Ce fut le bruit de la grue qui les réveilla. Qui que soit l'intrus, il n'était vraiment pas discret. Ethan dégainait son arme lorsque Red l'arrêta.

- Ça ne sert à rien. Je sais déjà qui c'est, il ne me veut pas de mal.

Comme pour lui donner raison,  on toqua à la fenêtre. A l'extérieur, perché au bout du filin d'une grue, Nick leur offrit un large sourire.

Ce fut Ethan qui vint lui ouvrir la fenêtre.

- Vous me rattrapez si je me rate?demanda-t-il.

Il ne lui laissa même pas le temps de répondre et bondit. Il cru bien avoir raté son coup, mais non, il réussit tout de même à passer par cette fichue fenêtre. Aussitôt, son téléphone se mit à sonner. Il décrocha rapidement avant qu'on ne lui arrache l'appareil des mains.

- Tout va bien, Red aussi. Ciao!

Oui, c'était un peu lapidaire comme message. Mais bon, il n'avait pas le temps. Avec une courbette (il faut toujours être poli avec les maffieux. Ça peut être utile un jour...), il me présenta aux deux hommes.

- Je m'appelle Nikito Kalahan, je suis un ami de Red. Pas besoin de vous présenter, je vous connais déjà. C'est l'avantage d'être riche et puissant sans doute.

- Qu'est-ce que tu fais ici? demanda Red.

- Je suis venu prendre de tes nouvelles. Tout le monde était inquiet en bas, et cette vieille chouette de l'accueil refusait de nous laisser passer. Les ouvriers du chantier d'en face ont été très sympa lorsque je leur expliqué, et il m'ont prêté leur grue.

Son visage se fit grave. Il se tira une chaise, et s'assit prêt de la tête du lit.

- Que fait-on maintenant? Enfin plutôt que fais-tu toi? Mes prochains mouvements, ainsi que ceux de Kyô et Shikamaru dépendent des tiens. Ton immeuble a explosé, White est morte, la GGT est moribonde. Et moi je veux des explications. Je veux savoir qui est Espéranza et pourquoi tu la protège.

- Où est-elle?

- Partie. Elle a filé de la voiture quand on est parti te chercher chez Tian Lou.

La jeune femme émit une petite toux étranglée.

- Je m'en doutais. J'aurais dû la tuer depuis le début.

Alessio, qui observait attentivement les mouvements de Nick depuis son arrivée, fut surpris de son manque de réaction à ces paroles dures. Son visage resta impassible, peut-être s'assombrit-il légèrement. Pas de déception, pas de choc vis-à-vis de cette violence familiale. Non, juste de l'attente.

Il avait déjà entendu bien pire. En parfait professionnel, il analysait la situation, préparant déjà ses prochains mouvements.

- Pourquoi? Pourquoi tu ne l'as pas fait?

- Sûrement parce que j'espérais qu'elle sortirait de ses addiction? Non, ricana-t-elle d'un ton amer, je savais déjà qu'elle était irrécupérable. Je pense que j'étais un peu nostalgique. C'est, après tout, la seule personne vivante à qui je lui liée par le sang. C'est à cause d'elle que j'ai créé Rouge. J'étais jeune, et je voulais la sauver. Je croyais encore que je pouvais la sauver. Mon cerveau n'avait pas encore assimilé qu'elle ne le voulait pas. Espéranza est restée bloquée dans le passé. En m'accrochant à elle, je n'ai fait que me déchirer en deux réalités totalement incompatibles.

- Et maintenant?

- J'ai hésité jusqu'à la dernière minute. Je voulais le faire moi-même, mais dans l'état où je suis, c'est impossible.

- Moi, je le ferais, affirma-t-il avec force.

Elle l'observa un instant d'un regard profond, comme si il pouvait lui transmettre un quelconque message. Tout ce qu'elle ne lui disait pas, mais qu'il ressentait au plus profond de lui-même. Ses yeux étaient ancré dans les siens plus sûrement que des chaînes

Soudain, il la serra très fort dans ses bras, comme on étreindrait une soeur avant un long voyage.

- Bonne chance, murmura-t-il.

Il se redressa, repartant par la porte principale. Juste avant qu'il ne s'éclipse, Ethan glissa une carte de visite dans la poche de son T-shirt. Ils n'échangèrent pas un mot, et la porte claqua. Alessio eut un sourire amusé.

- On dirait que la famille s'agrandit, murmura-t-il en posant la tête sur l'épaule de son amant.

***

Dans la ruelle, la jeune camée éructait des borborygmes incompréhensibles. Elle observa avec curiosité l'homme à capuche s'approcher d'elle. Elle eut même le culot de glousser lorsqu'il sortit une arme de la poche centrale de son sweat.

Le canon de l'arme se posa doucement sur sa tempe. Espéranza ferma les yeux.

- Maman, chuchota-t-elle, le visage éclairé d'un merveilleux sourire. Il pouvait presque apercevoir la petite fille pleine de vie qu'elle avait été sous ses traits émaciés.

Il tira.

Les petites filles ne survivaient pas dans le monde des adultes.

***

- Nick!

- On était mort d'inquiétude!

- Alors elle va bien?

- Lâchez moi un peu la grappe vous m'étouffez!

Lâchant un soupir exagéré, il s'affala aux côtés de Nynna sur la banquette du bar où il était censé retrouver toute la bande. Il commanda un whisky. La sensation familière de brûlure le long de son œsophage fut comme une délivrance. Il reposa bruyamment son verre sur la table

- Alors? demanda Kyô.

- La GGT fait ce qu'elle veut. Nous, on retourne au Japon. Red ne brise pas son accord, et elle honorera TOUTES les parties du contrat, et moi aussi.

L'accent sur le mot n'échappa pas à Kyô. Il se garda de tout commentaire. C'était comme ça que marchait la Défense, leurs procédés n'étaient pas nouveaux.

- Et Espéranza?

Il eut un temps d'hésitation, imperceptible.

- On la laisse sur place.

Le silence tomba sur la tablée. Sous la table, Nynna serra subrepticement la main de Nick.

Elle savait, constata-t-il en plongeant son regard dans le sien. Mieux encore, elle le soutenait toujours même après cela. Un sourire fleurit sur le visage de Nick.

S'il y avait bien une femme qui ne le laisserait jamais tomber, c'était elle.

La fin approche mes amis...