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Chapitre 115

Je les regarde disparaître dans les écuries et continue de fixer le bâtiment longiligne même quand leurs trois silhouettes disparaissent à l'intérieur. Je fais de mon mieux pour empêcher mon attention de converger vers l'homme dont je sens déjà un peu trop la présence toute proche. Comment est-ce qu'il fait pour aspirer tout l'air alors qu'on est à l'extérieur ? Comment parvient-t-il à envahir l'espace dans une cour aussi grande sans lever le petit doigt ? C'est comme ça, Royce est ce genre de personne.

Il est parfaitement immobile juste à côté de moi, la tête inclinée dans ma direction et je sens son regard peser sur moi. Je ne veux pas poser les yeux sur lui. Je connais déjà les sensations qui vont m'envahir si je le regarde, les pensées qui vont se mettre à tourner dans mon cerveau atteint. C'est comme une maladie qui vous grignote les neurones. Et vous aimez cela. Pendant un moment, c'est comme de vivre sur un nuage. Mais pendant un moment seulement parce qu'après, c'est la chute. Et les nuages sont très hauts. Je veux guérir. Je veux redevenir la Lily d'avant, celle qui s'en sortait parfaitement bien avec ses techniques de survie un peu minables mais efficaces.

Je me permets une inspiration tremblante et l'odeur chimique des huiles de moteur me pique les narines, puis pour ne pas être tentée, je tourne les talons sans poser une seule fois les yeux sur Royce, le cœur et les poumons oppressés.

Je n'ai pas fait un pas que son grand corps me barre la route. Je garde le regard braqué sur le bout abimé de ses bottines de motard. Qu'est-ce qu'il fait au juste ? Peu importe. Je dévie vers la gauche pour le contourner et il m'imite, me bloquant à nouveau le chemin. Je vire à droite, il fait pareil.

Allons bon ! Cette fois, je suis bien obligée de relever le menton pour le regarder. Les mains dans les poches de son jean, les cheveux en bazar, il me dévisage en silence. Le silence, c'est son maitre mot, je crois. Je le regarde se passer l'intérieur du bras sur le visage pour s'essuyer. Dommage, j'espérais presque qu'il le ferait avec ses mains couvertes de cambouis et se dessine des peintures de guerre. Mais même comme ça, je suis sûre qu'il serait beau de toute façon.

Je vire ces pensées ridicules et patiente mais il ne dit toujours rien. Personne ne parle sauf mon cœur qui hurle dans son propre langage. Langage plutôt violent impliquant de me fracasser la cage thoracique.

Remets toi bon sang ! ai-je envie de le sermonner.

Soupir mental. Il me faut une greffe, je crois.

Royce n'a toujours rien dit et continue de me barrer la route.

- Fous lui la paix, Walters, crie un employé dans mon dos et je reconnais la voix de Brent. T'es pas censé lui causer.

Royce relève vivement la tête pour voir qui s'adresse à lui et son regard se fait plus tranchant qu'une épée. Franchement, j'ai eu droit à pas mal de vacheries de sa part mais je suis bien contente de n'avoir jamais été la destinataire de ce regard. Jamais.

- Ferme bien ta gueule si tu tiens à continuer à marcher sur tes deux pattes, siffle-t-il sans avoir besoin d'élever la voix.

Ce n'est certainement pas avec ce genre de réplique qu'il parviendra à se débarrasser de l'image de sociopathe qui lui colle à la peau. Je déglutis en même temps que le pauvre employé et m'empresse d'intervenir.

- Ça va Brent, je lui assure d'une voix douce. Ne t'en fais pas.

Il hoche la tête, sourcils légèrement froncés, et laisse tomber. Je le regarde passer la porte du bâtiment des employés suivi par ses camarades et attends de la voir se refermer derrière eux pour pivoter à nouveau vers le fauve. J'attends. J'attends encore mais il ne dit toujours rien, se bornant à river son regard dur au mien.

- Qu'est-ce que tu veux, Royce ? je demande d'une voix fatiguée mais polie quand je n'en peux plus du silence.

Il penche la tête sur le côté et entre-ouvre les lèvres comme pour dire quelque chose qu'il ravale aussitôt. Évidemment, mes yeux se posent dessus par reflexes. Je me repasse en boucle toutes les vacheries qui se sont échappées de ces mêmes lèvres pour rester concentrée. Ça marche. Bien sûr, mon moral dégringole encore de quelques marches mais je ne suis plus à ça près et cela me permet croiser son regard sans écrire de poésie sur ses prunelles grises. Je le regarde croiser les bras sur son large torse et me toiser, le visage dur, pour changer.

