Chapitre 20
Ashton
Allongé sur mon lit, j'attends que Pitt ferme la porte et qu'il se tire à la douche. Depuis qu'il a ouvert les yeux, il n'arrête pas une minute. Un vrai moulin à parole. Il a appris, je sais pas trop comment, que j'avais ramené Ellyn chez moi pendant la fête, parce qu'elle était bourrée. Depuis il me casse les couilles pour savoir s'il s'est passé quelque chose. J'ai beau lui dire que non, il trouve ça louche. Faut dire que j'ai jamais trop été bon pour les bobards. C'est peut-être ça. À ma gueule, il voit que je mens.
Après un dernier coup d'œil suspicieux, il sort de la chambre. Immédiatement, je saute sur les jumelles, chope les écouteurs qui me permettent dès que je peux d'entendre ce que se disent Ellyn et Mia et les visse à mes oreilles. Au moment où je les allume, un grésillement me vrille les tympans et je grimace.
Discrètement, je décale le rideau, m'assure que personne ne peut me griller et commence par vérifier si je la vois. À première vue, elles ne sont pas là. Je ne les entends pas non plus. Il est sept heures trente et j'ai remarqué Ellyn qui sortait du bâtiment après sa séance de danse. Elles doivent être aux douches.
Je me rallonge et patiente. De toute façon, je suis prêt depuis au moins une heure. Le truc, c'est que depuis que j'ai couché avec elle, à chaque fois que je me retrouve comme ça, je cogite. J'étais persuadé qu'une fois que je me la serais tapée, je serais tranquille. Qu'elle ne m'obséderait plus à ce point. Mais c'est pire, putain ! Elle est partout dans ma tête. J'ai même encore la sensation de sa peau sous mes doigts. De son intimité qui se resserre autour de moi. C'est franchement la merde. Cette nana est en train de me rendre dingue. Un peu plus et je pourrais penser que Pitt a raison. Qu'elle m'a bel et bien retourné le cerveau. Non, impossible. Ces trucs à la con, très peu pour moi. Puis, pourquoi elle plus qu'une autre ? Parce qu'elle a un caractère de merde et que j'adore ça ? Ouais, ça pourrait être ça. Sauf que quand je traînais dans la rue, des gonzesses au tempérament de feu, il y en avait aussi. Pas mal sont passées dans mon pieu et c'est pas pour autant que le lendemain, j'étais hypnotisé. Parce que j'ai vraiment l'impression de l'être. C'est flippant. J'aime pas ça.
— Tu vas te décider à me dire ce qui s'est passé entre vous ?
La voix de Mia me ramène sur terre et je grogne lorsque leur porte claque. Je vais finir sourd, c'est clair. Pourquoi les nanas parlent aussi fort ?
Je me tourne pour me mettre sur le ventre, prends appui sur mes coudes et colle les jumelles devant mes yeux. Ellyn soupire tout en s'essuyant les cheveux et je détaille rapidement ses tétons qui pointent sous son t-shirt. Calme-toi, mec t'es en mission. En mission.
Je lâche un rire nerveux. Je l'ai sabordée ma putain de mission ! J'ai carrément atomisé la règle numéro quatre. Ne créer aucun lien personnel avec le client. Pour le coup, le lien était très intense et très perso.
Mia se plante devant sa meilleure amie et croise les bras. Je pense que je peux être tranquille de ce côté. On a convenu qu'on n'en parlerait à personne. On ne souhaite pas que ça se sache. Moi, pour des raisons évidentes, elle pour les siennes. Elle a peur que les gars de l'équipe me tombent dessus à cause de son ex. Quand elle m'a sorti ça, j'ai pas pu me retenir. Je me suis fendu la poire. J'ai ensuite reçu un oreiller en pleine face accompagné de son regard le plus flippant. Ces types ne m'impressionnent pas. Seulement, j'ai eu beau lui dire, elle n'en démord pas. Pour elle, même s'ils ne me font pas peur, une fois qu'ils seront à sept devant moi, ils seront beaucoup trop pour que je puisse m'en sortir sans bobos. C'est pas faux. Mais ça, je m'en cale.
