Romi était aux anges. Ils s'étaient levés tôt pour partir mais il lui semblait que sa fatigue s'était complètement évaporée.

Ils avaient fait quelques heures de train puis Raphaël avait loué un 4x4, même si la montée s'était avérée compliquée pour lui, ils étaient arrivés au chalet qu'il avait loué sain et sauf.

‑ C'est magnifique ! s'exclama Romi.

‑ Il fait froid.

‑ J'ai hâte de tout visiter !

‑ Je veux passer toute ma journée dans le sauna. On rentre par où ?

L'intérieur du chalet était superbe, tout était en bois excepté la cuisine, le bar et la cheminée qui étaient en pierre. Le salon avait l'air confortable et une grande table faisait office de salle à manger. La propriétaire les emmena dans leur chambre, elle était de taille moyenne, il y avait deux lits côte à côte, une fausse fourrure était posée à leurs pieds et une peinture d'un paysage ensoleillé les surplombait. Une fois seuls, les deux compagnons posèrent leurs sacs sur des fauteuils et firent le tour de la chambre.

‑ C'est génial ! dit Romi. Il faut qu'on refasse la déco de la maison.

‑ Pas envie. Et on n'a pas assez de clients pour se permettre de tout refaire.

‑ Rabat-joie. Tu l'as payé comment alors ce séjour ?

‑ Avec mes économies. Ça te dit qu'on fasse un tour jusqu'à midi ?

Romi hocha la tête. Ils se promenèrent tranquillement toute la matinée puis s'arrêtèrent dans un restaurant à midi pour manger. Dans l'après-midi, Raphaël essaya son sauna tant attendu, le massage qui vint ensuite les acheva. Ils rentrèrent donc tout doucement à leur chambre et attendirent l'heure du dîner ou ils rencontrèrent les autres habitants.

Le lendemain, ils firent une grasse matinée bien méritée. Dans l'après-midi, ils allèrent faire une balade en raquettes avec un guide. Ils trouvèrent ça plutôt sympa mais un peu long et ennuyant ; leur guide parlait souvent pour ne rien dire. Alors qu'ils marchaient sur un chemin à travers les bois, un magnifique cerf albinos s'arrêta pour les regarder passer. En remarquant que leur guide ne faisait pas attention à lui, Romi donna un coup de coude à Raphaël. Le garçon hocha la tête, lui aussi avait vu l'esprit.

Le cerf croisa leur regard, il les fixa un moment avant de s'en aller dans les bois au trot. Les deux compagnons ne reparlèrent plus de ceci, il y avait trop de monde autour d'eux.

Une fois les raquettes rangées et le déjeuner avalé, Romi secoua Raphaël, des étoiles dans les yeux.

‑ Shopping !

‑ Oui, oui...

La ville dans laquelle ils se trouvaient était vraiment très belle, il y avait beaucoup de couleur, et ce n'était pas seulement dû aux décorations de noël, l'architecture de certaines maisons ou immeubles était particulière et les volets étaient également peints de différentes couleurs. Ils firent plusieurs boutiques, Raphaël ne comptait plus les fois où il levait les yeux au ciel et malgré le fait que Romi savait qu'elle se faisait arnaquer, elle acheta plusieurs babioles.

Une fois au chalet, après le dîner, la fille, très contente de sa journée, s'était étalée sur son lit, les mains derrière la tête. Raphaël posait plus souvent ses yeux sur elle que sur son portable. Au bout d'un moment, elle lança :

‑ Je repense à ce cerf...

Le garçon mit son téléphone dans sa poche et regarda Romi.

‑ Je me demandais quand tu allais en parler.

‑ Il ne t'intrigue pas ?

‑ Si, un peu. Mais même s'il est beau, il fait sa vie, on n'a pas besoin de s'occuper de ses affaires.

‑ Hmm... je suis curieuse, j'aimerais savoir ce qu'il fait là-bas.

Aki apparut à côté du jeune homme.

‑ Pour une fois, écoute Raphaël, il a raison, laisse ce cerf tranquille.

Romi soupira.

‑ Bon ! s'exclama le jeune homme. Dormons, demain va être sportif.

