Chapitre 6 - Saturne et la lune malchanceuse
Mercure écarquilla les yeux devant la magnificence du panorama qui s'offrait à elle. Un large anneaux aux couleurs maternelles scindait le firmament en deux. Au loin, l'astre solaire éclipsait les autres étoiles. Elle plissa des yeux, comme pour mieux capter ce moment. Une sérénité inexplicable l'envahit tel un baume sur son cœur.
Fragile instant qui vola en éclat, et ce, grâce à Mars et ses fidèles jurons. L'enfant grinça des dents, songeant qu'elle lui pardonnait seulement en raison de leur mésaventure sur Jupiter.
— C'est officiel : je hais les planètes gazeuse... cracha la rousse.
Elle rejeta sa frange de cuivre d'un geste agacé qui manqua de faire exploser de rire la protégée d'Univers. Enfin, celle-ci redevint sérieuse et glissa ses doigts potelés dans la paume calleuse de son aînée. Surprise, Mars se retint pourtant de tout commentaire.
Elles marchent ainsi sans un mot, traversant le même paysage infini aux nuances de jaunes. Au loin, une étoile filante apparut. Néanmoins, aucune ne formula de vœu. La journée passa sans que le duo ne s'en rende compte. Pendant ce temps, le cerveau de la fillette fonctionnait à plein régime. Cette période de calme inespéré lui donnait la possibilité de réfléchir longuement.
Des questions affluaient au sein de ses neurones, de la plus matérielle à la plus profonde. Pourquoi Univers les avait-elle créés tous ? Pour quelle raison Vénus tournait-elle dans le sens contraire par rapport à ses semblables ? Qu'est-ce qui avait poussé Soleil à trahir sa Mère ? Comment Mars savait-elle tant de choses ? Qui étaient ces hommes nommés les Vents ?
Lorsque Mercure finit par soumettre toutes ces interrogations à la jeune femme, cette dernière eut un rictus amusé.
— Déjà, il y a des choses qui n'ont pas d'explication... J'ignore les réponses à tes trois premières questions. En tout cas, les Vents sont des êtres éphémères servant de messagers à notre frère. Ils partent de son astre, et soit se perdent dans le vide, soit trouve une surface assez réfléchissante pour les renvoyer auprès de Soleil.
Elle fit une pause, cherchant ses mots.
— Ce sont eux qui m'ont appris tout ce que je sais. Ils passaient chez moi souvent auparavant... Avant qu'ils ne me volent mon atmosphère et fassent mourir Vie et Mort... reprit-elle amère.
— Les filles de Terre ? poursuivit la petite fille, fronçant les sourcils.
Mars secoua la tête.
— Non, mes Vie et Mort, pas ceux de Terre, déclara-t-elle en guise d'explications.
— Pourquoi ont-ils fait ça ? C'est cruel...
— Oui. Il n'y a pas une raison à tout Mercure...
L'enfant retint ses larmes, et observa sa sœur. Son visage pâle, maculé de poussière, ses yeux aussi rouges que de l'oxyde de fer. Elle remarqua même une fine cicatrice près de l'oreille, habituellement cachée par ses cheveux gras et plats. Pourtant, outre ses défauts, Mercure ne put s'empêcher de penser que Mars était belle, et que plus tard, elle voudrait lui ressembler. Chose impossible bien sûr, mais cette pensé souleva une autre interrogation dans son esprit.
— Dis, pourquoi est-ce que tu es adulte et moi une petite fille ?
— Je n'en sais rien Mercure, je n'en sais rien... soupira-t-elle.
L'intéressée semblait aussi frustrée devant l'absence de réponse. Soudain, un point orangé apparut. Même en se concentrant, elles n'arrivèrent pas à déterminer la distance qui leur restait avant d'atteindre ce qu'elles supposait être le repère de Saturne.
