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Rouge Gorge


Cet OS est issu du projet commun de Calendrier de l'Avent datant de décembre 2018. Il s'agit donc de la republication d'un texte inspiré par le fanart ci-dessus, que vous pouvez toujours trouver sur le compte de Lyuushi dans le recueil "Inspiration".

N'hésitez pas à aller jeter un coup d'œil. C'était un très beau projet avec des autrices toutes très talentueuses.

Bonne lecture 🌻



_________________





Hôpital de mon cœur
Clinique de ma vie
Ce n'est pas vraiment un hôpital
Ce n'est pas vraiment une clinique
C'est juste moi
(Et toi)
Et toutes nos choses brisées.






    Le bourdonnement, puis le cliquetis, puis le fracas et puis le brouhaha. Ce sont les premiers bruits que j'entends. On roule depuis des kilomètres dans cet endroit froid. Ou bien, ça ne fait que  quelques minutes. Ou bien juste un instant. Je n'arrive pas à me rappeler. Le cliquetis des roues, les morceaux de métal qui se cognent les uns contre les autres, le son des pas, et des voix, et puis moi. 

    « -C'est une urgence type sanglante ! On se bouge ! »

    J'ouvre les yeux et je vois les néons blancs qui défilent sur le plafond. J'entends le brancard qui avance à toute vitesse dans ce couloir qui pue l'asepsie. Et ils sont tous là. Les médecins dans leur blouse blanche impeccable. Tout est beau et parfait. Et eux, ils ont l'air pressé. Et moi, j'ai mal. J'ai mal. Je crois que je n'ai jamais eu mal comme ça. Et je crois que je me suis mis à pleurer, parce qu'on m'éponge partout sur le visage. Et j'ai mal. 

     « -On l'emmène en salle de réanimation.

     -Qu'est-ce qu'il a docteur ? 

    -Une sale lésion...

    -Ah bon ?

    -Oui, il a le cœur brisé. »

     Voilà. J'ai mal là. 

     Au cœur

     Je suis sûr que ça saigne de partout, que ça coule sur le sol, que c'est rouge, que ça brille et que j'ai mal. Et le plafond défile. Défile. Défile. Puis soudain s'interrompt. Une porte s'ouvre. Puis se referme. J'entends les battants qui flottent dans le vent. Les pas ralentissent. Les pas s'arrêtent. Les voix se taisent. Le vide m'entoure. Je m'enfonce dans le silence aussi brutalement que si c'était l'océan. J'attends un instant. Un long instant. Plus rien ne vrille, plus rien ne tangue, plus rien autour de moi. Quand je me redresse sur ce brancard inconfortable, il n'y a personne. Rien que moi. Moi, dans une salle aux murs blancs délavés, aux fenêtres couvertes de rideaux troubles, au carrelage presque propre. Moi, et cette vaste étendue effrayante de calme. 

     Un autre instant, je laisse mes jambes pendre au dessus du vide frais et clair. Quand mes pieds nus rencontrent le sol, ça fait l'effet d'un lac couvert de glace. Je tiens debout, mais j'ai mal. Autour de mon poignet, un bracelet. C'est écrit en gros et en noir sur blanc « Park Jimin ». C'est moi. Dans un mur, une porte. Au dessus c'est écrit en gros et en rouge pétant « PEINE DE CŒUR : RÉANIMATION. » Je suis debout, je marche, mais j'étouffe. Devant cette grande porte d'hôpital grise, je tends la main. J'en caresse la surface. C'est long, c'est lent, et c'est gris. Depuis l'autre côté, pas un son. Peut être qu'il n'y a rien. Peut être qu'il y a tout. J'y pose mon oreille. Non. Toujours rien. Il faut que j'avance. Alors mon bras pousse contre la porte de toutes les forces qu'il lui reste. Et soudain une lumière pâle m'engloutit tout entier. 


     Tout et rien. Toi et toi-même. Moi et nous. Oh, regarde.


