1.7
Le week-end arriva trop vite. Je n'eus pas le temps de me préparer mentalement que déjà, nous y étions.
— Ça va aller ?
— Oui, t'inquiètes.
— Ta jambe tremble depuis tout à l'heure...
— C'est nerveux.
Taehyung m'adressa un regard embêté, et posa sa main contre ma cuisse pour me calmer, l'autre sur le volant. Nous venions de pénétrer dans Busan, et en toute honnêteté, je n'en menais pas large.
Aujourd'hui, et pour les deux prochains jours qui suivraient, on allait voir ma mère. Si depuis quelques années c'était déjà sujet à stress pour moi, cette fois-ci, c'était mille fois pire. Elle avait accepté de rencontrer Taehyung. Pour la première fois. Mon cerveau avait autant du mal à y croire que super peur que les présentations se passent mal ; et ça me stressait comme pas possible.
C'était ridicule que ce soit moi qui sois autant en panique alors que c'est mon copain qui s'apprêtait à rencontrer sa "belle-mère" pour la première fois.
Allez, Jungkook, reprends-toi.
— C'est par où ?
— Tourne à droite à la prochaine.
— Là ?
— Hm.
Taehyung suivit mes indications, faisant bifurquer sa voiture dans une rue que je connaissais bien. Très bien même. S'il y a quelques jours j'avais été voir mon père dans la maison de mon adolescence, ici j'y avais passé toute mon enfance, et même un peu plus. Les souvenirs me revenaient à chaque endroit sur lequel je posais mon regard. Habituellement, ça m'apaisait ; aujourd'hui, ça ne faisait que m'angoisser un peu plus. Chaque mètre me rapprochait inéluctablement de ma mère.
Quelques minutes plus tard, nous étions en effet devant chez elle, et j'indiquai à Taehyung où se garer pour ne pas gêner. Il coupa le moteur, puis se retourna vers moi, sa main toujours sur ma cuisse qu'il caressait doucement de son pouce.
— Bon... commença-t-il, et je déglutis difficilement.
— Bon.
Il y eut un silence, court, avant qu'il ne m'envoie un petit sourire réconfortant.
— Respire. T'es blanc comme un linge, ta mère va penser que je te torture, tenta-t-il de plaisanter.
Je laissai échapper un rire un peu nerveux, et répliquai :
— Elle te laissera même pas poser un pied chez elle.
Ça n'était qu'à moitié une blague. J'étais terrifié à l'idée qu'elle le rejette en bloc en face de moi. C'est bête, mais je ressentais que ce serait comme si elle me repoussait moi : et je le vivrai très très mal.
— Mais si.
— Mais non.
— Kook, arrête de stresser.
— Facile à dire.
— Je serais sage, promis.
Cette fois-ci, le pouffement qui m'échappa à sa phrase était un peu plus sincère. Je m'apprêtais à rétorquer et à quémander un bisou de courage avant d'y aller, quand deux coups retentirent soudain à la fenêtre de la voiture, me faisant sursauter furieusement. Derrière, mon grand frère me souriait, m'adressant un petit signe de main. J'ouvris rapidement la portière et il me lança en guise de salutations :
— Venez, restez pas là.
Je déglutis silencieusement, et hochai la tête en sortant de la voiture, les mains affreusement moites. Pour mon frère aussi, c'était une première : il n'avait jamais vu Taehyung. Je n'étais pas spécialement proche de lui et je n'avais jamais eu l'occasion de lui présenter, et même simplement d'en parler. Je ne savais pas vraiment ce qu'il pensait de tout ça et ça me rendait profondément mal à l'aise.
— Vous avez fait bonne route ? me demanda-t-il avec une petite accolade quand je me retrouvais en face de lui.
— Ouais.
Taehyung contourna le véhicule pour nous rejoindre, et mon frère s'éloigna de moi pour lui sourire avant de lui tendre la main.
— Taehyung, j'imagine.
Ce n'était pas vraiment une question, vu combien il était facile de tomber sur la tête de mon copain dès qu'on passait un peu trop près d'un cinéma...
— Enchanté, moi c'est Junghyun. Le grand frère de Jungkook.
— Enchanté.
Ils s'échangèrent un sourire poli, tandis que je me liquéfiais intérieurement à côté d'eux. Si j'étais déjà dans cet état d'angoisse alors que ce n'était que mon frère, je n'imaginais même pas comment ça serait face à ma mère. Il fallait sérieusement que je me calme. Malheureusement, je n'en eus pas le temps : cette dernière apparut sur le perron quelques secondes plus tard.
Mon regard croisa le sien, et il n'en fallut pas plus pour que toutes les dernières émotions que j'avais eues envers elle ces derniers mois ne me tordent le ventre dans une sensation désagréable. Ça s'opposait, se confrontait dans un mélange paradoxal dont je me serais bien passé, entre la rancune, la colère, la peine, et tout l'amour que j'avais pour elle. Elle m'avait manqué, je crois. Mais ça ne dénouait pas mes épaules pour autant.
Je lui fis un signe de tête, la gorge nouée, et me retournai vers la voiture pour récupérer mes affaires avant de la rejoindre. Junghyun insista pour prendre mon sac à dos, et quelques secondes plus tard, je n'avais plus d'excuses pour ne pas aller saluer correctement ma mère. Taehyung et moi la rejoignirent devant l'entrée, et elle m'adressa un sourire un peu gêné avant de me prendre dans ses bras et de m'attirer contre elle.
— Bonjour mon grand. Je suis contente de te voir, ça fait si longtemps.