Son autre raison est un peu bizarre, même si elle m'arrange. Selon elle, dès que les autres seront au courant, les rumeurs vont fuser et elle a été claire. C'est hors de question. Moi, ça me va que personne ne sache, donc j'ai directement rebondi en affirmant que j'étais totalement d'accord. Elle a trouvé ça louche. D'après elle, c'était la première fois que j'allais dans son sens. Je peux pas dire le contraire.
— J'avais trop picolé, il m'a ramené chez lui, ça s'arrête là.
Je soupire. Mine de rien, je suis soulagé qu'elle en reste à ce qu'on a convenu au cas où on nous poserait la question.
— Pas à moi, 'Lynn.
Alors elle, elle irait bien avec Pitt. Plus curieuse et têtue, tu meurs.
La Diablesse la contourne, attrape des fringues dans l'armoire et se tourne vers elle.
Elles se défient du regard puis, Ellyn lève les yeux au ciel.
— On a un peu discuté, mais rien de plus. De toute façon, on est comme chien et chat.
Pas au lit, Chérie.
— Dans ce cas, explique-moi pourquoi depuis ce matin tu regardes vers sa fenêtre dès que tu peux ? Je suis pas aveugle. Et t'es pas discrète.
La jolie brune jette instinctivement un coup d'œil par la vitre et je me ratatine sur le matelas. Shit, c'est pas passé loin.
Elle est sur le campus, elle va bien, je suis censé couper la communication, mais là, il en va de ma couverture. Je dois savoir ce qu'elle va balancer à sa pote ou non.
— T'es aussi bizarre depuis que c'est arrivé.
Bizarre ? Comment ça, bizarre ? Développe, merde.
Je redresse vivement la tête et reprend ma séance d'espionnage. L'une en face de l'autre, j'ai l'impression qu'Ellyn baisse peu à peu la garde. C'est pas bon, vraiment pas bon.
— Ok, si tu veux savoir, on a couché ensemble et c'est un bon coup. Carrément même. Mais je te jure que si tu répètes ça à qui que ce soit...
— Oh bah merde ! gueule Mia.
Sans me contrôler, je souris en coin. Elle a pris son pied. Ouais, nan, tu peux pas sourire, mec, t'es dans la merde, là.
Je grimace en réalisant que si elle l'ouvre c'en est fini de moi et au même moment, la porte de la chambre s'ouvre. Je me fige, tourne la tête et découvre Pitt dans l'encadrement. Ses yeux font des va-et-vient entre la fenêtre, les jumelles et moi. Pris en flagrant délit, je les pose doucement. J'ai l'impression d'avoir un flic en face de moi qui me demande de poser mon flingue.
— Nan, là, c'est vraiment flippant, gros. Merde, mais qu'est-ce que tu fous ?
Sa voix me parvient à peine et se mélange avec celle des filles que j'entends toujours. Je hausse les épaules et retire mes écouteurs.
— Je m'informe.
— Sur quoi ? Sur ce qu'elle compte porter aujourd'hui ?
Comme un con, je souris avant de me reprendre.
— Et tu sors ça d'où ? me questionne-t-il en désignant les jumelles avant de fixer les écouteurs.
Il s'approche, pendant que je cherche toujours comment lui expliquer ce qu'il vient de voir et tente d'en attraper un.
— Nan, t'aimeras pas, c'est violent.
Violent... Ouais, c'était violent. Elle a tout balancé.
Je me redresse, range rapidement le matériel et l'attrape par les épaules pour l'entraîner avec moi.
— Viens, on va être à la bourre.
Il lève un sourcil, tandis que je le pousse dehors et que je referme la porte derrière nous.
— Qu'est-ce que t'en a à foutre ? T'y est toujours. Faut qu'on discute de ce qui vient de se passer.
Je soupire et coince une clope entre mes lèvres. Besoin urgent de nicotine.
— Ouais, ouais on en parlera.
Une fois dehors, j'embrase le tabac et inspire une bonne bouffée. Pitt me regarde en biais tandis qu'on avance vers le bâtiment principal. Moi, j'évite de croiser son regard. Marche droit devant, mec. Fais profil bas ! Je me fais marrer tout seul. Profil bas, mon cul. Ça fait un moment que ça a commencé à foirer.
