Ƈσℓσяƒυℓ Ɗαякηєѕѕ
ᴿʰᵉ́ˢᵘˢ ᴾᵒˢᶤᵗᶤᶠ
⁷ᴴ⁴⁴
Quand je rouvre les yeux,
L'obscurité de la nuit s'est volatilisée.
Le noir a fané,
Et laissé place à de jeunes rayons chaleureux.
Je cligne des yeux fortement. Le soleil enlace mon visage, il semble presque vouloir se faire pardonner du mal que son contraire m'a fait.
Il est chaud. Terriblement chaud. J'ai l'impression d'être coincé dans une étreinte des plus douces entre ses quelques rayons blanchâtres du matin et l'air doux de notre monde paisible, alors je referme les yeux,
Parce que le cauchemar est terminé et que le rêve recommence.
Je prends de grandes inspirations, de longues et profondes inspirations de cet air doux et délicatement parfumé qui occupe notre chambre, trouvant fort agréable le fait de pouvoir respirer sans entrave. J'hume l'air doucement, reconnaissant en premier lieu l'odeur persistante des peintures à l'huile qui sèchent dans mon atelier mais dont les effluves traversent les pièces, et l'odeur du parfum dont tu te badigeonnes tous les matins. Il y a une douce odeur de printemps et de légères effluves de bois fraichement coupé aussi, qui s'étendent dans l'air, et accompagnent délicatement les rayons immaculés de l'Astre du Jour.
Je tends l'oreille, après, pour écouter le doux chant de cette Vie que j'aime tant. Parce que je déteste le silence de la Rhésus et la place trop importante qu'elle laisse aux pensées sombres, et parce que j'aime plus que tout le continuel bruit que fait notre vie, quand on y porte une attention infaillible.
Mais j'ai beau tendre l'oreille, je n'entends rien.
Ni le son de tes respirations apaisées, ni le bruit des oiseaux qui chantent de bon matin au pied de nos fenêtres. Je n'entends pas le tic-tac infernal du carillon, pas plus que les simples notes grésillantes qui s'échappent de tes quelques appareils électroniques qui trainent dans le coin.
Il n'y a rien.
Tout est aussi silencieux que la Rhésus.
Alors je comprends,
Que quelque chose ne va pas.
J'ouvre à nouveau les yeux, cette fois-ci réellement anxieux malgré la chaleur et la douceur de la pièce, et je me rends compte non sans lâcher un cri de terreur –qui ne porte pas- que je ne suis pas dans mon lit.
Dans notre lit, ici.
Je suis toujours assis par terre, dans l'exacte même position dans laquelle elle m'avait mise. Mes jambes décorées de grandes trainées noires sont tendues devant moi sur le parquet terriblement chaud, mon buste est toujours complètement avachi sur le matelas, mes bras écartés comme le seraient ceux de Jésus sur la Croix.
Et moi je ne comprends pas.
Une des règles de la Rhésus, c'est que tout ce qui se passe là-bas y reste. Lorsqu'elle me fait saigner, lorsqu'elle me fait bouger, lorsqu'elle me torture, mon corps dans notre réalité ne prend aucune de ces marques ou de ces positions corrompues. Il reste bien sagement en place et ne garde de ces horreurs absolument aucune trace. De cette manière les blessures n'en sont que mentales, et on ne pose donc sur elle aucun soupçon. Et chaque matin, même lorsqu'elle me traine dans des pièces adjacentes pendant mes nuits, je me réveille dans l'exacte même position dans laquelle je me suis endormi.
Comme si elle n'avait jamais été là.
Comme si tout ça n'était que dans ma tête.
Alors comment se fait-il que je sois là, à l'endroit même où elle se jouait de moi quelques secondes plus tôt ? Comment se fait-il qu'elle ait laissé des traces ?
Pris d'une panique soudaine qui fait tourner ma tête ivre de fatigue, je tente de me redresser.