— Hm. Moi aussi.
Je ne lui rendis son étreinte qu'à moitié. Mon amertume pour elle restait coincée en travers de ma gorge, et j'avais beau avoir décidé de prendre sur moi en allant la voir aujourd'hui, je ne la pardonnai pas tout de suite pour autant. Ça dépendrait de son comportement avec Taehyung.
En parlant de celui-ci, ce dernier inclinait poliment la tête face à elle pour la saluer ; l'air détendu. Je ne savais pas comment il faisait pour paraître aussi tranquille ; soit il était vraiment très chill, soit c'était simplement ses talents d'acteurs qui se manifestaient une nouvelle fois.
Ma mère le salua à son tour, l'air gênée.
Puis ce fut le silence.
Je crus bien que l'instant allait s'éterniser et que j'allais faire demi-tour directement pour aller m'enterrer dans le jardin et échapper à cette ambiance horriblement malaisante, mais elle lança alors en se décalant, un sourire poli maladroit aux lèvres :
— Rentrez, rentrez. Le repas est prêt, il ne faudrait pas qu'il refroidisse.
Taehyung la remercia, puis rentra à ma suite dans notre petite entrée. Enfin, "petite", c'était une façon de parler. C'était évidemment bien moins luxueux que notre appartement – et heureusement –, mais ma mère gagnait tout de même plutôt bien sa vie, et ça n'avait également rien à voir avec la petite maison de banlieue de mon père. Au moins Taehyung ne râlerait pas.
Junghyun fila dans la cuisine sans demander son reste, tandis que ma mère indiquait à mon copain où ranger son manteau, l'air toujours aussi mal à l'aise mais pas méchante pour autant. Les voir interagir de la sorte me donnait presque l'impression de rêver. J'avais fini par me dire que ça n'arriverait jamais. Enfin... Tant mieux, j'imagine.
Quelques secondes plus tard, nous étions tous autour de la table à manger, et je demandai en avisant seulement quatre assiettes :
— Kiwon et Jieun ne sont pas là ?
— Non, Kiwon bosse et Jieun est à l'école. Vous les verrez ce soir.
Elle me sourit à nouveau, et lança en indiquant les chaises :
— Asseyez-vous. Je vais chercher le plat.
Elle détala dans la cuisine sans demander son reste. Taehyung me lança un regard pour me demander si ça allait, et je lui répondis en hochant légèrement la tête. La vérité, c'est que ça n'allait pas tant que ça ; j'avais beau essayer, rien à faire, je n'arrivais pas à détendre mes épaules. Si elles restaient bloquées comme ça tout le week-end, bonjour la tendinite...
Il s'assit à une chaise, et je m'empressai de voler celle juste à côté de lui, pour pouvoir lui tenir discrètement la main sous la table si la conversation tournait mal. J'en aurais besoin.
— Jieun, c'est bien ta petite sœur c'est ça ? me demanda-t-il doucement.
— Hm. Et Kiwon c'est le nouveau compagnon de ma mère.
Il hocha la tête, comme pour lui même, avant de sourire.
— J'ai hâte de la voir.
Sa petite phrase eut le mérite de m'attirer un sourire attendrit. Je connaissais l'amour de Taehyung pour les enfants : il n'y avait qu'à voir comment il se comportait avec la petite fille de Yoongi. Il était tout gaga, c'était adorable à voir.
Ma mère revint quelques secondes plus tard, tandis qu'en face, Junghyun nous jaugeait d'un regard que j'avais du mal à définir. Elle nous servit généreusement dans chaque assiette, puis le silence revint. Juste un instant, juste quelques microsecondes ; mais bien assez palpable pour que l'inconfort ne me fasse bouger nerveusement sur ma chaise.
— Bon, alors, commença ma mère, juste après s'être raclé la gorge. Qu'est-ce que vous racontez de beau ? La vie à Séoul se passe bien ?
J'engloutis un bout de son – délicieux – kimchi pour camoufler ma gêne, et heureusement, mon super-copain répondit à ma place :
— Oui, ça se passe bien. Il fait juste vraiment très chaud en ce moment, avec la saison...
— Ça doit être un calvaire. Je suis bien heureuse d'avoir la mer à côté pour ça.
— C'est sûr.
Ils s'échangèrent un sourire poli, tandis que je me fondais littéralement dans ma chaise.
— D'ailleurs, je pourrais vous emmener y faire un tour demain si vous voulez, proposa ma mère. Il y a un train, qui longe la côte, et qui permet d'admirer le paysage. C'est magnifique.
— Ce serait avec plaisir.
— Parfait alors ! Nous ferons ça.
— Merci.
— Oh pas de quoi, c'est normal. Je suis heureuse d'accueillir mon fils et son... Son ami ici. Depuis le temps.
Ami. Il y eut un nouveau court blanc gêné, avant qu'elle ne renchaîne directement :
— Le kimchi vous plaît ?
— Il est délicieux.
Et c'était vrai, mais en toute sincérité, dans la situation actuelle, j'avais bien du mal à le savourer. Allaient-ils vraiment parler de banalités en tournant autour du pot pendant tout le repas ? Je ne savais pas si je devais m'en réjouir ou non. Peut-être que si, finalement. Ça évitait les disputes inutiles et blessantes. Je voyais bien que ma mère faisait un effort, et c'était déjà ça, en soi... Moui, finalement, les banalités, ce n'était pas trop mal. D'autant plus que Taehyung excellait dans l'art de sembler à l'aise alors qu'il ne l'était probablement pas du tout.