Si le château de Jupiter n'était que décorations ostentatoires et envahissantes, celui de Saturne ne se fondait que sur des rondeurs épurées. Des dômes lisses surmontés de sphères formant des flèches reposaient au creux de murs simples, eux même enchevêtrés à chaque détour. À vrai dire, il n'y avait même pas de portes, juste des arcades paraboliques qui se succédaient.
Mercure rit intérieurement, trouvant que ces ouvertures ressemblaient fort aux narines de Mars. Une pensé aussi futile ne lui avait pas traversée l'esprit depuis longtemps, ce qui étira ses lèvres encore plus.
Les deux sœurs s'avancèrent prudemment – averties cette fois-ci. Ignorant comment leur semblable les recevrait, elles misèrent sur précaution et attention. Mars croisa les doigts, priant Univers de leur épargner une mauvaise rencontre.
— J'ai une question, chuchota la fillette.
— Encore ? pesta la rousse tout bas. C'est pas vraiment le moment...
— Pourquoi est-ce qu'on ne s'enfonce pas totalement dans le gaz de ces planètes ? Pourquoi est-ce qu'on reste à la surface alors qu'on devrait être attiré par le noyau ?
La jeune femme lâcha un soupir.
— Parce que nous sommes des planètes, et que nous sommes moins sensibles à l'attraction de nos semblables.
Cette réponse laissa Mercure pensive. Les mystères d'Univers semblaient si nombreux, si indéchiffrables. Comme une étoile inaccessible, qu'on essaye de capturer entre ses doigts à la nuit tombée.
Enfin, elles débarquèrent dans une salle de taille moyenne, épurée mais rassurante. Une adolescente aux teint pâle se tenait près d'un coin, ignorant leur présence. Sa chevelure roux claire ondulait sur ses épaules. Vêtue d'une simple robe jaune orangée, elle s'avança d'une démarche légère, un air de surprise non feinte plaqué sur son visage doux.
— Est-ce que tu vas nous tendre un piège. s'enquit la cadette, rompant le silence.
Une lueure d'étonnement parcourut une nouvelle fois les yeux dorés de Saturne.
— Non. Pourquoi est-ce que je ferais ça ?
— Pour sauver Soleil, poursuivit Mars.
L'adolescente secoua la tête.
— Je le déteste, je hais cette planète aussi. Vous pouvez compter sur moi dans votre – notre – quête.
Les trois sœurs restèrent un moment à se fixer, comme pour juger de la sincérité de l'autre. Mars semblait vouloir disséquer la jeune fille du regard. Celle-ci semblait être dénudé d'émotions. Non, elle les contrôlais plutôt. Comme si elles n'étaient des poussières, des outils qui servait ses desseins. L'âme d'enfant de Mercure vit tout cela, mais ne la mesura pas.
Finalement, le fillette hocha la tête, signe qu'elles acceptaient son aide. De toute manière, le duo – à présent trio – n'avaient guère le luxe de choisir. Pour la première fois depuis son départ, Mercure eu l'impression qu'une étape venait d'être franchie.
— Saturne, s'enquit la blonde, pourquoi est-ce que ton astre a de si grands anneaux ?
— Mercure, ce n'est pas le moment, siffla Mars agacée.
Pourtant, un rire cristallin jaillit des lèvres de la troisième sœur, où des parenthèses marquées apparurent.
— Il y a fort longtemps une comète est venue nous rendre visite. Cependant dans sa course, elle a percuté une lune malchanceuse, qui se pulvérisa. Les restes du satellite ont été attiré par la gravité et depuis, ils encerclent ma planète, conta la jeune fille.
La petite fille fut entraînée dans son imagination. Elle voyait avec précision la comète, sa traînée bleutée, puis l'impact. Des milliers de particules volant en éclat. Un monde qui gémit, avant d'expirer.
— Mes enfants se livrent bien souvent à un cruel jeu de billard cosmique... intervint un voix suave.