Mais je n'y arrive pas,
Aucun de mes membres ne bouge.
Aucun.
Alors je porte un regard terrorisé sur le miroir qui me fait face, et j'observe mon corps nu dans la glace. Il est entièrement couvert de trainée de suies, de grossières bavures noires qui s'étendent de mes jambes à mon torse. J'ai aucune idée de ce que ça peut bien être, mais ça me répugne tellement que j'en ai l'envie de pleurer d'horreur. Mais une fois encore, aucune larme ne coule. Il n'y a que mes yeux qui deviennent étrangement brillants mais ne démontrent aucune présence de ces pleurs.
Dans mon cou, ma peau est violacée, presque rouge écarlate aux endroits où elle a laissé trainer ses mains, et sur mon visage autrefois si beau traine une immense balafre qui suinte d'un sang très sombre. J'observe les gouttes de sang qui s'élancent sur le sillon de mes lèvres péniblement et en font le tour, pour finalement se jeter du bout de mon menton sur le parquet tout chaud.
Alors c'est à ça que j'ai ressemblé pendant tout ce temps ?
Je me mets à hurler. Un hurlement silencieux qui me demande toute la force dont mon être épuisé dispose. J'essaye de me débattre, je donne toute la puissance que j'ai à mes muscles dans l'espoir d'en faire bouger ne serait-ce qu'un, je me bats contre moi-même pour m'échapper de cette cage immonde qu'est ce reflet dans le miroir, mais rien ne bouge, absolument rien.
C'est cette misère dont elle s'est éprise si souvent ?
Je ne sais absolument plus quoi faire. Je sais que je m'épuise plus encore que je ne le suis déjà, mais je ne peux pas m'empêcher d'essayer de fuir. Parce que je ne la sens pas mais parce qu'elle est forcément là. Parce que la Rhésus sans elle n'existe pas.
Alors j'ai peur. Je suis encore plus terrorisé qu'avant, parce que cela ne ressemble en rien à mes précédentes expériences.
Et je ne sais pas ce qui m'attend.
Et l'inconnu avec elle n'est jamais qu'un synonyme de mauvais présage.
Alors j'essaye, encore et encore.
J'entends mon cœur tapoter comme un dingue dans ma poitrine, je vois dans le miroir mes jugulaires se gonfler trop régulièrement au rythme du passage de mon sang dans leurs cavités, j'aperçois dans mes yeux cette lueur de désespoir s'allonger au fur-et-à mesure que les secondes défilent. Parfois, un de mes muscles émet un soubresaut, qui me redonne espoir que mon corps soit capable de se liguer à moi pour un ultime affront, mais c'est toujours vain.
J'halète. Mes poumons sont en feu et je ne sais pas comment faire pour les calmer. Pour me calmer. Je voudrais pouvoir ouvrir la bouche pour happer de plus grandes bolées d'air, mais ça non plus, je ne peux pas le faire, alors je me contente du peu d'air qui passe par la légère ouverture de mes lèvres pour alimenter mes sanglots d'angoisse.
Je me sens pitoyable.
Immonde.
Encore plus du fait que mon reflet ne me lâche pas, sur la surface réfléchissante de ce grand miroir que j'aime tant dans notre réalité.
Est-ce une nouvelle manière pour elle de me torturer ?
Me mettre face à moi-même ?
J'essaye de crier, encore. Je ne peux même pas m'en empêcher, c'est plus fort que moi. Mon âme se tort à la vue de ce corps lâche qui repose comme une vulgaire poupée de chiffon sur une scénette bien piètrement colorée, et elle ne peut s'empêcher de vouloir faire entendre sa complainte au monde.
Parfois, j'ai l'impression de sentir ma voix se délier. Je sens quelque chose bouger, au niveau de mes cordes vocales, et j'ai l'espoir pendant quelques instants que ce soit une réponse positive de mon corps. Mais ce n'est jamais le cas. Alors l'angoisse monte plus encore, parce que voir des espoirs à l'agonie est plus difficile encore que de penser qu'Espoir il n'y a plus.
