Les sceaux
Romi ne pouvait s'empêcher de faire les cent pas dans le salon, elle était à la fois stressée et excitée. Raphaël prit les clefs de sa voiture sur le tableau de l'entrée.
‑ T'es prête ?
‑ J'en ai l'air ?
‑ C'est toi qui le voulais en tant que cadeau de Noël en avance.
‑ Je sais. Allons-y.
Romi aurait préférée prendre sa propre voiture, mais au vu de l'état dans lequel elle était, il valait mieux que Raphaël conduise, et il refusait catégoriquement de se mettre au volant du véhicule de sa copine. Ils roulèrent pendant plus d'une demi-heure pour atteindre une ville voisine.
Ils se garèrent sur un petit parking et se rendirent à pied jusqu'à leur point de rendez-vous. Ils poussèrent la porte de la boutique d'une tatoueuse.
‑ Bienvenue ! Vous êtes la personne avec qui j'ai échangé des mails ?
‑ Bonjour, oui c'est moi, Romi. Voici Raphaël.
Une femme aux cheveux noirs raide et à la peau tatouée serra les mains des deux compagnons. Elle ouvrit un tiroir et montra une nouvelle fois le dessin que lui avait envoyé le couple un mois plus tôt.
‑ C'est bien celui-là ? Vous n'avez aucune modification de dernière minute à faire ?
‑ Non, c'est parfait.
‑ Alors enlevez votre haut et allongez-vous sur le ventre.
Romi se fit tatouer un sceau de protection au plus près de son âme, comme elle ne voulait pas se le faire sur la nuque, elle avait choisi le haut de l'omoplate gauche. La tatoueuse lui dessina donc le sceau que Damien lui avait fait sur la main dans la maison de l'esprit du temps, elle l'avait un peu modifié pour le rendre plus personnelle et plus beau. Une fois terminée, la jeune femme se releva les yeux rouges. Raphaël pouffa.
‑ C'est la couleur qui fait ça, expliqua la tatoueuse.
Ils ressortirent de la boutique un peu plus tard, Romi avec un gros pansement sur l'épaule et Raphaël portant un sac avec tout le nécessaire à l'intérieur. La jeune femme souffla, prit une inspiration et lâcha :
‑ Maintenant que je suis complètement déstressée et donc en forme, on fait les magasins ?
Raphaël sourit. Comment pouvait-il refuser ?
Ils passèrent la fin de la matinée dans les boutiques où ils se firent plaisirs en achetant quelques affaires et des fournitures. Alors qu'ils remontaient un trottoir, ils virent, au loin, une femme au tint bronzé et aux cheveux bruns remontés en queue de cheval porter un sac deux fois plus gros qu'elle sur son dos. Elle s'arrêta devant le couple et les montra du doigt.
‑ Vous aussi vous voyez les esprits ?!
Raphaël regarda Aki qui ne se tenait jamais très loin d'eux. La femme s'approcha à la vitesse de la lumière et prit les mains de Romi dans les siennes.
‑ Vous êtes des chasseurs d'esprits ?
La jeune femme secoua la tête de droite à gauche.
‑ Alors vous pouvez m'aider !
Romi et Raphaël se regardèrent.
‑ Parlons ailleurs, d'accord ? proposa le jeune homme.
Comme c'était midi, ils cherchèrent un endroit où se restaurer. Une fois devant leur table, la femme s'empiffra et avala son déjeuner d'une traite.
‑ Chest trop bon ! Chai prechque rien manché, hier.
Raphaël se racla la gorge.
‑ Et donc ? En quoi peut-on vous aider ?
La femme but son gobelet de café et expliqua :
‑ Tutoyez-moi. Je m'appelle Olivia et ça va faire dix ans que je parcours le monde. Quand j'étais ado, mon meilleur ami a passé trop de temps dans le monde des esprits, si bien qu'il en est devenu un.
Romi haussa les sourcils, c'était donc possible ?
‑ Comme il avait beaucoup de connaissances et qu'il était puissant, les chasseurs ont décidé de le sceller. Pour être sûr que personne ne le libérerait, ils ont placé des sceaux aux quatre coins du monde, ça a pris du temps mais il a fini par s'endormir, enfermé dans une grotte. A dix-huit ans, je me suis barrée pour briser les sceaux. Grâce à l'argent que j'avais, j'ai pu faire le tour du monde. A présent que je suis fauchée, je suis de retour en France, seul pays que je n'ai pas encore fait. Je suis revenue il y a quelques jours, les sceaux sont plus nombreux ici et d'après les cartes que je me trimballent depuis dix ans, il y en a dans cette ville. Vous ne sauriez pas où, par hasard ?
Romi secoua la tête.
‑ Pas grave, j'ai l'habitude maintenant, je tombe parfois dessus sans même chercher.
