Chapitre 47 : Jimin - 93%
Jimin ignorait pourquoi il avait cédé. Peut-être parce qu'il n'aimait pas trop contrarier Taehyung. Il n'aimait pas le voir triste. Il savait que Taehyung était souvent triste à cause de lui, mais... ce matin-là, il avait voulu qu'il soit heureux. Peut-être parce que son regard indiquait qu'il avait pleuré. Quoi qu'il en soit, Jimin refusait d'imaginer que ça puisse être l'intervention de Yoongi qui l'avait décidé. Yoongi n'avait rien fait. Il ne l'avait pas convaincu. Son choix n'avait aucun rapport avec la voix ensorcelante ou le visage délicat de son aîné. C'était simplement pour Taehyung.
Jimin n'éprouvait rien. Il devait garder un cœur de pierre que seul Taehyung parvenait exceptionnellement à fissurer – et uniquement quand ça n'allait vraiment pas, sinon Jimin ne devait pas non plus y prêter attention. Jamais. Il devait rester loin.
Les autres lui faisaient du mal, tant de mal. Il fallait absolument qu'il s'en tienne éloigné, qu'il ne les regarde pas ni ne leur sourie. Est-ce qu'il avait déjà souri à Yoongi ? Jimin songea que non, mais sa mémoire lui murmura que si. Ça avait été discret, rapide, mais Yoongi l'avait vu sourire, et il lui avait souri en retour, et Jimin avait trouvé qu'il était beau, son sourire, et Jimin s'en était voulu d'avoir pensé ça et d'avoir souri le premier. Aimer, c'était souffrir ; souffrir, c'était atroce.
Il mangea sans accorder un regard à quiconque. Les autres discutèrent ensemble. Yoongi ne parla presque pas, et Jimin crut sentir à plusieurs reprises ses prunelles ardentes lui réchauffer la peau. Il en frémit et, son hotteok terminé, il se hâta de repartir s'entraîner. La petite crêpe fourrée lui avait beaucoup plu, mais il lui fallait à présent aller brûler quelques calories.
Et dire qu'il s'était promis de ne rien avaler avant quatre heures de l'après-midi...
Peut-être que Taehyung l'avait un peu fait changer d'avis... mais Yoongi était indéniablement la raison du peu de résistance dont il avait témoigné. Il ne savait pas dire non à son aîné, pouvoir dont ce dernier avait profité ce matin-là. Pourquoi s'était-il montré si cruel avec lui qui surveillait sa ligne ? Pourquoi l'avoir incité à manger ce hotteok qui allait le faire grossir ?
Pourtant, quand il avait surpris le regard tendre de Yoongi sur lui lorsqu'il avait croqué dans sa crêpe, Jimin avait éprouvé un tel bien-être, un tel soulagement... qu'il ne pouvait pas regretter d'avoir cédé. Il avait aimé sentir ces yeux lui caresser la peau, il avait aimé sentir l'intérêt qui lui était porté, il avait aimé... que Yoongi arrête ainsi ses prunelles sur ses lèvres.
Parce que Yoongi avait dévoré ses lèvres, Jimin en était convaincu. Il les avait fixées de si longues secondes qu'il ne pouvait en être autrement. Et Jimin aimait ça, il aimait être aimé, mais plus encore il aimait être désiré de Yoongi. Peut-être parce que lui-même n'était pas insensible à son charme.
Un rappeur au talent fou, aux paroles frappantes, violentes, brutes, mais sincères, bouleversantes et belles. La rudesse de Yoongi était d'une douceur caressante pour Jimin qui la jugeait ensorcelante. Il adorait ses mélodies saccadées, sa voix débordante d'émotions dès lors qu'elle était accompagnée de musique, et ce qu'il préférait, c'était l'observer créer, car Yoongi arborait cette moue concentrée qui lui donnait tout à coup un air pur et innocent... alors même que sa tête fourmillait probablement d'insultes et de mots acerbes. Mais Jimin trouvait ça beau. Il trouvait ça beau que Yoongi ne se taise pas, qu'il s'exprime, qu'il crache sur ceux qui lui crachaient dessus, qu'il se rie des hommes autant que l'oiseau qui planait au-dessus du monde, pareil à un roi sans couronne.
Yoongi était sublime, tout le temps sublime, et le savoir qu'il possédait dans son domaine n'accentuait que plus encore l'admiration béate que le jeune danseur lui vouait secrètement depuis leur rencontre.
Parce qu'il l'admirait depuis leur rencontre, même s'il ne le désirait que depuis un jour ou deux. Pourquoi seulement depuis un jour ou deux, d'ailleurs ? Aucune idée, il ne contrôlait pas ce qu'il éprouvait.
Mais il ne devait rien éprouver. Ressentir, c'était souffrir ; souffrir... c'était vivre. Toute sa vie n'avait été que souffrance. Peut-être pas sa plus tendre enfance, mais ensuite il avait vécu dans la douleur. Il s'y était un peu habitué, juste un peu. Pas assez pour ne pas s'inscrire aux Rookie Games dans l'espoir de fuir.