    La porte claque. Je regarde tout autour de moi. Long couloir, mur couleur crème, une belle arche tout au bout, et une salle tellement claire qu'on la croirait transparente. Sur la table en pin, des fleurs sont en train de mourir. Ce n'est pas un hôpital. Non. C'est notre appartement. Et c'est si calme. Oh ce calme que je reconnais trop bien. Il me fait chanceler l'âme. Elle est passée où la musique ? Elle est passée où notre fureur ? Ton besoin de remplir chaque millimètre de bruit ?

    Du bruit. J'entends l'eau du robinet couler au loin. Alors je marche. Mes pieds sur le parquet sont presque immatériels, mais quand je m'arrête dans l'embrasure de la porte ouverte, je peux sentir la lumière du soleil me recouvrir le corps. Quelqu'un se remplit un verre d'eau en contre-jour, puis coupe le robinet et attend, le souffle court. Quand il expire, chaque muscle semble sur le point de le laisser tomber. Mais étonnamment, il tient debout, se retourne et retraverse la cuisine. 

    Ce quelqu'un c'est moi. Je me passe devant. Sans me voir. Sans rien voir. Et m'observant passer ainsi, je comprends soudain le sens du mot fatigue. Mon autre moi part s'asseoir dans la pièce d'à côté, derrière l'arche, avec la plante expirante. Il regarde les arbres derrière la fenêtre, des arbres qui montent aussi haut que notre étage, et ne bouge pas. Il ne boit même pas. 

    Tu sais, je n'ai jamais trop aimé cet appartement. Trop propre. Trop clair. Trop bien

    Et soudain tu es là. Tu rentres dans la pièce. Tu passes à côté de moi mais je n'existe pas. L'autre moi n'existe pas davantage. Plus rien n'existe. Je vois ton dos abrupt et beau couvert de ce t-shirt gris et morne. Tu t'arrêtes devant la fenêtre. Je ne sais pas ce que tu fixes. Peut être rien. Peut être tout. Pas moi. Pas nous. On ne se jette pas un regard. On ne se dit pas un mot. Et aussi vite, tu repars. Tu retraverses le couloir. Et je te vois fermer la porte de la salle de bain derrière toi. Et je me vois qui te regarde disparaître au loin. Et je comprends soudain le sens du mot expirer

     Comme si je ne l'avais pas compris avant. 

     Ce silence. Ce calme. Cette clarté. Et cette non-existence. Je ne peux plus respirer. 

    Alors je marche, je marche encore. J'avance jusqu'à la salle de bain. J'appuie sur la poignée. Je tire. J'ouvre la porte. Et d'un coup, l'ombre de la nuit m'éclabousse. 

    Au départ tout n'est qu'éclats de couleur flous, basses vibrantes, motifs qui se mélangent. Et alors je vois les espèces de rayons laser verts qui se dessinent dans la brume moite. Je vois les écriteaux en néons démodés sur les murs. Je reconnais un de ces vieux clubs rétros, ni trop branchés ni vraiment démodés. Les gens ne sont que des ombres qui nagent au ralenti. Je me fraie un chemin entre leurs corps unis, désunis, brisés, reconstruits. Et au milieu de cette cacophonie splendide, nous sommes là. Toi et moi. 

     Tu enroules tes bras autour de ma taille, me soulèves du sol et me serres contre toi. Accroché à ton cou, j'oublie chaque micro-pièce d'existence de la vie qui nous entoure et qui se propulse contre nous. Et toi tu me regardes comme si j'étais la chose la plus importante au monde. Les lumières tremblent sur ton visage. Je me dis qu'elles t'aiment autant que moi. 

    TaeHyung. 

    T'y crois à ça ?

    Je nous vois et j'ai l'impression que tout s'éteint à l'intérieur. Mon cœur se crache encore contre les parois de mon squelette. Ça glisse, ça coule, ça coagule, ça submerge tout. Tu me regardes encore. Il faut que je sorte d'ici. Il faut que je sorte d'ici. Il faut que j'inspire l'air glacial de l'hiver. Je rejoins la sortie arrière et pousse contre la porte trop lourde pour moi. Mais ce n'est pas l'hiver, ce n'est pas la nuit, ce n'est pas le froid. C'est le soleil, et il brûle. 

