Prise d'otages (deuxième partie)
Romi sortit l'un de ses carnets. Il y a quelques mois, elle avait mis un post-it sur l'une des pages pour mieux la retrouver et il était temps de s'en servir. Elle l'ouvrit et à l'aide d'un stylo, dessina le pentacle du carnet sur sa main gauche. Elle batailla quelque peu, n'étant pas son support de prédilection, l'encre avait du mal à coopérer. Elle parvint tout de même à le terminer et en fut plutôt fière, elle en dessinait rarement et celui-ci était l'un de ses plus réussis. Elle ferma le poing, les yeux et prit une inspiration. Une voix s'éleva près d'elle.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je cherche le point qu'il ne faut pas lâcher.
Si les autres en étaient capables, pourquoi pas elle ? Le pentacle s'était activé. Aussitôt, elle sentit une chaleur parcourir son corps. Elle se concentra pour la guider dans ses mains et la garder assez faible pour qu'elle n'explose pas. Ce fut difficile, son sang bouillonnait, ses membres frissonnaient et ces sensations la réjouissaient. Elle se sentait imbattable. Elle souffla à plusieurs reprises, de la sueur perlant sur son front. Elle ouvrit les yeux. Ses mains étaient illuminées. Romi reconnu se signe pour l'avoir déjà vu.
Plus calme que jamais, elle passa devant Raphaël puis à côté de la table des parents de son copain pour se glisser derrière l'esprit qui avait enfermé Jack dans une illusion. Comme Guillaume un peu plus tôt, elle lui toucha le dos. La femme écarquilla les yeux, ramena sa tête et ses omoplates en arrière et cria d'un cri strident avant de disparaître. Romi ne l'avait pas tué, du moins elle l'espérait. Le vampire, plié en deux, un peu déboussolé, lui jeta un coup d'œil et, comme ça lui arrivait rarement dans sa vie, se sentit petit face à elle.
Romi n'eut pas le temps de se remettre de ses émotions, elle se reçut un coup de poing dans la mâchoire. Ce geste, elle l'avait maintes fois lu et vu et elle se rendait compte qu'imaginer la douleur était bien différente que de la ressentir. Ses réflexes avaient réussi à atténuer le coup mais ce n'était évidemment pas assez, une brûlure lui parcourait toute la mâchoire droite. Heureusement, sa langue n'était pas coupée et elle semblait encore avoir toutes ses dents. Elle se redressa. Guillaume, l'auteur du coup, s'était fait sauté dessus par Ernest qui l'entourait de ses bras et de ses jambes. Jack lui fonça dessus et lui maintint les poignets en grimaçant contre le pouvoir de l'esprit toujours actif.
- Romi !
La jeune femme s'approcha. Elle plaqua sa main contre le front de l'adolescent qui cria de rage et disparut. Erick, qui avait tout ressenti, fit un bond en arrière.
- Arrêtez-la !
Ces cris successifs avaient fait taire les brouhahas de la salle. Tous, sans exception, s'étaient tournés vers le cœur de l'action pour voir ce qu'il se passait. Plus énervé que jamais, Erick réussit à toucher Charles au bras. Heureusement pour lui, il avait son armure et si la lame s'enfonça dedans, l'esprit s'en sortit bien et continua ses attaques. Contrairement aux humains, il ne se fatiguait pas en combattant.
Sous l'ordre de son maître, l'esprit au chapeau haut-de-forme se tourna vers Romi et monta sur la table des parents de Raphaël pour l'atteindre. Raphaël passa derrière lui et empoigna sa mère et sa sœur pour les éloigner de là, son père les suivit de bon cœur. L'esprit leva ses mains tel un marionnettiste et lança ses fils de pêche. Ceux-ci s'enroulèrent autour de Jack qui s'était mis devant Romi pour la protéger. En voyant ça, le marionnettiste sourit. Il avait pour ordre de ne pas blesser l'humaine mais on ne lui avait rien dit contre les esprits adverses. Il ferma les poings. Ses fils commencèrent à s'enfoncer dans le corps de Jack. Ses blessures laissèrent échapper un peu de fumée noire. Avant qu'il ne puisse tirer dessus, une faux vint couper tous les fils, libérant ainsi le vampire.
