Nouveau travail
Romi regardait Raphaël du coin de l'œil, cela faisait quinze minutes qu'il était au téléphone et à en juger par la conversation, ce n'était ni un client, ni un ami, ni quelqu'un de sa famille.
‑ Qu'est-ce que c'est ?
‑ Un stylo bleu, répondit-elle à Charles, l'esprit au cheval noir, qui avait décidé de passer du temps avec eux pour parfaire son français qui s'était déjà grandement amélioré.
‑ Et... ça ?
‑ Un pot à crayons.
‑ Ça ?
‑ Un tapis de souris.
‑ Pourquoi souris ont besoin tapis ?
‑ Euh... non, c'est...
‑ Merci, au revoir.
Romi se tourna vers Raphaël qui soupira de soulagement.
‑ C'était qui ?
‑ Un ami de mon père, il a peut-être besoin de quelqu'un, je vais travailler dans son entreprise quelque temps. Ce ne serait que pour quelques mois. Voir moins.
‑ Et tu vas y faire quoi ?
‑ Je vais être l'assistant de l'assistante.
Romi étouffa un rire.
‑ Ne rigoles pas, c'est la vérité. Il va avoir une nouvelle assistante, c'est la première fois qu'elle fait ce travail, je vais l'aider le temps qu'elle prenne ses marques.
‑ Seulement, être patron de notre agence est totalement différent qu'être un assistant d'une grande entreprise.
‑ Tu n'as donc pas confiance en mes capacités ?
‑ On verra bien ce qu'elles en disent après une semaine à passer à côté de l'imprimante et à apporter des cafés à tout le monde. Tout ce que tu vas y gagner c'est de l'ennui. Tu vas régresser !
Raphaël plissa les yeux. Il était sur le point de gagner le duel de regard lorsque Charles s'approcha de Romi avec un portable dans les mains.
‑ Aki m'a déjà expliqué mais... qu'est-ce que c'est ?
En se regardant dans la glace, Raphaël soupira. Il avait l'habitude de porter des costumes depuis qu'il était jeune, mais seulement pour les grandes occasions, ici, c'était différent, il devait s'habiller ainsi chaque jour pour son travail en entreprise, ce qui ne l'enchantait pas beaucoup.
Le jeune homme se rendit au quartier des affaires, à une demi-heure de chez lui, il s'arrêta sur un parking et entra dans l'immeuble de l'ami de son père. Il se présenta à l'accueil, la femme lui dit de monter au dernier étage, ce qu'il fit. Il se sentait un peu perdu ici, tous les employés le dévisageaient malgré le badge qu'il portait à la poitrine. La tête rentrée dans les épaules, Raphaël toqua à la porte du directeur.
‑ Entrez !
Le garçon ouvrit la porte. Le bureau du directeur était lumineux et moderne. L'homme, qui se tenait derrière un bureau à la diagonale de Raphaël, se leva.
‑ Raphaël !
‑ Bien le bonjour.
‑ Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vu.
‑ Seulement quelques mois.
Raphaël signa des papiers puis il fut présenté à l'assistante du patron, une femme brune aux cheveux mi-longs. Ils discutèrent quelque temps puis le directeur les quitta sur cette phrase :
‑ Je compte sur vous.
Le garçon se tourna vers l'assistante avec un grand sourire.
Romi avait perdu l'habitude de se lever tôt. Comme d'habitude, elle n'avait pas réussi à aller se coucher avant minuit, par conséquent, elle rêvait de son lit depuis qu'elle l'avait quitté. Elle était très fatiguée et hésitait à boire directement du thé après le café qu'elle avait pris au petit-déjeuner. Sa seule satisfaction était qu'elle pouvait enfin s'asseoir à la place du patron, sur la chaise confortable derrière le bureau.
C'était à peine dix heures et, en plus de légèrement s'ennuyer, la jeune femme se sentait un peu coupable, Raphaël avait fait l'effort de travailler pour eux deux et pour une maison qui ne lui appartenait même pas. Elle à côté, à part s'occuper de l'agence en son absence, ne faisait rien.
La porte de l'agence s'ouvrit, Romi se redressa.
‑ Bien... venu...
Un enfant venait de pousser la porte d'entrée. Le garçon regarda la jeune femme avec un visage déterminé mais néanmoins timide.
‑ Qu'est-ce que tu fais là ?
‑ Je suis un client.
Romi décida de jouer le jeu.
‑ Asseyez-vous, je vous en prie.