- Qui t'a parlé de ça ? demande-t-il tout à trac comme si sa question pouvait avoir le moindre sens.

Je cligne des yeux, perdue.

- Parlé de quoi ?

- Ce que t'as dit tout à l'heure avant de te barrer en plein milieu de la conversation comme une gamine, précise-t-il d'une voix froide, visiblement sur les nerfs.

Je tressaille devant la nouvelle insulte et je sens le sang me monter au visage d'indignation.

- Je suis partie parce qu'il n'y avait plus rien à dire et que j'étais trempée ! je m'écrie. Et puis tu as du culot, je te signale que tu es le pro pour tourner les talons en plein milieu des conversations !

Il plisse les yeux et m'adresse un reniflement dédaigneux mais ne me contredit pas.

- Qui t'a parlé des Marshall ? demande-t-il sans démordre de son objectif.

Il n'y a donc que cela qui l'intéresse ? Protéger ses stupides secrets ? Parce que c'en est un, non ? Forcement. S'il n'avait pas réellement fait... ce dont cette fille l'accuse, il ne s'inquièterait pas de savoir d'où je tiens cette information.

Un puissant malaise m'envahit à cette idée. Appelez ça de la naïveté pure et simple ou de la bêtise mais une partie de moi doit continuer d'espérer parce que je demande d'une voix tremblante :

- Est-ce que c'est vrai ?

- T'avais l'air sûre de toi ce matin, raille-t-il sombrement sans me lâcher de ses yeux aiguisés qui scrutent mon visage avec une déstabilisante attention.

- Je ne prends jamais pour acquis les « on dit ». Je demande toujours confirmations à la source. Alors, est-ce que c'est vrai ?

- Ça dépend, qu'est-ce qu'on t'a dit ? demande-t-il en s'essuyant les mains avec le chiffon à carreaux pas plus propre qui pend de la poche arrière de son pantalon.

Il a adopté une posture nonchalante, adossé à la carrosserie de la voiture qu'il était en train de réparer, mais son visage parait légèrement tendu.

- Ce serait plus rapide de me dire ce que tu as fait, je contre parce que je n'ai que très moyennement envie de lui répéter les confidences de Laura.

Comprendre « j'ai très moyennement envie » comme « je préfèrerais mourir ». Mais Royce ne semble pas vouloir me faciliter la tâche et secoue la tête. D'accord. Je prends une grande inspiration et me lance, les yeux braqués sur la plume carbonisée qui orne l'épaule gauche de mon interlocuteur.

- Est-ce que tu... est-ce que tu as...

C'est vraiment difficile, les mots ne sortiront jamais.

- Regarde-moi en face quand tu me parles, ordonne Royce d'une voix neutre pour ne rien arranger à mon embarras.

J'avale ma salive de travers en déglutissant mais je m'exécute, le cœur en vrac. Je lève le visage vers lui et plisse aussitôt les yeux en me prenant les rayons aveuglant du soleil en pleine figure. Royce se décale d'un pas vers la gauche pour me faire de l'ombre et me permettre de le « regarder en face ». C'est donc en vissant mon regard au sien que je reprends, les ongles enfoncés dans ma paume comme si la douleur pouvait me fournir le courage nécessaire.

- Est-ce que tu as... fait l'amour avec une fille pour te venger de son père ? je lâche d'une traite en prenant une teinte écrevisse.

C'est bon, c'est dit. Et je ne suis pas vraiment soulagée. Une ombre traverse le regard du mécanicien aux yeux gris et il prend une brusque inspiration qui fait gonfler son torse déjà impressionnant sous le tissu de son débardeur. Il se reprend toutefois très rapidement, effaçant toute trace d'un quelconque trouble, et hausse un sourcil qui se veut sûrement narquois.

- Je crois pas que l'amour ait quelque chose à faire là-dedans mais ouais, j'ai fait ça, lâche-t-il sans l'ombre d'un remords.

Je pensais être sûre de moi, m'être préparée à cette réponse. Je croyais avoir cessé d'espérer. J'avais tort. Ce n'est qu'en entendant mes convictions s'écraser au sol dans une pluie de verre brisé que je le comprends. Mon cœur pèse à présent deux tonnes, alourdi par une déception cuisante. Je dois être masochiste parce que je continue de creuser. De creuser le cimetière de mes espoirs.

- Est-ce que tu as envoyé des photos à son père ?

Dis non, je t'en prie, dis non !