Alors j'essaye de me fixer sur les rayons du soleil qui continuent à imprimer ma peau d'une teinte immaculée par endroits, rendant le sang qui coule de ma joue un peu plus rouge qu'il n'est noir là où les faisceaux lumineux ne donnent pas. J'essaye de me calmer en me disant que si le Soleil est là, c'est peut-être, peut-être, parce que,
Elle ne l'est plus.
Mais toutes les bonnes pensées du monde ne m'aident pas à ranger cette terreur grandissante qui ravage mon cœur. Elle m'a déjà fait tant de choses. Il est difficile d'imaginer comment elle pourrait faire pire. Pourtant ce n'est pas la première fois que je pense ça.
Je l'ai pensé à chacune de mes visites ici,
Et je me suis à chaque fois ravisé le lendemain.
Dans ma vision périphérique, je vois soudainement quelque chose bouger. Alors j'arrête tout mouvement et me concentre, boule au ventre fermement emberlificotée à chaque cellule, aussi minuscule soit-elle, de mon corps.
Et alors que je détourne les yeux pour m'en rapprocher le plus possible, j'aperçois la poignée de la grande porte en bois bouger. Dans la réalité, elle aurait fait du bruit. J'aurais entendu la porte grincer, la clenche rouillée s'abaisser, et peut-être même la partie métallique pivoter à l'intérieur des chaires du battant en chêne. J'aurais entendu le bas de la porte frotter contre le parquet aussi, mais ici, dans cette nouvelle version de la Rhésus, ce processus se fait en silence.
Dans un silence de Mort.
Et ça ne fait que me terroriser plus encore.
Parce que je sais que c'est elle.
Parce que ça ne peut être qu'elle.
Les secondes passent, elles défilent à une vitesse folle tant l'angoisse déstabilise la trotteuse dans un coin de ma tête. C'est d'autant plus effrayant que je ne peux pas tourner entièrement ma tête pour lui faire face, pour lui lancer un regard tourmenté, rempli de haine et de terreur. Et je ne peux qu'attendre, pendant des secondes qui paressent à la foi bien trop longues et beaucoup trop courtes qu'elle vienne à nouveau s'en prendre à moi.
Je sens une présence s'immiscer dans la pièce.
Je la vois, aussi, du coin des yeux.
Elle a pris une forme humaine, parce que j'aperçois aux couleurs qui se rapprochent dangereusement de moi que sa peau est beige. Légèrement cuivrée même, comme la tienne. Elle s'arrête à côté de moi, dans un angle mort, où je ne peux voir de son nouveau costume qu'une vulgaire forme à la peau aussi dorée que la tienne.
Soudainement repris d'une panique immense, je me remets à bouger.
Je voudrais tellement m'enfuir.
Retrouver notre réalité.
Ta peau douce,
Et ton sourire qu'aucune beauté n'a jamais égalé.
Je voudrais tant que cette nuit d'Horreur s'arrête,
Te retrouver pour la journée,
Me perdre dans tes bras,
Encore une fois.
Mais elle en a décidé autrement.
Elle s'avance vers moi, plus près encore, tandis que je sens mes poils s'hérisser sur toute la surface de mon corps, comme si l'hiver me forçait aux frissons alors que je suis en plein soleil. Je la vois se mettre à mes côtés, comme tu le ferais toujours pour me protéger, et s'accroupir lentement jusqu'à tomber face à mon regard terrorisé que j'ai reporté sur le miroir entre-temps.
Il faut le temps que mes yeux s'adaptent. Entre la lumière puissante qui s'échappe du velux qui me force à la voir en contre-jour, et les yeux exténués qui ont depuis le départ du mal à s'habituer aux puissants rayons du jour, il faut plusieurs secondes avant que mes pupilles ne se fixent sur son visage.
