7. La torche 🌹
La salle de potions logeait dans les cachots, un endroit que Rose et le reste des Serpentards n'eurent aucun mal à trouver. Sans fenêtre, la seule source de lumière provenait du lustre brinquebalant accroché au plafond. Les bureaux et bancs de bois étaient ternes et grinçaient au moindre mouvement. Au fond, derrière le bureau de Rogue, se trouvaient des étagères qui ployaient sous de multiples ingrédients, et une tonne de poussière. À l'image de son propriétaire, la pièce était lugubre.
Autant dire que Rose était au comble l'excitation. Elle ignorait pourquoi, parmi les cours, qu'elle attendait tous lus impatiemment que les autres, elle attendait vraiment la potion. Elle savait juste que ça allait lui plaire. Et puis, elle avait vu tant de potions dans son manuel. Cette fois Rose avait insisté pour être au premier rang, frétillante d'impatience. Elle s'était vite calmée lorsque Malefoy et Théodore s'étaient retrouvés à ses côtés. La faute à pas de chance, avait murmuré Blaise en levant les deux mains en l'air, assis tout au fond de la classe avec Pansy. Rose se consola en se disant que Malefoy était aussi mécontent qu'elle. Elle pensa que ça ne pourra être pire.
Mais avec elle l'impossible était une possibilité qui devenait vite banale.
Le professeur Rogue fit une entrée théâtrale, bien qu'il ne semblait pas avoir le goût de la comédie.
Robe qui vole, porte qui claque, démarche saccadée. Seul bémol : ses cheveux gras. Rose retint une grimace, navrée de ce petit détail qui gâchait tout, et faillit claquer des mains en hurlant « Stooop ! On recommence ! ». Mais elle doutait que les sorciers de sa classe connaissent le cinéma, et ils étaient en cours de potion, pas sur un plateau de tournage. Aussi elle se redressa, plume à la main et carnet à disposition. Elle était prête à prendre des notes.
- Il n'y aura ni baguettes magiques , ni incantations idiotes dans ce cours, commença Rogue.
Il détachait chacun de ses mots avec une froideur glaçante. S'il n'avait pas jeté ce regard à Harry, Rose l'aurait déjà adoré. Pourquoi semblait-Ilya déjà avoir une dent contre Harry.
- Aussi, je m'attends à ce que vous ne compreniez rien à la science subtile et à l'art rigoureux de la préparation des potions. Néanmoins, pour ce qu'il est des quelques privilégiés qui possèdent des pré-dispositions, je peux leur apprendre à ensorceler l'esprit d'un homme, et à lui emprisonner les sens...
Il dit cela en fixant Drago, qui eut un sourire satisfait. Sérieusement ?
- On est pré-disposé à la bêtise, Malefoy ? C'est étonnant..., railla Rose
Il lui jeta un regard noir, mais le petit fantôme était déjà rouge. Il rougissait facilement, tout de même, c'était une des rares choses fascinantes chez Malefoy. En plus de ses yeux.
- ...Leur apprendre à mettre la gloire en bouteille et à distiller la grandeur et même à enfermer la mort dans un flacon.
Rogue ne parlait pas comme un faussaire, mais un véritable maître. Cette statue froide vouait une véritable passion envers les potions. Ses mots le trahissaient. Son regard dévia sur Harry et Rose constata avec un semblant d'horreur -et un petit sourire moqueur, c'est vrai-, qu'il prenait déjà des notes. Or, elle avait l'impression que Rogue ne les aimait pas beaucoup. Ou plutôt qu'il n'aimait pas beaucoup Harry. Ce regard n'annonçait rien de bon.
- Cela étant, je suppose que certains sont venus à Poudlard en possession d'aptitudes si exceptionnelles qu'ils se sentent assez sûrs d'eux pour ne pas se montrer attentif, déclara Rogue en le toisant de ses yeux brûlants.
