0.4
Taehyung était rentré. Et pour une fois, à l'heure, presque en avance. Les plats que j'avais commandés avaient à peine eut le temps d'arriver qu'il passait déjà le pas de la porte, son grand manteau sur les épaules et ses bouclettes toutes dérangées par le vent qui soufflait dehors. C'était devenu si rare qu'il rentre aussi tôt que ça m'avait mis le baume au cœur à peine était-il apparu dans mon champ de vision.
Il s'était débarrassé de ses affaires, recoiffé sommairement, avant de me prendre directement dans ses bras en me souhaitant un joyeux anniversaire de couple. J'étais aux anges. Comment ne pas l'être quand tout commençait aussi bien ?
Et puis, quand il avait eut fini de me câliner, il avait relevé le regard et sa bouche s'était ouverte dans un petit « o » surpris devant la table soigneusement dressée que j'avais préparée. L'odeur délicate de la nourriture que j'avais commandé était venue lui chatouiller les narines, et il m'avait dit que j'en avais trop fait, et que j'aurais dû garder mon argent. Alors je ne vous parle même pas de la tête qu'il avait tiré lorsque je lui avais offert le super pull Gucci qui coûtait un rein. J'avais presque cru qu'il allait m'engueuler et me faire la morale sur ma façon de gérer mes frêles économies.
Finalement, il n'en avait rien été.
Il avait souri – et instantanément, je n'avais plus eu aucun regret sur mon compte bancaire qui avoisinait les zéros –, et m'avait remercié chaudement en se levant de sa chaise pour venir me planter un baiser plein de tendresse sur le front. Après ça, on avait continué à manger les délicieux plats sans qu'il ne se doute un seul instant que ce n'était pas le repas qui était censé se trouver originellement devant lui. Ce fut seulement lorsque les assiettes furent vides qu'il m'offrit à son tour son cadeau, qui, comme d'habitude, était une grosse dinguerie. Sérieusement, comment pouvais-je rivaliser face à des billets d'avion pour une semaine à l'autre bout du monde, dans la capitale de l'amour et avec en supplément une entrée à une grande exposition de photographie globalement réservée aux gens de ce milieu ? Impossible, nous sommes bien d'accord. Les malheureux 600 euros que j'avais dépensés pour son pull ressemblaient à de la camelote à côté. Mais bon, j'étais tout de même heureux de pouvoir lui offrir quelque chose cette fois-ici. Et tout simplement ravi de notre futur voyage à Paris qui se profilait à l'automne prochain.
Après, je ne sais plus bien. J'étais bien trop sur un petit nuage pour être connecté à la réalité. Je me rappelais lui avoir proposé pour plaisanter une balade romantique dans l'appartement comme me l'avait suggéré Minhyunk, et il avait rigolé avant de le prendre très premier degré et de me tirer par le bras pour aller marcher dans le couloir. Un peu plus tard, on s'était retrouvés allongés sur le tapis comme des zouaves, à simuler observer des étoiles imaginaires sur son plafond, qui s'avéraient plus être des micro-fissures ou des tâches d'humidité.
Je m'étais retourné vers lui. Il était si beau lorsqu'il se lâchait un peu et laissait aller son sérieux. Parfois, je me disais que ces moments où il déconnectait totalement de son image habituelle étaient devenues rares, et j'eus alors l'impression de revenir à notre première année de couple, où chaque jour était un anniversaire, et où on dit que la passion est la plus forte. Je l'avais embrassé sans pouvoir me retenir, le coupant involontairement dans son discours sur une prétendue étoile au plafond. Il avait souri et m'avait pris dans ses bras.
Enfin bref, voilà. Toute la soirée, ça avait été comme ça. Comme un rêve éveillé, comme une bouffée d'air frais dans ma vie qui me pesait parfois un peu. L'espace de quelques heures, oublié le vide de l'appartement et les retours tardifs de Taehyung qui bossait toute la journée, oublié mes vaines recherches d'emploi qui se soldaient invariablement par un échec, oublié mon diplôme que je n'avais pas eu ; oublié les médias qui nous bouffaient notre vie privée. L'espace de quelques heures, tout ça avait disparu. Il n'y avait plus eu que Taehyung, un humain normal comme il y en a plus de sept milliards sur Terre, et Jungkook, un étudiant qui partageait sa vie depuis quatre années. Pas de célébrité. Pas de doute sur l'avenir. Pas d'interrogations sur le couple.
Juste nous deux.
Un anniversaire parfait.
Taehyung avait été si gentil toute la soirée, aux petits soins, à s'occuper de moi et à chercher à me faire sourire ou rire. Il m'avait pris dans ses bras, aussi – plus qu'il ne le faisait ses derniers temps – et ses lèvres avaient cherché les miennes si souvent, comme si nous partagions à nouveau nos premiers baisers. Il avait été trop gentil, peut-être. On aurait presque dit qu'il avait quelque chose à se faire pardonner.