     Je suis sur le toit d'un bâtiment moderne et blanc. La ville tombe au loin, comme attirée dans le creux d'une fente. Je reconnais le toit du musée où je travaillais comme gardien l'été pour payer mes études. Je me vois appuyé sur le bord du balcon à la fin de la journée, les mains qui se baladent sur la peinture claire. Tu arrives comme dans un souffle. Comme si tu étais là depuis toujours. Ta main se balade aussi sur le blanc. Puis ton index se pose sur le mien. Je crois que tu trouvais ça drôle. Je te regarde. Tu me regardes. L'été t'allait bien. Et alors tu me dis :

     « -Je te ramène chez toi ? »

     Et moi je ris. Mais moi le soleil me fait mal. Alors je nous laisse là et je fais demi tour. Dans le musée, des grandes œuvres avec des grands murs et un amour du silence quasi-religieux. On est encore là. Dans chaque salle. Dans chaque coin. Devant chaque chef d'œuvre. C'est nous. Et on s'aime encore. Parfois à quelques mètres l'un de l'autre, on marche dans une vaste salle presque vide. Et puis je prends un tournant. La peinture est rouge, on se regarde. Une autre salle encore. Interminable couloir de statues, et ta main dans la mienne. Des fresques immenses au plafond, tes yeux sont un puits sans fond. Tous ces souvenirs en si peu de temps. Il faut que je trouve la porte de secours. Il faut que je passe de l'autre côté. Mais quand j'y arrive, de l'autre côté, c'est la rue. 

     Je suis sur ce trottoir ensoleillé et la route descend franchement. Ici, les voitures étincellent sous le soleil. Je vois ce monde qui éclate de couleurs. Puis, dans un coup de vent, je nous vois. Toi, presque debout sur la selle de ton vélo, et moi, assis sur le porte bagage assez haut pour que mes mains s'accrochent à ta taille. On dévale la pente, avalés par la ville. Sûrement que tu me ramènes chez moi. Les avions passent toujours dans le ciel. Et moi je traverse la route. J'arrive à l'ombre. Je pousse la porte du premier magasin venu. Et puis la cloche n'a même pas le temps de sonner que ce n'est plus un magasin. 

     Les tambours tournent derrière les hublots. Il fait à nouveau nuit derrière les vitres. Je ne sais pas si c'est l'hiver, mais sur les murs il y une grande tenture délavée, couverte de montagnes et de conifères enneigés. Il est tard et il n'y a plus personne dans la laverie. Juste toi assis sur le banc en plein milieu, et moi assis contre toi, la tête posée contre ta large épaule. Je regarde nos dos et je m'y perds. Puis je regarde les vêtements qui tourbillonnent dans la machine et je m'y perds aussi. Tous ces souvenirs réunis ici. Et je sais qu'on s'aimait. Et je sais qu'on allait s'aimer encore. Et que c'était beau. Mais qu'il y a cette porte au fond de la salle, et je sais qu'il faut que je continue. 

     Quand je me retrouve de l'autre côté, je manque de trébucher sur un tas de bouquins. Ici, on ne voit presque plus le parquet. C'est notre première maison. Loin de la ville. Parce que c'était moins cher là bas. Elle était petite et un peu vieille par endroit. Mais on avait de la couleur sur les murs. Du jaune dans la cuisine, du rouge dans le salon et du bleu ciel dans la chambre. On avait des couchers de soleil interminables qui dessinaient des fenêtres immenses sur le sol. On avait nos trucs qui n'étaient jamais jamais rangés. On avait juste assez de place pour danser. On avait nos fleurs pleines de couleurs. Et puis tu pouvais peindre. Et moi je pouvais te regarder peindre. Toi et tes étranges mais splendides tableaux. Tout ici disait « nous ». Je le sens encore. 

     Dans la chambre à l'étage, on avait posé un matelas sur le sol et le lit n'était jamais fait. Tes peintures trônaient un peu partout, même pas accrochées, mais fortes contre les murs pâles. On est allongés dans les couvertures, sous notre grande fenêtre qu'on laissait ouverte tout le printemps et tout l'été. Tu fumes tes cigarettes. Et moi je peux poser mon oreille sur toi. Écouter ton cœur battre à travers. Sentir ton souffle me remuer tout entier. Ma main caressant tes côtes. Comme ça, je pouvais dormir n'importe quand, sans avoir plus peur de rien. Tu étais l'endroit le plus sûr du monde. Alors je te dis que je t'aime. Et tu me dis que tu m'aimes aussi. Dans le jour, dans le soir, dans la nuit. 