Malheureusement, Junghyun prit la parole à son tour. Et mit les deux pieds dans le plat, sans mauvais jeux de mots.
— Et vous, alors ?
Il s'était adressé à moi. Je déglutis, chaque muscle de mon corps tendu à m'en faire mal, avant de prendre une discrète inspiration pour répondre :
— Nous ?
— Ouais. Parlez nous de vous un peu. Vous vivez toujours ensemble ?
— Euh, oui. Pourquoi on ne vivrait plus ensemble ?
Junghyun sourit à ma réponse, sans que je ne comprenne vraiment pourquoi. Il jeta un regard à ma mère comme pour lui dire un truc, mais je ne saisis rien, et me contentais d'observer leur échange en étant perdu, tandis que ma mère lui rendait un coup d'œil. Ça ne dura qu'une fraction de seconde avant que mon frère ne reprenne :
— Et ça se passe bien ?
— Très bien, répondit Taehyung à ma place en voyant que j'allais mourir de gêne.
— C'est vague comme réponse ça.
— Je me vois mal exposer notre vie de couple dès le début, répondit mon copain dans un petit rire pour détendre l'atmosphère.
Ça ne réussit qu'à me tendre encore plus. Je me raidis au mot "couple", en même temps que ma mère dont je vis les mains se resserrer autour de ses baguettes. Couple. Il l'avait dit. J'avais presque instinctivement arrêté de respirer en attendant une réaction, une phrase désagréable, ou même un reproche de la part de ma mère. Rien ne vint. À part un sourire satisfait de Junghyun qui répondit à mon copain sur le même ton :
— C'est vrai, pardonne-moi. Je suis juste curieux, depuis le temps que je sais que mon frère a un copain sans l'avoir jamais vu.
— Pas de soucis.
Je ne dis rien, et ma mère non plus. Elle resta quasiment silencieuse jusqu'à la fin du repas, tandis que Junghyun et Taehyung faisaient toute la conversation, parlant de tout et de rien. Mon copain eut droit à des questions sur son travail d'acteur. Mon frère fut interrogé sur sa vie, sur ce qu'il faisait, sur comment ça se passait pour lui. Il y eut de nombreuses autres banalités. Moi, je me contentais de manger à moitié mon plat, le cœur tambourinant dans ma poitrine et les mains moites.
Alors que l'ambiance aurait dû se détendre, j'avais l'impression que c'était tout l'inverse.
Taehyung et Junghyun avaient beau plaisanter ensemble et sembler à l'aise, je n'arrivais pas à me concentrer sur eux ; le soudain mutisme de ma mère m'inquiétait.
Elle ne pipa plus un mot avant la fin du repas, puis s'excusa et fila faire la vaisselle dès celui-ci terminé. Mon frère lui nous annonça qu'il avait des trucs à faire, et j'amenais Taehyung dans ma chambre d'enfance, enfin seuls. Je ne pus retenir un soupir en voyant que ma mère avait préparé un matelas une place à côté de mon lit.
— Bon, ça s'est pas si mal passé, lança mon copain une fois que la porte fut refermée derrière nous. Ton frère est sympa.
— Mh.
Je n'avais pas le courage de surenchérir. En guise de réponse, je me laissai tomber sur lit, la tête la première dans les oreillers. Ce repas avait assurément été le plus long de toute ma vie. J'entendis Taehyung lâcher un petit rire à mon action – probablement profondément ridicule vue de l'extérieur –, et le matelas s'affaissa à mes côtés en même temps que je sentis ses doigts venir choyer doucement mes cheveux.
— Allez, Kook. Détends-toi. Tu vas nous faire une syncope à rester stressé comme ça.
— Chémluformema...
— Enlève ta tête du coussin quand tu parles, j'entends rien.
Je redressai donc ma tête comme une baleine échouée, et réitérai :
— C'est plus fort que moi...
Je posai ma joue contre l'oreiller tandis qu'il me pinçait doucement l'autre.
— Il va falloir faire un effort, parce que je vais avoir du mal à faire la discussion tout seul tout le week-end, plaisanta-t-il.
— Genre. T'as fait que papoter avec Junghyun de tout le repas.
— C'est parce qu'il a la discussion facile. C'est fou ce qu'il te ressemble d'ailleurs.
— Physiquement ou mentalement ?
— Physiquement.
— Je le prends mal, maugréai-je. En plus il avait sa vieille tête de fourbe pendant tout le repas.
Taehyung lâcha un petit rire.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, il était gentil. Et puis, c'est un compliment hein, il est vraiment beau.
— Il a une copine surtout.
Il leva les yeux au ciel à ma réplique, un beau sourire amusé aux lèvres.
— Fais pas ton jaloux. Tu sais très bien que je ne disais pas ça pour ça.
— Mh.
À mon tour, j'envoyais un sourire à mon copain ; et il était sincère. Cette courte discussion avec lui avait eu le mérite de me faire penser à autre chose, de me détendre un peu et de m'apaiser. Encore un super pouvoir de Taehyung ça. Il dut d'ailleurs remarquer que j'étais plus d'humeur à plaisanter, puisqu'il ne s'arrêta pas en si bon chemin, et commença d'un ton taquin :
— Quoique Junghyun est vraiment très gentil.
— Encore un mot sur mon frère et tu dors sur le matelas au sol.
— Quelle terrible menace, rit-il.
