Chapitre 6 : Le directeur
Le jour de l'attaque...
Maxence s'approcha de la porte puis frappa trois légers coups. Une voix étouffée lui demanda qui était là et il se présenta. La porte s'ouvrit alors sur Eliane, une brosse à la main, un élastique coincé entre les lèvres. Elle venait visiblement de prendre sa douche et une bonne odeur flottait dans la pièce. Maxence ne put s'empêcher de regarder sa tenue. Celle-ci bien que basique lui allait à ravir.
— Wow.
La blonde fronça les sourcils. Elle suivit son regard puis baissa les yeux sur son pantalon.
— Quoi ?
— Je trouve juste que tu es jolie.
— Une femme nous a apporté des vêtements hier soir. Il paraîtrait qu'ici tout se récupère.
Maxence esquissa un sourire.
— Cette tenue a pu appartenir à n'importe qui mais ce qui compte, c'est que ça te va bien.
Eliane parut surprise puis haussa les épaules. Elle lui fit signe d'entrer et lui expliqua qu'elle devait encore s'attacher les cheveux. Elle lui proposa donc de s'asseoir sur son lit en attendant. Le jeune homme l'observa donc se brosser les cheveux puis les réunir en une queue haute. Il en profita pour lui annoncer que les résultats de son analyse sanguine étaient là. Elle lui répondit que c'était super même si elle était persuadée de ne pas être une Luminale. Au fond, elle ne souhaitait pas en être une. Elle avait appris à se battre à Arvak. Pour elle c'était suffisant. Elle n'avait pas besoin d'être magique pour être forte. Maxence répondit que pour lui, c'était l'inverse. Il n'avait appris qu'à se battre avec ses pouvoirs. Eliane lui demanda alors comment se passaient les combats.
— Il n'y en a pas vraiment. À l'époque, c'était une vraie guerre. Mais aujourd'hui nous agissons surtout pour survivre. Nous protégeons les derniers villages Luminales lorsque ceux-ci sont attaqués mais depuis que je suis né, il n'y a pas eu de véritable confrontation. Et s'il y en avait, ma mère ne me laisserait jamais y aller.
— Tu n'es pas majeur ? s'étonna Eliane.
— Si, si, confirma-t-il. J'ai trente ans. Mais ma mère est extrêmement protectrice envers moi. Surtout depuis la mort de mon père. Cela fait des années que je m'entraîne mais je n'ai jamais eu l'occasion de me tester. Finalement, n'étant pas bon au corps à corps, je serai peut-être vaincu assez vite.
— Je peux t'apprendre si tu veux, proposa Eliane qui venait de ranger sa brosse. Sans vouloir me vanter, j'étais l'une des meilleures à Arvak. Mon plus grand rêve reste de battre Oren mais cela devrait suffire pour te faire une démonstration.
Le jeune homme accepta mais lui rappela qu'ils étaient toujours attendus au laboratoire. Elle lui fit donc promettre de la rejoindre plus tard pour un petit entraînement puis ouvrit sa porte. Elle la referma aussitôt, l'air perplexe.
— Quelque chose ne va pas ?
La blonde ferma les yeux, en pleine réflexion.
— Je croyais avoir vu... Enfin quelqu'un d'Arvak.
— C'est impossible. À moins que ce soit Oren ou Ruby qui reviennent ?
Elle répondit par la négative puis ajouta qu'elle avait sans doute confondu avant de sortir. Maxence la suivit, légèrement inquiet par sa réaction. D'autant plus que la jeune fille se figea pour de bon et il lui rentra dedans.
Il leva la tête vers elle. Son regard était rivé en direction des douches. Une jeune fille brune venait de prendre la porte menant à la sortie de secours.
— Marina ? murmura Eliane si bas que Maxence n'était pas certain de l'avoir entendu.
Lui en revanche commença à se poser des questions. Cette porte n'était jamais empruntée sauf en cas d'urgence. Il regarda autour de lui. Il n'y avait que quelques personnes autour d'eux. Quittant leur chambre ou discutant. Personne ne semblait avoir remarqué la jeune fille. Eliane fit un pas vers la porte mais Maxence la retint.
— Quelque chose ne va pas. On ferait mieux de trouver Antoine.
— Mais si c'est vraiment Marina...