Encore ce muscle qui remue à sa mâchoire mais il hoche la tête, une expression peu concernée sur ses traits si masculins, et je recule d'un pas en réprimant un haut-le-cœur.

Non. Non. Non. Non.

- Est-ce que tu savais qu'elle était amoureuse de toi ?

Je ne sais même pas pourquoi je continue.

Il fronce les sourcils l'air de se demander l'intérêt de ma question, puis hausse les épaules comme pour signifier que cela n'a aucune importance. Je sens le sang quitter mon visage pour me donner, j'en suis certaine, une pâleur digne d'un mort vivant - Quel est le nom de cette série déjà ? The Walking Dead. Évidemment, je songe avec ironie, qu'elle importance cela peut-il avoir que cette fille l'aime ou non ? Que moi, je l'aime ou non ? Pas la moindre, je suppose.

Un courant d'air me traverse la cage thoracique et le cauchemar qui me dévore silencieusement de l'intérieur depuis que j'ai entendu le récit de cette fille devient réalité. C'était évident pourtant ! Comment j'ai pu être aussi stupide ? Comment j'ai pu imaginer une seule seconde qu'un homme comme lui, plus beau qu'un ciel étoilé, aussi incassable qu'un roc et habitué aux femmes les plus séduisantes et expérimentées de l'île, pourrait s'intéresser à moi sans une bonne raison ? Moi, la « môme », comme il m'appelle.

Alors pendant que je tombais amoureuse de lui, lui il... jouait avec moi ?

Ma propre naïveté m'écœure. Je me pensais plus intelligente que ça. Je regardais les filles amoureuses de mon lycée à Londres pleurer après s'être fait plaquer ou tromper et je me disais « comment est-ce qu'elles ont pu tomber dans le panneau ?».

Comment est-ce que j'ai pu tomber dans le panneau ?

Royce me dévisage toujours, le front légèrement plissé, il s'est décollé de la voiture pour se rapprocher de moi. Je ne m'en étais même pas rendue compte. Il semble attendre que je réagisse, que je parle. Mais je n'ai rien à dire, rien à ajouter alors que l'horreur de ce que j'avais déjà compris sans me l'avouer prend trop de place. Royce semble le comprendre parce que c'est lui qui reprend la parole.

- Qu'est-que ça peut te faire ? Tu la connais même pas.

Cet homme n'est pas pour toi Lily, il ne l'a jamais été.

Je secoue la tête, estomaquée, et décide de lâcher l'affaire, de mettre fin à ce calvaire. Je me suis trompée sur toute la ligne, point, saut de page. Les autres avaient raison et j'avais tort.

Je contourne Royce, prête à m'éloigner pour de bon, mais sa grande main chaude s'enroule brusquement autour de mon poignet et m'oblige à faire volte-face. Comme d'habitude, son contact m'électrise, ma peau se délecte de sentir ses doigts cailleux et je maudis mon corps de me trahir.

Dans le mouvement, mon visage se retrouve subitement à quelques centimètres de celui – incliné vers moi - de Royce. Ses yeux luisent de quelque chose que je n'ai pas le courage d'interpréter et transpercent les miens avec la subtilité d'une scie électrique. Mon cœur, comme toujours à côté de la plaque, part au quart de tour.

- Dis-moi qui est l'enculé qui t'a parlé de ça ? ordonne-t-il en crochetant sa tignasse de sa main libre. C'est Dallas ?

- Non !

Il a l'air vraiment énervé à présent. Je tire sur mon poignet pour le récupérer mais il ne semble même pas en avoir conscience, concentré sur mes lèvres ou plus précisément sur le nom qu'il attend de voir en sortir.

- Lâche-moi, je souffle.

Il s'exécute dans la seconde mais ne lâche pas l'affaire pour autant.

- Dis-moi qui c'est.

Je fixe son visage injustement beau que de minuscules imperfections rendent parfait et mon cerveau continue de produire des pensées plus désagréables les unes que les autres. J'ai encore envie de pleurer mais je me retiens. Je ne veux pas qu'il soit témoin du mal qu'il me fait.

« Je sais que tu as mal mais les autres n'ont pas besoin de le savoir » souffle la voix de Chris à mon oreille.

Je ne sais pas pourquoi à cet instant, je pense à la photo que m'a mère m'a envoyée. Celle où je fixe froidement l'objectif comme si j'étais intouchable alors que je devais sûrement anticiper l'enfer qui m'attendait la nuit suivante. Je ferme les yeux une fraction de seconde, le temps d'un battement de paupière, et j'imagine que je suis de nouveau dans ces studio aux couleurs froides, étriqués et impersonnels, une ribambelle d'appareils photos disposés tout autour de moi. J'entends presque leurs cliquètements incessants et énervants au possible.

