement, plus j'y pense, plus je me dis que c'est évident.
Du bout de son doigt, elle trace distraitement le contour de mon tatouage sur mon ventre. Malgré moi, je frissonne et mes abdos se contractent. À chaque fois, c'est pareil, mon corps réagit au quart. Je kiffe ça.
— Je peux te demander quelque chose ?
Je baisse les yeux sur elle et le sens moyen. J'ai l'impression que sur coup-là, ce sera pas une réponse pour une réponse.
— Vas-y.
Immédiatement, je regrette et dans mon esprit défile tout un tas de questions qu'elle pourrait me poser.
— Tu discutais de quoi avec Brad quand je suis arrivée ?
Je me crispe et cesse les caresses sur son bras, alors que je ne mettais même pas aperçu que j'avais commencé à frôler sa peau.
Qu'est-ce que je disais, putain. J'aurais dû esquiver.
Silencieux, je pèse le pour et le contre. Si je lui balance que je suis bodyguard et ici pour sa sécurité, elle prendra la porte aussitôt. Je comprendrai pourquoi. Elle penserait que je me suis foutu de sa gueule, alors que, putain, c'est loin d'être le cas. Je suis juste pris dans un étau et plus ça va, plus je suis paumé. Je lui ai menti, oui, mais pour respecter un minimum le peu de règles que je n'ai pas encore grillées. Ma mission implique forcément le mensonge.
J'hésite un instant, tiraillé entre mes deux options et soupire doucement. Je sais même pas ce qu'elle a pu entendre avant d'apparaître. C'est la merde. Dans les deux cas, je me prendrai un mur.
— J'ai suivi ton conseil.
Je choisis d'opter pour le chemin que je suis censé suivre. Ou plutôt, celui qu'on m'a ordonné d'emprunter. Pas parce que je ne veux pas tout lui avouer, je demande que ça. Le truc, c'est que je refuse qu'elle s'éloigne. Si je lui raconte tout, c'est ce qu'elle fera. Rien que l'imaginer me retourne le bide. Je prends conscience d'à quel point ce qu'on a, ce qu'elle m'apporte, est devenu important.
Elle lève les yeux sur moi et sonde mon regard. Pourquoi j'ai l'impression d'avoir répondu à côté de la plaque ?
— Comment ça ?
— Tu m'as dit que je devrais lui demander moi-même, pour l'équipe. C'est ce que j'ai fait.
Je préfère répondre du tac au tac. Si je traîne trop et que j'hésite, elle se doutera que quelque chose n'est pas net. Même si j'ai l'impression que c'est déjà un peu le cas.
— Il m'a expliqué, pour son frère. Enfin, on était en train d'en discuter quand t'es arrivé.
Elle acquiesce sans que ses iris me lâchent et malgré moi, ma respiration se met sur pause.
— Je vois.
Quoi ? Comment ça, je vois ? Qu'est-ce que ça vaut dire, putain ?
Ça y est, elle a capté. Elle a forcément entendu beaucoup plus que ce que je pense et elle va me le balancer en pleine tronche.
Du bruit provient tout à coup du rez-de-chaussée et j'ai envie de gueuler que je suis sauvé par le gong. Pitt et Mia ont squatté la baraque pour le week-end. Après ce qui s'est passé, les savoir là m'a rassuré.
En un éclair, je décide de profiter de la porte de sortie qui se présente.
— On devrait descendre, sinon on va...
— OK, me coupe-t-elle.
Si ça, c'est pas chelou, je m'y connais pas.
Elle s'écarte pour se lever et je reste comme un con à la regarder faire. Je suis en train de creuser ma tombe tout seul. Plus suspect, tu meurs.
Finalement, je l'imite et une fois sur mes pieds, ramasse mon jean pour l'enfiler sans rien mettre de plus. J'attends qu'elle ait terminé et c'est dans un silence de mort que nous rejoignons nos amis.
Lorsqu'on déboule dans la cuisine, ils sont en train de se servir un café et mon pote a l'air de se rendre compte que c'est tendu. Ou du moins, que moi, je le suis. Il fronce les sourcils tandis que Mia rejoint ma Diablesse et je passe une main sur mon visage.
