Céline

— Et n'oubliez pas de me rendre votre devoir la semaine prochaine ! nous rappelle le prof d'histoire alors que la sonnerie retentit dans l'établissement.

Mais personne ne l'écoute vraiment, se ruant sur la sortie, tels des animaux en cage. C'était la dernière fois que cette maudite sonnerie retentissait aujourd'hui. Je range mes affaires en repensant à ce garçon tout à l'heure. Je ne savais pas qu'un regard pouvait autant marquer. Pourtant, chaque fois que j'y repense, les yeux de ce garçon ancrés dans les miens, j'en ai des frissons. Hope, qui était à côté de moi, a tout raté, car elle écrivait un message à Adrien. Elle est dégoutée et ne cesse de se plaindre que j'aurais pu la prévenir. Je l'aurais fait... si je n'étais pas aussi perturbée. Qui est ce garçon ? Je ne l'ai jamais vu auparavant. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés accrochés, mais ce dont je suis certaine, c'est que je brûle d'envie de le revoir. Ou du moins, le croiser. Savoir qui il est.

— Allô Céline ? T'es là ?

Je relève la tête, arrachée à mes pensées. Je suis toujours assise sur ma chaise de cours, mais tout le monde est parti. Hope m'attend à l'entrée de la classe, les bras croisés sur sa poitrine. Je la regarde en clignant des yeux.

— Bon, tu viens ?

— Oui, oui, j'arrive.

J'attrape ma veste, mon sac, marmonne un « au revoir » au prof avant de rejoindre Hope. Les cours sont finis, on rentre chez nous.

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— Mais t'inquiète pas, je sais comment m'y prendre.

Ma meilleure amie saisit mon téléphone et ouvre mon Instagram. Je lui ai parlé du fameux garçon et elle souhaite maintenant trouver son compte. Je lui ai dit que ce n'était pas bien ce stalker les gens, mais elle a simplement répliqué qu'il ne s'agissait pas de stalke, seulement une recherche dans le but de m'aider.

— Il était avec Adrien tout à l'heure, je lui explique.

— Parfait ! On n'a qu'à aller chercher dans ses suivis et on le trouvera.

Je la laisse faire, m'écroulant sur mon lit et attends patiemment que Hope crack Instagram pour trouver ce garçon. Je ne serai satisfaite que lorsque je saurai son prénom.

— Ça y est !

Je me redresse brusquement et viens me poster au-dessus d'elle. Elle me montre son profil.

— Il s'appelle... Aiden McGregor, déclare-t-elle, toute fière.

Je me laisse retomber sur mes coussins moelleux et me répète son prénom mentalement.

Aiden. Aiden McGregor.

Son prénom sillonne dans mon esprit comme une rivière. Un nouveau, donc. Il y en a souvent ici, de toutes les nationalités et de toutes les origines. Je me demande d'où il vient. Est-il américain ? Il avait un air un peu british, peut-être à cause de sa chemise à manche courte...

— Ah merde !

Je me redresse brusquement, alertée par le cri de ma meilleure amie. Elle fixe l'écran de mon téléphone, pétrifiée et se tourne vers moi, une expression d'horreur peinte sur le visage. Qu'est-ce que...

— Merde, merde, merde !

Elle tape mon téléphone contre son front, mais je le saisis avant qu'elle ne le casse.

— Céline, je suis vraiment débile !

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Il se pourrait bien que, par erreur, j'aie... liké une de ses publications ?

J'écarquille les yeux, stupéfiée. Non, elle n'aurait pas fait ça ! je regarde l'écran de nouveau et constate les faits. Elle a bien liké une photo de lui datant de deux ans. Dessus, il s'est pris en photo, torse nu dans le miroir. Oh non non non non ! Que va-t-il penser maintenant ? Il va croire que je suis une perverse qui l'a stalké dès le premier jour. Il va penser que je suis une psychopathe.

La peur se mue en colère et je me tourne vers ma meilleure amie et son air désolé.

— Hope Anderson, je vais te tuer cette fois !

Je me rue sur elle, mais elle saute du lit. Je la poursuis à travers la chambre, ma brosse à cheveux en guise d'armes. Elle court pour sa vie en hurlant de peur, saute comme un lapin, se jette sur mon lit sur le dos et je la surplombe, la menaçant avec ma brosse.

— Tu es morte, je vais réellement te tuer !

— Pitié non ! Je n'ai pas fait exprès, je te jure !

— Encore heureux !

Je brandis mon arme au-dessus de moi, puis la baisse. Je me répète les séances de méditation avec ma mère mentalement et inspire profondément. On ne tue pas sa meilleure amie, Céline. Ça ne se fait pas. Ce n'est qu'un like, peut-être qu'il ne consulte jamais Instagram ? Mais je dis cela plus pour me rassurer moi-même.

— Tu as de la chance que je t'aime, on n'est pas passé loin du massacre.

Elle soupire de soulagement, mais s'éloigne tout de même un peu de moi, craignant mes envies meurtrières à son égard.

— Et si je retire le like ? je demande, un infime espoir venant de naître dans mon esprit.

— C'est trop tard, il va y avoir la notification, répond-elle avec un air embarrassé.

Est-ce possible d'aimer quelqu'un au point de lui confier sa vie et de le haïr en même temps ? Apparemment oui. J'inspire une bouffée d'air. Ce n'est rien.

Non, tu n'es pas une psychopathe, Céline.

C'est simplement ta meilleure amie qui est trop maladroite.

Malheureusement, je ne vais pas pouvoir l'expliquer comme ça au nouveau. Mais mieux valait ne plus y penser. Comme pour se faire pardonner, Hope sort le DVD de Titanic de son sac, un air désolé et un sourire gêné sur la figure.

— Séance de larmes ? me demande-t-elle.

Je lève les yeux au ciel. Elle a gagné. Leonardo DiCaprio est vraiment magnifique dans ce film. Dommage qu'aujourd'hui, il soit devenu moche et playboy. Mais peu importe, j'accepte, car comment ne pas résister au charme de Jack.

Je fais du pop-corn et nous nous installons sur mon lit king size offert par mes parents pour mes dix-sept ans. On pourrait rentrer à quatre dessus ! j'éteins la lumière, ferme les volets et mets délicatement le DVD dans le lecteur. J'allume ma télévision et le film commence. Incapable de retirer mes yeux de l'écran, je pioche dans le saladier à l'aveugle.

Arrive le moment fatidique. Quel égoïste cette Rose quand même ! Nous finissons le film en larmes. À chaque fois que je le regarde, j'espère une fin différente, j'espère que le Titanic ne sombrera pas. Ils sont débiles ces gardes à ne pas être attentifs. Il leur aura fallu seulement une minute d'inattention pour causer la mort de centaines de personnes. Avec Hope, nous resterons d'accord sur un point.

Il y avait assez de place sur cette planche !