Le trio sursauta de concert. Une femme à la beauté inégalée les couvrait d'un regard maternel. Ses vêtements de brume colorée flottait dans l'air répandait un parfum que Mercure n'avait pas remarqué la première fois. Une odeur d'ambre...
Mars baissa les yeux, brillants de rage. Elle haïssait leur Mère. Elle haïssait Soleil aussi. Elle haïssait tout le monde. Non, pas tout le monde, rectifia son conscience. Une certaine blonde courte sur pattes était la seule qui avait la clef de son cœur.
— Changement de plan, déclara Univers, votre quête s'achèvera sur le sol de Pluton, et non dans dans le Nuage d'Oort. Soleil sait que vous allez l'attirer dans un piège.
— Il ne viendra jamais puisqu'il sait votre plan, se lamenta Mercure.
Des lèvres dévoilèrent une rangée de dents nacrée d'un rictus carnassier.
— Oh il viendra crois moi. Il vous aime trop.
— Mensonge ! explosa Mars en dégainant sa rapière. Mensonge ! Il nous a abandonné ! Et vous aussi !
Toute la tension de son corps se concentrait au bout de ses doigts tordus, serré sur la poignée. La jeune femme ne s'était jamais senti aussi... bien. Elle avait pourtant conscience de ses muscles tendus jusqu'à se déchirer, de sa vision floue, de la lame pointée vers sa Créatrice. Cette dernière ne manifesta aucun agacement, seulement une curiosité déconcertante.
— Tu sais ce qui arrivent au planètes rebelles, l'avertit sa Mère, égale à elle-même.
— Oui, marmonna l'intéressée platement.
Oh, elle ne connaissait que trop bien le sort des astres orphelins, errant loin de leur soleil suite à éjection inopinée. Les Vents lui racontaient autrefois qu'ils étaient plus nombreux que les étoiles elles-mêmes. Un frisson s'enroula le long de sa colonne. L'image de sa terre écarlate plongée dans l'obscurité la ramena à la réalité pour de bon.
— Bien, reprit Univers. Saturne ma chérie, approche.
Restée dans l'ombre, la jeune fille s'exécuta, réprimant son hésitation. Alors qu'elle s'approchait, sa Mère la saisit et l'entoura de ses bras. Son visage bienveillant lui murmura mystérieusement à l'oreille :
— Je sais.
Saturne écarquilla les yeux. Elle tournait le dos à ses sœurs qui ignorait sa détresse paralysante. Il fallait qu'elle parte ! Vite, avant d'être punie !
— Tu as toujours rêvé de quitter cet endroit. Mais crois-moi, si tu délaisses la mission que je vous confie, tu finira au fond d'un trou noir. Ou pire, mais tu n'aimerais pas savoir, susurra-t-elle.
La rousse hocha la tête et déglutit avec difficulté. L'étreinte étouffante se desserra. Enfin, Univers s'évanouit comme un nuage retombe.
Mercure tendit timidement ses mains potelées à ses semblables – encore secouées par leurs mésaventure respectives. Alors que leurs peau se touchaient, l'enfant formula son souhait. Nous voudrions aller sur Uranus.
Et le trio fut transporté par l'habituelle tempête.
☼
Bonjour/Bonsoir !
J'espère que vous aurez aimé ce chapitre, bien qu'il soit un peu calme comparé aux autres (contrairement aux suivants mouahahahaha).
Merci à tous ceux qui votent, commentent, apportent leur avis. Vous êtes adorable, et vos commentaires me vont droit au cœur. Vraiment, je suis hyper contente d'avoir des retours sur cette histoire, qui fête déjà ses 100 vues. Merci beaucoup !
Bonne soirée, et comme d'hab', à la semaine prochaine !
Cassandre
PS : Pour les amateurs du système solaire, je rappelle qu'un recueil de petits poèmes sur chacune des planètes est disponible sur mon compte, il s'agit de Solar system. A plus !
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