     Une brise court dans la pièce. Je m'en vais. 


     Avec toi, là, comme ça, c'était chez moi.


     Après ça je déambule à travers la ville nocturne. Il ne fait ni chaud, ni froid. Je ne sais pas si je marche longtemps car je ne suis pas sûr que le temps existe encore vraiment. La ville est haute. Avec ses tours, avec ses ponts, et ses panneaux. Ce soir là, les lumières étaient si vives qu'on se serait crus dans un film. Je nous aperçois sur la grande avenue déserte. On est illuminés par le bleu de la ville et le orange des lampadaires. On tourne dans tous les sens et on rit. On rit beaucoup parce qu'on est un peu soûls. On danse dans la rue, et puis tu me soulèves dans tes bras, et dans ces moments je me sens comme quand on a fait l'amour pour la première fois. Je sens que tout existe. Et je sais que je suis en vie. 

     Je nous dépasse. J'avance encore. Je nous vois dans une autre rue. Appuyés à un lampadaire, on s'embrasse. Je continue. On fait la course entre les voitures. Je vais dans le sens inverse. Je remonte tout. Je déconstruis tout. Pierre après pierre. Finalement j'arrive devant ce bar où on traînait souvent. Avant. Tu bois ta bière sur la terrasse illuminée par la lune. Et moi je me noie dans ta veste. Je nous jette un regard, puis je rentre. 

     Le bar c'est la maison de tes parents. A chaque fois, c'était comme être projeté dans ta vie d'avant. Et je sais que c'était pas toujours facile pour toi. Les photos sur les murs. Les fleurs artificielles. La télé allumée toute la journée. Tu te tenais souvent à côté de la baie vitrée, comme prêt à t'enfuir. Tu as toujours dit que c'était pas chez toi ici. Et qu'eux ils avaient jamais compris. Les subtilités de ta vie. Tu es debout en ce moment, en train de regarder le soleil à travers les rideaux blancs. Ta mère lit le journal. Ton père est dans le canapé, figé devant son émission préférée. Moi je t'observe. Au cas où tu partirais en courant, et que je doive te suivre. Quand tu te tournes vers moi, je te souris. Je te souris autant que je pouvais te sourire. Et tu prenais tout ce que je pouvais offrir. Et maintenant je comprends que t'attendre comme ça et te sourire d'un air rassurant, c'était pas suffisant. Pour guérir toutes ces blessures que t'avais bien empirées avec le temps. 


    Mais TaeHyung, qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ?


     Je crois que j'en ai encore beaucoup à traverser, des couloirs. 

     D'ailleurs au fond de celui de tes parents, il y a notre deuxième maison. Sans étage mais avec de plus grandes fenêtres, un plus grand matelas sur le sol, un plus grand jardin, et des fleurs plus fleuries qu'avant. C'est qu'on travaillait plus dur à ce moment là. Toi tu peints et il y a des traces de ton bleu de Chine sur les bâches qui recouvrent le sol. Je m'accroche à ton dos et il y a ma peau contre la tienne. Tu m'embêtes et on se bat. Pour s'amuser. J'ai du bleu de Chine sur les bras, dans le dos, et sur le menton. Ton rire résonne dans la salle. T'allais dessiner des étoiles. Je m'en souviens. Mais je peux plus te regarder. Je peux même plus essayer. 

     Dans la chambre, tu fumes tes cigarettes. Je suis allongé, à moitié dans les draps, et je lis un livre. Tu es beau avec ta chemise ouverte. Tu penses beaucoup. Tu penses trop. Mais quand c'est fini, tu me regardes. Et tu as l'air content. Bleu de Chine. Puis tu vas jusqu'à moi, tu t'approches, tu caresses mon visage du bout des doigts et tu dis :

     « -Tu te souviens quand je t'ai dit qu'on irait voir la mer ? »