Blasé que ça prenne cette tournure, même si finalement je m'attendais à ce qu'à un moment, ça parte en couille, je tire une clope de mon paquet.
— Je viens avec toi, lance mon coloc'.
En un regard, je devine qu'il ne me laisse pas le choix et acquiesce. De toute façon, je suis plus à ça prêt. J'ai conscience qu'à la soirée, silencieusement, on s'est mis d'accord pour remettre notre discussion à plus tard. Le moment est sans doute venu. Il a découvert des choses et à mon avis, il est déjà sur une piste très sérieuse. Sinon, pourquoi m'avoir parlé d'Harlem ?
Ma cigarette coincée entre mes lèvres, je sors sur la terrasse pendant qu'il m'emboîte le pas. Avant de refermer la porte, je jette un coup d'œil aux filles qui sont déjà en pleine conversation. Ça sent pas bon pour mon matricule.
Tout en sortant mon feu pour embraser le tabac, je me pose sur une des marches qui mènent à la piscine. Pitt se laisse tomber à ma droite et m'observe. À le voir comme ça, je dirais qu'il se fait du mouron.
— Y'a de l'eau dans le gaz avec Ellyn ?
Je hausse les épaules tout en prenant une taffe assez grosse pour tenter de me détendre.
— C'est pas comme si on s'entendait toujours à merveille.
Il grimace et hoche la tête. Mon réflexe va être d'essayer d'esquiver ce qui me pend au nez, même si je doute qu'il m'en laisse l'opportunité.
— Vous deux, vous en êtes où ?
— On n'a pas mis de mot là-dessus. On profite.
Il ricane et je glisse un regard surpris sur lui. Ok, il va encore philosopher et ça va me prendre le chou.
— Tu la kiffes. Et pas que pour vos parties de jambes en l'air, c'est évident.
Je soupire et reprends une bouffée. Si on me demandait là, tout de suite quel sujet je préfère aborder entre le fait que je suis dingue d'elle et qui je suis vraiment, je saurais même pas lequel choisir. Ça devient grave. Partout où je regarde, c'est la merde.
— Peu importe ce que les Hater's en pense, je suis à fond derrière toi.
Je lâche un rire nerveux. Si seulement il n'y avait que ça, le problème serait vite réglé.
— C'est pas le souci, je m'en branle de ces fils de pute. Ils m'impressionnent pas. Le truc, c'est que je peux pas. 'Fin de base.
Il m'arrache ma clope des doigts, tire dessus et m'encourage à continuer. Pitt est un type en qui on peut avoir confiance. Je m'en doutais déjà et après ce qui s'est passé et ce qu'il m'a confié, maintenant, j'en suis sûr. Malgré ça, j'hésite encore. Mon briquet à la main, ma jambe s'agite frénétiquement.
— J'ai vu ton flingue.
Comment ça il a vu mon gun ?
Je repasse le film de ces derniers jours pour trouver à quel moment il aurait pu tomber dessus, mais je vois pas. Je fais toujours gaffe. Ou du moins autant que je peux.
— Dans la ruelle quand t'as cogné Tyler. À un moment, je l'ai vu sous ton t-shirt, ajoute-t-il.
Je me fige et le fixe. Si je me pensais déjà dans la pire des merdes, voilà qu'en une fraction de seconde tout bascule.
— Si ça peut te rassurer, je me suis mis devant pour que personne d'autre le voie.
Je comprends pas. Il découvre que je me trimballe avec une arme et la première chose à laquelle il pense, c'est m'aider ? À aucun moment il s'est dit que le danger dans cette ruelle, c'était peut-être moi ?
Dès le départ, il ne m'a jamais jugé sur l'apparence. Alors que la plupart l'ont fait, lui, il m'a toujours laissé le bénéfice du doute.
— T'es flic ?
Cette fois, je me marre franchement.
— Plutôt crever.
— Chef de gang ?
Je lève un sourcil et sonde ses iris. Ça aurait pu. Si j'avais continué sur la voie empruntée, c'est certainement ce que j'aurais fini par devenir.
— Et si c'était le cas ?
C'est plus fort que moi. Je lui balance une sorte de test. Selon sa réponse, je verrai bien ce que je fais.
Il hausse les épaules et me rend ma cigarette.