Quand j'ouvre à nouveau les yeux, je suis cette Lily-là. Ou j'essaye de l'être. Je dévisage un Royce toujours attentif à mes réactions, le visage lisse comme si ma mère venait de me faire un de ses discours sur les rides prématurées.

- Qu'est-ce que j'y gagne ? je demande d'une voix blanche en utilisant cette réplique dont il s'est déjà servi plusieurs fois contre moi.

Il hausse les sourcils, pris de court, et ses yeux s'arrondissent légèrement l'espace d'un instant avant de parcourir mon visage plusieurs fois comme pour comprendre ce qui me prend. Je ne le sais pas vraiment non plus.

Qu'est-ce que je suis en train de faire, au juste ?

Tu es entrain de te protéger, andouille.

- Qu'est-ce que tu veux ? finit-il par demander, circonspect, et la pointe de curiosité dans son regard ne m'échappe pas.

J'imagine qu'il s'attend peut-être à ce que je lui demande un autre rencard ou même un baiser. Cela correspondrait bien à la fille pathétique que je suis devenue à son contact.

Qu'est-ce tu veux? Demande la Lily raisonnable dans mon crane sur un ton très sérieux.

Facile, je veux Roy...

À part ça, bon sang !

Et bien... si je ne peux pas l'avoir, je voudrais un retourneur de temps. Je reviendrais en arrière, au jour de mon retour sur l'île, et je n'entrerais pas dans la maison par la porte des employés, je ne le bousculerais pas sur le porche, je ne lèverais pas mon regard vers le sien, mon cœur ne s'emballerait pas comme un cortège de tambours. Je ne tomberais pas amoureuse de lui.

Oui, c'est ce que je veux, je crois...

Je ravale la balle de base-ball qui me traine en travers de la gorge et déploie des efforts monstrueux pour garder la face malgré ma poitrine en feu. Je relève ensuite les yeux vers Royce qui attend toujours avec une étonnante patience ma réponse.

Allez, encore un petit effort. Tu peux le faire Lily...

C'est comme d'arracher un pansement, je songe. C'est pénible mais il faut le faire. D'un seul coup pour que cela fasse moins mal et ensuite, passer à autre chose. Je retombe toujours sur mes pattes de toute façon, je m'en remettrais comme de tout le reste.

- Que tu oublies tout, je réponds d'une voix tremblante alors que mon prétendu flegme de mannequin part en fumée. Ce que je t'ai demandé sur le ponton, la fête foraine... la comète. Je voudrais qu'on fasse comme si rien ne s'était passé. Est-ce que c'est possible ?

J'ai à peine terminé que je regrette mes paroles alors que mes certitudes s'envolent. Je ne veux pas oublier et j'ai autant envie de voir Royce s'éloigner que de marcher pieds nus sur un nid de clous. Mais il le faut. Parce qu'il va s'éloigner de toute façon. Parce que j'avais moins mal avant toute cette histoire. Parce que je refuse d'être de nouveau le jouet de quelqu'un. Parce que je me suis trompée sur toute la ligne.

Royce me dévisage mais ne répond rien pendant un long moment. Je cache mes mains tremblantes dans mon dos pour éviter de décrédibiliser mon propre discours et garde les yeux fixés sur un point près de son oreille droite parce que je sens que je suis à deux doigts – peut-être même un et demi - de craquer et de ravaler mes paroles.

Tiens bon. C'est le mieux à faire.

Je frissonne quand il se penche vers moi et que son souffle balaye les mèches sur mon front. Je peine à lever les yeux vers lui pour croiser son regard.

- C'est comme si c'était fait, lâche-t-il finalement de son timbre grave et bas en m'adressant un sourire froid.

Je cligne des paupières à toute vitesse alors que la douleur dans ma poitrine devient insoutenable. Ça va forcément s'estomper, non ? J'ai arraché le pansement.

Royce finit par reculer, les poings enfoncés dans les poches, pour se réadosser au véhicule en réparation.

- Il t'aura fallu du temps, note-t-il au bout d'une minute interminable en fixant le sol alors que ses doigts pianotent distraitement sur le toit de la voiture. Qu'est-ce qui t'a ramenée à la raison ? demande-t-il sur un ton peu concerné que l'on utiliserait pour s'enquérir de la météo.

Je déglutis et les larmes que je retiens semblent se retrouver coincées dans ma gorge. Est-ce que c'est physiologiquement possible ?

