Chapitre 71 : Yoongi - 77%
Yoongi perdait des fans, lentement mais sûrement. Il n'était plus convaincu de s'en moquer. Quand il songeait qu'il s'en fichait, le visage de Jimin lui apparaissait, et il ne pouvait pas se moquer de partir lorsque lui revenait ce visage angélique qu'il désirerait couvrir de baisers pour le reste de ses jours.
Le souci, en revanche, c'était que peu importait qu'il survive ou non, dans tous les cas Jimin et lui seraient séparés d'ici peu. Quelle idée, aussi, de tomber amoureux dans de pareilles circonstances...
Pensif, Yoongi ne vit pas le temps passer, et vint le moment de la mission de Jimin : enregistrer une reprise d'une chanson très en vogue ces temps-ci, interprétée à l'origine par un artiste pop issu de l'opéra, artiste à la voix exceptionnelle. Sa tessiture pouvait atteindre les aigus les plus élevés tout comme les graves les plus bas, à la fois contreténor et basse.
Tandis que Jimin fixait l'écran sur lequel figurait sa tâche, Yoongi l'interpella.
« On peut enregistrer ça dans mon studio, à moins que tu saches déjà te servir du matériel, proposa-t-il.
— Non, je sais pas comment ça fonctionne. Merci pour la proposition, je veux bien. »
Les deux garçons quittèrent la pièce ensemble sous les regards perplexes de leurs concurrents qui se demandaient tous comment le jeune chanteur allait bien pouvoir se débrouiller : certes, Jimin pouvait caresser de délicats aigus, mais c'était perdu d'avance, il ne frôlerait pas même les notes les plus hautes ni les plus basses. Taehyung l'avait entendu de nombreuses fois, et aucun doute possible : il ne réussirait pas, et ce n'était pas en quelques heures qu'il parviendrait à maîtriser une telle voix.
Pourvu que sa reprise plaise quand même à un public qui, s'il adorait Jimin, ne laisserait néanmoins pas passer la moindre erreur.
« Alors ? Tu comptes faire quoi ? s'enquit Yoongi une fois assis à son siège, son cadet près de lui.
— Donner le meilleur de moi-même pour les satisfaire, comme d'habitude.
— Tu pourras jamais atteindre les notes que ce type atteint.
— Non, effectivement.
— Donc on va changer la chanson.
— Pardon ?
— Je m'occupe de l'instrumental, indiqua Yoongi d'un ton professionnel, on va rendre le morceau plus « moderne » : ça fait trop opéra, même si c'est considéré comme de la pop. Le public t'a demandé ça pour te foutre dans la merde, pour voir comment t'allais t'en sortir avec une chanson que tu peux à l'évidence pas reprendre. Sauf qu'un cover, si c'est pareil que l'original, ça n'a rien d'intéressant. T'as pas à t'adapter à cette chanson, c'est elle qui va s'adapter à toi. Je vais te faire un instru plus rythmé, et on va modifier les hauteurs des notes pour que ça te corresponde. On sera sur quelque chose qui te sera familier, et en même temps on conservera des aigus qui te permettront de montrer la puissance de ta voix. Je pense sincèrement que tu peux faire un truc génial, Jimin. »
Occupé à allumer son ordinateur et ouvrir ses logiciels, Yoongi se tourna après quelques instants supplémentaires vers Jimin pour l'interroger du regard, surpris par son absence de réaction.
« Ça te va ? lui demanda-t-il encore.
— Oui, c'est vraiment une très bonne idée, merci pour ton aide.
— C'est normal. »
Non, ce n'était pas normal, et tous les deux le savaient : aux Rookie Games, on n'aidait pas un concurrent. Lui mettre des bâtons dans les roues était vivement déconseillé si on ne voulait pas s'attirer la fureur du public. Pour autant, venir au secours d'un autre candidat n'était pas non plus une brillante idée : certes, ça signifiait obtenir la sympathie des fans du candidat en question, mais lui permettre de réussir une mission, c'était peut-être se condamner soi-même. S'il continuait sur cette lancée, Yoongi ne tarderait pas à y passer... mais il préférait ça à assister à la mort de celui qu'il adorait – sans compter que Jimin avait des chances de s'en sortir, et le rappeur espérait ardemment qu'il survive.
Un seul faux pas de Jungkook et Jimin le dépasserait. C'était encore jouable.
Les deux garçons, sans s'adresser un mot de plus, se mirent au travail. Yoongi imprima les paroles qu'il tendit à Jimin. Ce dernier enregistra la chanson dans son téléphone et s'entraîna à en chanter les aigus tandis que son aîné téléchargeait la musique pour la modifier et lui apporter un rythme plus rapide, soutenu par des basses marquées et des sons plus modernes tout en conservant la douceur des violons et du piano qu'il appréciait beaucoup.