Ernest, fatigué, était retourné au plafond. Il avait beau être dans un état d'épuisement avancé, il savait qu'il en avait encore sous le coude et, coup de chance, le marionnettiste était juste sous lui. Il se laissa tomber sur lui et, comme ça avait marché sur Guillaume, entoura ses jambes autour du torse de l'esprit et ses bras autour de son cou. Aki abaissa sa faux et enfonça la lame dans le ventre du marionnettiste, par en-dessous, pour éviter de toucher Ernest. Romi s'approcha et toucha le pied de l'esprit. Ce fut plus long cette fois-ci mais l'esprit finit par disparaître.
Du fond de la salle, Yuilhan, qui se battait avec le dernier esprit d'Erick, cria :
- Cet esprit utilise son sang !
Une lueur passa dans les yeux de Jack.
- Un esprit qui saigne !
Trop vite pour qu'aucun ne puisse le suivre du regard, et malgré ses blessures, le vampire se rua sur le jeune homme roux et planta ses crocs dans le cou de l'esprit. Presque immédiatement, Jack s'éloigna de lui. Il cracha du sang bleu.
- C'est immonde !
Malgré le peu de sang qu'il avait pris, Romi put voir les entailles du vampire se résorber légèrement et l'esprit adverse tituber. Yuilhan en profita, il lui sauta dessus, le mordit à pleines dents, le secoua et le jeta contre un mur, faisant fuir les humains qui s'y trouvaient. Romi courut jusqu'à lui et le toucha avant que le renard ne le tue. Le dernier esprit d'Erick disparut.
- Romi ! cria Aki.
La jeune femme se retourna. Vers l'escalier, Charles était à terre. Erick, un pied sur son corps, avait planté son épée dans le ventre de l'esprit. Et cette fois-ci, l'armure ne l'avait pas protégé, la lame l'avait traversée et avait touché le cavalier. Romi s'avança en criant :
- Charles, reviens à moi !
Le cavalier disparut à son tour. Erick fit tournoyer son épée et la planta à ses pieds. La tête légèrement penchée et essoufflée, son sourire avait disparu. Romi et Erick se fixèrent, tout le monde attendait la suite. Les mains de la jeune femme étaient toujours entourées de lumière mais elle sentait que son énergie était sur le point de la lâcher. Un mal de tête commençait à poindre, elle en avait peut-être un peu trop fait. Ses esprits l'entourèrent.
- Tu es forte et tu as encore tous tes esprits, fit Erick avec une voix que Romi n'avait encore jamais entendue, mais vous êtes épuisés et nous sommes plus nombreux.
L'homme sembla se reprendre. Il se redressa et eut un grand sourire.
- Ha ! Je le savais. Quand on s'est rencontrés devant la porte des esprits, je savais que tu étais géniale ! Mon instinct ne m'a pas trompé.
Il tendit le bras devant lui.
- Rejoins-moi.
Romi ne répondit pas. Erick serra le poing.
- Tu sais, quand j'ai mis en place tout ce bazar, ma première idée était de faire des victimes, de menacer des gens, et certains de mes acolytes étaient d'accord avec moi. Mais je me suis dit que ce serait trop violent et que ça ferait sûrement tout l'inverse de ce que je veux. Maintenant, en y réfléchissant bien, j'ai peut-être fait une connerie en changeant d'avis. Après tout, ce n'est pas pour rien que j'ai invité tout ce beau monde ici.
Erick leva le bras.
- Je te laisse cinq secondes, Romi ! Après, je ne répondrais plus de rien. Cinq...
- Ne le suit pas ! cria Raphaël.
Romi prit une inspiration.
- Quatre...
Elle devait à tout prix gagner du temps. Erick avait raison, elle et ses esprits n'avaient plus la force de se battre. Face à tous les esprits qui restaient, elle ne pouvait rien, elle ne pouvait pas protéger tout le monde. Elle fut assaillie par une dizaine de pensées sans pouvoir en faire le tri.