— Alors raison de plus pour s'inquiéter. Crois-moi on devrait...
Eliane n'écouta pas la fin de sa phrase et se précipita vers la sortie. Maxence s'élança à sa poursuite, songeant qu'elle était visiblement insensible à toute forme d'autorité.
Il la rattrapa alors qu'elle ouvrait la porte. Il la suivit dans l'escalier. C'était la première fois qu'il l'empruntait même s'il connaissait l'existence de toutes les sorties. Il ignorait où menait l'escalier de pierre mais ne fut pas surpris de ressortir dans ce qui paraissait être une cabane. Ils déplacèrent les quelques planches bloquant l'ouverture. Eliane fut la première à sortir. Quand Maxence la rejoignit, son regard fut attiré vers la gauche où se tenait une jeune fille en tenue rouge. Eliane semblait choquée.
— Marina ? Comment... Tu t'es échappée d'Arvak ? Je croyais qu'ils t'avaient emmenée...
— En effet, répondit une voix masculine alors que la dénommée Marina ne bougeait pas d'un poil.
Les deux jeunes gens se tournèrent vers le nouveau venu. Habillé de rouge aussi, il était entouré de soldats, semblait-il, tous masqués. Avant que Maxence ne fasse quoi que ce soit, l'un des hommes lui tira dans le bras une espèce de fléchette. Deux soldats s'approchèrent ensuite et lorsqu'il voulut se défendre, il découvrit avec horreur qu'on venait de lui injecter le produit qui annulait les pouvoirs Luminales. Il lança un regard terrifié à Eliane qui se débattait également. Finalement, ils furent neutralisés en quelques secondes seulement.
L'homme sans masque s'approcha d'eux.
— Nous n'avions pas prévu de ramener deux petits enfants mais...
Il attrapa violemment le visage de Maxence pour l'observer.
— Je pense que le chef sera content.
Il se tourna vers l'un de ses acolytes qui marmonna quelque chose à propos de minutes restantes. Eliane ne cessait d'appeler Marina mais celle-ci restait de marbre.
— Ce n'est pas la peine, trésor, s'exaspéra leur ennemi. Elle n'a plus aucun souvenir. Arvak renferme les plus grands scientifiques d'Eranéïs. Les avancées technologiques ont fait un petit saut ces dernières années. Tant de projets interdits, car jugés inutiles et contraires aux traditions. Jusqu'à la création d'Arvak.
— Y a pas vraiment de quoi être fier ! rétorqua Maxence.
L'homme s'apprêtait à le contredire férocement lorsqu'un Rouge avec un masque lui tapota l'épaule. Il lui ordonna donc de descendre voir s'il y avait des survivants. Maxence enragea. Pourquoi parlait-il de survivants ? Qu'avaient-ils fait ? L'homme remercia Marina pour son travail efficace puis ordonna aux quatre derniers rouges d'emmener Eliane et Maxence jusqu'à Arvak avec Marina.
La jeune fille ne leur adressa pas un regard pendant tout le trajet à pied. Maxence ne la connaissait pas. Mais s'il s'agissait effectivement d'une amie d'Eliane, il se doutait qu'elle n'avait pas toujours été comme cela. La blonde restait d'ailleurs silencieuse. En lui jetant un coup d'œil, il s'aperçut qu'elle paraissait en pleine réflexion. Son pull était taché de terre et son pantalon déjà troué au niveau du genou sans qu'il sache comment c'était arrivé.
Maxence n'avait jamais vu Arvak. Et visiblement, Eliane n'avait jamais vu cette partie du camp. Un immense bâtiment se dressait devant eux, détonnant complètement avec la forêt qu'ils parcouraient depuis une heure ou deux. Une grande porte s'ouvrit à leur arrivée et on les fit entrer dans un vaste hall. Maxence entendit l'un des soldats murmurer à un autre que leur supérieur arrivait avec une dizaine de résistants. Il se demanda qui était ces résistants. Qu'était-il arrivé aux autres ? Il s'en voulait presque d'avoir suivi Marina. Mais il n'aurait jamais pu laisser Eliane y aller seule sachant que quelque chose de louche se tramait. Si louche qu'il se demanda comment cela avait pu se produire sans que personne s'en aperçoive. Comment avaient-ils eu l'emplacement des entrées ? Comment personne n'avait pu remarquer Marina ? Cela n'avait aucun sens à ses yeux.