— Dans ce cas, je dirais que t'as certainement de bonnes raisons d'être là. Que t'as pas l'air de quelqu'un de mauvais. Que t'es même peut-être en train de raccrocher.
J'esquisse un sourire en coin et relâche un nuage de fumée. Il est loin d'être con et ça, je l'ai compris depuis le premier jour.
— Je suis bodyguard. Enfin, c'est plus compliqué que ça.
La bombe est lâchée et je surveille sa réaction du coin de l'œil.
Il fronce les sourcils pendant que je continue de fumer. Je m'attendais à ce qu'il enchaîne les questions, ou à ce qu'il soit un minimum surpris, mais il semble juste réfléchir.
— Ellyn a des ennuis ?
Voilà qu'il veut que j'entre dans les détails maintenant. Je suis pas sorti.
— Si j'te balance tout, va falloir que tu gardes ça pour toi.
Il prend un instant pour analyser ce que je lui demande et certainement ce que ça implique, puis, acquiesce.
— Tu peux compter sur moi, mais tu me racontes tout. Parce que je suis sûr que de base, être garde du corps, c'est pas ta vocation.
Je grimace, écrase mon mégot et le jette dans le cendrier posé sur la marche. De toute façon, en lui avouant que je suis là pour veiller sur Ellyn, j'ai déjà grillé toutes mes cartes. C'est comme si je lui avais déjà tout déballé. Il va falloir que j'annonce à Jeff que mon coloc' a tout découvert. Ça craint, putain.
Je soupire, résigné et mon regard se perd au loin. À l'idée de revenir sur ce qui m'a fait le plus mal dans toute cette histoire, mon estomac se tord. Seulement, je ne peux pas passer au travers. C'est ce qui explique pourquoi aujourd'hui, j'en suis là.
— Ok, tu vas avoir le droit au putain de drama de ma vie.
Sans rien calculer, je me sors une autre clope. Il me faut au moins ça.
— J'ai grandi dans un orphelinat avec mon frangin. Mais il était plus vieux que moi alors, il en est sorti avant.
Je tire une dose de nicotine, les nerfs déjà en boule. Ma jambe se remet à hocher nerveusement et je tente même pas de le contrôler. C'est peine perdue. Pitt m'écoute sans broncher et ça me va. Je préfère de toute façon qu'il ne m'interrompe pas.
— Un jour, il est venu me chercher. J'ai jamais su comment il s'était démerdé pour me tirer de cet endroit, mais t'imagines même pas à quel point j'étais content. Mon grand frère avait décidé de me prendre sous son aile et même si on vivait dans un appart qui menaçait de se casser la gueule, ça me convenait.
Il se contente d'acquiescer et je sais qu'il comprend. Il a eu un frangin lui aussi. Il sait à quel point ce lien peut être fort. Surtout quand on est gamin, que c'est le dernier repère qu'il nous reste et qui plus est qu'on est complètement paumé comme je l'étais.
— 'Fin, ça, c'est ce que je pensais. Le truc, c'est qu'il me voulait juste pour son business. C'est à partir de là que j'ai commencé à fréquenter les gangs. Je suis loin d'être ce gosse de riches. C'est juste ma couverture. Non, moi, je suis un petit délinquant des rues d'Harlem. Celui dont on se servait pour faire passer de la drogue. Et tu sais quoi ? Je le faisais pour qu'il soit fier. Faut vraiment être con, putain. Le pire, c'est que je me suis fait choper par les flics en essayant de réparer ses conneries. Il devait du fric à des types et ils menaçaient de lui faire la peau. Je me suis dit qu'en braquant une petite épicerie, je le sauverais. Mon arme était même pas chargée. Avec le recul, je pense que c'est ce qui a joué en ma faveur devant le juge.
Je prends une plus grosse taffe et inspire profondément. Je préfère tout sortir d'un coup. Si je m'arrête, je suis pas sûr de pouvoir continuer.
— Ce jour-là, je me suis fait pincer par les flics alors que je tentais de leur échapper. Ensuite, on m'a posé un ultimatum. Mon casier était déjà pas mal chargé, même si c'était que des délits mineurs. Soit on me jugeait comme un adulte, soit j'intégrais une formation de deux ans dans un centre qui ressemblait plus à une prison.