Jimin jeta un regard à son bracelet en refermant derrière lui la porte de la salle de danse.
Bouger pour oublier les maux, l'amour, la mort et les malheurs. Bouger pour que n'existent plus que les mouvements, la fatigue. Bouger, bouger toujours, bouger sans cesse, et ne s'arrêter que parce qu'il était impossible de continuer. Ne s'arrêter qu'une fois qu'on s'écroulait. Telle était devenue la philosophie de Jimin, qui avait trouvé en l'art une échappatoire morale et physique idéale, raison pour laquelle il s'y abandonnait corps et âme, quitte à en souffrir : les courbatures faisaient bien moins mal que ce qu'il subissait lorsqu'il ne dansait pas.
Il ne pensait pas à Yoongi quand il dansait, il se contentait de danser. Il devait juste danser. Arrêter de songer à Yoongi, juste la danse. La danse, la danse, la danse...
Et Yoongi.
Jimin cessa sa chorégraphie en plein milieu, coupé dans son élan par des pensées parasites. Par chance, les autres mangeaient encore en discutant de façon animée – et fausse –, si bien que c'était sur eux que les caméras étaient braquées : le tracker de Jimin était éteint.
Le jeune candidat fixait désormais son propre reflet, immobile au centre de la petite salle dans laquelle résonnait de manière hypnotisante la chanson que Jimin avait écrite puis interprétée avec son aîné. Amusant, il s'arrêtait à l'exact moment où débutait la partie du rappeur. Jimin se régala de cette voix d'abord tranquille et grave qui montait dans les aigus en même temps qu'elle gagnait en vitesse, en intensité, en émotion.
C'était divin, et avoir pu admirer Yoongi enregistrer ce passage avait constitué à ses yeux un véritable privilège. Presque aucune retouche à son timbre, la prise qu'ils avaient choisie avait été parfaite.
Jimin inspira profondément, il tenta de se concentrer sur la musique, mais la musique ne voulait pas de lui. Tout ce qu'il entendait, c'était la voix de Yoongi, bouleversée, qui hurlait sa rage et sa détresse à travers un texte qui secouait le danseur. C'était beau, vrai, c'était tout ce qu'il aimait. La sincérité. Yoongi ne mentait jamais. Taehyung souriait quand ça n'allait pas, Yoongi non. Quand ça n'allait pas, ça n'allait pas.
Jimin coupa le morceau et s'assit. Il tourna par réflexe son attention vers le coin de la salle où son aîné prenait habituellement place lorsqu'il venait le voir, mais il n'y était pas. Soit il était encore avec ceux qui prenaient leur petit déjeuner, soit il était allé se reposer. Jimin aurait voulu qu'il soit là. Qu'il soit là à le dévorer du regard, à scruter chaque partie de son corps. Parce que les yeux de Yoongi non plus ne mentaient pas, et ils le désiraient avec une ardeur telle que Jimin ne pouvait plus se voiler la face : il ignorait si le rappeur éprouvait de quelconques sentiments pour lui, mais de toute évidence il rêverait de l'avoir dans son lit.
Et Jimin aimait ce regard. Il aimait que Yoongi le fixe comme un prédateur prêt à bondir sur sa proie, il aimait qu'il détaille aussi bien son visage fermé que sa taille svelte ou bien ses cuisses fines mais musclées. Il adorait, il adorait imaginer Yoongi le posséder dans cette salle étriquée aux murs recouverts de miroirs qui leur révèleraient leur acte débauché. Il adorait imaginer Yoongi le toucher, le toucher partout en lui murmurant des mots dans ce langage ordurier qui sonnait si bien dès lors que la musique s'en mêlait. Il adorerait – oh comme il adorerait ! – que Yoongi le pénètre sans relâche tandis que lui gémirait, gémirait sans pouvoir taire sa voix, et qu'ensemble ils atteignent le paroxysme du plaisir de manière bestiale, parce qu'ici ils n'étaient plus des humains.
Jimin aimerait que Yoongi le baise violemment, bien qu'il se rende désormais compte qu'il éprouvait pour lui l'amour le plus tendre ; jamais son désir pour le même sexe ne lui avait apporté la moindre douceur, si bien que l'amour rimait aujourd'hui pour lui avec la brutalité. Pourtant, il aimait Yoongi si fort, son cœur battait si ardemment, et il aimerait, plus que tout il aimerait... simplement que Yoongi pose de façon chaste ses lèvres sur les siennes en lui avouant enfin ce qu'il ressentait, et que Jimin ressentait également.
La caresse de sa bouche, celle de ses mains, et celle de ses mots. Puis qu'il lui fasse l'amour de manière si affectueuse que Jimin en aurait le cœur serré de bonheur. Jimin n'avait presque jamais eu le cœur serré de bonheur. La brutalité le faisait palpiter rageusement, Jimin se sentait vivant ainsi, il aimait ça, il aimait souffrir... mais au plus profond de son âme brisée, il désirerait tant avoir, rien qu'une fois, droit à un peu de tendresse...
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