1.2
— Bien dormi ?
— Hm...
Les yeux difficilement entrouverts, je rabattis la couverture sur moi pour me protéger de la lumière tandis que le rire de Namjoon résonnait dans la pièce.
— Debout, la marmotte. Je vais devoir aller bosser.
— T'as qu'à me laisser là...
— T'as pas un chien à aller nourrir ?
— Plus tard...
Pensant que le débat était clos, j'étouffais un bâillement avant de me blottir bien confortablement contre l'oreiller, un petit sourire satisfait aux lèvres. Ce fut la couette qui partit toute seule qui me réveilla pour de bon en sursaut.
— Eh ! protestai-je.
La couette en main, Namjoon m'envoya un petit regard amusé.
— T'es trop mignon, pouffa-t-il. Tu verrais tes cheveux.
Mais on s'en fichait que je sois mignon ! Je le fixais, dépité. Moi ce que je voulais c'est dormir, et rien d'autre. Il fallait tout de même être un monstre pour me réveiller aussi tôt...
— Kook, rajouta Namjoon, il est presque midi. Aller, bouge.
... Ou pas si tôt, finalement.
Je me rassis sur son canapé-lit, les yeux mal ouverts et une saisissante envie de bâiller en moi. En face, mon ami était frais comme un gardon, debout, tout coiffé, tout habillé, et tout digne. Je devais ressembler à un vieux rat séché à côté de lui.
— Faut déjà que t'y ailles... ? maugréai-je, déçu.
— Ouais.
— C'est chiant...
— Le boulot, quoi.
Namjoon haussa les épaules, tandis que je tentais d'ouvrir un peu plus mes paupières pour me réveiller. En vain. L'envie de me rerouler en boule dans ses draps me reprit immédiatement, et je dus lutter pour rester assis.
Si la veille avec mon ami avait été grave cool, parce que j'avais pu me vider la tête et m'amuser, je le sentais maintenant passer le coucher à trois heures du matin. Pas comme mon ami, vraisemblablement. Mais il n'avait jamais eu besoin de beaucoup de sommeil pour fonctionner ( et mieux que moi, si on se basait sur les notes ), alors je n'étais pas vraiment étonné. Juste fatigué.
Et j'avais très peu envie de retrouver ma solitude, aussi.
— Dis, Nam... commençai-je.
— Ouais ?
— Je peux pas rester chez toi, cette semaine ?
Il me regarda d'un air confus, et répliqua :
— Bah, moi je veux bien, ça me dérange pas. Mais faut que tu t'occupes de Yeontan, non ?
Ah oui.
Yeontan.
Les responsabilités.
J'avais oublié.
Je poussai un profond soupir, déprimé à l'idée de devoir retrouver le vide de mon appartement. Ce n'était pas que je n'aimais pas le chien de Taehyung, au contraire. Même s'il m'avait fait une quantité de crasses assez aberrante, il était beaucoup trop mignon pour ne pas succomber à son charme, et même si je ne l'avouais pas, j'étais secrètement très gaga de lui. Mais il ne suffisait pas à combler l'absence de mon copain. Rien ne suffisait, j'avais l'impression.
Je commençai à faire chauffer mes neurones pour trouver une solution au problème, et tentai :
— Si je passe le nourrir de temps en temps, ça passe non ?
— Il risque pas de se sentir seul ?
— Hm, si.
Namjoon avait raison. Je n'allais pas imposer ça à Yeontan alors que je m'en plaignais perpétuellement, ce serait cruel.
— Je peux l'amener ici, alors ?
— Les chiens sont interdits dans l'immeuble.
— Roh, fais chier.
Je fis la moue, prêt à bouder. J'avais presque envie de pleurer, et c'était totalement ridicule. Disons que c'était la fatigue.
Mon ami remarqua mon expression contrariée. Il s'assit à côté de moi sur le canapé-lit, la mine embêtée, et me donna une petite tape réconfortante dans le dos.