— T'as choisi la deuxième option et c'est comme ça que t'es devenu garde du corps.
J'opine et il grimace. Le plus dur est fait. Pas besoin d'approfondir sur mon passé. Il est merdique et n'a rien d'intéressant.
— J'ai passé deux ans à m'entraîner et à apprendre tout un tas de trucs. J'vais pas dire que c'était les pires années de ma vie, mais être enfermé, c'est pas mon truc, tu vois.
Il hoche la tête et je lui tends ma clope. Tout en me remerciant, il la saisit et son regard glisse sur moi. Je devine immédiatement qu'il a tout un tas de questions à me poser. C'est plus comme si j'avais le choix. J'ai commencé, autant finir et qu'il soit au courant de tout.
— Et pour Ellyn ?
— On m'a confié son dossier et je suis chargé de sa protection. Un type, ou du moins on sait pas s'il opère seul, envoie des lettres de menaces à ses vieux. Ils veulent du fric. S'ils ne payent pas, ils s'en prendront à elle.
— Ouais, je vois. Je comprends mieux le délire des jumelles dans la chambre ou ta réaction dans la ruelle avec Tyler. Ça explique aussi pourquoi tu la lâches pas.
Je ricane, amusé en me souvenant de ce jour où il m'a surpris.
— J'ai bien cru que t'allais faire une syncope, Bro'. Sur ton front, c'était limite si y'avait pas écrit erreur système.
Il se marre et un poids s'enlève sans que je comprenne pourquoi. Je pensais pas que lui parler de tout ça me ferait du bien.
— Pourquoi tu lui dis rien ?
Je récupère ma cigarette et tire dessus.
— Parfois, j'ai envie de tout lui balancer. Mais je peux pas. Ça fait partie de mes engagements et des quatre putains règles que je dois suivre.
Il lève un sourcil interrogateur et j'esquisse un sourire en coin. S'il savait à quel point je suis déjà dans la merde.
— Ne jamais la perdre de vue. Être prêt à donner sa vie pour elle. Ne pas griller sa couverture. Ne pas s'attacher à elle.
Je récite ça comme une poésie qu'un gosse aurait apprise par cœur. Il me fixe une seconde et secoue la tête.
— Tu sais que la quatrième tu l'as déjà explosé, pas vrai ?
Je soupire. C'est comme le coup de grâce.
— Ouais, j'pense que dans le fond, j'le sais, même si je refuse pour le moment de faire face. Si je respecte pas ça, je risque gros. Je pourrais retourner à la case départ. Et en te déballant tout ça, la troisième règle vient d'être pulvérisée, elle aussi.
— Si tu me l'avais pas dit, je l'aurais découvert.
— Je sais. À vrai dire, depuis le début, je savais que tu mettrais pas longtemps à tout découvrir. Va juste falloir que j'explique ça à Jeff. C'est mon référent et un peu comme mon agent de probation, si on veut.
— Tu peux compter sur moi, je dirais rien, je suis pas une balance. Et t'as qu'à lui expliquer que j'ai tout découvert tout seul.
Je l'observe, tente de deviner s'il blague, mais il paraît très sérieux. Faire ça m'enlèverait une grosse épine du pied.
— Tu peux compter sur moi, je vais t'aider.
Je fronce les sourcils. M'aider ? Non, ça, c'est hors de question.
— Nan, ça t'oublie. On parle pas de faire face aux Hater's, là. Ceux qui menacent les parents d'Ellyn sont certainement dangereux.
— J'te demande pas la permission Ash'. Pour la première fois depuis la mort de mon frère, je trouve une raison de me rattraper. J'ai rien pu faire pour lui, alors laisse-moi faire ça parce que sinon, je vais devenir dingue.
Dans l'intention de l'en dissuader, je plante mon regard dans le sien. Seulement ce que j'y perçois a raison de toute ma volonté. Au lieu que les bons mots sortent pour l'empêcher de se lancer dans ce truc complètement fou, je lâche juste un soupir.
— Ok, mais putain, t'as intérêt de suivre à la lettre ce que je te dirai.
Fait chier, dans quoi je m'embarque encore...
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