     Alors je retraverse la maison, je vais jusqu'à la porte arrière, je tire sur la poignée et soudain c'est la mer. Le vent, le sel, le bleu, le vert. Des falaises, des vagues, du blanc, la mer. Et puis le ciel, gris. Mais magnifique. On savait pas trop où on allait. On s'en foutait. On a pris ta voiture et on a roulé le plus loin possible. Je marche dans les vastes étendues d'herbe et de plantes étranges. Je redescends la pente douce, pas après pas, jusqu'à la plage. Sur le sable humide et froid, il y a la trace de nos pieds. Et on danse. Et les vagues sont terrifiantes, faites d'écume et de rage. Les nuages sur les nuages font des drôles de formes dans le ciel. On se balade. Sur la berge. Dans la ville un peu déserte. Jusqu'à la chambre qu'on payait trois fois rien. Là bas, on lisait, on parlait, on s'aimait, et parfois on ne faisait rien. C'était bien. 

     Et puis.

     Je ne sais plus combien de temps ça a duré. Je ne sais plus ce qui est arrivé. Je ne sais pas pourquoi. On souriait un jour. Et le lendemain plus rien. C'était comme une sorte de chaos. Plus de maîtrise, plus rien. Une tempête pleine de sel sur nos rives. Oh c'est dur à dire. C'est dur à dire la colère mon amour. Parfois je ne pouvais plus parler. Parce que les mots n'avaient plus de sens. Je nous vois tous les deux au loin dans cette ruelle. Il fait nuit sur les dalles de pierre. Je serre mes bras autour de moi-même, pour ne pas mourir de froid, pour ne pas me casser en deux. Je marche en plein milieu de la route. Tu ne marches pas loin derrière. Non, je ne sais plus, c'est arrivé comme ça. On était en colère. Et on s'engueulait. Quand tu criais, je criais plus fort. Et ça ne s'arrêtait jamais. Enfin, si. Ça a fini par se terminer. Je nous regarde nous éloigner au loin. Je n'ai pas la force de marcher après nous. Alors j'attends. De nous voir disparaître. 


     Il y avait une faille dans notre petit palace. Ça s'engouffrait dedans. J'ai pas voulu voir.

    Mais c'était irrattrapable.


     Et puis. Et puis après, la tempête s'est résorbée. Le vent était calme, docile. Presque plat. Quelque chose avait changé. 

     Quand je retourne dans notre maison, des carrés de lumière se dessinent sur le sol. Je suis allongé en plein dedans. Je lis un livre sans le lire vraiment et les rayons me font plisser les yeux. Toi, tu es assis en tailleurs, pas très loin. Tu fixes la grande toile vierge. 

     Et tu ne sais pas quoi peindre. 

     Je sors de la maison et arrive en plein milieu d'une fête organisée dans l'appartement d'un de nos anciens amis. Les gens dansent, les gens parlent, je t'observe de loin, tu bois. Mais tu ne t'amuses pas. Ça arrivait parfois. Et tu t'appuyais sur moi quand je te ramenais chez nous dans la nuit. Alors, je m'accrochais à ton corps de toutes mes forces. Et j'avais froid. Si tu savais. 

     Dans notre chambre, dans l'ombre presque noire, je ne dors pas. Contre ta poitrine nue, quelque chose me fait peur. La fenêtre est ouverte, et j'ai froid. A ce moment là, on faisait encore l'amour. Mais ça avait quelque chose de systématique. Et alors, je ne suis plus tellement sûr que tout existe. Exceptée l'attente. 


     Parfois je t'attends. Parfois tu pars. Parfois je ne sais pas où tu es.

    Parfois tes absences m'assourdissent. Et parfois tes silences me tuent.


     La porte suivante m'inonde le corps. Je sors de la station service et vois ta voiture garée un peu plus loin sur le parking. Il pleut averse mais je ne sens plus rien. Et comme c'est le soir, le ciel et les nuages ont une étrange couleur. Le monde est devenu violet. Je te vois claquer la portière et marcher jusqu'à la station. Tu me passes à côté mais je suis invisible. Tout ce que tu voulais c'était un autre paquet de cigarettes. Je me souviens être resté dans la voiture et d'avoir attendu encore. Je me souviens du bruit des gouttes d'eau sur les vitres. Je me souviens de l'auto-radio éteinte. Je me souviens de ce ciel bizarre. Je me souviens des lumières au loin. C'était comme si je comptais un à un les mètres qui nous séparaient et que je savais que les traverser était trop dur, mais que je refusais, refusais, refusais d'y croire. De croire que tout ça, c'était vrai

     On s'aimait. Comment ça aurait pu ? 