Et moi, je m'étais naïvement dit que ça n'avait rien à voir, et qu'il était juste naturel et amoureux.
Là, assis à côté de lui sur notre grand canapé et l'écran diffusant l'image d'un générique d'un film terminé depuis longtemps, l'horloge murale un peu plus loin annonçant trois heures du matin passées, c'était comme s'il venait de détruire toute notre belle soirée d'une seule phrase. Je le regardai, incrédule, avant de redemander d'un ton blanc :
« T'as dit quoi ?
- Jungkook, je...
- Non, répète. Depuis le début. T'as dit quoi ? »
Il posa un drôle de regard sur moi. Comme s'il ne comprenait pas pourquoi je lui prenais le choux soudainement, alors que juste avant, on passait une super soirée.
« Je te disais juste que je pourrais faire semblant d'être en couple avec une amie actrice, officiellement. » répéta-t-il simplement. « Ça calmerait les médias. Je voulais avoir ton avis, c'est tout. »
C'est tout.
Il se fichait de moi ?
Je me dégageai de son étreinte sans attendre, mettant une distance suffisante entre nous pour qu'il me regarde droit dans les yeux et qu'il comprenne que non, ce n'était pas tout.
« Et tu me dis ça maintenant ? » répliquai-je dans un rire nerveux. « Alors qu'on est tous les deux posés pour une soirée en amoureux ?
- Tu voudrais que je te le dise quand ? C'est pas comme s'il y avait un moment particulier pour aborder le sujet. »
Je retins de peu un nouveau ricanement nerveux. À la place, c'est la colère que je sentais monter en moi, vicieuse et rapide, trop rapide.
« Alors tu t'es sûrement dit que notre anniversaire de couple était le meilleur moment, » raillai-je finalement. « Logique. »
Il fronça les sourcils face à mon ton clairement passif agressif. Sa mine jusqu'ici dubitative se mua en quelque chose de plus renfermé, et il répliqua presque sèchement :
« Oh, commence pas à t'énerver sans raison. Ok, j'aurais peut-être dû choisir un autre moment, si tu veux. En attendant c'est pas un drame non plus, est-ce qu'on peut juste en discuter comme deux adultes ?
- Sans raison ? » répétai-je, hébété. « Sans raison ? Mais tu te fous de ma gueule ?
- Non, je ne me fous pas de ta gueule. Je ne vois pas ce que j'ai fait de mal.
- Parce que je suis censé sauter de joie alors que tu me sors que tu veux faire "semblant" d'être en couple avec une autre et balancer ça au monde entier ?
- Je ne te demande pas de sauter de joie, je te demande de m'écouter et de me donner ton avis calmement, merde. »
Cette fois-ci, son ton s'était fait plus sec, presque cassant. Je marquai un silence en plantant mon regard dans le sien, irrité. Le voir ainsi agacé ne fit que renforcer ma propre colère.
Ce n'était pas le moment de piquer une crise, pourtant. Je le savais. C'était notre anniversaire de couple, nos quatre ans, le jour que je m'étais promis comme étant le meilleur pour nous deux. J'aurais pu simplement ravaler le désagréable sentiment que son annonce m'avait fait monter à la gorge, mettre cette discussion de côté et lui dire « on en parlera demain », ou tout simplement prendre du recul et réaliser qu'au fond, il ne m'avait rien fait.
Mais je n'y arrivais pas.
Vraiment pas.
Je n'avais aucune idée d'où venait cette colère qui brûlait au fond de moi, mais sa puissance me fit me dire qu'elle devait être tapie là en silence depuis un moment déjà.
« Ok, tu veux mon avis ? » répliquai-je en me levant sans plus attendre. « Va chier avec ton idée à deux balles.
- Oh, Jungkook. »
Je m'apprêtais à partir, mais sa poigne ferme contre mon poignet me fit me retourner vers lui. Il me fixait avec les sourcils froncés, le regard réprobateur. Peut-être que si j'avais fait attention, j'aurais aussi pu y voir une lueur d'inquiétude.
« Calme-toi. » lança-t-il d'un ton qu'il voulait sûrement rassurant, mais qui ne fit que m'irriter davantage. « Assieds-toi, on va en parler posément ok ? »
C'était presque le même ton qu'on employait à un gamin quand il était en train de pleurer dans un coin parce qu'il avait fait une bêtise, ou qui boudait pour une raison X ou Y après un gros caprice. Et j'en avais ma claque, de ces moments où il me parlait comme ça. J'en avais ma claque, de sentir que dans ses yeux je n'étais encore qu'un ado, un jeune à qui on avait encore tout à apprendre, ignorant sur plein de choses. Je voulais qu'il me voit enfin pour son égal, et non comme une petite chose à protéger et à qui apprendre le monde.