Parce que les bracelets restèrent allumés l'essentiel de l'après-midi, ils ne purent s'aimer, toutefois le seul fait de travailler ensemble leur donnait l'agréable sensation de proximité qu'ils recherchaient sans cesse – pas nécessairement physique, il s'agissait avant tout de complicité.
Yoongi néanmoins ne pouvait pas s'empêcher d'admirer le profil de celui qu'il chérissait. Il ne pouvait pas s'empêcher de caresser de son regard la peau de lys de son amant dont il aurait souhaité pouvoir le qualifier de petit ami. Il ne pouvait pas s'empêcher, en vérité, de désirer Jimin.
Ainsi, lorsqu'en début de soirée, ils terminèrent leur enregistrement et que les caméras se concentrèrent sur un autre candidat, Yoongi poussa un soupir.
« T'as dû me jeter un sort, parce que quand t'es dans le coin, je peux pas me concentrer sur autre chose.
— Je t'obsède à ce point ?
— Faut croire. Comment tu fais, toi, pour rester si détaché ?
— Mon cœur me fait constamment souffrir. Ça fait longtemps que j'ai appris à ne plus l'écouter.
— Pourquoi est-ce que tu souffres autant ? souffla Yoongi de peur que parler plus fort ne ravive des souvenirs plus horribles encore que ceux qu'il craignait déjà de remémorer à son cadet.
— Pourquoi tu veux le savoir ?
— Je sais pas. Peut-être pour avoir la sensation de partager quelque chose avec toi.
— C'est pas la meilleure des choses à partager, tu sais... ?
— Oui, je sais. Si tu veux pas en parler, c'est pas un souci.
— Je veux pas en parler si ça n'apporte rien, c'est tout, déclara Jimin.
— Si ça n'apporte rien ?
— Oui.
— Tu veux une bonne raison ?
— Voilà.
— J'ai juste envie de mieux te comprendre pour mieux te soutenir. Partager tes souffrances pour les apaiser. Parce que je t'aime. »
Jimin le regarda. Son visage demeurait neutre, mais ses prunelles criaient de douleur. Constamment. Il se déplaça. Il quitta sa chaise pour se lover tout contre Yoongi, assis désormais sur ses cuisses. Il blottit la tête dans le creux de son cou et inspira discrètement ce parfum délicat qu'il aimait tant. Jamais Yoongi ne l'avait vu si fragile.
« Mes parents m'ont jamais aimé, soupira Jimin d'une voix toujours aussi monocorde, ils me méprisaient. À l'adolescence, ils ont découvert que j'étais gay, et la violence verbale est devenue physique. Depuis mes treize ans jusqu'à mon arrivée ici, j'ai toujours eu le corps couvert de bleus. Je me suis inscrit aux cours de danse uniquement pour rester plus longtemps à l'école et leur échapper. Ils me terrifient, et j'ai compris que les jeux étaient pour moi le seul moyen de leur échapper : la gloire ou la mort. J'ai rien à perdre : j'enchaîne les dépressions depuis toujours, et même ma popularité sur les réseaux ne m'apporte qu'une joie éphémère. Je n'ai connu que la douleur, jamais quiconque ne m'a aimé, si ce n'est Taehyung. Mes sentiments sont ce qui a causé mon malheur, j'ai appris à ne plus les montrer. La souffrance me détruit, mais paradoxalement j'ai la sensation qu'elle me permet de m'épanouir. Dans le jardin des opprimés, je suis une fleur qu'on arrose de coups. »
Cette dernière phrase fit frémir Yoongi qui posa une main dans les cheveux de son amant afin de l'inciter à blottir son visage dans son cou. Jimin se laissa faire, il inspira de nouveau l'odeur ténue qui s'en dégageait et l'apaisait.
« Donc pour toi, aimer signifie souffrir, résumé Yoongi tout bas – comme si parler plus haut pouvait rendre plus réelle encore cette affirmation.
— Exactement.
— T'as déjà souffert de l'amitié que Tae te portait ?
— Non, jamais.
— T'as déjà souffert de l'amour que moi je te portais ?
— Non plus. Mais le simple fait que j'aime les garçons a été à l'origine de nombreux sévices. J'ai été battu à cause de mes sentiments.
— Mais ceux qui t'aiment ne te feront jamais le moindre mal, lui susurra Yoongi en lui caressant les cheveux.
— J'ai dit qu'aimer c'était souffrir, mais être aimé, c'est très différent.
— Tu m'aimes ?
— Oui.
— Est-ce que tu en souffres ?
— Je souffre d'imaginer qu'on sera séparés... et que c'est peut-être moi qui, l'espace de quelques jours au moins, devrai vivre sans toi.
— Tu t'y feras. T'es fort, Jimin.
— Je suis beaucoup moins fort que ce que vous semblez tous imaginer ici. Te perdre me ferait vraiment mal.
— Moi aussi, » admit Yoongi dans un murmure avant de lui voler un délicat baiser.
Et ils savaient l'un comme l'autre que celui qui avait le plus de chance de s'en aller le premier, c'était le jeune rappeur.
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