- Un !
Romi ouvrit la bouche.
Des phares illuminèrent tout à coup les environs, la lumière se refléta sur les vitres et plusieurs voitures envahirent le parking. Erick écarquilla les yeux.
- Comment... ?
Il regarda Romi. Cette fois, c'était à elle de sourire.
- Ce sont les chasseurs ! Fuyez !
Ce fut la débandade parmi les forces adverses, Erick traversa la salle en courant. En passant à côté de Romi, il la bouscula et lui glissa à l'oreille :
- Réfléchis bien.
Il s'enfuit par la porte des cuisines. En quelques secondes, le restaurant fut envahi par les chasseurs d'esprits et les premiers hommes d'Erick furent arrêtés. Il y eut des cris. On entendit même quelqu'un dire :
- Trouvez-moi ce putain de disjoncteur !
L'appareil fut trouvé, les lumières revinrent dans le restaurant, exposant à tous la scène qu'ils n'avaient fait qu'entrevoir dans l'obscurité.
Sur sa main, le pentacle de Romi s'était effacé et la jeune femme ne sentait plus son énergie circuler dans ses veines.
- Romi !
Hémon, le parchemin volant, fonça sur la jeune femme. K l'attrapa au vol et ils tournoyèrent ensemble, mains dans les mains. Raphaël avait rejoint sa copine. Damien, arme en main, se présenta devant eux. Romi malaxait sa mâchoire du bout des doigts dans l'espoir d'amoindrir la douleur.
- Ton esprit nous a mené jusqu'ici mais ce n'était pas vraiment la peine, le pentacle au-dessus du restaurant se voit à des kilomètres.
- Tu es tout seul ? demanda Romi.
- Non, ma mère n'est pas loin. Quant à Valens et Leslie, ils sont trop occupés dernièrement, je préfère ne pas les déranger. Et puis...
- Nous sommes là, nous aussi.
Les faux jumeaux se rangèrent à côté de Damien.
- Vous habitez loin, fit Raphaël, comment êtes-vous arrivé aussi vite ?
- On était passé dire bonjour à quelques personnes pas loin, dont Victor. Nos parents sont là, aussi, répondit Jérémy.
Il fit un signe de tête vers l'entrée. Une voix se fit entendre :
- Lâchez-moi !
En se tournant, ils virent que le père de Raphaël fuyait un chasseur qui lui avait demandé s'il allait bien. Raphaël soupira. La petite fille que Romi avait vue plus tôt passa dans son champ de vision. D'un geste de la main, elle attira l'attention de Maeva.
- Cette fille voit les esprits.
Les jumeaux suivirent la direction montrée par Romi.
- Elle est de ta famille ? demanda Maeva.
Romi hocha la tête.
- Elle est jeune mais assez vieille pour qu'on le prenne au sérieux, fit Jérémy, surtout si elle est de ta famille. Si c'est ce que tu nous demandes alors oui, nous allons prendre soin d'elle.
Romi hocha de nouveau la tête, soulagée. Même si elle n'avait pas les mêmes idées que les chasseurs, ils étaient les seuls qui pouvaient prendre soin de la petite. Elle souffla et se retourna. Derrière elle, Ernest était assis sur la table où s'étaient tenus ses parents. Sa tête posée sur sa main et sa jambe droite se balançant dans le vide. Un cercle s'était formé autour de lui, les gens étaient aussi curieux que méfiants, après tout, le garçon sortait tout droit des années 1800 et il lui manquait ses deux pieds. Romi dit d'une voix forte :
- Rentrons ! Je suis crevée et je ne suis pas la seule.
- On s'occupe de tout, fit Damien.
Le couple se dirigea vers l'entrée du restaurant. A mesure qu'ils marchaient, les invités et les chasseurs s'écartaient sur leur passage. La jeune femme en profita pour rappeler tous ses esprits, ils avaient bien mérité un peu de repos.
En mettant les mains dans ses poches, Romi sentit sous ses doigts le morceau de papier que lui avait laissé Erick.
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