— Tu pourras venir quand tu veux, ma porte est ouverte ok ?
— Hm... C'est gentil...
Ma gorge se noua, et je soupirai en me laissant tomber contre son épaule.
— J'ai pas envie d'y aller...
— Ça va passer vite.
— Nan, répliquai-je instantanément. Ça va être giga long. J'te jure, je deviens fou dans cet appart vide. Chaque minute se change en heure.
Il glissa ses doigts dans mes cheveux, d'un geste doux et réconfortant. Impossible de trouver meilleur meilleur ami. Il fallait qu'il fasse attention, c'était tellement agréable que j'avais presque envie de fermer les yeux et de me relaisser aller au sommeil contre lui. Le petit silence rassurant qui prit place n'arrangeait rien.
Et puis, finalement, il le rompit à nouveau, incertain :
— Au pire, tu connais pas quelqu'un qui pourrait garder Yeontan ?
À ces mots, je me redressais d'un coup.
Mais oui ! Yoongi n'était pas parti avec Taehyung parce qu'il voulait rester s'occuper de sa fille, je pouvais bien lui mettre le démon dans les pattes aussi !
Namjoon, ce génie. J'avais envie de le prendre dans mes bras.
— T'as raison, je peux demander à Yoongi !
— Ah, bah voilà, sourit-il doucement. Il y a toujours des solutions.
Je hochai vivement la tête, soudainement très réveillé. La journée ne me semblait plus si terrible maintenant que je savais que je pourrais retourner passer du temps avec mon ami. Je commençais mentalement à la planifier de A à Z, notant tout ce qu'il faudrait que je fasse :
- Appeler Yoongi
- Convaincre Yoongi d'accepter de garder le chien
- Menacer Yoongi pour qu'il accepte
- Lui faire signer une attestation qui assurait qu'il ne raserait pas Yeontan
- Rentrer chez moi
- Faire des centaines de papouilles à Yeontan parce que quand même, je l'aime
- Le récupérer, prendre des vêtements, l'amener chez le réalisateur, et hop !
Je pourrais passer mes prochaines nuits chez Namjoon.
Cette semaine allait me faire du bien, et quand Taehyung rentrerait, je me sentirais mieux ; plus de disputes parce que je suis à fleur de peau, plus de tensions, plus de conflits... J'étais plein de bonnes volontés.
Cette fois-ci, ce serait la bonne.
Et tout redeviendrait comme avant.
____________
— Non.
— Mais Yoongi...
— Inutile de geindre, j'ai dit non. J'ai déjà supporté ce clébard pendant votre week-end en amoureux, je ne compte pas me le remettre dans les pattes dès maintenant.
Bon.
Étape 1 de mon plan, aka « convaincre Yoongi de garder Yeontan », en péril. Ça commençait bien.
Je retins de peu un soupir, et insistai, bien déterminé à ne rien lâcher :
— S'il te plaît ! En l'honneur de notre amitié !
— On est amis ?
— Tu vas me vexer.
Il ricana discrètement à l'autre bout du combiné. Il était méchant. Ça avait beau faire quasiment cinq ans qu'on se connaissait, je ne parvenais toujours pas à saisir comment Taehyung pouvait dire qu'il était doux et mignon dans le fond. Il était rude et sauvage, oui. Si ça n'était pas le meilleur ami de mon mec, je le détesterais presque.
— Yoongi.
— Jungkook ?
— S'il te plaît.
— C'est toujours non.
Je fis la moue, en même temps que je m'extirpai du métro en direction de mon appartement, le téléphone calé contre mon oreille. Selon mes estimations, j'avais encore environ cinq minutes de marche avant d'arriver en bas de l'immeuble, soit un peu moins de 350 secondes pour convaincre le réalisateur. Et parole de moi, j'y arriverais. J'étais plein de ressources et il n'avait encore rien vu.
— Je te paye.