Sur son nouveau visage.
Et lorsque je la vois enfin, ce n'est étonnamment pas un cri de terreur qui m'échappe silencieusement,
Mais un cri de stupeur.
Parce que ce que j'ai devant moi,
Ce n'est pas elle.
Mais Toi.
Complètement nu, comme lorsque l'on s'est endormis tous deux dans les bras l'un de l'autre, à la différence que ta peau est désormais recouverte de traces de suie. Comme la mienne. Je ne peux pas détacher mes yeux de ton visage, mais je vois dans le reflet du miroir ton dos rempli de plaies béantes qui laissent perler bien plus de sang sur le parquet marron que ma malheureuse balafre.
Et ton visage. Ton visage. Exténué, mais si doux. Tu as un énorme coup sur le devant du front qui rend ta peau violacée à cet endroit, et une petite brèche en plein milieu qui laisse couler quelques gouttes de sang sur ta peau dorée. Tu as un morceau de la lèvre inférieur sectionné, morceau qui pend d'ailleurs atrocement en dehors de ta bouche et laisse à découvert une rangée de dents parfaitement blanches.
Mais tes pommettes. Tes pommettes restent intouchées. Et ton sourire, et tes fossettes, ils sont toujours aussi magnifiquement déposés sur ce visage ravagé.
Lentement, tu portes une main ensanglantée et tremblante à mon visage, que tu caresses délicatement. Ton toucher est doux. Plus chaud encore que celui que tu m'offres dans notre réalité. Mais il a aussi une part de froideur qui m'arrache un frisson d'inconfort. Frisson qui s'amplifie lorsque je crois voir bouger quelque chose d'autre, dans un coin de la pièce. Quelque chose qui rend ton toucher encore plus glacial et ton regard un peu plus sombre. Quelque chose qui fait saigner tes plaies encore plus fort, et qui laisse sur le parquet des flaques de sang gigantesques.
J'essaye de détourner le regard, pour comprendre, si ce que je vois là-bas est bien réel, s'il y a bien quelque chose qui se trappe dans l'ombre, si c'est elle, ou si c'est toi,
Mais tu poses une deuxième main sur mon visage et me force à te regarder. Ce que je ne peux te refuser, dans de telles conditions, parce que le monde qui est là n'est qu'un monde d'effroi dans lequel la seule beauté est toi. Alors j'encre mon regard dans le tiens, et je t'observe ton sourire se faire plus grand, plus rassurant, lorsque tu poses ton pouce sur mes lèvres.
Et puis tu m'embrasses. Délicatement, du bout des lèvres, du bout du cœur, avec toute la puissance de l'âme. J'aimerais pouvoir te rendre ce baiser, là, maintenant, tout de suite, mais ce n'est pas possible, alors je me contente de fermer les yeux. Tu n'y restes pas bien longtemps, sur mes lèvres juste le temps d'un instant,
Alors l'instant suivant j'ouvre à nouveau mes paupières pour retomber sur ton visage doux qui commence à perdre en éclat. Ses couleurs dorées doucement se fanent, le soleil qui lui embellissait les contours perd de ses rayons, le monde précédemment coloré vire doucement au gris. Je vois les peintures qui dégoulinent sur les étagères reprendre des teintes blafardes, tes lèvres rosées gorgées de sang virer au noir, notre chambre reprendre toutes les couleurs délavées que lui offrait la Rhésus.
Et c'est un tout nouveau niveau de panique qui s'élève en moi, un tout nouveau niveau de détresse qui se débloque dans mon âme craquelée, un niveau que je pensais avoir déjà atteint mais qui s'avérait ne pouvoir être atteint que par Toi, lorsqu'avant de tomber dans les pommes je te vois prononcer silencieusement du bout des lèvres ces quelques mots ;
« C'est terminé, Hyung, ton aurore est là. Tu rentres chez nous. »
« Je t'aime.»
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