- Tu n'es pas celui que je croyais, je réponds, dégoutée par les trémolos qui s'infiltrent dans ma voix.

C'est la triste vérité. C'est ridicule, je suis parvenue à lui trouver des excuses pour être allé en prison, pour ses tendances violentes un peu limites, pour son mépris des règlements et même pour avoir tué. J'ai passé l'éponge sur toutes ces choses-là en faisant comme si elles n'existaient pas. Mais mon cerveau tordu et son sens des priorités on ne peut plus bancal n'arrivent pas à dépasser ça. Peut-être parce que ça me touche personnellement contrairement au reste.

Royce n'a pas bougé. Un muscle bat légèrement à sa tempe quand il lève son regard vide vers moi. J'essaye d'y déceler une trace de l'orage qui y fait habituellement rage mais je ne vois rien du tout.

- Je sais, répond-t-il d'une voix absente. Je te le répète depuis le début.

J'ai aussitôt envie de retirer tout ce que je viens de lui dire alors que ses paroles résignées me donnent la désagréable impression d'être comme tous les autres. Comme tous les crétins de l'île qui colportent leurs ragots infames et condamnent sans rien savoir. Comme ces gens qui tournent la tête sur son passage, lui jettent des coups d'œil dégoutés ou s'éloignent brusquement, l'air terrorisés. Je ne vaux pas mieux qu'eux.

Mais une nouvelle pensée encore plus désagréable que les précédentes germe au creux de ma cervelle et maintient mes lèvres scellées.

Et si j'étais allée plus loin ? Ce n'était pas en option, je le sais bien, et je sais aussi qu'avec des « et si », on pourrait mettre Paris en bouteille. Mais je ne peux pas m'empêcher de me le demander. Si, dans un monde parallèle où je ne serais pas coincée et abimée à ce point, j'étais allée plus loin avec lui... alors quoi ? Est-ce qu'il aurait envoyé des photos à mon oncle ?

Cette idée me tire un rire étranglé et complétement déplacé mais c'est soit ça, soit éclater en sanglot. Le son semble attirer l'attention de Royce et chasser momentanément le néant qui imprègne son regard. Ce dernier se pose sur moi avec une pointe de surprise et Royce hausse ses sourcils couleur charbon qui vont se cacher sous ses mèches emmêlées.

- J'ai raté quelque chose de drôle ? demande-t-il sans réduire le bon mètre de distance qui nous sépare à présent.

- Du tout, je souffle en me passant les mains sur le visage pour me reprendre et m'assurer qu'aucune larme n'a enfreint les règles et pointé le bout de son nez à l'extérieur. Pas drôle du tout.

- À quoi tu pensais ?

Je secoue la tête, fermement décidée à ne pas lui répondre alors que mon regard fuit déjà le sien à la recherche d'une échappatoire. Mais ma bouche en décide autrement et c'est plus fort que moi : la question m'échappe.

- Est-ce que tu as une dent contre mon oncle ?

Comme ça je serais fixée. Définitivement. Il fronce les sourcils et me dévisage, les traits marqués par l'incompréhension, puis se redresse lentement.

- Pardon ? lâche-t-il froidement en me transperçant du regard comme pour entrer dans ma tête.

Ce n'est pourtant pas sorcier.

- Chris, je précise calmement alors que mon cœur est au bord de l'infarctus. Tu lui en veux pour un truc ? Tu as quelque chose à lui faire payer ?

- Pourquoi tu me demandes ça ?

Je ne réponds rien. Je le regarde me fixer sans me voir et je peux presque deviner les connections neuronales qui se mettent en place dans son cerveau intelligent. Je peux également déceler le moment exact où il comprend ce que je sous-entends. Ses yeux s'écarquillent légèrement et ses lèvres s'entrouvrent, de surprise je crois.

Il n'a toutefois pas le temps d'émettre le moindre commentaire parce qu'un énorme 4x4 rouge et cabossé de partout passe le portail de la propriété sur les chapeaux de roues et s'arrête à quelques mètres de nous dans un dérapage inquiétant. Et particulièrement bruyant. Pendant un instant, le véhicule disparait presque, dissimulé par la colonne de poussière estivale qu'il vient de soulever avant de réapparaitre dans toute sa... et bien, j'allais dire « sa splendeur » mais même en étant très gentille , je ne pense pas que le mot soit approprié pour parler de cet énorme tas de ferraille polluant et à deux doigts de tomber en miettes.

Je plisse les yeux pour essayer de distinguer quelque chose à travers le parebrise sale et soupire sans savoir si c'est de soulagement ou non en distinguant les occupants du véhicule.


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