Hermione tapa le coude d'Harry, qui n'avait pas compris que ces mots s'adressaient à lui. Il releva les yeux vers le professeur Rogue, interloqué.
- Mr.Potter, notre nouvelle célébrité, sembla se délecter Rogue .
Il était le loup, qui allait dévorer l'agneau, et s'en léchait les babines. Et elle, était aussi une Potter, mais un petit agneau qu'on oubliait. C'était un peu vexant, à la longue. On l'avait bien regardé avec des yeux de merlans fris dans les couloirs mais elle avait la désagréable impression qu'on portait plus d'attention à son frère qu'à elle. Et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle n'était pas juste « la sœur d'Harry Potter ». Elle était Rose Potter. Elle aussi, elle faisait parti de la famille. Une famille de deux orphelins.
- Qu'est-ce que j'obtiens quand j'ajoute de la racine d'asphodèle en poudre à une infusion d'armoise ?, lui demanda le professeur Rogue.
Hermione Granger leva immédiatement la main - cette fille était montée sur ressort-, comme si elle essayait désespérément d'atteindre le plafond, et Rose roula des yeux en levant la main par automatisme. Elle aimait contredire tout ce qui l'entourait. Dont cette gamine pathétique. Et puis, la réponse allait bien lui revenir.
- Vous ne savez pas ? Essayons encore, dit-il, plongeant son frère dans un supplice infernal. Où iriez-Vous Mr.Potter, si je vous demandais de m'apporter un bézoard ?
Rose toujours la main, puisque qu'elle ne l'avait pas baissée, et Hermione releva la sienne avec les mêmes réflexes détonnants. Harry ne savait pas, personne ne savait, et même si Rogue en avait conscience, il continuait de l'interroger lui, et seulement lui. De le blâmer lui, et seulement lui. Il l'humiliait, et c'était injuste. Elle avait beau en vouloir à son frère de ne pas avoir pris la peine de me parler, de préférer Gryffondor à elle, ça faisait bouillir son sang qu'on le traite ainsi.
- Et quelle est la différence entre le nadel et le tue-loup ?, s'enquit Rogue face à un Harry muet et désemparé. Navrant... La célébrité ne fait pas tout n'est-ce pas Mr.Potter ?, lâcha Rogue, impitoyable.
Vous connaissez, cette bouffée d'angoisse qui traverse tout votre corps lorsque vous pensez à faire une chose que vous ne devriez pas faire mais que vous savez que vous alliez la faire ? Elle s'empara des poumons de Rose et fit monter en flèche sa nervosité. Hors, quand elle était nerveuse, il lui arrivait de rire.
Alors elle éclata de rire.
Dans une pièce remplie d'élèves silencieux et d'un professeur tyrannique.
Pas la peine de décrire le blanc, si ?
Disons que Rose avait été plus intelligente dans ses manœuvres.
Le professeur Rogue se tourna brusquement vers elle, ses pupilles étrécies telles un faucon. Quelque chose dans son regard noua un nœud dans sa gorge et tenta de l'étouffer. Elle avait comme pendue sous ces deux yeux noirs, qui resserrait la corde et envoyait le tabouret sous ses pieds valser. Il y avait des regards qui vous minaient jusqu'à vous tuer.
Et Rose voyait déjà le bout du tunnel.
- Quelque chose d'amusant à nous partager, Miss...
Le nœud coulissa dans sa gorge, lui laissant suffisamment d'air pour respirer.
- Miss.Potter, se reprit-elle en levant hautainement le menton.
Il avait pris un ascendant psychologique dans cette conversation mais elle comptait bien retourner la situation. Une petite lueur de compréhension s'alluma dans ses yeux. Mais qu'avait-il compris ?
- Alors ?
- Oh, oui, tout à fait.
Elle n'en dit pas plus. Ascendant psychologique.
- Et bien ?, s'impatienta-t-il, arquant un sourcil.
Cette fois, elle avait retrouvé tous ses moyens. Il ignorait qu'il venait de déclencher une tempête.
