Chapitre 2 - Vénus et le manteau de lumière
Pour Mercure qui n'avait jamais connu la plus légère brise, la tempête perpétuelle dans laquelle elle se tenait pouvait s'apparenter à un véritable enfer. Des gouttes d'acides lui balayait le dos douloureusement tandis que chaque pas demeurait une torture. Fort heureusement, le relief quasiment plat de cet astre facilitait son avancée pénible.
Elle ne voyait rien, remettant son sort entre les mains du hasard. Le jaune, le beige et l'orangé se partageaient son champ de vision. L'enfant épongea une énième fois son front luisant de sueur. Il faisait terriblement chaud ici, bien plus que dans l'hémisphère brûlante de sa planète natale. Ses vêtements collaient à sa peau moite. Son corps de plomb progressait petit à petit.
Mais où aller ? Son voyage commençait mal. La petite fille voulut lâcher un soupir mais se retint, ne gaspillant aucun effort. Sa salive pâteuse avait du mal à se frayer un passage dans sa gorge irritée. Et si elle échouait ? Que ferait Univers ? Elle frissonna malgré la chaleur torride, se souvenant du sort des planètes orphelines, des corps éjectés de leurs systèmes et qui erraient, loin de toute étoile.
Soudain, Mercure trébucha sur ce qu'elle supposait être un caillou. Ses pieds nus s'emmêlèrent dans le bas de sa robe. À quatre pattes sur le sol, l'enfant jura. Elle qui était d'un naturel calme sentai ses nerfs s'échauffer. Maudit soit cet endroit ! Bientôt, sa colère s'amplifia tandis qu'elle se démenait pour se relever, en vain.
— Vénus !!! s'époumona-t-elle. Où es-tu bon sang !?
Peut-être qu'elle avait reçu le même ordre, qu'elle était partie vers d'autres horizons. Non ! Sa sœur ne pouvait pas lui faire cela ! Sa semblable l'avait forcément attendu. Cependant, le doute la taraudait. Comment pouvait-elle prédire les actions de quelqu'un qu'elle n'avait jamais aperçu ou connu ? La colère s'estompait face à la panique qui la gagnait. Elle serait retenue ici par les éléments pour l'éternité, sans avoir accompli sa quête. La fillette poussa un cri de désespoir qui s'évanouit quelques instants plus tard.
— Je veux rentrer ! Tant pis si Univers n'a pas sa vengeance envers Soleil ! Tant pis si Univers m'exile dans un trou noir ! Tant pis si je reste jusqu'à la fin dans mon chateau de fer. Après tout, ce sera moi la première à mourir lorsque mon frère agonisera !
Elle éclata d'un rire amer. Cela ne lui ressemblait pas...
— Mon seul réconfort, c'est que sa géante rouge aura aussi ta peau, ma chère sœur. Comme ça je ne serait pas la seule à brûler.
Tout à coup, le sol se déroba, l'entraînant dans une chute d'environ deux fois sa taille. Elle atterrit brutalement, et aurait juré avoir senti ses os se briser. Mercure cilla ; ses yeux étaient de nouveau opérationnels. Elle se redressa, observant les alentours.
L'enfant se trouvait dorénavant dans un tunnel au toit effondré, signe de son passage fracassant. Plusieurs boyaux sombres s'offrait à elle, et s'enfonçaient dans les profondeurs. Revigorée, elle s'autorisa une inspiration avant de marcher vers une ouverture.
Une ombre passa furtivement derrière elle. Un bras lui enserra le cou. Elle eut juste le temps de remarquer une manche couleur safran avant de se débattre jusqu'à ce que son adversaire lâche prise. Ce dernier vaincu à force de coups, rampa puis s'élança dans les ombres. Mercure n'hésita pas, et pénétra dans l'obscurité à son tour.
Son assaillante – sa chevelure souple et féminine l'avait trahie – était sans doute Vénus. Mais pourquoi avait-elle agressé sa cadette ? Tout ceci n'avait pas de sens... À moins que l'aînée ignore l'identité de la petite fille. Celle-ci se heurtait sans cesse aux parois rocheuses, se guidant grâce aux pas précipités de sa semblable.
Soudain, elles débouchèrent une à une dans une grande salle illuminée par des flambeaux. Ces torches se constituaient en réalité de pierres lumineuses qui diffusaient une lueur dorée. Bénéficier d'une vue intacte rassurait Mercure, mal à l'aise dans le noir.
La seule issue était maintenant bloquée par la fillette blonde. L'autre fit volte-face, une expression indéchiffrable gravée sur son visage de marbre à peine marqué. Ses cheveux bruns et raides volèrent un instant. Elle était vêtue d'une robe ample aux coloris de son astre. Des losanges laissaient voir sa peau au niveau des bras. Des tâches de rousseur pigmentaient son nez retroussé. Vénus paraissait être une femme d'une quarantaine d'années, ayant conservé sa beauté ainsi que son attitude gracieuse.
Cependant quelque chose perturbait sa cadette ; ses prunelles, remplies d'un éclat de folie.
— Qui es-tu ? siffla Vénus
— Je suis Mercure, ta petite sœur, expliqua l'intéressé
Un rire déséquilibré retentit. Le corps de la brune se contorsionna dans un angle étrange, ses mains tressautaient nerveusement. L'enfant fronça les sourcils. Que lui arrive-t-il ? se questionna-t-elle intérieurement.