     Mais dans cette voiture, dans cette pluie battante, dans cette tombée de nuit interminable, j'étais seul. Indubitablement seul. Soudain, même quand tu es là, tu me manques. Soudain, même enfermé dans tes bras, j'ai froid. Soudain, même quand je suis déjà chez moi, j'ai envie de rentrer chez moi. Et maintenant, je comprends. 

     Lorsque je remets les pieds dans notre salon, je me vois allongé sur le canapé, les yeux rivés sur les fenêtres et sur tes toiles blanches laissées à l'abandon. Tu joues quelques notes au piano, un peu plus loin. Tu réfléchis. Puis tu dis :

     « -T'as jamais voulu retourner vivre en ville ? »

     Alors, je me redresse, je me tourne vers toi, et je te souris. Je voulais que tu sois heureux. Plus que n'importe qui en ce monde, je voulais que tu te lèves, que tu peignes, que tu vives. Je t'aurais fait boire jusqu'à plus soif, même si cela signifiait assécher mon corps jusqu'à la dernière goutte. Et c'est ce que j'ai fait. Je me suis asséché jusqu'à la dernière goutte. 

     Alors voilà, on a déménagé en ville, dans un appartement aux grandes baies pleines de lumière, aux affaires bien rangées sur les étagères, au joli bouquet prêt à faner lentement. Mais à mesure que le soleil tombe derrière le ciel, derrière les nuages, derrière la vitre, tout s'affaisse. Tes absences se sont allongées, intensifiées, éternisées. Puis tu as arrêté de me toucher. Tu as arrêté de me parler. T'as même fini par arrêter de me regarder.

     Et moi, comme les fleurs, je mourais sans cesse. 

     Quand je pousse la porte d'entrée, c'est le soir. C'est orangé. Un peu terne. Comme la peau d'une pêche. Pas un bruit. J'entendrais presque mon corps qui n'existe pas effleurer le sol de la plante de ses pieds. J'avance lentement dans les couloirs vides. Dans notre passé. Dans notre rien. Dans notre vie qui n'est plus vraiment une vie. Et tu es parti. Je caresse les murs nus. Tout a l'air si vrai. Le couché de soleil, les meubles vides, les cartons sur le sol, les fleurs mortes. Sauf moi. Je me vois assis sur ma chaise, tourné vers cette dernière lumière, regardant dehors sans rien voir. Alors je marche jusque là, je m'agenouille à mes propres pieds et scrute mon propre visage. Étrange. 

     On dirait une autre personne. 

     Alors je pose ma main sur la sienne, prends une inspiration, et dis :

     « -C'est tout. »

     Rien ne bouge, rien ne voit, rien ne sent sur ce visage triste. 

     « -C'est fini. »

     Dans ces yeux, j'aperçois encore l'image de la mer, et de la nuit, et des tableaux bleus. 

     « -T'as assez retenu ton souffle. Expire maintenant. »

     Et tout s'écoule lentement. 

     « -Tu peux pas vivre comme ça. »

     Jusqu'à la dernière goutte.

     « -Personne peut vivre comme ça. »

     Enfin.

     « -Il faut partir maintenant. »

     Et pendant une fraction de seconde, alors que je me vois, dans un élan de vie, détourner les yeux, j'ai l'impression de croiser mon propre regard. Peut-être que j'ai rêvé. Peut-être que rien de tout ça n'existe. Mais soudain, comme une décharge électrique dans mon thorax, ça me fait sourire. Et il faut partir. Alors je me redresse, je retraverse le salon, retraverse le couloir, jette un œil dans la cuisine, passe devant la porte d'entrée, voit la porte entrouverte de la salle de bain, m'arrête devant celle de la chambre. Je peux presque entendre mon cœur battre à travers. Alors j'en caresse la poignée. Ne bouge plus. Souffle. Et tire. 


     Quoi qu'il arrive,

    Je m'ouvrirai à cela.