— Sans vouloir te vexer mon grand, je doute que tu aies beaucoup d'argent.
— J'accepte de faire du babysitting pour ta fille gratuitement.
— T'es fou toi, répliqua-t-il directement, jamais je te laisse seul avec Eunha ! Je préfère encore la faire garder par votre clébard.
Eh euh oh. J'étais censé le prendre comment ?
— T'es chiant, fis-je remarquer.
— C'est réciproque, répondit-il. C'est bon, je peux y aller maintenant ?
— Non !
Je ralentissais le pas, me frottant les tempes en me creusant les méninges dans un petit soupir. Il fallait que je trouve un truc pour le faire céder. N'importe quoi. Je ne pouvais pas louper cette occasion de me ressourcer avec mon ami et de détendre mes nerfs mis à rude épreuve en ce moment.
— T'as besoin d'un homme de ménage ? tentai-je.
— Contrairement à d'autres, je ne vis pas dans un appartement excessivement grand, donc non, je m'en passerai.
— Quelqu'un pour faire tes courses ? insistai-je.
— Je ne suis pas un assisté.
— Pour repasser tes chemises de daron ?
— Bon, Jungkook. T'as fini ?
— Ou alors, tu veux que je te divulgue des informations top secrètes sur Taehyung que tu sais pas ?
— Jungkook, gronda sa voix, passant de blasé à menaçante.
Je l'ignorai délibérément et répondit immédiatement :
— Ah, je sais ! Tu veux que je devienne le manager de Tae et que je le frappe pour qu'il n'arrive plus en retard !
— Je vais raccrocher, prévint-il.
... Très bien. Aux grands maux, les grands remèdes.
— Si tu raccroches, m'empressai-je de rétorquer avant qu'il n'ait pu le faire, j'envoie Minhyunk te casser la gueule.
Il y eut un court silence, à l'autre bout du fil, et j'en venais presque à me demander s'il n'avait pas réellement mis fin à l'appel lorsque sa voix retentit à nouveau, plus perplexe qu'autre chose :
— ... Qui ?
— Minhyunk, répondis-je fièrement. C'est un pote à moi. Il est musclé et il est ceinture noire de taekwondo, je ferais gaffe si j'étais toi. En plus, son mec, c'est un ancien garde du corps. Fais pas le con Yoongi.
— Je rêve où tu me menaces ?
Je pouffai sans pouvoir me retenir devant sa question. Est-ce que j'abusais ? Oui, clairement. Est-ce que j'étais sérieux ? Non, malheureusement. Même en imaginant qu'il accepte – ce qui aurait été très improbable –, Minhyunk me demanderait de l'argent, et comme l'avait si justement fait remarquer le réalisateur plus tôt dans cette conversation sans queue ni tête, j'étais complètement fauché. C'était donc uniquement un coup de bluff pour faire capituler Yoongi, mais si je continuais à me marrer discrètement, il n'allait pas tarder à déceler le traquenard.
Je m'efforçais donc de reprendre contenance en me raclant la gorge, sans succès ; le ton blasé de mon interlocuteur retentit à nouveau à travers le combiné avant que je n'ai pu dire quoique ce soit :
— Bon, Jungkook. Et si au lieu de me raconter des conneries tu m'expliquais pas plutôt directement pourquoi tu tiens autant à ce que je garde Yeontan cette semaine ?
Mes épaules s'affaissèrent un peu, mais je ne capitulai pas pour autant. Je réussirai cette étape 1 de ma mission coûte que coûte, quitte à changer de stratégie et à dériver sur une moins marrante, même si j'avais tout sauf envie de repenser à mes problèmes maintenant.
— Je te l'ai déjà dit, répondis-je simplement.
— Oui, tu veux passer la semaine chez ton pote, mais les animaux sont interdits dans son immeuble, je sais. Mais pourquoi tu tiens autant à passer la semaine chez lui ? Tu peux juste le voir pendant la journée et retourner t'occuper de Yeontan le soir, non ?