J'avais 21 ans, merde.
21 ans.
Alors je craquai. Je me lâchai, je m'énervais. Je laissais sortir les mots, les regrettant instantanément en pensant au fait que j'étais en train de ruiner notre anniversaire mais sans parvenir à les retenir.
« Lâche-moi ! »
J'haussai le ton en dégageant ma main d'un coup sec, puis laissai sortir sans réfléchir :
« Arrête de me dire quoi faire, et de me parler comme si j'étais le dernier des imbéciles ! Si je m'énerve c'est que j'ai des raisons ! Tu me sors comme ça – alors que c'est notre anniversaire, hein, au cas où tu l'aurais oublié –, que tu veux t'afficher avec quelqu'un d'autre, "officiellement". »
Les mots s'échappaient tout seuls. Je ne maîtrisais plus rien.
« Et je devrais ne pas réagir ? Dire juste, "ok cool, bonne idée" ? Je ne te dis rien que je sache, quand tu me présentes partout comme ton ami, quand tu m'ignores presque dans la rue parce que quelqu'un t'as reconnu, quand tu me laisses seul des journées entières pour aller bosser avec des gens qui pour la plupart ne savent même pas que j'existe ! Même quand tu rentres bien plus tard que d'habitude, parce que soi-disant le boulot a été long – ou alors parce que t'es sorti je ne sais où avec tes collègues, qu'est-ce que j'en sais moi ? – je me la ferme et je t'attends sagement ! Et là, je devrais me la fermer aussi ? »
Et pour la première fois depuis des années, je réalisais quelque chose.
« Tu veux balancer ton soi-disant amour avec quelqu'un au monde entier, et cette personne, ce n'est pas moi ! Excuse-moi d'être blessé ! Et non, je ne te demande pas de révéler aux médias pour nous deux. Oui, je suis parfaitement conscient des conséquences que ça – ou plutôt, que je – peux avoir sur ta carrière. »
Peut-être qu'en réalité, même dans ma relation avec Taehyung, les choses n'étaient pas si parfaites que ça.
« Oui, je savais déjà qu'en me mettant en couple avec toi j'étais destiné à être un secret, et à n'exister que dans ton ombre. Et oui, merde, je suis prêt à l'accepter. Je ne fais que ça depuis quatre ans d'ailleurs. »
Peut-être qu'au fond, je me voilais la face sur mes propres craintes. Je les étouffais, les ignorais, les faisais taire et les rangeaient au plus profond de moi. Mais à l'instant, ça me paraissait clair comme de l'eau de roche...
« Mais soit au moins fichu de te mettre à ma place deux secondes, et de comprendre pourquoi cette "simple" idée peut m'énerver ! »
J'étais terrifié à l'idée de perdre Taehyung. Terrifié qu'il se lasse de moi, qu'il aille voir ailleurs, ou qu'il décide que finalement, à côté de sa carrière, je n'en valais pas la peine. Que les rumeurs grossissantes finissent par le faire fuir. Ou qu'il finisse par réaliser à quel point j'étais inintéressant et fade à côté des personnes qu'il devait côtoyer tous les jours, que sais-je encore.
Terrifié à l'idée de voir le dernier pilier qui me semblait stable dans ma vie s'effondrer à son tour.
Un silence inconfortable s'installa à la fin de ma tirade. Moi, je reprenais mon souffle, essoufflé par tous les mots que j'avais débités à la seconde, et lui, il me regardait simplement, semblant me jauger de ses yeux où l'inquiétude avait remplacé la colère.
Il soupira.
J'aurais pu m'en outrer, mais je savais que ce n'était pas contre moi. Il soupirait systématiquement quand une conversation le dépassait, ou prenait une tournure désagréablement inattendue.
Il se leva finalement et vint se poster devant moi pour me prendre dans ses bras sans un mot. Je le laissais faire, mais ne répondit pas à son étreinte. Une drôle de colère brûlait toujours dans mes veines, mêlé à un désarroi et à une angoisse que je n'avais pas vu venir. Toutes mes inquiétudes le concernant semblaient me sauter soudainement à la figure, et je ne parvenais pas à me défaire de cette rage – qui, je le comprenais maintenant, avait sûrement été réveillée par ces mêmes inquiétudes – qui crispait ma mâchoire et me tendait les épaules.