Romi termina son wrap et but son cacao. Le nez encore dans son gobelet, elle poussa une exclamation.
‑ J'ai une idée !
Raphaël se tourna vers elle avec appréhension.
‑ Par contre je ne sais pas si ça va marcher. Allons parler là où il n'y a personne.
Ils finirent leur déjeuner et allèrent se trouver un coin tranquille où ils étaient sûrs de ne pas être dérangés. Romi fouilla sa sacoche et en sortit une carte.
‑ Hémon, vient à moi.
Le parchemin fit son apparition à côté d'elle.
‑ Romi ! Ça fait longtemps que tu ne m'avais pas appelé seul. La dernière fois vous étiez sur le point de mourir. Que puis-je faire pour toi ?
La jeune femme lui expliqua brièvement la situation et ajouta :
‑ Si je note sur toi le nom du meilleur ami d'Olivia, tu crois qu'il te mènera aux sceaux ?
‑ Tout ce que je sais, c'est qu'il me mènera à lui.
‑ Je sais où il se trouve, fit la femme, ce n'est pas ce que je veux.
‑ Essayons.
Le parchemin fit apparaître une plume et demanda à Olivia d'écrire le nom de son meilleur ami sur lui. Une fois fait, Hémon haussa des sourcils imaginaires et siffla. Sous lui, des dizaines de lignes lumineuses s'imbriquaient et partaient dans plein de directions différentes. Romi s'empara du parchemin pour observer la carte que l'esprit fit apparaître sur son dos.
‑ Il y a tellement de chemins qu'on ne voit plus rien.
Olivia prit Hémon des mains de Romi.
‑ Ça marche...
Elle avait les larmes aux yeux.
‑ Je peux zoomer et dézoomer comme sur un écran tactile ?
‑ Ne demande pas non plus l'impossible ! s'exclama Hémon.
‑ Hé ! Regardez, c'est le seul chemin qui s'arrête.
Effectivement, sur le plan, l'une des lignes tracées en rouge s'arrêtait alors que toutes les autres continuaient hors de la carte montrée par le parchemin.
‑ C'est en dehors de la ville, prenons la voiture, fit Raphaël.
Il mena le véhicule pratiquement jusqu'au bout d'un chemin de terre et s'arrêta au bord d'un pré plus long que large. Ils descendirent de la voiture et suivirent Olivia qui, sans hésitation et les yeux rivés sur la carte de Hémon, traversait le pré à grands pas. Elle s'arrêta au pied d'un poteau en bois et dégagea les touffes d'herbes avec ses pieds.
‑ Ici !
Elle arracha l'herbe avec ses mains et dégagea une pierre grise sur laquelle un sceau de chasseur d'esprits avait été gravé. Elle porta sa main à son sac à dos et avec un geste fluide, elle en sortit un bâton pliable qu'elle déplia. Au bout, il y avait un pique d'une longueur de dix centimètres et le manche était bardé de runes. Elle planta le bâton dans la pierre et prononça une phrase en latin. L'énergie d'Olivia tourbillonna autour d'elle pendant quelques instants, à la surprise de Romi qui n'avait encore jamais vu ça, et la pierre se brisa en plusieurs morceaux.
Le chemin sur la carte de Hémon disparut.
‑ Et un de moins.
‑ Tu es une chasseuse d'esprit ? demanda Raphaël.
‑ J'étais. J'ai tout plaqué à la sortie du lycée et ce que je suis en train de faire ne va pas m'aider à revenir vers eux.
Ils retournèrent à la voiture. Après quelques minutes de réflexion, Romi sortit tout à coup :
‑ Tu sais quoi ? Garde Hémon avec toi. Enfin si ça ne vous dérange pas.
‑ Du tout, répondit le parchemin. De toute façon, si tu m'en donnes l'ordre, je ne pourrais faire autrement.
Romi eut un rictus.
‑ Tu sais très bien que ce n'est pas comme ça que je fonctionne.
Olivia regarda tour à tour Hémon et Romi.
‑ Tu ferais ça ?
‑ Bien sûr.
Olivia prit Romi dans ses bras. Raphaël s'approcha de la femme et lui tendit sa carte de visite.
‑ On tient une agence relative aux esprits, les gens viennent nous voir pour qu'on les aide. Retrouve-nous ici lorsque tu auras terminé ton tour de France.
Olivia prit la carte et hocha la tête.
‑ Merci. Je vous revaudrais ça.
‑ On te dépose quelque part avant qu'on se sépare ?
Le portable de Romi vibra. Elle regarda l'écran et lut le message que venait de lui envoyer Valens : « On a une urgence, il s'est passé quelque chose avec Damien, ramène-toi, vite ! » La jeune femme releva les yeux.
‑ On n'a pas le temps, Raph.
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