On les emmena à droite une fois dans le hall puis on les enferma dans une pièce vide, extrêmement sombre. Eliane se laissa tomber à terre, les bras entourant ses jambes. Maxence constata qu'elle n'avait pas l'air si anxieux, plutôt frustré.
— Tout va bien ?
— Me voilà de nouveau prisonnière... marmonna-t-elle pour toute réponse.
— Je vois.
Il s'installa près d'elle tout en examinant le lieu où ils se trouvaient. La faible luminosité ne lui permettrait pas de créer une attaque suffisamment puissante pour détruire la porte. Cette pièce n'avait pas été conçue au hasard.
Le temps s'écoula lentement. À un certain moment, un homme en blouse et masqué entra, flanqué de deux soldats. Ils reçurent chacun une flèche anti Luminale puis celui que le jeune homme identifia comme un médecin, leur préleva du sang.
De nouvelles longues minutes ou heures, il ne savait plus trop, passèrent avant qu'on ne leur apporte de quoi manger. Eliane plissa le nez de dégoût. Elle observa la purée, ou ce qui semblait en être, peu convaincue.
— J'aurais fait bien mieux...
— Tu cuisines ? s'étonna Maxence.
La blonde haussa un sourcil, mi-vexée, mi-amusée.
— Tu penses que je n'en suis pas capable ?
— Cuisine, combat, tu es la femme parfaite.
Eliane recracha sa purée.
— C'est infect. Et toi alors, après avoir passé ta vie dans la Résistance, quels sont tes talents ?
Maxence prit le temps de réfléchir. En fait, il n'en avait pas vraiment. Son enfance puis son adolescence avaient été rythmées par les entraînements, les leçons d'histoire et les quelques moments avec sa mère. On ne lui avait pas appris beaucoup plus. Il fit part de ses pensées à la jeune fille.
— Vivre à Arvak était plutôt simple en réalité. Je n'y étais pas heureuse, mais au-delà des leçons de tirs et de combat, nous avions la forêt, et nous étions libres de nos activités entre les murs.
— Nous n'avons pas eu des vies normales, marmonna Maxence. Enfin en ce qui me concerne, car la plupart des enfants de résistants allaient à l'école ou pouvaient sortir plus librement. Je n'ai jamais pu faire comme eux. Mais finalement, vous n'étiez pas libre et vous ne saviez rien du monde extérieur alors c'est presque pareil.
Ils terminèrent, en quelque sorte, leur repas tout en continuant à faire connaissance. Ils parlèrent de leur famille, de leur enfance, de leurs objectifs. Maxence la trouvait en fait très intéressante. Elle n'était pas renfermée sur elle-même comme semblait parfois l'être Ruby, malgré les années passées, enfermée à Arvak. Il se rendit compte qu'il en savait d'ailleurs plus sur Eliane que sur sa cousine, celle-ci n'ayant fait que le questionner sur leur grand-mère sans jamais parler d'elle. Pourtant, Eliane n'hésitait pas. Et même si la situation dans laquelle ils se trouvaient étaient plutôt mauvaise, elle ne se gênait pas pour être de bonne humeur et rire lorsqu'elle évoquait des souvenirs de son enfance à Arvak avec Oren et Ruby. Ses propres histoires n'étaient certainement pas aussi intéressantes, pourtant, Eliane semblait curieuse d'en apprendre plus sur lui et sur sa vie parmi les résistants.
Il ne savait pas depuis combien de temps ils discutaient comme ça. Un homme était passé récupérer leurs assiettes à moitié pleines puis ce qui parut être quelques heures s'étaient écoulées à nouveau. Il perdait complètement la notion du temps. Finalement, quatre soldats masqués pénétrèrent dans la pièce et leur attrapèrent chacun un bras après avoir pris soin de leur réinjecter du produit. Ils repassèrent par le grand hall mais cette fois empruntèrent un couloir masqué par un escalier. On les emmena dans une grande salle au milieu de laquelle se trouvait une table. Tout autour de la pièce, des Rouges se tenaient debout, prêts à bondir au moindre mouvement. Maxence se demanda qui étaient ces gens. Sans doute des soldats envoyés par la Suprématie qui semblaient soutenir l'existence du camp. Il balaya la table du regard. Un siège vide trônait au bout. Cependant, les yeux de Maxence s'écarquillèrent en reconnaissant les deux personnes déjà présentes. Sa mère avait la tête baissée vers la table alors qu'Antoine tapotait nerveusement son assiette avec le manche de sa fourchette. On les força à s'asseoir à côté d'eux. Auxanne fut soulagée immédiatement en voyant son fils. Ses yeux trahissaient toujours son inquiétude mais Maxence la vit se détendre. Antoine ne leur accorda pas un regard.
