Romi revenait d'une visite à Erick. Elle aurait aimée apprécier ces moments mais à chaque fois qu'elle se déplaçait, elle ressortait du centre plus triste que jamais. Plus les semaines passaient, plus elle le voyait sombrer. Il était pâle, il ne prenait plus la peine de peigner ses cheveux qui atteignaient presque ses épaules ou de prendre soin de sa barbe. Il semblait fatigué, âgé, et le pire, il avait perdu toute la fougue qui le caractérisait.

A cette pensée, Romi soupira. Elle aurait cru que lui présenter enfin sa fille de maintenant presque trois ans lui changeraient les idées mais ce n'était pas le cas, elle aurait même dit que c'était le contraire qui s'était passé.

Pour faire abstraction à tout ce qui lui traversait l'esprit, elle avait décidé de faire une balade en ville, peut-être que faire quelques achats allait la remettre d'aplomb, comme souvent.

- Maman, il y a un gros monsieur, il fait peur.

Romi arrêta la poussette et replia le doigt tendu de sa fille.

- On ne montre pas les gens du doigt et on ne dit pas g...

Romi avait regardé dans la direction qu'avait désignée Leina. De l'autre côté de la route se trouvait un homme en obésité morbide, il était très pâle, possédait des dents identiques à celles des tigres à dents de sabre et ses yeux noirs étaient fendus d'un trait doré. Et il s'avançait inexorablement vers elles. Romi souffla, à cause de la poussette que sa fille ne voulait jamais quitter, elle ne pouvait pas prendre ses jambes à son cou comme elle le faisait d'habitude.

- C'est effectivement un gros mais ce n'est pas un monsieur.

La femme se redressa. Depuis que Romi pouvait appeler ses esprits d'une seule pensée, Aki passait moins de temps avec elle, forcé à remplacer Yuilhan au côté de Raphaël. Si cela dérangeait quelque peu le tanuki, ce n'était pas spécialement le cas de Romi.

- Jack, occupe-toi de lui.

Le vampire apparut devant elle et s'exécuta.

- Yui, protège-nous.

Pendant que Jack s'avançait vers l'ennemi, Romi poussa sa fille loin de la scène, le renard sur leurs talons. Elle se dirigea dans les petites rues, moins fréquentées, où le vampire la rejoignit quelques minutes plus tard, un sourire aux lèvres.

- C'est fait.

- Il était puissant ?

Jack fut surpris par la question.

- Pas autant que moi.

- Réponds sérieusement.

- Il se débrouillait mais je suis toujours le plus rapide. Pourquoi ?

- Parce que Leina va bientôt avoir trois ans, elle vous voit depuis sa naissance et apparemment, c'est aussi le cas des esprits faibles. Tu sais ce que ça veut dire ?

- Plutôt, oui.

- On rentre.

Il était tard lorsque Romi fut de retour à la maison. Après avoir libéré sa fille et rangé ses affaires, elle s'approcha de Raphaël.

- Raph, Leina voit toujours les esprits.

- Je sais bien.

- Qu'est-ce qu'on doit faire ?

- Tu le sais.

Raphaël soupira, prit dans ses mains celles de Romi et alla s'asseoir sur le canapé.

- Tu arrives pourtant très bien à décider pour les autres. Tu sais qu'il faut la mettre dans une école de chasseurs d'esprits, c'est le seul moyen pour que son adolescence se passe bien.

- Et si elle devient comme eux ? Si elle se met à rejeter tout ce qu'on lui dira pour accorder toute importance aux paroles des chasseurs ?

- Elle le fera, c'est évident. Mais avec de la chance, elle se reprendra. Je veux qu'elle soit mise dans une de ces écoles.

- Oui, tu as raison.

Romi prit une inspiration et se leva.

- Je vais appeler les jumeaux. Au pire, Leina deviendra comme Erick.

Raphaël fronça les sourcils.

- Une dangereuse révolutionnaire ?

- Non... intelligente.

- Pardon ?

Romi rigola et sortit son portable de sa poche. Son sourire disparut en lisant le message que lui avait laissé Damien.

- Damien veut me voir rapidement, il a quelque chose à me dire.

- C'est drôle, fit Raphaël en regardant son propre portable. M. Vallet, l'inspecteur, m'appelle. Tu crois que maintenant que je ne travaille plus à la bijouterie, il peut m'embaucher comme consultant ? Ce n'est pas la première fois qu'il me demande de l'aide. Allô ?

Romi soupira et laissa son mari à son appel. Elle prévint Damien qu'il pouvait passer tout de suite, s'il le voulait.