Le lendemain fut la journée ski. Contrairement à Raphaël, c'était la première fois pour Romi et heureusement pour elle, le garçon ne la laissa pas tomber malgré son envie de se défouler. Le jour suivant fut différent puisque Raphaël décida à s'essayer au snowboard. Cahin-caha, Romi se débrouilla toute seule et ce n'était pas parce qu'il n'y avait plus personne pour la relever en cas de chute qu'elle perdit sa motivation.

Le soir, ils furent contents de retrouver leurs lits. Ils dormirent comme une souche jusque tard le matin.

‑ Cette après-midi, je vais voir le cerf, sortit Romi lors du déjeuner.

Raphaël la fixa sans rien dire.

‑ Je sais que tu ne veux pas, alors tu n'es pas obligé de venir.

‑ Je ne peux pas te faire changer d'avis, de toute façon. Je ne vais pas te laisser seule, tu risques de te perdre.

‑ Tu me sous-estimes.

‑ Tu te sur-estime.

Ils louèrent des raquettes et retournèrent sur les chemins montrés par le guide. Ils furent de retour, après une bonne heure de marche, vers la forêt où ils avaient vu le cerf pour la première fois. Ils étaient sur le point d'y entrer lorsque Aki apparut devant eux.

‑ Vous êtes sûr de vouloir y aller ?

Romi hocha la tête.

‑ Alors laissez-moi vous accompagner. Allez-y doucement et en silence. C'est primordial.

Les deux compagnons s'exécutèrent. Se déplacer doucement n'était pas difficile à cause de la neige mais le silence, c'était autre chose. Avancer dans ces bois était compliqué, la neige s'était accumulée sur les feuilles et les branches tombées au sol, chaque pas étant imprévisible, Romi et Raphaël ne savaient jamais s'ils mettaient les pieds dans un trou ou sur une bute. Au bout d'un quart d'heure qui leur parut le double, Aki chuchota :

‑ On s'approche. Allez derrière ces arbres en faisant le moins de bruit possible et cachez-vous.

Raphaël souleva les sourcils mais ne posa aucune question. Une fois calé derrière leurs arbres, le tanuki montra du doigt ce qu'il y avait devant eux ; une grande clairière. A son bout se trouvait un rocher de quatre mètres de haut accompagné de pierres qui ressemblaient vaguement à des bancs. Ce n'était pas tout, il y avait également des esprits, ils n'étaient pas nombreux et semblaient endormis. Un seul flottait sur un nuage et lisait un livre.

‑ Je vous présente un endroit de repos pour les esprits, expliqua Aki. Ils viennent ici pour chercher un peu de tranquillité ou pour mourir, loin des humains. Le cerf est là pour protéger le lieu. Il en existe plusieurs partout dans le monde. Ils sont assez nombreux mais il faut les connaître. Maintenant que vous avez vu, on ferait mieux de partir, on risque de les déranger.

Ils firent demi-tour et tombèrent nez à nez avec le cerf. Ils se regardèrent dans les yeux quelques secondes puis Aki prit la parole :

‑ Nous ne sommes pas vos ennemis, nous partons, on vous laisse tranquille.

Les deux esprits se jaugèrent. Au bout d'une longue minute, le cerf albinos s'effaça pour laisser passer les humains. Il les regarda partir jusqu'à ce que les arbres lui cachent la vue.

‑ C'est tout ? fit Raphaël. Enfin, je veux dire, il ne va pas nous attaquer dans le dos ?

‑ Bien sûr que non, répondit Aki. S'il l'avait voulu, vous seriez déjà mort depuis longtemps, cet esprit est très puissant, ce n'est pas le gardien pour rien. Il a dû sentir que nous n'étions pas une menace.

Ils se retrouvèrent assez rapidement sur le chemin du retour.

‑ Eh bien voilà, il ne nous reste plus que trois jours. Deux si on ne compte pas le jour du départ. On fait quoi ?

‑ Sauna, lança Raphaël avec un air sérieux.

‑ Évidemment...

Tranquillement, ils rentrèrent en ville pour profiter de leurs dernières heures de vacance.