Devant l'entrée, mon coloc' me vole ma cigarette, tire une latte et l'écrase. C'est devenu une habitude. Il a besoin de sa petite dose lui aussi.
— T'es vraiment louche, attaque-t-il.
— C'est ce qui fait mon charme.
Il lève un sourcil et me donne un coup de coude.
— Nan, mais sérieux, tu foutais quoi avec tes jumelles ?
— Ta gueule, parle moins fort.
Il jette un coup d'œil à Ellyn qui traverse le couloir et la désigne du menton.
— Elle t'obsède à ce point ?
Je ricane tandis que sérieux, il attend ma réponse. Ouais, autant rebondir là-dessus. Ça reste la meilleure explication.
— T'imagines pas à quel point.
— Donc, tu t'es dit qu'elle trouverait ça super sexy que tu l'espionnes.
— Va savoir. Elle est pas comme les autres.
Il sourit comme un abruti et je soupire. Voilà, il se refait tout un tas de scénario.
— Tu la kiffes. Genre, vraiment et je peux comprendre. Mais il n'y a rien de normal à ce que je viens de voir. Ça se fait pas.
— C'est bon, passe à autre chose.
— Quoi et ignorer ce que j'ai vu ?
Il secoue la tête, loin de lâcher l'affaire. Si j'étais à sa place, je trouverais ça louche, moi aussi. Je peux pas lui en vouloir. Il n'en a pas fini avec ça, je dois m'attendre à ce qu'il creuse. Je me fige en plein milieu du couloir. Le mieux, c'est que je fasse mon méaculpa, d'avouer que j'ai été trop loin, qu'il a raison. Je soupire et ouvre la bouche quand un type derrière me rentre dedans. Je lui jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, lui lance un regard noir juste pour le fun et il devient tout pâle.
— Désolé, bégaye-t-il avant de tracer.
Pitt se fend la gueule et je l'imite après avoir suivi le gars des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse. J'en oublie ce que j'étais sur le point de faire.
— Je crois que ça me fascinera toujours, lance-t-il.
— Quoi ?
— Ça, là, ce qui vient de se passer. Il s'est à moitié pissé dessus.
Je hausse les épaules, amusé et reprends la direction de l'amphi'. Il a l'air d'être passé à autre chose. Autant que j'en profite.
— J'ai rien fait. Je comprends pas pourquoi ils flippent leur race comme ça.
Cette fois, c'est lui qui s'arrête pour me regarder de haut en bas et désigner vaguement ma taille.
— Tu t'es vu ? On dirait un ours enragé.
Je lui décoche une claque derrière la tête et il recommence à se bidonner. Il est vraiment pas possible.
En venant ici, j'étais persuadé que jamais je ne pourrais m'entendre avec l'un de ces gosses de riches. Pourtant, Pitt, ces derniers temps se rapproche plus du pote que du mec avec qui je partage seulement ma piaule. Je retrouve un peu ce lien que j'avais avec Keyden quand je trainais dans la rue. On faisait les quatre cents coups ensemble. Je me demande ce qu'il devient.
Pitt me donne une tape sur l'épaule et me ramène à la réalité. Me plonger dans mon passé comme ça, fait toujours remonter cette colère. Les conneries de mon frangin m'ont arraché à tout ça. À cette personne que j'étais. À mon monde. Le pire, c'est qu'il n'en a rien à foutre. Je me suis fait prendre à sa place et il en rien à branler. Je mettrais même ma main à couper que c'est pas pour ça qu'il a arrêté ses magouilles.
— On se voit après.
J'acquiesce encore un peu lointain et le regarde filer. Ce qui est certain, c'est que lui au moins ne baignera pas dans ce genre de mauvais plans.
Une fois la rage redescendue, je rejoins l'amphi et me faufile pour trouver une place libre. En une seconde, je repère Ellyn assise à côté de Mia et les observe. Elles discutent et à la façon dont la Diablesse se penche vers elle pour lui parler, je devine qu'elle veut que ça reste discret. À tous les coups, elles font une sorte de débriefing ou un truc du genre.