« Je suis désolé. » lâcha-t-il simplement après un nouveau bref silence, durant lequel sa main passa dans ma nuque pour me coller contre lui. « Je ne pensais pas que tu le prendrais comme ça, excuse moi. Je me disais que c'était une bonne idée, et que comme ça, ça détournerais l'attention des médias sur autre chose que nous et qu'on pourrait enfin se permettre d'agir un peu plus librement. »
Son autre main posée au creux de mes reins me procurait une douce chaleur qui me dénouait petit à petit les muscles, et je l'écoutais continuer en me laissant aller dans ses bras.
« Ce n'était pas du tout contre toi, parce que je veux te cacher ou quoi que ce soit Kook. »
Il dégagea mes cheveux de mon front en se reculant pour me regarder droit dans les yeux, avant de rajouter simplement :
« Tu sais que je t'aime. »
Un léger frisson me remonta le long du dos à ces mots. Je plongeais mon regard dans le sien, puis soufflai du bout des lèvres :
« Redis-le.
- Je t'aime. »
Il accompagna ses mots d'un baiser, et à peine sa bouche trouva-t-elle la mienne que j'y répondis avec ardeur. Mes mains jusqu'ici immobiles vinrent à leur tour courir contre son dos, en même temps qu'il m'embrassait tendrement.
« Encore. » soufflai-je contre lui sans même prendre la peine de décoller mon front du sien.
- Je t'aime. »
J'avais le cœur qui battait à mille à l'heure. Je pouvais entendre distinctement ses battements, délicieusement effrénés, qui faisaient monter une agréable chaleur en moi. Ces « je t'aime » étaient des mots magiques, qui avaient le pouvoir de faire taire toutes mes peurs. Chaque fois que je ne me sentais pas bien, que le stress m'envahissait trop le cerveau, ou que la tristesse m'alourdissait trop la poitrine, ils avaient le pouvoir de m'apaiser. De me faire oublier ce qui n'allait pas.
Alors j'en oubliais ma colère, et, le souffle encore court de notre dispute, je l'embrassai une nouvelle fois, sans plus attendre.
Il initia le prochain contact en me répétant sans même que je l'ai demandé les trois petits mots magiques, et je su rien qu'à sa façon de mouver ses lèvres contre les miennes comment allait se terminer la soirée. Je n'attendais que ça.
Ses mains glissèrent de mon dos à mes cuisses, en passant par la courbe de mes fesses qu'il caressa chaudement, et je collai fiévreusement mon bassin au sien tout en descendant mes baisers sur sa mâchoire et son cou qu'il ne tarda pas à me dévoiler en penchant la tête dans un discret soupir de bien-être.
Dix minutes plus tard, nous étions dans notre chambre, sur notre lit, moi au-dessus de lui à choyer sa peau de mes lèvres et de mes mains, lui à laisser courir ses doigts le long de ma peau, à les entremêler à mes cheveux.
Dix minutes plus tard encore, nous étions nus l'un contre l'autre, nos gémissements fendant le calme de la nuit, remplaçant tous les mots.
Encore quelques minutes, et j'atteignais le septième ciel.
C'est dans ses bras et contre son corps encore chaud de nos ébats que je trouvais finalement le sommeil, l'esprit à la fois libre et épuisé par toutes les émotions de cette journée qui aurait dû être la plus belle.
_____oOo_____
Et voilà la suite !
J'étais censée poster dimanche, donc désolée pour le léger retard :'( Ceux qui me suivent sur insta savent que j'ai eu une semaine giga chargée en danse et que du coup j'ai pas trop eu le temps de me pencher sur l'écriture, mais me revoilà !
( D'ailleurs, si vous voulez être mis au courant de mes retards d'update ( même si j'espère qu'il n'y en aura pas trop ), je vous conseille de me suivre sur insta, parce que sur wattpad je ne préviens que pour les gros retards :') Mon instagram est le même que mon pseudo wattpad : 0akayak0 )
Anyway
Revenons en au chapitre en lui même :D
Je crois qu'on est tous d'accord pour dire que Taehyung n'a pas choisi le meilleur moment pour faire sa proposition :') Mais en soit, cette proposition, vous en pensez quoi ? Idée de merde ou idée pas si conne ?
Et je suis curieuse, plus largement, vous en pensez quoi de Taehyung pour l'instant ?
En écrivant ce chapitre je me suis rendue compte que Rumors était plus compliquée à écrire que ce à quoi je m'attendais, parce qu'il faut que vous puissiez comprendre les réactions de Jungkook et que son évolution personnelle est [ SPOILER ALERT ] :D
Bref, j'espère que vous avez aimé du coup :3 Comme d'habitude hésitez pas à me donner votre avis et je vous dis à dimanche si tout va bien pour la suite ! ;))
( Un grand merci à __un_cafe_ et Aveny_de_Girondif pour la correction de ce chapitre ! ♡ )
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