Je gardais le silence quelques instants, réservé. La question de Yoongi était tout à fait légitime, mais je me voyais mal lui dire ce que j'avais sur le cœur. Lui et moi, on ne parlait pas de nos problèmes. On s'entendait bien et on avait des bons rapports parce que j'étais en couple avec Taehyung et qu'il s'agissait de son meilleur ami, mais ça s'arrêtait là. Je n'avais jamais été proche du réalisateur. Alors, forcément, j'étais moyen chaud à l'idée de lui confier mes insécurités. D'autant plus que j'étais intimement persuadé qu'elles remonteraient aux oreilles de mon mec, puisqu'ils se disaient tout.
Finalement, après quelques secondes de vide, je murmurai du bout des lèvres en guise de réponse :
— Je me sens seul dans l'appart, quand y a pas Tae. Ça m'angoisse.
— Hm.
Il ne rajouta rien non plus. Pendant quelques pas, je l'entendis s'agiter à l'autre bout du téléphone et parler à quelqu'un – sûrement à Minjee –, mais sans que je puisse comprendre ce qu'il disait, car il avait dû couvrir le micro. Puis un profond soupir me parvint, suivit d'un :
— C'est bon, ramène le moi votre clébard. T'as de la chance que Eunha l'adore.
Victoire !
Je me retins de peu de sautiller de joie, parce que les gens dans la rue me regarderaient bizarrement, et je m'enthousiasmai à tout va :
— Merci Yoongi, je t'aime !
— Erk, répondit-il sincèrement, et je fis la moue.
— Essaye d'être plus vexant pour voir ?
— La seule idée que tu puisses avoir des sentiments amoureux pour moi me file de la gerbe et me donne de l'urticaire.
— Va chier.
— Toi aussi.
J'arrivais enfin devant mon immeuble, et je coinçai le téléphone contre mon épaule pour sortir mes clés, un petit sourire aux lèvres.
— Je passe te déposer Tannie dans une heure, ça te va ?
— Hm. Ça me va. À tout de suite gamin.
— À tout de suite.
Et je raccrochai, fièrement victorieux dans cette épreuve difficile. La porte de l'immeuble s'ouvrit sous un petit bip quand j'y passais ma clé magnétique, et j'y entrais, plein de détermination.
Maintenant, étape 2 : faire mes affaires pour la semaine et poupougner Yeontan.
____________
Cette deuxième étape avait été un franc succès.
Un peu trop, même, si on prenait en compte que je m'étais perdu dans mes caresses à Yeontan et que j'avais commencé à le prendre pour un psychologue en lui racontant ma vie. Résultat ; j'étais en retard par rapport à ce que j'avais dit à Yoongi, et j'avais des sérieuses fourmis dans les jambes pour l'avoir gardé trop longtemps sur mes genoux. Chaque instant où je posais mon pied sur le sol était un supplice, les picotements douloureux s'aggravant. Autant vous dire que ma démarche était probablement tout sauf glorieuse.
C'est donc d'un pas excessivement laborieux que je quittais l'immeuble, et quand enfin mes gambettes allèrent mieux, c'est Yeontan qui décida de faire tout un cake : il refusa soudainement de bouger. Rien à faire, j'avais beau l'appeler, tirer gentiment sur sa laisse ou lui intimer plus expressément de se remuer, il restait ancré dans le sol, m'ignorant insolemment. Vraisemblablement, il avait décidé qu'aujourd'hui, je serais son porteur. Il faisait ça, parfois, quand il estimait que ça faisait trop longtemps qu'on ne l'avait pas traité comme un prince.
J'aurais trouvé ça mignon si je n'avais pas déjà un sac à dos rempli de vêtements et un gros sac de course contenant ses affaires et ses croquettes qui tirait sur mes biceps.
