Chapitre 12
Ashton
Posé sur les marches, à la sortie du bâtiment principal, je tire sur ma clope. Voilà deux jours que j'ai balancé Ellyn dans ce Uber et depuis, rien. Que dalle. J'étais persuadé qu'elle me rentrerait dedans à la première occasion, mais ça n'est jamais arrivé. Du moins jusque-là. Une part de moi se dit qu'elle a laissé tomber l'idée de me dresser. L'autre me chuchote qu'elle prépare quelque chose. Quelque chose qui risque de m'énerver.
Depuis quand les agissements d'une nana me retournent le cerveau ?
Peu importe ce qu'elle mijote, je m'en branle. De toute façon, c'est pas comme si elle m'intéressait vraiment. C'est juste physique. Je me demande si de son côté elle sent cette attirance, ou bien si elle joue simplement à me faire perdre la boule. Pourtant, je suis sûr de ce que j'ai vu dans son regard, lorsqu'elle me narguait avec ce type à la soirée. Elle en avait envie tout autant que moi. Si c'est le cas et qu'elle venait à m'allumer, je sais pas si j'arriverais à résister. Son corps m'appelle et m'attire bien trop pour ça. Le truc, c'est que même si derrière il n'y avait rien de plus, je ne peux pas me laisser aller à ce point.
Alors pourquoi je crève de savoir si c'est réciproque, putain ? J'ai conscience de ce que je risque pourtant !
Je prends une taffe plus grosse que les autres et inspire à plein poumon. Il faut que je me sorte ça de la tête. N'importe quelle fille, mais pas elle.
Comme s'il avait entendu que j'avais besoin d'être tiré de mes pensées, Pitt s'assoit à ma gauche et me lance un regard de biais. Je lui propose une taffe, il scanne rapidement les environs et pique ma clope pour tirer dessus comme un camé.
— Putain, merci.
Je ricane, amusé. Je suis en train de le dévergonder.
— Je pensais que c'était interdit ? le cherché-je.
Il prend une seconde latte et me rend la cigarette.
— C'est pas ma clope, c'est la tienne. Je suis dans les règles, se marre-t-il.
Je lui mets un coup de coude, il se fend la gueule de plus belle et je secoue la tête, amusé.
— Pas sûr qu'ils le voient de la même façon.
Je prends une dernière bouffée de nicotine puis écrase le mégot sur la marche. Alors que je fourre mes mains dans la poche de mon sweat, je sens son regard sur moi. Lui, il a quelque chose à me dire. Ou bien il veut me soutirer des infos. Parfois, je me demande qui de lui ou moi doit en récolter le plus.
— Quoi ? l'interrogé-je.
— C'est quoi le délire ?
Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'il a encore ? De quoi il parle ?
— Comment ça ?
— Toi et Ellyn. Y'a un truc louche.
— On n'a pas baisé.
Il éclate de rire à s'en tenir le ventre et j'arque un sourcil. Bah quoi ? C'est vrai.
— Putain, t'es con, tu vas me faire crever avant l'heure. J'te parle pas de ça.
— De quoi alors ?
— Ça fait deux jours que vous vous faites plus la guerre.
Je hausse les épaules. Non, le truc vraiment louche, c'est qu'elle et moi on n'a pas encore couché ensemble. Ça, c'est bizarre.
— Je vais pas m'en plaindre.
— Tu te fous de ma gueule ? T'es en pleine déprime. Ça te manque.
— D'où tu sors cette connerie ?
Il secoue la tête en claquant sa langue contre son palet. Le pire, c'est qu'il est convaincu de ce qu'il dit.
— T'es là, assis sur les marches et tu rumines. Tu vis que pour ça depuis que t'as débarqué. La faire chier.
Je dirai pas le contraire. Ça occupait mes journées.
— C'est clair que maintenant, j'ai plus grand-chose pour me distraire.
Il me fixe, perplexe et tire un chewing-gum de sa poche.
— Nan, y'a autre chose. Tu la kiffes.
— Dans tes rêves ! En vrai, tu veux savoir ? Je me demande si... nan, laisse tomber.
Il rit et je me demande ce qu'il peut trouver de drôle. Je me suis fait avoir à mon propre jeu avec lui. Il est pire que moi. Je crois bien qu'il ne prend rien au sérieux.
— Si elle te trouve aussi attirant que toi tu la trouves bandante, complète-t-il.
Merde, comment il a deviné, ce con ?
— Grave, j'arrive pas à savoir !
— Pourquoi tu tentes pas ?
Il est marrant lui. Je peux pas. Seulement, impossible de lui dire ça, il faudrait que je lui explique pourquoi et même ça j'ai pas le droit.
— Parce que j'veux pas qu'elle s'emballe. Qu'elle fasse des plans sur la comète. Tu connais les nanas, elles se projettent trop, Bro'.
Il semble surpris que je l'appelle comme ça. C'est sorti tout seul. C'est comme ça que j'appelais mon pote ou encore mon frangin. J'ai balancé ça sans m'en rendre compte. Ça me ramène à certaines choses, que je préfère oublier. Comme s'il le comprenait, il ne relève pas.