J'y répondis en le frappant gentiment sur l'épaule, râlant pour le principe, mais silencieusement très reconnaissant qu'il prenne à cœur de me changer les idées. On se chamailla pendant encore quelques minutes, puis finalement, le silence revint, et je me sentais bien mieux. Ce serait mentir de dire que toute angoisse avait quitté mon corps, mais je pouvais tout de même mieux respirer, et j'avais le cœur plus léger. Pour la première fois depuis qu'on était arrivés à Busan, j'arrivais à être un peu heureux. L'idée que finalement mon copain allait peut-être être accepté et que je pourrais enfin renouer avec ma mère me réchauffait doucement le cœur.
— Allez, murmura doucement Taehyung en se penchant sur moi pour me voler un baiser sur les lèvres. Ça va bien se passer.
Et j'avais envie de le croire.
_____________
Junghyun était allé chercher Jieun à l'école dans l'après-midi ; ma petite sœur était désormais dans le salon, à faire des gribouillages sous le regard attendrit de Taehyung qui tentait de l'aider. Depuis qu'elle était arrivée, elle m'avait totalement volé la vedette : c'était elle la star, et mon copain n'avait d'yeux que pour elle. Ça me faisait doucement sourire.
Taehyung changeait du tout au tout quand il était avec un enfant : son air classe et poli s'effaçait pour laisser place à un homme tout gaga qui n'hésiterait pas à se ridiculiser si c'était pour faire rire le gamin. Je trouvais ça mignon. Là, assis sur le canapé du salon, à les regarder gribouiller à même le sol, j'étais tout attendrit.
Et puis une pensée traversa mon esprit, et mon cœur s'alourdit. Il fallait être aveugle pour ne pas voir l'amour que Taehyung portait aux enfants, et je savais qu'un de ses plus grands rêves était d'en avoir et de fonder une famille ; tout ce que je ne pouvais pas lui offrir. Cette soudaine pensée me plomba d'un coup. Au final, est-ce qu'il était vraiment heureux, avec moi ? Est-ce que c'était vraiment ce qu'il voulait ? Et si... Et s'il ne serait pas plus heureux avec Hayoon ?
Je m'empressai d'essayer de sortir cette pensée de mon cerveau. Je mélangeais tout. Tout ce qui s'était passé ces derniers mois me montait à la tête. Si je commençais à avoir ce genre de pensées, on n'était pas sortis de l'auberge ; il fallait que je positive. Que j'essaye de voir le bon côté des choses. Le positif dans l'avenir.
— Kookie !
Je raccrochai à la réalité à la voix de ma petite sœur, qui me tendait fièrement un petit dessin.
— Regarde, c'est toi ! Je t'ai dessiné !
Je vis Taehyung retenir un rire derrière elle. Et vu la gueule du gribouillage, je comprenais aisément pourquoi. Quel gamin. Si ça n'avait pas été le dessin d'une enfant de quatre ans, j'aurais été vexé comme un poux : ça ne ressemblait absolument à rien. À la place, je souris à Jieun, et lui répondis en me penchant vers elle :
— Waw, c'est super joli. Tu l'as fait toute seule ?
— Non, Taehung m'a aidé ! C'est lui qui a fait les cheveux !
Ok, là par contre, il allait m'entendre. Si c'était à cause de lui que je me retrouvais avec cette affreuse tignasse qui partait dans tous les sens sur le dessin, ça n'allait pas se passer comme ça. Je lui lançai un regard blasé tandis qu'il laissait échapper un pouffement mal contenu. Mais quel gros gamin.
Il reprit son sérieux dès que la petite se retourna vers lui pour sautiller joyeusement jusqu'à ses bras, et elle demanda :
— Au fait, Taehung, ça fait longtemps que t'es ami avec Kookie ?
Mon copain la couva d'un regard tendre avant de répondre :
— Tu peux m'appeler Tae, si tu veux, ce sera plus simple.
— D'accord Tae.
— Et pour répondre à ta question, on se connaît depuis avant ta naissance.
— Ooooh.
Jieun ouvrit grand la bouche, puis déclara en écartant les bras :
— Ça fait loooooooooongtemps alors !
— Et oui.
Il lui frotta affectueusement la tête, et ce geste pourtant adorable ne fit que m'alourdir le cœur un peu plus. Il semblait si heureux avec elle. Si épanoui. Je ne m'étais jamais sérieusement posé la question avant aujourd'hui, mais à l'instant, ça m'apparaissait comme une évidence : Taehyung voulait fonder une famille.
Sauf que moi...
Les larmes commencèrent à me monter aux yeux, et je m'empressai de les faire redescendre. J'étais décidément trop à fleur de peau ces temps-ci. Il fallait que je sorte marcher, prendre l'air, et que je me détende un peu de tout ce début de journée épuisant. Oui. Ça me ferait du bien.
— Je vais sortir me balader un peu, Tae, lançai-je à mon copain.
— Oh. Tu veux que je t'accompagne ?
— Non non, reste là. Je ne vais pas loin de toute façon.
Je lui envoyai un sourire en ignorant mon cœur douloureux. Il hocha la tête, et reporta son attention sur Jieun qui lui tirait une mèche de cheveux pour avoir son avis sur sa nouvelle œuvre d'art. Il était déjà plus proche de ma propre sœur que moi alors qu'il la connaissait depuis une heure à peine... Ça m'apprendra à avoir fui les réunions en famille ces dernières années.
Un soupir silencieux m'échappa, et je filais dans l'entrée, de plus en plus désireux d'un peu de tranquillité. J'avais tout juste fini d'enfiler mes chaussures quand la voix de ma mère retentit néanmoins derrière moi :
— Tu vas où ?