Un discret soupir s'échappa de mes lèvres. Désireux de ne pas attirer l'attention à force de rester comme un piquet dans la rue le temps que Yeontan termine son caprice, je calai les sangles du gros sac sur mon épaule, et m'accroupis à côté du petit chien pour le prendre dans mes bras. Il s'y cala avec un petit jappement heureux et en me léchant la joue.
— Yerk, garde ta bave.
Comme d'habitude, Yeontan ne m'écouta pas le moins du monde, tentant directement une nouvelle attaque que j'esquivais en reculant ma tête. Raté. Il pouvait me regarder avec ses yeux déçus autant qu'il le voulait, je n'avais pas envie d'être tartiné de salive.
Je repris difficilement la route, l'épaule sciée par mon sac et mes bras commençant à peser à mesure que je gardais le petit chien contre moi, puis arrivais finalement devant l'immeuble de Yoongi. En attendant l'ascenseur, je baissai mon regard sur la bête, et lui lançai doucement :
— Tu vas encore passer une semaine chez ce grincheux de Yoongi, d'accord ?
Yeontan me regarda avec des grands yeux confus, qui m'arrachèrent un petit soupir morose.
— C'est parce que ton maître il nous abandonne. Il fait que bosser en ce moment, et moi, j'ai besoin de voir des gens, tu comprends ? D'autres humains.
Non, il ne comprenait pas.
Il me regardait comme le dernier des imbéciles, se demandant sûrement pourquoi je me mettais soudainement à raconter à tout ça alors que j'avais déjà passé une bonne heure à me plaindre de ma vie devant lui, et je grognai en lui flanquant un petit bisou dans les poils :
— Oublie.
Le « ding » sonore de l'ascenseur retentit, nous invitant à rentrer. Mon plan parfait touchait à sa fin. Il ne me restait plus que l'étape trois : convaincre Yoongi de ne pas le raser. Mais honnêtement, je n'étais pas sûr de réussir à la valider. J'étais trop fatigué pour repartir dans un interminable débat.
J'hésitais, puis relançai une dernière fois au chien :
— Eh, Tanie.
Il me regarda d'un air blasé qui voulait dire : « qu'est ce qu'il me veut lui encore ? ».
— Si tonton Yoongi il sort la tondeuse, tu cours te cacher, ok ? commençai-je en ignorant son mépris. Et au pire, ça te fera une nouvelle coupe, et des poils tous neufs.
Sa petite tête se pencha sur le côté, interrogative, mais je m'empressais d'arrêter de lui parler lorsque les portes de l'ascenseur s'ouvrirent au bon étage. Je n'avais aucune envie de recevoir les railleries du réalisateur sur la gagatitude respective de Taehyung et moi envers ce micro canidé.
Je sonnai, et quelques secondes plus tard, la tête palote de Yoongi apparut derrière la porte.
— T'es en retard, lança-t-il en guise de bonjour.
— Content de te voir aussi.
Il leva les yeux au ciel, et se décala pour me faire rentrer. Je lâchai la bête dès qu'il eut refermé la porte, Yeontan s'empressant de détaler dans l'appartement tout excité de retrouver ce lieu. Je le regardais faire avec un petit sourire attendri, avant de demander face à l'absence de bruit :
— Eunha n'est pas là ?
— Si, elle fait la sieste. Il ne faut pas faire de bruit.
En réponse à ça, Yeontan poussa un petit aboiement, qui arracha un pouffement de ma part et un regard meurtrier de Yoongi.
Brave Tannie.
— Et Minjee ? demandais-je.
— Elle bosse.
Quelques minutes plus tard, j'étais assis dans sa cuisine, une boisson fraîche dans les mains et le petit chien dans mes jambes. Il m'avait proposé de rester boire un verre, et face à la chaleur estivale, je n'avais pas eu le cœur à refuser.
— Bon, alors, commença-t-il en prenant place en face de moi. Quoi de neuf depuis le temps ? Taehyung m'a dit que t'avais foiré ton année et que tu voulais pas faire les rattrapages.