— Une sœur ? s'amusa l'aînée, l'air hystérique. Je n'ai pas de sœur ! Rien qu'un frère. Oh Soleil, où es-tu ?
Elle avait dû subir le même sort que la petite fille, néanmoins, pourquoi ne connaissait-elle pas l'existence des autres planètes ? Puis, Mercure compris.
L'atmosphère.
Elle était trop épaisse et opaque pour y voir le ciel. Vénus ne pouvait apercevoir les étoiles, ni les astéroïdes, ni les comètes, ni l'astre solaire, ni rien. Son monde était un vide absolu. Rien d'étonnant à ce qu'elle ait perdu la raison. L'enfant réalisa qu'elle n'avait pas été si mal lotie sur sa boule de poussière grisâtre. De plus, son aînée ne disposait pas de compagnie, pas même celle d'un droïde rouillé.
Pendant ce temps, cette dernière psalmodiait le nom de Soleil inlassablement. Comme-si ces six lettres pouvait la sauver, lui donner une raison de vivre. Un filet de bave était apparu au coin de sa bouche, à force de parler. Ses gestes mécaniques se réduisaient à de vagues signes désespérés en direction du plafond aux contours irréguliers.
Bientôt, les mots difformes sans queue ni tête de Vénus furent remplacés par des hoquets mêlés aux sanglots. Mercure n'y comprenait plus rien. Interloquée, elle fit un pas avant de s'arrêter net. L'absence de raison semblait la contaminer, la pétrifiant tel un venin. Tout à coup, le visage d'Univers surgit dans son esprit, tel un électrochoc. L'enfant secoua la tête. Elle devait convaincre Vénus de l'accompagner dans sa quête.
Mais sa sœur ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Lorsque la fillette s'approcha pour l'aider à se relever, elle reçut un violent coup au niveau du visage. Le souffle coupé, son nez brûlant piquait affreusement. Un goût métallique se répandit sur ses papilles. Un liquide poisseux gouttait sur ses lèvres. Son cerveau lui donnait l'impression d'avoir effectué une révolution en à peine une poignée d'heure. Le sol vacilla.
— Je sais pourquoi tu es venue, cracha la brune dans un élan de lucidité. C'est la Menteuse qui t'a ordonné d'assassiner Soleil.
— Mais, protesta sa cadette, je ne veux pas tuer...
Un hurlement de rage l'interrompit. Remplis de haine, une paire de globes oculaires injectés de sang la fixaient sans ciller. La petite esquissa un mouvement de recul, effrayée par tant d'animosité.
— Tu ne toucheras pas à un seul de ses cheveux !
— Pourquoi ? questionna Mercure, impassible.
L'autre parut déstabilisée, puis se reprit.
— J'ai peur de le perdre... murmura-t-elle si bas que l'enfant cru l'avoir imaginé un instant.
En soupirant, Mercure fut forcée de constater que la folie la dominait de nouveau.
— Peur de perdre Soleil ? Mais il a trahi Mère, et c'était son choix ! objecta l'enfant.
— Non, ricana l'aînée.
Enfin, d'un air infiniment peiné, elle ajouta :
— Je ne veux pas perdre mon manteau de lumière... Je ne veux pas voir les étoiles.
La fillette cilla. Observer les astres lointains avait été sa seule occupation, et elle ne pouvait envisager le fait de vouloir vivre sans leurs regards rassurants. Une chose était claire : Vénus ne partirait pas. Univers avait-elle seulement précisé de rallier toutes les planètes dans sa mission ? Gagnée par l'appréhension, ses doutes se renforçèrent. Sa quête était déjà terminée. Inachevée pour être plus exact.
Distraite, la petite fille ne vit même pas Vénus tirer des plis de ses habits une fine lame. Celle-ci se logea dans le ventre de la petite fille avant qu'elle n'ait pu articuler quoi que ce soit. Paralysée par la souffrance, un cri déchirant s'éleva. La poussière du sol se mélangeait à l'hémoglobine pendant que les genoux de Mercure se dérobèrent sous elle.
— Je t'empêcherai de lui faire du mal ! scanda la brune, victorieuse, avant d'entamer une danse sacadée.
L'enfant tombée à terre se recroquevilla, habitée par la douleur. Le monde s'était arrêté, les différents tissus formant sa peau la tiraillait violement. Inerte, elle sentait sa vie lui échapper entre ses doigts salis. La flaque écarlate sous elle croissait dangereusement. Un rire lui vrillait les tympans, résonnant dans son cerveau. Il fallait qu'elle quitte cette maudite planète, fuir loin loin de sa sœur ennemie. Celle-ci avait clairement choisi son camp.
Ailleurs !!! Emmène-moi ailleurs... s'il te plaît... Je ne veux pas mourir ici... hurla Mercure à elle-même. Je souhaite aller sur Terre... Heureusement, sa demande aussitôt formulée, un tourbillon multicolore l'emporta alors que les ténèbres l'engloutirent.
☼
Bonjour ! Voici le deuxième chapitre de Royaume solaire.
J'espère qu'il vous aura plu, n'hésitez pas à dire ce qui ne va pas en commentaire.
Bonne journée à tous ! Et à la semaine prochaine pour le chapitre 3.
Cassandre
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro