Le carnet
Les yeux de Romi firent des allers-retours entre son copain en train de baver devant une vitrine et un costume moderne, jeune et plutôt classe. Ils se trouvaient en extérieur, devant un magasin, et elle ne pouvait pas nier qu'elle aussi le trouvait beau.
‑ Tu sais, tu as les moyens de l'acheter, maintenant.
Raphaël ravala sa salive et montra l'ensemble du doigt.
‑ Ce n'est pas du tout ce qu'il faut porter à la bijouterie !
Romi haussa les épaules.
‑ C'est pas grave, tu trouveras toujours une occasion de le mettre.
Les bras ballants, le jeune homme regarda la vitrine. Il se redressa, prit une inspiration et lâcha :
‑ Très bien, c'est parti !
Une demi-heure plus tard, Raphaël sortait de la boutique un sac en main et un grand sourire sur le visage. Ils remontèrent le long couloir de l'enseigne de l'hypermarché dans lequel ils étaient venus faire quelques courses. Alors qu'elle regardait ailleurs, Romi bouscula un homme plus grand qu'elle, elle entendit un bruit, regarda à ses pieds et découvrit un carnet à la couverture marron gésir au sol. Elle le ramassa et se retourna.
‑ Excusez-moi, vous av...
L'homme avait disparu. Elle se tourna vers Raphaël.
‑ Tu l'as vu comme moi ?
‑ Bien sûr. On devrait l'emmener aux objets trouvés.
‑ Un guichet d'objets trouvés ici ? Ha, ha, laisse-moi rire. Peut-être qu'aux flics...
‑ Tu as déjà vu des flics en France s'occuper des objets trouvés ? Ha, ha, laisse-moi rire.
‑ OK ! Ça va, on le ramène, on trouvera peut-être une info dedans.
Le couple, après avoir cherché l'homme pendant quelques minutes, rentra chez lui. Ils rangèrent leurs courses puis Romi feuilleta le carnet. Elle trouva au premier abord toutes les pages vides. Puis elle fronça les sourcils. Elle regarda plus en détail la dernière page, une phrase en latin était inscrite dessus.
‑ Tu sais ce que ça veut dire ?
Raphaël plissa les yeux.
‑ Euh... là, il y a le verbe être.
‑ Bouge pas, je reviens.
Romi alla prendre une carte dans sa sacoche à l'étage et retourna dans la cuisine.
‑ Charles, vient à moi.
Le cavalier apparut à ses côtés.
‑ Tu peux me traduire cette phrase ?
L'esprit regarda le carnet et lut.
‑ Ça doit donner à peu près ça... « De par mon pouvoir, je t'emmène là où tu aurais dû être depuis longtemps, le néant. » Je dirais que ça ressemble vaguement à une phrase de chasseur d'esprits.
Romi et Raphaël se regardèrent.
‑ Un chasseur d'esprits ? Parfait ! fit la jeune femme. On n'a pas besoin de lui rendre son carnet puisqu'il est vide. Bon, qu'est-ce que je fais, maintenant ?
Romi dormait depuis plusieurs heures déjà. Elle était encore en plein rêve et tout était flou autour d'elle. Elle se tourna sur le dos. Un homme beaucoup plus grand que la réalité se tenait au-dessus d'elle. Il dit avec un grand sourire :
‑ Combien de pages as-tu vu ?
La jeune femme se réveilla en sursaut, elle se dressa sur un coude, le souffle court et le cœur battant. Elle regarda autour d'elle, à part les petits bruits habituels de la nuit, il n'y avait rien d'anormal. Soulagée, elle se rallongea.
Le lendemain à midi, Romi était perdue dans ses pensées. « Combien de pages as-tu vu ? » lui avait demandé ce qui lui semblait être un esprit. Elle en était persuadée, celui-ci lui avait parlé du carnet. Combien de pages était-elle censées voir ? Celle avec la phrase en latin était-elle vraiment la dernière où en avait-il une autre à la suite ? Raphaël posa un mot sur la table du salon.
‑ J'ai trouvé ça dans la boîte aux lettres.
‑ Tu regardes dans la boîte un dimanche ?
‑ J'ai surtout entendu quelqu'un y mettre quelque chose. Un conseil, n'y va pas.
Romi lu la note. En plus d'une adresse, d'un code et d'un numéro de porte, voici ce qui était écrit : « L'esprit que tu cherches se trouve ici. » Elle fronça les sourcils.