— Ellyn est pas du genre à faire des plans. Elle veut pas se caser. Toi non plus. Moi je dis, autant en profiter, mais c'est toi qui vois.
Je grimace. Le problème, c'est que j'ai même pas le droit de me rapprocher d'elle de cette façon. Je risque gros, putain. Pitt m'observe et tente de lire dans mes pensées. J'ai horreur quand il fait ça.
— Au pire, t'as quoi à perdre ? Au moins, tu seras fixé.
— Trop. Mais t'as pas tord.
Il me questionne silencieusement pour savoir ce qu'implique le « trop » que je viens de balancer, mais il sait que j'en dirai pas plus. De toute façon, j'ai une excuse toute prête à lui servir s'il venait à insister. Je me suis creusé la tête pour en trouver une, juste au cas où.
— C'est pas les soirées qui manquent. T'as qu'à tenter de prendre la température.
— On peut pas se voir, ça m'étonnerait qu'elle entre dans mon jeu.
— C'est pas parce que vous pouvez pas vous saquer que l'attirance n'est pas là. Ça crève les yeux.
Je l'observe du coin de l'œil. C'est pas la première fois qu'il me dit ça. Est-ce que cette attraction est aussi flagrante ? Je hausse les épaules. Perso, j'en doute.
— Et sinon, pourquoi c'est encore plus froid vous deux ?
J'avais presque oublié qu'il était putain de curieux. J'avoue qu'à sa place, je le serais aussi.
— Je les ai balancés dans un Uber parce qu'elle et ses potes étaient complètement arrachés et que Mia envisageait de conduire.
— Et elle t'en veut pour ça ?
— Crois-moi, elle était en pétard ! J'ai refermé la portière, qu'elle me hurlait encore dessus.
Il se bidonne et s'imagine sûrement la scène. Franchement, en y repensant, c'est vrai qu'il y a de quoi se fendre la gueule. Je la revois à travers la vitre, rouge de colère, à hurler alors que j'entendais à peine. Si sur le coup j'avais pas été aussi énervé, je me serais marré. Ce qui l'aurait mis encore plus en pétard. Ça y'a pas de doute.
— Merde, tu comptes m'expliquer ce qui s'est passé ou pas ? Il faut que je sache. Tu l'as croisée où ?
Je l'observe, du coin de l'œil et ricane. Il est pire qu'une gonzesse.
Tout en marchant vers la cafét', je lui explique ma virée en boite, sans rentrer dans les détails de comment je me suis retrouvé là-bas et j'ai l'impression que ce mec vit pour les potins. Une fois mon récit terminé, il m'observe. À la gueule qu'il tire, je devine qu'il n'a pas eu assez d'infos.
— Comment ça se fait que t'aie atterri là-bas ?
Je hausse les épaules. Vite, trouve un bobard à lui servir.
— J'ai entendu parler du Warehouse. Je voulais voir si ça valait le coup.
Il acquiesce, sceptique, sans me lâcher des yeux.
— Et Ellyn y était ?
J'opine, pendant qu'il plisse les paupières et me dévisage.
— Le monde est petit.
Voilà que je lui sors ce que j'avais prévu de balancer à la Diablesse si elle m'avait surpris dans la foule. N'importe quoi.
— Ça se tient.
Quoi ? Comment ça, ça se tient ? Il est con ou quoi ? Qui croirait ça ?
Cette fois, c'est moi qui bugue et le fixe comme un abruti. Je récupère mon plateau, nous trouve une table et me pose sur la chaise.
— Une fois, j'ai croisé mon ex à la plage. Mais genre, c'était pas la plage du coin. J'étais parti en vacances, développe-t-il.
Il a vraiment pas de bol. Il enfourne des frites et pour une fois, je réalise que le menu est à peu près potable. Ils se sont pas fait chier, mais c'est mieux.
— Merde, Pitt, t'as vraiment la poisse.
— C'est Brad... Putain, pourquoi tu m'appelles Pitt ?
Je me marre et prends un morceau de steak. J'ai cru qu'il ne me poserait jamais la question. En même temps, je pensais qu'il percuterait sur le jeu de mot. Il est quand même bien à côté de la plaque parfois.
— Eh bah, il était temps, ricané-je. Tu vas me dire que t'as toujours pas percuté ?
Il secoue la tête la bouche pleine. Autant il est balèze en cours et se tape des moyennes comme jamais j'aurai, autant en vanne, il est à chier.
— Explique.
— Brad Pitt, couillon !
Il reste bouche bée et fige sa fourchette à mi-chemin.
— T'es sérieux ?
Je souris comme un débile et il lève les yeux au ciel.
— À cause de mon prénom ?
Je hausse les épaules, tandis qu'il attend que je me justifie.
— Blond, yeux bleus, t'as une belle gueule. Tout colle.
Il lève un sourcil et me balance une frite.
— T'es un enfoiré.