     Le salon est bruyant, festif, retourné, renversé, tout ce que vous voulez. Ils jouent de la guitare, de la basse, du piano. Les autres dansent, trébuchent contre la table basse, poussent encore plus les meubles contre les murs. Il faudrait agrandir la maison. Mais elle est déjà si grande. Dans la cuisine, ils s'embrassent, mais finalement ils n'ont pas envie. Alors ils se repoussent et ils s'en vont. Les guitares jouent plus fort, les basses, les gens aussi. Moi, j'erre dans tout ça. Dans ma chemise blanche, dans le groupe, dans ma bulle, seul. Je danse, mais en fait non, je n'y arrive pas. Je bois un verre, mais en fait non, ça ne m'amuse pas. Il est si tard et je ne sais plus si j'ai sommeil. Je finis par m'asseoir sur les marches des escaliers et par attendre. Attendre. Pour voir. 

     D'aussi loin que je me souvienne, il y a toujours eu un filtre entre moi et les autres. Mais ça t'en as rien eu à faire. T'es même complètement passé à travers. 

     « -Salut. »

     Je ne t'ai pas vu arriver. Je ne t'ai pas vu tout bousculer. 

     Je lève les yeux et tu es déjà là. Haut en couleurs. Je ne sais pas pourquoi. C'était juste toi. 

     « -Bonsoir. »

     Je crois que ça t'amuse un peu. Ce ton froid.

     « -T'es tout seul ? »

     Je jette un œil autour de moi, comme pour être sûr. Puis je réponds :

     « -Je crois que- »

     Un instant passe. 

     « -Mes amis m'ont oublié. »

     Tu ris.

     « -Mais comment on pourrait t'oublier ? »

     Je hausse les épaules, n'y comprenant rien moi même. Tu ris encore, comme si tu trouvais tout ça très étrange et très drôle. Et soudain je ris aussi. Parce que je te trouve très étrange et très drôle aussi. Puis tu dis :

     « -C'est TaeHyung.

     -Jimin. »

     Tu me souris. Je te souris. On se sourit. Et alors tu t'appuies à la rampe des escaliers, tu te penches un peu en avant et tu me lances :

     « -Je crois que... »

     Et alors tu murmures, comme si c'était un secret :

     « -... si on le voulait vraiment... »

     Et l'instant se suspend.

     « -On pourrait s'enfuir maintenant. »

     Alors, je suis là. Je te regarde, le visage penché vers moi, tes yeux sombres, ton sourire, tout ça. Et j'ai le sentiment que tu es là pour moi, juste pour moi, et que tu es là pour ça, juste pour me sortir de là. En moi, quelque chose fleurit. Alors, je te réponds :

     « -N'importe où. »

     Je suis là. Je nous regarde. Et je sais. Avant, on parlait le même langage toi et moi. Et puis quelque chose a changé. Il est arrivé qu'on a arrêté de se comprendre. Puis on a arrêté de communiquer. Au fond, je crois que ce genre de chose arrive naturellement. Comme ces bouquets qui fanent et ces feuilles qui tombent. Comme cette neige qui fond et ces feuilles qui repoussent. En fait, je pense que ça n'a rien à voir avec la haine. Ce n'est que de l'amour. Du début à la fin, c'est de l'amour. Et il n'y a pas à avoir peur. 

     Je t'aime. Je suis désolé. Et je sais que tu l'es aussi. 

     Mais maintenant, il faut que je m'en aille. 

     Dans la maison, les humains vont au ralenti. C'est beau. Mais je n'ai plus le temps. J'avance jusqu'à la sortie. Et la sortie m'attend. Hors de la maison, c'est un couloir blanc. A travers les vitres des portes coupe-feu qui se trouvent tout au bout, brille une lueur paisible. Alors je cours. C'est à la fois si près et si loin. Je cours. Ça ne se mesure pas. Et avançant dans ce couloir clair, je lance un regard dans mon dos. Il n'y a plus rien à voir. Plus rien à perdre. Ou à gagner. Il faut s'en aller. 

     Au bout du chemin, je m'arrête. La lueur enveloppe tout. 

     Moi, j'expire longuement.

     Et pousse la porte.











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