Je me retournai à moitié.
— Marcher un peu, ça fait longtemps que j'ai pas fait le tour du quartier.
— Je t'accompagne.
Oh non.
Je n'eus pas la force de refuser, et j'attendis qu'elle enfile à son tour ses chaussures, la boule dans ma gorge revenant malgré moi. Elle n'avait pas été plus loquace depuis son silence lors du repas, alors me retrouver seul avec elle me mettait profondément mal à l'aise. Enfin, ça allait bien arriver un jour où l'autre. Surtout si je voulais renouer avec elle.
Je déglutis donc en prenant sur moi, et nous sortîmes tous les deux. Les premiers pas se firent dans le silence le plus parfait. Le soir commençait doucement à s'installer ; le Soleil tapait moins, l'air étant doux sans être froid, et c'était la température parfaite pour déambuler dans la ville. C'était agréable. Ou plutôt, ça aurait pu l'être, si je n'avais pas été aussi étouffé par mes ressentiments vis-à-vis d'elle. Je ne savais pas comment agir ; j'avais autant envie qu'elle parle et qu'elle mette fin à ce mutisme étouffant que de la fuir parce que je lui en voulais, et parce que je n'avais pas envie de prendre le risque de l'entendre dire de nouvelles choses qui me blesserait profondément.
Au bout de quelques mètres, elle prit finalement la parole :
— Je suis contente que tu sois venu. Ça me fait plaisir de te voir.
— Mh.
— Tu aurais pu répondre plus tôt, quand même.
— Désolé.
Mon ton ne sonnait pas réellement désolé, mais je ne fis rien pour l'adoucir. Je ne l'étais pas de toute manière. Je n'avais simplement pas, mais alors vraiment pas la tête à entendre ses reproches ce soir. Surtout alors qu'on ne s'était pas vus depuis super longtemps.
Elle ne sembla pas non plus vouloir s'attarder sur le sujet – et heureusement –, et elle demanda d'une voix douce :
— Et alors, la fac, ça se passe bien ? Tu as fini ta licence, non ?
— Hm.
— C'est formidable ! Te voilà diplômé alors.
Je n'eus pas le courage de la reprendre pour lui dire que non, et que j'avais abandonné. Ça la décevrait énormément. Déjà que mon choix d'étude ne l'avait pas ravi, qu'elle avait mal vécu que je parte vivre chez mon père après leur rupture, et qu'elle n'aimait pas mes décisions amoureuses... J'étais déjà bien assez une déception comme ça.
Un sourire amer m'échappa à cette pensée.
Alors que nous passions devant le petit parc où elle m'emmenait souvent jouer quand j'étais gamin, je n'y tins plus, et ne pu m'empêcher de lancer de moi-même :
— Tu ne dis rien par rapport à Taehyung ?
Autant en parler une bonne fois pour toutes. Comme ça, je pourrais au choix soit terminer ce week-end plus sereinement, soit m'angoisser et déprimer en sachant pourquoi.
Elle ne répondit pas tout de suite, et elle devait déglutir difficilement. J'étais persuadé de l'avoir vu se figer une micro-seconde.
— Que veux-tu que je dise ?
— Je sais pas. C'est mon copain, quoi. Et c'est la première fois que t'acceptes de le rencontrer.
Il y eut un nouveau silence. Avant qu'elle ne réponde finalement :
— Je ne voulais pas qu'il m'empêche de voir mon fils.
— Maman, sérieusement.
Je m'arrêtais, la forçant à en faire de même, et le regard qu'elle posa sur moi me fit mal. Voir toute cette distance qui s'était instaurée entre nous me serrait le cœur. Savoir que c'était compliqué entre nous dans un coin de son cerveau en y pensant le moins possible était une chose ; le constater en vrai en était une autre. Je voulais juste que tout redevienne comme avant, comme quand j'étais gamin, à jouer dans ce parc juste à côté, ou quand elle était encore avec mon père, et que je n'avais pas encore assez grandi pour que l'on s'éloigne ; avant Taehyung et tout le reste. J'avais envie qu'elle me prenne dans ses bras. Qu'elle me regarde à nouveau avec tendresse. Pas avec cette distance et cette inquiétude que je lisais dans ses traits.
— Ce n'est pas ce que je veux entendre, et tu le sais, lâchai-je, la gorge nouée. Tu veux pas juste... Je sais pas, l'accepter ? Être contente pour moi ?
Elle soupira, et resserra ses bras autour de sa poitrine, comme si elle avait froid. Au vu de la chaleur de cet été, j'en doutais sérieusement.
— Tu sais ce que j'en pense, Jungkook...
Mes poings se serrèrent.
— Mais je l'accepte, finit-elle par concéder. Le temps qu'il faudra, je l'accepte.
— "Le temps qu'il faudra" ?
Je lâchai un rire jaune, le cœur serré :
— Alors quoi ? Tu penses toujours que mon attirance pour les hommes n'est qu'une phase et que ça va finir par me passer ? Rien n'a changé, en fait. Je ne vois même pas pourquoi tu as accepté qu'il vienne, tranchai-je sèchement. En fait, j'aurais dû refuser ton invitation.
— Ne dis pas ça... Cette histoire avec ton copain ne devrait pas nous empêcher de nous voir, mon grand, ça n'a pas d'importan-
— SI ! Si !
J'avais haussé la voix. Je marquais une petite pause pour reprendre mon souffle, que j'avais retenu sans même m'en rendre compte. Elle, elle était figée. Elle me regardait d'un air choqué de me voir élever la voix contre elle de la sorte. Mais j'étais si blessé. J'avais espéré dans le vide, encore une fois ; et il n'y avait rien de plus douloureux.
— Si, ça a de l'importance, repris-je en la regardant droit dans les yeux. Parce que quand tu renies et décrédibilise mon couple, c'est une partie de moi que tu renies, et ça me fait putain de mal. Je peux pas juste l'accepter comme ça.
Elle ne répondit rien, mais son regard était mouillé, planté dans le mien. Je sentais que pour la première fois depuis longtemps, elle m'écoutait vraiment. Et je ne pouvais pas laisser passer cette chance.
La gorge nouée, le cœur endolori et la gorge serrée, je me plantai face à elle.
— J'aime les hommes, maman. Il faut que tu l'acceptes. Je... Je sais que tu as du mal à comprendre, que ça te semble anormal, et toutes ces conneries, mais c'est comme ça. Ça ne changera pas.
Mes yeux s'humidifièrent à mon tour. J'étouffai un reniflement, et enchaînait avant que ça ne soit trop dur, que je ne puisse plus reprendre, parce que ça ferait trop mal :
— Je suis comme ça. C'est pareil avec tout le reste. Si je veux faire de la photographie, c'est parce que c'est ce qui me plaît à moi. Si je suis allé vivre chez papa après le divorce, ce n'est pas parce qu'il m'avait manipulé ou je ne sais quoi, c'est parce que j'en avais envie. C'est ma vie. E-Et j'aimerais bien...
Une première larme roula sur ma joue sans que je ne puisse m'en empêcher.
— Jungkook...
— J'aimerais bien que tu m'acceptes comme je suis.
Elle leva doucement sa main, qui vint se déposer contre ma joue dans une tendresse qui m'avait terriblement manqué.
— Q-Que tu m'aimes pour qui je suis...
D'autres larmes succédèrent la première, et elle m'attira contre elle pour me prendre dans ses bras. Sa main vint caresser doucement mes cheveux d'un geste réconfortant, et malgré le fait que je la dépassais maintenant de quelques centimètres en taille, je me laissai aller contre elle comme un enfant. Je n'avais plus la force d'être en colère. De la repousser. Je voulais juste que toutes ces tensions prennent fin.
— Mon garçon... murmura-t-elle en continuant de caresser doucement mes cheveux. Je t'aime, tu le sais ça ? Évidemment que je t'aime.
Je ne répondis rien.
J'étais fatigué, si fatigué, et me raccrocher à ses bras était le plus simple.
Mais malgré le réconfort que m'apporta son étreinte et ses mots, une petite voix dans ma tête ne put s'empêcher de venir résonner, vicieuse, envahissante : elle ne m'avait pas dit qu'elle m'acceptait.
_______________
Le repas du soir avait été à peine moins malaisant que celui du midi.
En rentrant de notre balade – si on pouvait vraiment appeler ça comme ça – , ma mère n'avait pas dit un mot. Elle s'était murée dans le silence, à nouveau. Ce silence me brisait. J'avais beau savoir que c'était sa façon à elle de réagir quand quelque chose la faisait réfléchir et lui prenait la tête, ça me faisait tout de même mal, parce que je savais que j'en étais la cause ; et plus que ça, que mon amour avec Taehyung en était la cause.
Nous n'avions pas reparlé ensuite. Elle était allée s'affairer dans la cuisine, et moi j'étais allé me terrer dans mon lit, pendant que Taehyung jouait toujours avec ma petite sœur un étage plus bas. Il m'avait rejoint qu'une trentaine de minutes plus tard, soucieux. Mais cette fois-ci, il n'avait pas réussi à m'alléger le cœur. Tout, absolument tout me prenait la tête, c'était insupportable. Que ce soit la réaction de ma mère, son étreinte comme son silence, Hayoon, ma fac, le fait que Taehyung n'aurait jamais d'enfant avec moi, mon incapacité à trouver un travail... Tout, tout me revenait. J'avais ruminé jusqu'au repas.
Et là encore, les choses ne s'étaient pas franchement arrangées. Kiwon était rentré du travail, donc il avait mangé avec nous, et quand bien même je m'entendais plutôt pas trop mal avec lui, les choses étaient toujours un peu étranges dans le sens où il prenait la place de mon père. Rajoutez à cela les regards circonspects qu'il avait posé sur Taehyung et moi, ça avait suffi à ne m'aigrir que davantage.
Heureusement que Jieun avait été là pour alléger un peu la tablée avec sa joie innocente. Elle était encore bien trop jeune pour comprendre tous les enjeux et les tensions qui planaient dans l'air, et je l'enviais. Que l'enfance me manquait en ce moment.
Finalement, après le repas, Taehyung et moi furent les premiers à monter nous coucher. J'avais prétexté un soudain coup de barre, et il m'avait suivi par solidarité – et puis, parce qu'il avait beau jouer le mec détendu, je me doutais bien qu'au fond il n'avait pas très envie de se retrouver seul entouré de toute ma famille.
Le sommeil ne m'avait pas trouvé.
Là, allongé à côté de mon copain qui dormait, j'observais le plafond depuis probablement déjà plusieurs heures. La nuit était totalement tombée, et la maison silencieuse ; je n'avais pas tendu la main pour récupérer mon téléphone mais je me doutais bien qu'il devait être très tard.
Voilà qu'en plus, je me coltinais des insomnies. Super. Je commençai sérieusement à regretter d'être venu.
Après une énième dizaine de minutes à observer le noir du plafond, je soupirai finalement, et me décidai à me relever ; peut-être que prendre l'air me ferait du bien. Ou au moins, me détendrait suffisamment pour me permettre de dormir un peu.
Discrètement, je glissai donc mes jambes hors des draps, en prenant garde à ne par réveiller Taehyung. Je choppai une large veste de survêt que j'enfilai par dessus mon tee-shirt, puis mis le premier pantalon qui me passait sous la main avant de quitter silencieusement ma chambre.
Une fois dehors, je m'autorisai à lâcher un soupir. Je descendis les escaliers en silence, puis ouvris la porte d'entrée et sortis dehors. La fraîcheur de la nuit qui vint me gifler directement les joues me fit un bien fou. Je m'éloignai un peu, avant de froncer les sourcils en voyant une silhouette adossée contre le muret du jardin.
— Junghyun ?
— Oh, salut.
— Tu dors pas ?
— Comme tu peux le voir.
Mon frère était là, à fumer une cigarette dont la lueur orangée contrastait avec l'obscurité. Il m'adressa un petit sourire, et me fit signe de venir me poser à côté de lui.
— Papa t'as refilé ses insomnies ? demanda-t-il dans un petit rire.
— Rien à voir. J'ai juste pas sommeil.
— Mouais.
Il écrasa sa cigarette contre le petit muret, avant d'aller fouiller dans sa poche pour en ressortir un paquet, qu'il me tendit après l'avoir ouvert :
— T'en veux une ?
— Non merci. Je fume pas.
— Comme tu veux.
Après un petit haussement d'épaules, il en sortit une pour lui, qu'il ralluma directement. Décidément, il les enchaînait... Je ne savais pas depuis quand il fumait autant, mais ça m'inquiéterait presque. Je préférais néanmoins ne pas faire de remarque. Mon grand frère n'était pas du genre à aimer qu'on lui dise quoi faire.
Le silence de la nuit reprit doucement place tandis qu'il tirait sur sa clope, et je le laissai cette fois-ci prendre place avec bonheur. Je ne savais jamais trop quoi dire à Junghyun, et de toute manière, je n'étais pas sorti prendre l'air pour avoir de longues discussions. Le simple fait de savourer la fraîcheur du dehors me suffisait.
Et puis, sa voix vint briser le calme nocturne :
— Vous vous faites pas chier, avec ton gars.
— Pardon ? demandai-je, confus.
Il m'indiqua la voiture de Taehyung d'un vague signe de main.
— Y a pas idée de rouler dans un truc aussi cher.
— Oh. Ça.
Être identifié à cette richesse me gênait toujours un peu. En plus, factuellement, moi, je n'avais pas un rond. J'avais tout dépensé pour le dernier cadeau que j'avais offert à mon copain et ce n'était pas comme si je gagnais de l'argent.
— C'est Tae', lançai-je pour me dédouaner.
— J'imagine. Alors, ça fait quoi de sortir avec une star internationale ?
— C'est cool.
— Oh allez, développe un peu plus. Y a pas maman pour s'offusquer là.
Je soupirai discrètement à sa réponse. Il n'avait pas tort.
— Bah, c'est comme sortir avec quelqu'un de normal, mais avec des inconvénients en plus, finis-je par répondre en haussant les épaules.
— Des inconvénients, comme un compte bancaire beaucoup trop rempli ? ricana-t-il.
— Arrête avec ça. En plus c'est l'argent de Taehyung, pas le mien.
— Tu dois bien en profiter en tout cas.
Pour toute réponse, je lui envoyai un regard blasé, qui ne lui enleva pas son petit sourire mutin. Je préférais passer outre et relançai le sujet sur sa bonne voie :
— Non, quand je parle d'inconvénients, je parle surtout de la quasi-inexistante vie privée qu'on a.
— Ah, oui. J'ai vu.
— Comment ça "t'as vu" ?
— J'imagine que c'est pour ça qu'il est officiellement en couple avec Lee Hayoon, pas vrai ?
Je ne répondis rien. Mais mon silence était une réponse, en soi. Il avait vu juste.
— J'en étais sûr, sourit-il. Maman pensait que ça voulait dire que Taehyung et toi vous étiez quittés, et elle voulait pas me croire quand je lui disais qu'il ne s'agissait probablement que d'une stratégie médiatique.
Comment ça, "Maman pensait que ça voulait dire que Taehyung et toi vous étiez quittés" ? Je fronçai les sourcils, une partie de moi déjà atterrée en comprenant.
— C'est pour ça qu'elle a accepté qu'il vienne ? Parce qu'elle pensait que c'était simplement un ami ?
— Ouais. Fin', elle était clairement dans le déni, parce que qui ramène son ex dans des vacances en famille, sérieux ?
Il lâcha un petit rire. Moi, je ne riais pas du tout. J'étais tout simplement abattu. Mais à côté, ça expliquait beaucoup de choses finalement. Je comprenais mieux son acceptation et son soudain silence lorsque Junghyun avait mentionné le fait que Taehyung et moi étions en couple, ce midi. Super.
— Fais pas cette tête.
— Tu voudrais que je saute de joie, peut-être ?
— T'aurais dû t'y attendre. Elle a du mal avec le fait que tu sois gay, c'est tout.
Je tiquai un peu, mal à l'aise. C'était la première fois que mon frère abordait mon orientation sexuelle devant moi. Mon cœur se mit à battre un peu plus fort, et je ne pus m'empêcher de me demander ce qu'il en pensait, et s'il l'acceptait, lui. Au moins il ne le niait pas et ne me disait pas que ça allait passer, c'était déjà ça...