Le garçon s'exécuta.
‑ Je m'appelle Romi, et vous ?
‑ A... Alex.
‑ Qu'est-ce qui vous amène ici ?
Sans s'expliquer pourquoi, le garçon se sentit bête tout à coup. Il fixa ses mains posées sur ses genoux.
‑ Euh... mes peluches bougent.
Il releva vivement la tête.
‑ Mes parents ne me croient pas, ils ne veulent pas appeler quelqu'un, à chaque fois que je retourne dans ma chambre mes peluches ne sont plus à l'endroit où je les avais laissé. Au début mes parents disaient que c'étaient eux qui les bougeaient sans faire exprès ou que c'était peut-être le chat, mais le chat ne s'approche jamais de ma chambre ! J'ai caché une peluche au fond d'une de mes étagères où j'étais sûr que personne ne pouvait la voir ou la toucher. Quand je suis revenu à la fin de la journée, elle était couchée en évidence au bord de l'étagère, prête à tomber.
Romi sourit et hocha la tête.
‑ Je te crois. Il y en a plusieurs qui bougent ? Tu sais combien exactement ?
‑ Je ne sais pas, peut-être quatre ou cinq.
La fille se leva.
‑ On va chez toi ? Peut-être que je pourrais faire changer d'avis tes parents.
La maison d'Alex était assez moderne, les murs étaient d'un beau beige et un petit balcon surplombait la porte d'entrée. Le garçon entra chez lui et cria :
‑ Maman !
‑ Alex ! Où tu étais passé ?
‑ Viens !
‑ Qu'est-ce qu'il y a ?
Une femme avec une queue de cheval apparut devant Romi.
‑ Oh... bonjour...
‑ Bonjour. Je m'appelle Romi et je suis... une personne qui s'occupe des esprits.
‑ Je n'ai pas besoin de vos services.
‑ Au vu des paroles de votre fils, il semblerait que ce soit le contraire.
‑ Je ne sais pas ce qu'il vous a raconté mais ce sont des bêtises.
‑ Madame, cela fait longtemps que j'ai affaire à des esprits et certains peuvent être très dangereux. Si ceux qui sont dans votre maison n'ont rien fait de méchant jusqu'à présent, rien ne garantit que ce ne sera pas le cas dans plusieurs années. Laissez-moi au moins vérifier.
Dans la pièce voisine, un bébé se mit à pleurer. La femme soupira.
‑ Ce n'est pas gratuit, je suppose ? Alex, emmène-la dans ta chambre.
Le garçon sauta de joie et conduisit Romi à l'étage. Il ouvrit la porte de sa chambre. Au même moment, Aki apparut à côté d'elle.
‑ Il y en a plusieurs, ils sont faibles. Ils sont cinq et à priori, pas dangereux pour un sou.
‑ Tu peux me laisser seule dans ta chambre ?
Alex acquiesça à contre-cœur et la fille ferma la porte derrière elle. Elle se mit ensuite à genoux sur le tapis à côté du lit et dit à voix basse :
‑ Sortez, nous sommes seuls, je ne vous veux pas de mal, je veux juste savoir ce que vous faites ici.
Un ours placé sur le lit releva la tête pour la regarder.
‑ Qui es-tu ?
‑ Bart ! Ne lui parle pas ! fit une voix aiguë.
Romi sourit. Un zèbre se leva et s'approcha d'elle.
‑ Tu es un chasseur ? Tu n'es as pas l'air.
‑ Parce que je n'en suis pas un. Je m'appelle Romi, le garçon de cette maison vous a vu bouger et ça l'inquiétait. Pourquoi vous cachez-vous dans des peluches ?
‑ On ne se cache pas, répondit un tigre, c'est le seul moyen qu'on a trouvé pour vivre en paix.
‑ Parce que vous vivez en paix dans des peluches au milieu des humains ? lança Aki.
‑ Les enfants sont très gentils ! s'exclama une souris.
‑ Nous sommes faibles, reprit le dénommé Bart. Nous sommes petits et avons la peau transparente, un rien peut nous emporter et nous séparer. Il nous fallait des corps, c'est le seul moyen qu'on a trouvé pour être tranquille sans déranger personne. Ça fait des décennies que l'on vie dans des peluches.
Aki tira sur sa pipe.
‑ Ça se tient.
Romi pinça les lèvres et réfléchit.
‑ Un corps... ça vous dirait de vivre dans une maison sans vous cacher et d'être libre de vos mouvements ?