— Je sais. Tiens, tant qu'on en est aux révélations. Explique-moi comment t'as eu mon numéro. J'étais à peine arrivé que tu l'avais déjà.
Il se renfonce dans sa chaise et croise les bras sur son torse, l'air fier.
— Je fais partie du club informatique.
— Et ?
— Et je me suis dit que ton numéro pourrait me servir vu qu'on est coloc'. Je suis balèze avec un PC, se la pète-t-il.
Il vient vraiment de m'avouer qu'il a accédé à la base de données du campus sans pression ? Remarque, qu'il soit calé en informatique me servira peut-être, on sait jamais. Du coup, vaut mieux que je ferme ma gueule et que je le complimente. Ouais, c'est mieux.
— Chapeau, je savais pas que t'avais des talents cachés.
Il se redresse sur sa chaise et recommence à manger, un sourire en coin. Mon compliment a fait mouche.
— Je suis sûr que t'en a aussi.
Je manque de recracher la gorgée d'eau que je viens de prendre. Ça dépend ce qu'il entend par talent. Je sais démonter, nettoyer un flingue et le remonter les yeux fermés, maîtriser un adversaire en moins de cinq secondes, je suis aussi doué pour les conneries. Ouais, ça je sais faire. Et selon certaines filles avec qui j'ai couché, j'ai le plus prodigieux des coups de rein.
— Franchement, je sais pas, je suis un mec banal, soufflé-je.
C'était convaincant ?
— En tout cas, on oublie le montage de meubles.
— Ta gueule.
Il pouffe de rire et je l'observe. Voilà qu'il se fout encore de moi.
— Tu devrais consulter, lâché-je.
Il se fige et fronce les sourcils. Je jubile. J'ai piqué sa curiosité.
— Pourquoi ?
— Tu ronfles comme un putain de camion.
Nouvelle attaque de frites. J'en esquive une avant qu'elle ne m'atterrisse dans la face et on se marre. Bordel, qu'est-ce qu'il peut être con.
Alors qu'on est en pleine guerre, une silhouette se poste à côté de nous et se racle la gorge. Je glisse un regard sur la personne qui fait son apparition et Pitt et moi échangeons un coup d'œil. Ellyn. Les poings sur les hanches, elle nous mate de son air sévère et je me retiens de rire. Elle a ses règles ou quoi ?
Mon coloc' ramasse rapidement les quelques frites sur la table, comme s'il allait se faire engueuler par sa daronne et j'étouffe un fou rire. Elle observe son petit manège, pendant que je ne bouge pas et la défie même du regard. Pour une fois, elle ne le soutient pas. Bizarre. Ça y est, elle a décidé de venir me casser les couilles pour ce qui s'est passé à la sortie de la boîte. Il était temps, je commençais à me faire du souci.
Une fois qu'il a fini de foutre tout son bordel sur son plateau, Pitt le saisit et se lève.
— J'crois que c'est mieux que je vous laisse.
— Ouais, on sait jamais, elle a peut-être fini par succomber à mon charme.
— Va chier, Atkins.
— Ah, bah non.
Il se marre et met les voiles, pendant que la Diablesse ne bouge pas. Seuls ces quelques mots sont sortis de sa bouche et je me demande ce qui va me tomber sur le coin de la gueule.
— J'peux te parler ? demande-t-elle.
Elle tente de paraître un peu plus amicale. Ça... c'est chelou. Mettez-vous tous à couvert, dans deux secondes, elle explose, les gars.
— Je suis tout à toi.
Je lui adresse un haussement de sourcils plein de suggestions et elle soupire.
— Je fais un pas vers toi, connard, tu pourrais faire un effort, grogne-t-elle.
— Ok, je t'écoute, qu'est-ce qu'il y a ?
Elle lance un coup d'œil autour d'elle et esquisse une mimique avec sa bouche qui soulève tout un tas d'images salaces dans mon esprit. Ok, on se calme. Pourquoi elle a l'air embêtée de rester ici. C'est parce qu'elle parle avec moi ?
— Pas ici, annonce-t-elle.
Je lève un sourcil et lâche un rire amer.
— Si t'as peur de t'afficher avec moi, t'as qu'à tracer.
— Putain, Atkins, lève ton cul, merde.
— Ok, ok.
Je me redresse en faisant volontairement traîner ma chaise qui grince sur le sol et tous les yeux se braquent sur nous. Elle serre les dents, perdant patience et intérieurement, je suis mort de rire. J'attrape mon plateau, file le poser et la rejoins vers la sortie. Derrière elle, je mate son cul au passage, sans faire dans la discrétion et je croise les pupilles de son ex dans le couloir. Je lui lance un sourire en coin, pendant qu'il serre le poing et bouillonne. C'est ça, monte en pression.
Une fois dehors, elle me désigne un endroit un peu plus loin et je la suis en silence. C'est pas moi qui causerai en premier. C'est mort. C'est elle qui veut me parler, qu'elle le fasse.
Merde, mais qu'est-ce qu'elle me veut ?
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