— Maxence, chéri, tu vas bien ! souffla-t-elle alors qu'il s'installait face à elle.
— Comment vous ont-ils eu ? s'enquit-il.
— Je venais de sortir de ma chambre quand il y a eu une explosion, expliqua sa mère. Le couloir était bouché. J'ai eu tellement peur que tu sois de l'autre côté, là où l'explosion a eu lieu. Tous ceux qui se trouvaient dans leurs chambres dont Antoine sont sortis. Nous étions treize. Et plusieurs de ces hommes sont arrivés de la sortie de secours et nous ont tiré dessus avec leur produit. Ils nous ont emmenés ici mais je ne sais pas où sont les autres...
— Ils remplissent leur devoir de Luminale, intervint une voix masculine.
Ils se tournèrent vers l'entrée de la salle. Un homme en costume venait d'entrer. Auxanne poussa un cri de surprise.
— Vous !
— Je ne me souviens pas que nous ayons été présentés officiellement, s'amusa-t-il. Mais je vois qu'on vous a parlé de moi.
Il longea la table, les mains dans les poches, puis se plaça derrière la chaise en bout de table. Un sourire se dessina sur ses lèvres.
— Bienvenue à Arvak ! Ou Bon retour, pour certains.
Son regard glissa d'Eliane à Antoine qui n'avait toujours pas relevé la tête. Le visage de l'homme s'assombrit en constatant cela. Il leva les yeux au ciel puis s'installa sur sa chaise, les mains croisées devant lui sur la table. Il fit un signe de tête et cinq hommes apportèrent de nouvelles assiettes remplies de nourriture. Il leur proposa de manger. Il était apparemment plus confortable de discuter le ventre plein. Cependant, lui seul prit une bouchée de son assiette. Voyant qu'aucun des quatre ne mangeait, il haussa un sourcil.
— Ne me dites pas que vous avez des régimes particuliers ?
— Qu'avez-vous fait des autres ? demanda Auxanne avec haine.
Il posa sa fourchette et plongea ses yeux bleus glacés dans les siens.
— Leur sort sera meilleur que celui de votre époux, rassurez-vous. Ils serviront la cause des Luminales. Je les rends meilleurs.
— Comme pour Marina ? Et tous les autres du camp ? intervint Eliane, qui était livide.
L'homme ne lui répondit que par un sourire puis se tourna vers Antoine. Son expression se fit ennuyée.
— Que vais-je faire de toi, d'ailleurs ? Tu m'as trahi après tout. Après avoir volé ces échantillons du produit anti Luminale. Tu devrais finir comme tous ceux qui m'ont trahi. Tué.
— Comme votre famille ! s'emporta Auxanne. Vous ont-ils trahi pour mériter cela ?
Le cœur de Maxence accéléra. Les connexions commençaient à se faire dans sa tête. Pourtant, cela n'avait aucun sens. Mais l'expression de sa mère, la façon dont elle semblait connaître cet homme. Se pourrait-il que...
— Vous êtes... vous...
Il n'avait jamais hésité. Pourtant, les mots refusaient de sortir. Il s'agissait forcément du dirigeant d'Arvak. Mais ce n'était pas tout. L'homme parut au bord du rire.
— Qui suis-je, Maxence ? Que sais-tu de moi ?
Le jeune homme déglutit puis d'une voix plus assurée cette fois, il répondit :
— Vous êtes celui qui a tué les parents et la sœur de Kile. Et vous avez tué mon père aussi. Ils étaient votre famille.
— Alors qui suis-je, cher cousin ?
— Vous êtes Gastan Jitug, le fils de Reyam...
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