‑ J'y vais.
‑ Qu'est-ce que je viens de te dire ?! s'écria Raphaël.
‑ J'irais demain après-midi, quand tu seras à l'agence.
‑ Mais... !
Le jeune homme fit de grands gestes avec ses bras et soupira.
‑ Ce n'est pas la peine de te dire que c'est dangereux, tu le sais très bien. Ce qui me rassure c'est que tu es tout le temps accompagné par des êtres plus forts que moi.
Romi lui sourit.
Lundi après le déjeuner, la jeune femme laissa Raphaël seul à l'agence, prit sa voiture et se rendit à l'adresse qu'on lui avait indiquée en compagnie d'Aki. Elle se gara sur un parking, entra dans un immeuble et alla au troisième étage pour trouver l'appartement 36b. Elle parcourut le couloir et remarqua immédiatement quelque chose d'étrange ; sur les murs se dessinaient des portes différentes de celles qui étaient déjà là de base, et surtout, elles ne semblaient pas à leur place. C'est ainsi qu'elle trouva la 36b.
Elle ouvrit la porte qui n'était pas fermée à clef et entra dans l'appartement. Il s'agissait d'un studio étudiant, tout était propre, moderne, blanc, vide et un chouïa angoissant. Lorsque la porte se referma, la véritable ambiance du lieu se dévoila sous ses yeux et l'angoisse qu'elle avait ressentie doubla. Une sorte de brume emplissait l'air, le store au trois quarts fermé laissait passer de rares rayons de lumière et, debout devant le bureau, se tenait l'esprit qui s'était penché sur son lit ; un homme de plus de deux mètres. Il lui faisait face et par conséquent, tournait le dos au store.
‑ Tu as pu voir la dernière page ? demanda-t-il.
Romi ouvrit le carnet.
‑ Celle-ci ?
L'esprit approcha, se prit la tête entre les mains et cria.
‑ Qu'est-ce qui se passe ?
‑ Il y a longtemps, un humain a écrit cette phrase en disant qu'elle causerait ma perte et seuls ceux qui sont assez puissants peuvent la lire. Je ne peux voir que trois pages du carnet, j'ai essayé de le détruire mais cela m'est impossible alors je cherche quelqu'un à même de pouvoir la lire. Tu es le troisième humain en quelques jours à en être capable. Maintenant, efface cette phrase !
Romi fronça les sourcils.
‑ Le troisième ? T'en as fait quoi des deux premiers ?
‑ Ils m'ont dit qu'ils détruiraient le carnet si j'usais du même stratagème sur eux que sur toi, et ça a marché.
‑ Quoi... ?
‑ Efface cette phrase !
La jeune femme haussa les épaules.
‑ Bon... si tu veux...
‑ Attends ! s'écria Aki. Il y a quelque chose à laquelle tu n'as pas pensé.
Le tanuki se tourna vers l'esprit.
‑ Tu as dit que ça faisait longtemps que tu cherchais quelqu'un capable de lire la phrase, qu'as-tu fait de ceux qui ne le pouvaient pas ?
L'esprit se passa une langue sur ses lèvres.
‑ Les humains qui nous voient ont une meilleure âme que les autres.
Aki fit volte-face.
‑ Lis la phrase !
L'esprit fonça sur Romi. Par réflexe, elle mit sa main devant elle et prononça la phrase en latin à haute voix. Son bras s'illumina, sa main toucha l'esprit et celui-ci, dans un cri de rage, disparu de devant ses yeux. Le souffle court, la jeune femme laissa retomber son bras.
‑ Comment j'ai fait ça ?
‑ Dépêchons-nous de sortir.
Les deux compagnons quittèrent l'immeuble. En passant le portail de l'entrée, Romi vit une voiture s'éloigner.
‑ Si je ne connaissais pas les chasseurs d'esprits, j'aurais dit que cette voiture noire est totalement banale. Là, j'ai comme un doute. J'ai l'impression d'avoir affaire à eux tous les jours.
‑ Je te l'ai dit il y a longtemps, quand tu te frottes aux chasseurs, tu n'en sors pas. Tu préviens Tanael des dangers mais tu n'appliques pas tes propres conseils.
La jeune femme haussa les épaules et rejoignit son propre véhicule.
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