— "C'est tout". T'es marrant toi, marmonnai-je.
— Bah excuse-nous, mais c'est pas la norme hein, donc faut la comprendre. C'est quand même vachement chelou deux mecs ensemble.
Ok. Je ne savais pas comment j'étais censé le prendre, ça.
— C'est pas bien différent des couples hétéros, rétorquai-je.
— Si, c'est chelou. Enfin, tu fais ce que tu veux hein, rajouta-t-il en tirant une nouvelle fois sur sa cigarette, ça me regarde pas. Mais c'est bizarre.
— Merci, ironisai-je.
Il haussa les épaules, l'air détaché. Bon, au moins, il ne me crachait pas à la figure, et il ne me repoussait pas... J'imagine que c'était déjà ça. Au fond, je ne pouvais pas lui en vouloir d'avoir une opinion là-dessus. Du moment qu'il ne s'en servait pas contre moi...
Cette discussion me fit repenser à mon lycée, et à ma propre découverte de mon attirance pour les hommes. Pour moi aussi, ça avait été "bizarre". J'avais même eu plutôt du mal à l'accepter. Y repenser m'arracha un frisson désagréable, et je fis craquer ma nuque, crispé. Mon corps allait finir par être douloureux de partout si ça continuait. Junghyun zieuta mon geste, avant de lancer :
— Tendu ?
— Hm. Difficile de faire autrement vu la situation.
Ça le fit rire, une nouvelle fois. Pas moi.
— Compréhensible. T'es sûr tu veux pas essayer la cigarette ? Ça détend.
— Je fume pas je t'ai dit.
— Oh allez, juste une pour tester. Ça va pas te tuer.
Je le jaugeais du regard, à la fois blasé qu'il insiste de la sorte et un peu curieux. Il termina de me convaincre en rajoutant :
— Moi ça m'aide quand je suis stressé.
Bon, si ça pouvait me permettre de dénouer un peu des muscles douloureux... Je supposais que ce n'était pas une si mauvaise idée.
— Juste pour tester, alors.
— Mais oui.
Amusé, il me sortit une clope, avant de me la tendre, et je la saisis d'une main incertaine. Il me fit signe de la tenir le temps qu'il l'allume, et quelques secondes plus tard, la flamme de son briquet vacillait dans la nuit tandis que le bout de la cigarette se teintait d'orange. Je l'avisais d'un air un peu méfiant.
— Maintenant, tu la portes à tes lèvres et tu aspires avant de recracher la fumée. Rien de plus simple.
Prudemment, je fis ce qu'il me disait, tandis qu'il me surveillait du coin de l'œil. Je le fis même un peu trop. Je m'étouffai sans attendre, la gorge en feu et le nez plissé. La vache, mais c'était dégueu son truc ! Comment autant de gens pouvaient-ils fumer cette chose ?!
Ma grimace le fit éclater de rire tandis que je râlai en continuant de tousser :
— Mais tu veux me tuer ?
— Petite nature, se moqua-t-il. Fallait pas aspirer aussi fort.
— T'aurais pu me prévenir !
— C'était trop tentant.
Je le fusillai du regard, ce qui ne retira pas le moins du monde son petit rictus moqueur tandis que je peinais à reprendre mon souffle. Je lui tendis son truc des enfers en marmonnant :
— Récupère ta merde. J'y touche plus.
— Tu veux pas réessayer ?
— Dans tes rêves !
Il rit à nouveau, et je n'eus pas la force de m'offusquer davantage. Il finit par reprendre la cigarette qu'il m'avait filé pour la terminer lui même – et je commençais sérieusement à m'inquiéter pour l'état de ses poumons –, puis il l'écrasa contre le muret quand il l'eut finie.
— Bon, c'est pas que je t'aime pas, mais je vais aller me coucher moi, lança-t-il en s'étirant. On se voit demain, pour rien au monde je louperai les moments gênants entre maman et ton mec.
— J'apprécie de ta compassion...
— Mais c'est tout naturel voyons, ricana-t-il. Bonne nuit "Kook".
Sur ces belles paroles, il disparut dans la maison, me laissant là, tout seul dans la nuit, et avec maintenant en plus de mon insomnie un goût ignoble de cigarette dans la gorge qui ne partait pas.
Super.
J'avais hâte d'être demain.
______oOo______
Coucou tout le monde !
Voici la suite, et à l'heure ! \(・◡・)/ ( C'est assez rare pour que je le notifie mdrr- )
Grâce à ma pause en avril j'avais pris un peu d'avance alors ça aide ( ꈍᴗꈍ)
Bref !
C'est un petit chapitre de transition qui parle plus de Jungkook et sa famille que de sa relation avec Taehyung, mais j'espère qu'il vous aura plu quand même !
Je suis un peu curieuse de savoir ce que vous pensez de sa mère et de Junghyun, hésitez pas à me le dire \(・◡・)/
Pour la suite, les choses vont bouger très bientôt... 👀
Comme d'habitude, n'hésitez pas à laisser votre avis, et je vous dis à la semaine prochaine pour le chapitre suivant ♡
( Au passage, j'espère que y aura pas de bugs de mise en page sur celui là, j'ai du poster via mon téléphone et ça fait parfois des trucs chelous ಠ◡ಠ )
Re bref !
Un grand merci de me lire ♡♡
( Et merci à Anevy_de_Girondif pour la correction de ce chapitre ! )
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