‑ Tu ne vas quand même pas les inviter chez nous ?! s'exclama Aki.
‑ C'est possible ? demanda l'ours.
‑ C'est un piège ! s'écria la souris.
‑ C'est la vérité. Alors, vous acceptez ?
Les peluches se regardèrent puis celle qui n'avait pas encore parlé, un chien, s'enquit :
‑ Tu promets qu'on n'aura plus à s'en faire ? Que tu ne nous emprisonneras pas ? Que tu ne nous abandonneras pas ? Que tu ne nous tueras pas ?
‑ Je vous le promets. Regardez Aki, il est très heureux avec moi.
Les peluches fixèrent le tanuki puis l'une d'entre elles répondit :
‑ Alors on accepte.
Quelqu'un frappa à la porte de la chambre et la mère d'Alex entra. Romi se tourna vers elle en souriant.
‑ Alors ?
La fille désigna les peluches qui s'étaient affaissées sur le lit.
‑ Les voilà. Ils sont gentils mais comme ils semblent vous déranger, je vais les prendre. Les esprits, pas les peluches. Ça vous va ?
La femme berça l'enfant qu'elle portait dans ses bras et répondit en soupirant :
‑ Faites comme bon vous semble.
Romi se tourna vers les peluches.
‑ Vous vous appelez comment ?
L'ours releva la tête. La femme écarquilla les yeux et Alex ouvrit la bouche d'admiration.
‑ On nous a donné bien des noms mais nous n'en avons pris aucun.
‑ C'est donc à moi d'en trouver un ? Hmm... vous pouvez m'apporter une grande feuille ou du carton, peu importe ? Il faut que je puisse écrire dessus.
Les habitants de la maison s'exécutèrent pendant que Romi réfléchissait à un nom qui pourrait regrouper tous les esprits. Opération qui s'avéra plus difficile que prévu.
‑ Les cinq saisons, les cinq mois d'une année, les cinq planètes du système solaire... pourquoi êtes-vous cinq ?
‑ Vous pouvez tout simplement nous appeler les cinq, fit l'ours.
‑ Quoi ? Ça vous irait vraiment ? Non, je sais ! Les inséparables, comme les oiseaux, ça vous va mieux.
Alex et sa mère revinrent, Romi se dépêcha de dessiner un pentacle sur la feuille qu'ils venaient de lui apporter et plaça une carte vierge devant elle.
‑ Sortez de votre corps et venez vous placer sur le cercle.
Les esprits abandonnèrent leurs peluches et s'exécutèrent, ils ressemblaient tous à des têtards et étaient à peine plus gros que ces derniers. Romi toucha la feuille, ferma les yeux et prononça :
‑ Moi, Romi, fille des esprits, me permet de nommer les êtres qui me font face les Inséparables et c'est par ce nom que je vous demande de me rejoindre en vous faisant la promesse de vous garder libre et de ne jamais vous faire de mal.
Les esprits entrèrent dans la carte. La fille ouvrit les yeux.
‑ Voilà, regardez.
Elle se leva et montra la carte à Alex et sa mère.
‑ Ce sont les esprits qui étaient dans cette chambre.
‑ Ils sont où, maintenant ? demanda le garçon.
‑ Dans un endroit connu d'eux seuls où d'autres de mes esprits vont leur expliquer qui je suis et ce que je fais. Je les invoquerai chez moi pour qu'ils puissent prendre un corps.
Elle rangea la carte dans sa sacoche avec toutes les autres.
Raphaël mit les béquilles de sa moto et enleva son casque. Sa matinée s'était plutôt bien passée. Après avoir changé de vêtements et avoir pris le déjeuner, il prendrait le relais de Romi à l'agence. Il espérait qu'à la longue, tout ceci ne l'épuiserait pas, heureusement qu'il pouvait compter sur sa copine. Il souffla et ouvrit la porte d'entrer. Romi était assise à la table du salon.
‑ Je viens tout juste de lire ton SMS, tu me ra... pourquoi il y a des peluches sur la table ?
‑ Je te présente Tigrou, Winnie, Hamtaro, Milou et Ratatouille. Ce sont les peluches de quand j'étais petite, je les ai prises tout à l'heure chez mes parents. Ne t'habitue pas trop, ils vont peut-être changer, Hamtaro a du mal à bouger. Ils vont vivre ici, à présent.
Milou leva la patte pour saluer Raphaël.
‑ Qu'est-ce que tu as encore fichue... ?
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