Aval
Quand le vent souffle depuis l'Ouest, c'est Aval qui vient avec lui.
Aval elle est protectrice et naturellement méfiante.
Elle arrive lorsque le stress est trop grand, la pression trop importante ou la terreur trop envahissante.
Elle prend toujours la situation en main et son assurance sans égale lui permet de s'en tirer. Les autres sont trop fragiles, trop facilement manipulables et elles s'en remettent à elle sans l'ombre d'un doute.
Elle est leur bouclier.
Et Aval sait qu'Émilie est dangereuse.
Toutes les personnes à qui Elles peuvent s'attacher sont dangereuses.
Émilie va leur briser le cœur, c'est une évidence.
Lorsqu'elle et Amont s'embrassent, Aval détourne les yeux.
Au début elle laissait faire. Son rôle n'était d'intervenir que si Amont était dans une situation inconfortable et jusque là elle avait été insupportablement heureuse en sa compagnie.
Mais le jour où les deux filles s'étaient embrassées pour la première fois, Amont avait complètement paniqué.
Aval était arrivée aussitôt.
Elle s'était alors écartée avec brusquerie d'Émilie et lui avait expliqué à quel point elle la détestait et qu'elle ne devait plus jamais s'approcher d'elles.
Émilie avait paru blessée mais c'était le prix à payer pour qu'Elles puissent se préserver. Puis elle était partie en silence, essuyant ses larmes. Elle avait simplement chuchoté cette phrase : «Je croyais vraiment que c'était possible entre nous, Rose. »
Non, c'était impossible. Aval lui avait donné la réponse qu'il fallait.
Lorsqu'elle avait pu discuter avec Amont, elle avait été très heureuse de lui décrire la manière dont elle avait repoussé l'importune.
Mais Amont, la timide Amont, l'avait foudroyée du regard et lui avait fait comprendre qu'elle lui en voulait terriblement, qu'elle avait ruiné sa vie.
Quand comprendrait-elle que c'était de leur vie qu'il s'agissait et qu'Aval ne voulait que leur bien ?
Après tout, Aval n'avait fait que son devoir.
Amont s'était finalement excusée auprès d'Émilie et aussi étonnant que cela puisse paraître, celle-ci lui avait immédiatement pardonné.
Lors du deuxième baiser, Amont était au comble du bonheur, Aval n'était pas intervenue.
Aval ne supporte pas non plus leur mère, cette femme faible qui ne leur prête que peu d'attention.
Nul doute qu'elle aime sa fille mais elle sait très mal l'exprimer. Elle boit beaucoup, vraiment beaucoup.
Et les nuits où Amont est triste, il ne reste qu'Aval pour la consoler.
C'est sa raison d'être.
C'est pour cela qu'Amont fugue.
Souvent, lorsque la nuit est la plus sombre, elle s'évade par la fenêtre et elle va courir dans les rues.
Elle n'a pas peur.
Qu'est ce qui peut être pire que son morne quotidien ?
Parfois elle trouve la libération dans des substances illicites mais toujours son mal être revient.
C'est comme mettre un pansement sur une plaie à vif.
Elle sait qu'elle devait arrêter mais ne serait-ce pas alors souffrir plus encore ?
Alors toujours, elle recommence.
Aval n'aime pas beaucoup ça, Rose ressemble trop à sa mère dans ces moments là et Aval déteste la voir, se voir dépérir sur le canapé, des effluves d'alcool comme unique parfum.
Elle veut protéger Amont de cela, les protéger toutes de cela.
Mais la personne qui terrifie le plus Aval, celle qui risque le plus de les détruire ce n'est ni leur mère ni Émilie.
Aval prie pour que jamais plus le vent ne souffle depuis le Nord.
Parce que dans ce cas, même elle ne pourra plus faire rempart contre le froid qui les glacera jusqu'aux os.
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