Ses iris croisent les miens et elle me fixe quelques secondes avant de se mordre la lèvre et de détourner les yeux. J'esquisse un sourire et me surprends à m'imaginer la rejoindre pour l'embrasser. Elle se doute de ce à quoi je pense, c'est certain. Son petit coup d'œil n'était pas si innocent que ça. Elle me cherche, me provoque. On dirait bien qu'elle n'a pas encore capté qui je suis. Encore un regard comme celui-là et je pourrais bien le lui faire comprendre de nouveau.
Le cours est chiant à en crever. Comme d'habitude. Le cowboy me lance quelques avertissements silencieux lorsque je soupire à plusieurs reprises et quand l'heure de se tirer est là, je saute sur mes pieds. Putain, c'est carrément une libération pour moi.
Sans perdre une seconde, je sors de la salle et m'adosse contre le mur du couloir pour attendre la jolie brune. Lorsqu'elle passe la porte, elle tape encore la discute et ne me voit pas. Pas plus mal.
— Je sais pas, c'est bizarre.
— Comment ça ? l'interroge Mia.
— Depuis la fête chez toi, j'ai l'impression d'être suivie. Tu sais comme quand tu regardes ces films d'horreur et qu'ensuite tu flippes.
Je fronce les sourcils. De quoi elle parle ? Si ça se trouve, c'est moi qui lui donne cette impression.
Aussi discrètement que possible, je leur file au train tandis qu'elles se dirigent vers les toilettes. Il va falloir que je sois sur mes gardes. Ce genre d'intuition trompe rarement. Si elle a la sensation qu'on lui file au train, c'est certainement vrai. L'image de ce type près de sa caisse se pointe dans ma tête. C'est lié, j'en suis sûr.
— Et t'as vu quelqu'un ?
— Non personne, mais je te jure que c'est vraiment louche.
Elle entre dans les chiottes et je grogne. Je vais plus pouvoir entendre ce qu'elle raconte. Pourtant, je n'aurais pas craché sur plus d'infos.
Je patiente à côté de l'entrée, planqué dans un recoin et sors mon téléphone pour envoyer un message à Jeff. Au moindre changement, je dois le tenir informé. Pour le coup, ça me semble assez important pour le faire. Il me répond dans la foulée de rester vigilant, voire d'éviter de la laisser seule sur le campus. Génial. Et je fais comment, moi, ça ?
Mia sort des toilettes et je me fais tout petit. Entre-temps, personne d'autre n'est entré. Je me précipite, ouvre la porte et la bloque en m'adossant contre le battant.
Lorsqu'Ellyn, qui est plantée devant le miroir, aperçoit mon reflet, elle sursaute. Un rictus étire le coin de mes lèvres pendant qu'elle se tourne vers moi.
— Alors comme ça t'as vraiment peur de moi.
Elle ricane et approche lentement.
— Dans tes rêves, Atkins.
Encore une fois, sa voix qui prononce mon nom, me colle des frissons et plus elle avance, plus j'ai envie de l'attirer à moi, ici, maintenant. J'aimerais aussi lui poser des questions au sujet de ce que j'ai entendu, mais elle ne comprendrait pas. Comment je pourrais lui expliquer que je dois savoir ce qui se passe ?
Elle se plante face à moi, se mord de nouveau la lèvre et un grondement m'échappe. J'avais prévenu. Enfin non, pas elle directement, mais on va faire comme si. Tout en restant à bloquer la porte, je saisis ses hanches et la plaque contre moi. J'approche mes lèvres, elle saute dessus et mon cœur me donne l'impression d'exploser. Wow, ok, on arrête le délire là, mon pote.
Elle s'écarte, remet une mèche de ses cheveux derrière son oreille et je sonde son regard. Soucieux. Depuis quand je m'inquiète ?
— Tout va bien ? demandé-je malgré moi.
Son front se plisse et elle hoche la tête. Elle ne me dira rien. Elle est pas du genre à se plaindre. Surtout pas à moi. Plutôt que de lancer ce jeu débile de qui cédera en premier, j'aurais dû la mettre en confiance. Devenir ce bon pote à qui elle se serait confiée sans hésiter. J'ai merdé.
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