Je grimaçai.
Allait-on sérieusement parler de mes échecs alors qu'on prenait le temps de papoter qu'une fois tous les six mois ?
— Ça me regarde, répondis-je en prenant une gorgée de mon verre pour fuir la question.
— Ah mais j'ai jamais dit le contraire. Si tu veux abandonner ta licence, c'est toi qui voit, ni Tae ni personne d'autre n'a son mot à dire.
Abandonner. Je n'aimais pas ce mot. Il me renvoyait à quelque chose de négatif, alors que je voulais arrêter la fac pour amener un peu de positif dans ma vie. Je n'avais néanmoins pas la force – ni l'envie – de débattre, alors je hochai simplement la tête, et dérivai la conversation sur lui :
— Et toi, alors ? Tu délaisses un peu le boulot, ces derniers temps, d'après Taehyung...
— Bah, tu sais, avec la gamine...
Il haussa les épaules, évasif. Je ne pus m'empêcher de sourire doucement. Mon copain râlait énormément sur son absence et le fait qu'il ne vienne plus tout le temps aux tournages, mais moi, je le comprenais. Il commençait sa vie de papa, et il devait se rendre compte que ses priorités n'étaient plus les mêmes. Quand on voyait le personnage dur et renfermé qu'il était, ça avait quelque chose d'attendrissant qu'il soit maintenant autant impliqué dans sa vie de famille. Ça me montrait que les choses pouvaient changer. Que je pouvais changer, moi aussi. M'améliorer. Que mes problèmes de couple avec Taehyung n'étaient pas voués à être une fatalité mais finiraient un jour par s'envoler, eux aussi, il suffisait qu'on s'en donne les moyens ; et j'étais sur la bonne voie.
La conversation dériva, à nouveau, s'étalant plus que je ne l'aurais cru. Il me parla d'Eunha pendant une bonne dizaine de minutes, puis on échangea sur la photographie et les différentes techniques dans ce domaine qu'il aimait beaucoup aussi, étant réalisateur de films, avant de s'égarer sur la politique du pays, à laquelle je ne comprenais pas grand-chose. Parler avec Yoongi ainsi avait quelque chose d'étrange. D'agréable, aussi. Je commençais à discerner un peu mieux pourquoi mon copain passait parfois des journées entières à papoter avec lui – enfin, quand il n'était pas en train de bosser tous les jours de 8h du matin à 21h.
Une petite trentaine de minutes plus tard , une alarme sonna alors sur son portable, et il m'adressa un petit sourire en s'excusant.
— C'est l'heure de la fin de la sieste d'Eunha, il faut que j'aille la réveiller. Elle ne va rien dormir cette nuit sinon.
— Pas de soucis. Merci pour le verre.
Je lui rendis son sourire, et me relevais à mon tour, décalant ma chaise en veillant à ne pas percuter malencontreusement Yeontan. Yoongi me fit signe que ce n'était rien d'un mouvement de tête, rangeant ce qu'on avait utilisé dans le lave-vaisselle. Il était temps que je m'en aille.
Il me raccompagna dans l'entrée, puis lança simplement :
— Je suis content d'avoir pu discuter un peu avec toi. C'était sympa.
Et étonnamment réciproque, voulus-je répondre, mais je me ravisai pour quelque chose de plus correct :
— Ça m'a fait plaisir aussi. T'es cool quand tu râles pas.
Il roula des yeux, me tendant ma veste.
— C'est ça. Si tu le dis.
La veste dans les bras – je n'avais aucune envie de l'enfiler par une telle chaleur –, je pris un instant pour l'observer, lui, avec son visage qui avait conservé une certaine rondeur juvénile, sa peau trop pâle à force de fuir le soleil, et ses cernes de jeune papa qui allaient avec le pack « enfant ». Il me rendit le regard, et m'adressa un petit sourire sincère.
