Chapitre 37: Monstre
Je tournais. Tournais dans un monde sans lumière, dévoré par le cris de milliers de voix à l'agonie.
Mes voix.
Des sons, tous différents les uns des autres, des sons que j'avais moi-même créé. Combien étais-je? Une? Trois? Peut-être des centaines.
Des centaines de moi, construites de toutes parts par une, originelle, perdue au milieu de ses copies. Qui étais-je?
Tu es un monstre, murmurèrent-elles toutes d'un même souffle.
Monstre.
Oui, je l'étais. Je m'étais détruite. Créé des milliers de pantins, utilisables, jetables à volonté. Femme de joie. Bohémiennes. Hôtesse. Toutes s'étaient un jour vu commander mon corps. Peut-être n'étais-je qu'en fait ma propre marionnette?
Monstre.
C'était cela. J'avais joué avec le feu et perdu. Je tournais, l'obscurité s'engouffrant à flot dans ma bouche, dilatant ma trachée, bloquant mes voies respiratoires. Je suffoquais, mais ne me débattis pas. Cette douleur, je l'avais cherché, mérité. Quelque part, un miroir explosa.
Monstre.
Oui, je me voyais, moi, suffoquée de Ténèbres, rongée de toutes parts. Chaque éclat me renvoyant un reflet différent de moi-même.
Qui es-tu?
Je ne sais pas.
Bien sûr que tu n'en sais rien Nick. Je me suis craquelée en de trop nombreux morceaux pour que tu ne me vois entière. Je ne sais même pas qui est moi. Alors qu'en saurais-tu? Rien. Si tu savais comme j'étais perdue. Perdue dans cet immensité noire, animé des éclats brillants du miroir de mon âme.
Le vois-tu maintenant Nick? Le monstre qui est en moi. Il t'observe, de ses milliers d'yeux voraces. Les perles de rosée s'élevant dans cet univers ne sont pas mes larmes.
- Téléphone.
Murmures. Je ne suis plus seule dans ma cellule.
C'est vrai que j'étais dans une cellule.
Tiens, j'avais presque oublié ce que cela faisait, le contact d'un objet contre la peau. Mais ma peau n'est-elle pas censée être ravagée? Un monstre n'a pas un joli épiderme.
Une voix agresse mes oreilles.
Un nom, qui surgit de mes entrailles.
- Espéranza!
Le petit téléphone vole en éclat, lézarde la glace sans tain d'un énorme impact.
Je suis là tremblante, à observer mon reflet fissuré. Même les miroirs refusent de me reconstituer.
- J'accepte. Je ferais tout ce que vous voulez, mais sortez moi de là.
***
Quelque part derrière le miroir sans tain, deux grosses larmes coulèrent sur les joues de Blue.
La femme qu'elle connaissait si bien, qu'elle aimait comme sa soeur, était morte sous ses yeux.
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