- Et bien professeur... Ah oui, Rogue. Nous sommes nouveaux ici, nous ne pouvons pas répondre à vos questions sans avoir eu de cours. À moins que ça ne soit une tentative innovante de nous apprendre l'acharnement, peut-être devriez-vous changer de méthode ?, lâcha-t-elle, arquant un sourcil à son tour.
Le tunnel était juste là, devant elle.
- Puisque vous êtes si désireuse d'apprendre, Miss.Potter, susurra-t-il d'un air de requin, vous viendrez révisez chaque soir vos cours pendant un mois.
- Réviser ?, répéta-t-elle d'une petite voix innocente.
Rose dut se mordre la joue jusqu'au sang pour ne pas en dire plus.
Un « Vous voulez dire, apprendre à m'acharner sur quelqu'un pour rien ? », ne serait pas le bien venu.
Rose connaissait les limites.
Plutôt que de les sauter, elle avait appris à les repousser jusqu'à ce qu'elles se brisent et qu'elle ait le champ libre.
*
À peine sortaient-ils du cours de potions qu'ils devaient se rendre en cours d'Histoire de la Magie. Évidemment, elle était curieuse de ce que l'Histoire des sorciers pouvait bien lui apprendre. Mais de l'histoire restait de l'histoire... Ça finissait toujours par une sieste.
- 18h00, Miss.Potter, dès lundi, lui rappela Rogue. Je ne tolérerai aucun retard.
D'elle ou d'Harry qui des deux avaient le mieux réussi sa rentrée ?
Rose grimaça. Blaise et Pansy chahutaient derrière elle, Malefoy et Théodore avançaient devant. Quelqu'un passa avec force et lui bouscula l'épaule. Elle ne vit que des chaussures avant d'osciller et se rattrapa de justesse à l'épaule de Théodore, qui ne broncha pas. C'était toujours mieux que Malefoy. Il s'arrêta un instant, qu'elle reprenne son équilibre, et Blaise et Pansy les rejoignirent. Théodore était bien plus grande qu'elle, mais il restait à portée de main.
- Est-ce que ça va ?, demanda-t-il poliment.
Tout ne semblait qu'être politesse chez Théodore. Rose releva la tête vers lui, un grand sourire plaqué sur ses lèvres, mais une étrange sensation d'angoisse oppressait son cœur. Une étrange sensation qui la poussa à mentir.
- J'ai trébuché, dit-elle à avec nonchalance.
Théodore ne dit rien et elle sa main de son épaule.
- Tu te fais remarquer par McGonagall, énuméra Blaise tout en comptant sur ses doigts. Puis coller par Rogue... Et ensuite ce sera quoi ?
Il semblait réellement se poser la question.
- Oh, sûrement une petite visite chez le directeur, ria Rose.
- On se demande bien ce que pourrait en penser tes parents, dit Malefoy à voix basse.
Mais Rose avait entendu. Ils avaient tous entendu.
Un silence gêné combla leur petit groupe.
- Si tu veux, on peut s'arranger pour que tu ailles leur demander en personne, répliqua Rose en avançant d'un pas vers lui.
Rose était dégoûtée. Dégoûtée et amère.
Même de Malefoy, c'était très bas. Personne n'osait parler de ses parents en face d'elle. C'était une sorte de sujet tabou. Un sujet qu'elle voulait tabou. Elle rêvait de connaître leur enfance et leur adolescence, leur rencontre, leur mariage, quand maman était enceinte d'Harry et d'elle. Leurs peines, leurs douleurs, leurs souffrances. Leurs disputes, leurs joies, leurs peurs. Mais elle ne voulait pas qu'on lui dise qu'ils étaient mort. Elle ne voulait plus.
- On ferait mieux de se dépêcher, bredouilla Pansy.
Il y eut un craquement sonore, et ils détournèrent la tête dans un même mouvement précipité.
Au sol gisait la moitié d'une torche enflammée.
Elle s'était brisée en deux et se consumait lentement.
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