— T'es un chic type, Jungkook. Taehyung a de la chance d'avoir un copain comme toi.
Je lâchai un petit rire gêné. Je n'étais pas si sûr de ce qu'il affirmait, intimement persuadé que Taehyung aurait pu trouver mille fois mieux. Mais l'idée qu'il me valide me fit étrangement plaisir. Pendant un moment – trop court, malheureusement –, je sentis mon cœur se réchauffer, mes épaules s'apaiser. Ma poitrine était gonflée d'espoir et je me sentais prêt régler tous nos conflits.
— Abuse pas, répondis-je pour le principe. Il a toute la Corée à ses pieds.
— Mais ce n'est pas toute la Corée qui accepterait votre situation.
Et puis, à nouveau, le doute s'immisça, vicieux, furtif.
Yoongi n'avait pourtant rien dit de suspect – oui, évidemment que d'autres personnes auraient moins bien vécu que moi l'exposition aux médias, et la stratégie de mon copain de se faire passer en couple avec une autre personne, c'était indéniable –, mais quelque chose en moi s'agita. C'était comme si mon inconscient savait que ce qui allait suivre n'allait pas me plaire. Comme s'il avait compris que je ne savais pas tout. Que j'allais apprendre quelque chose de dérangeant. Quelque chose de déplaisant.
— Notre situation ? répétai-je simplement avec cette sensation d'inconfort grandissant en moi.
— Ouais. Taehyung est quand même en faux couple avec son ex. Beaucoup crèveraient de jalousie rien qu'à l'idée qu'ils se revoient, donc là...
Son ex.
Le mot résonna un instant dans mon cerveau sans trouver de place pour s'encrer réellement.
Qu'est-ce qu'il racontait ? Mais qu'est ce qu'il racontait ? Peut-être que j'avais mal entendu. L'actrice avec qui Taehyung s'affichait de partout était une amie, rien de plus. Il me l'aurait dit, sinon. Il me l'aurait forcément dit. Pas vrai ?
— Comment ça, son ex ?
La mine de Yoongi changea face à ma voix blanche. Ses sourcils se froncèrent légèrement, sa bouche se pinça dans une expression que je n'arrivais pas à décrire dans la confusion ambiante qui régnait mon esprit à cet instant, et il lâcha finalement après un court silence :
— Il ne te l'a pas dit ?
— Dis quoi ?
Je m'efforçais à ne pas voir. À ne pas écouter. Parce que je n'étais pas sûr de supporter une telle trahison dans la confiance que je lui avais accordée. Mais mon cerveau avait beau renier de toutes ses forces la réalité...
— ... Lee Hayoon. Ils sont sortis ensemble pendant trois ans quand on était étudiants.
Le monde s'effondra sous mes pieds.
_____oOo_____
Coucou tout le monde !
Me revoilà après une petite pause pour les vacances de Noël et les partiels avec un petit chapitre ( de transition, certes, mais qui amène tout de même un élément important à la fin... ) ! Désolée de ne pas vous avoir prévenue de cette petite absence :'(
Enfin, on reprend, et normalement à un rythme plus soutenu ! J'ai pu prendre un peu d'avance pendant ces vacances, et le prochain chapitre est déjà tout prêt ;D
Je le posterai dimanche prochain -3-
En attendant, j'espère que vous avez aimé ce chapitre ! N'hésitez pas à me donner votre avis ♡
Vous en pensez quoi de Yoongi ?
Et cette révélation de fin... Selon vous, Jungkook devrait s'inquiéter, ou en soit c'est pas si grave ?
En tout cas, j'ai hâte de vous poster le chapitre suivant, et je vous dis donc à la semaine prochaine pour la suite !! 〜(꒪꒳꒪)〜
Merci de me lire ♡♡
( Un grand merci à Anevy_de_Girondif et __un_cafe_ pour la correction de chapitre ! )
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