La rencontre arrangée
En ce dimanche matin, Romi et Raphaël dormaient à poings fermés. Ils étaient bien dans le monde des rêves mais des coups répétés sur le volet de la porte d'entrée les sortirent de leur songe. Raphaël gémit et se tourna dans le lit en espérant que leur visiteur se lasse, mais les coups reprirent de plus belle. Romi prononça quelque chose d'incompréhensible.
‑ Hmm..., répondit Raphaël en se levant.
Il ouvrit la fenêtre puis le volet et pencha sa tête pour observer l'extérieur. Quelle ne fut pas sa surprise de voir, de si bon matin, le visage de Damien. Il fit la grimace.
‑ C'est bientôt neuf heures et demie et vous dormez toujours ?
‑ On s'est couché tard. Va-t'en.
‑ Je n'ai pas le permis.
‑ Et tu es arrivé ici comment, alors ?
‑ Avec l'aide de mes esprits, des transports en commun et de la marche. Crois-moi, je ne vais pas repartir de sitôt.
Raphaël soupira.
‑ Et qu'est-ce que tu veux ?
Damien fit un petit sourire.
‑ Valens a une rencontre arrangée, je veux le suivre.
Raphaël emmena les tasses de café sur la table, Romi les brioches et la confiture. La voix encore enrouée, le jeune homme demanda :
‑ En quoi ça nous regarde ?
‑ Je me sentais mal de le faire tout seul. Et puis, vous n'êtes pas curieux ?
‑ Je le suis ! s'exclama Romi. Je ne pensais pas que les rencontres arrangées se faisaient encore.
‑ C'est rare, répondit Raphaël, ça ne se fait que dans des cas spéciaux et ça ne m'étonnerait pas que ma sœur y passe un jour. Du coup, le cas de Valens est spécifique ?
Damien hocha la tête.
‑ Notre mère cherche à lier deux familles de chasseurs ensemble.
‑ La femme qu'il va rencontrer voit les esprits ?
‑ Obligatoirement, après ma mère, c'est lui qui va devenir le chef de la famille. S'il n'a pas d'enfants doués de la vision, ce sont les miens ou moi-même qui deviendrais héritier. J'aimerais éviter ce genre de rencontre et me trouver quelqu'un avant mes vingt-cinq ans.
‑ C'est pour ça que tu tournais autour de Romi, au début..., fit Raphaël.
‑ Pourquoi vingt-cinq ans ? demanda la jeune femme.
‑ D'après ma chère mère, c'est l'âge idéal. Valens en est à sa troisième rencontre.
‑ Les deux premières ne le satisfaisaient pas ? ironisa Raphaël.
‑ C'est le contraire, on parle de Valens, là.
Le couple hocha la tête à l'unisson.
‑ Et donc ? Quel est le plan ?
‑ Nos deux familles se rencontrent chez les parents de Leslie vers dix heures trente et ils filent tous les deux, seuls, au resto à midi. On pourra les suivre à partir de là.
Romi prépara immédiatement des sandwichs avec ce qu'il restait au frigo et Raphaël servit de chauffeur. Ils se rendirent à une ville voisine, à environ trois quarts d'heures de route. Entourée par des montagnes et par des bâtiments datant de plusieurs siècles, l'air y était frais, il y avait tellement peu de monde qu'il y faisait bon vivre. Damien fit garer Raphaël le long d'un chemin, à côté d'une route montante, étroite et en virage.
‑ C'est ici.
‑ Ici où ? fit le conducteur. La maison en face ?
Damien secoua la tête et montra le ciel du doigt. Le couple se pencha pour regarder ce qu'ils voyaient depuis l'entrée de la ville.
‑ C'est plus une baraque, ça ! C'est un château !
‑ Une partie est visitable, l'autre est habité. C'est comme nous, la famille de Leslie est ancienne et ils ont perdu plusieurs de leurs membres il y a cinquante ans.
Les trois compagnons attendirent longtemps dans leur véhicule. Puis, aux alentours de midi, une voiture noire descendit la route qui menait au château.
‑ Ce sont eux, suis-les !
La filature commença avec un Raphaël assez stressé au volant.
‑ Pas si prêt ! s'exclama Damien.
‑ Je fais ce que je peux ! A chaque fois que je lisais ce genre de choses dans un livre, je me disais que je ne voudrais jamais me retrouver dans ce genre de situation.
Valens entra dans le parking d'un restaurant, Raphaël se gara un peu plus loin. Ils sortirent du véhicule et s'assirent sur un banc caché derrière un arbre. Valens et Leslie passèrent sur le trottoir d'en face. En voyant la femme, Raphaël en siffla d'admiration.
Leslie était à peine plus petite que Valens, elle avait de longs cheveux brun clair ondulés, son visage n'était doté d'aucune imperfection et elle arborait un petit sourire. Tout ce qui lui manquait, c'était des formes.
‑ Elle est mignonne, fit Damien.
‑ Plus que ça, lança Romi. Elle est carrément canon. Elle a le même âge que Valens ? Elle fait très adulte.
‑ C'est une bourgeoise, dit Raphaël.
‑ Comment tu peux savoir ça ? s'exclama Damien.
‑ Parce que j'en suis un. Elle se tient droite, elle ne quitte pas son sourire, elle a tout d'une fille de bonne famille. A moins que ce ne soit sa personnalité...
Les deux jeunes gens restèrent bien une heure au restaurant avant d'en sortir. Ils décidèrent ensuite de visiter la ville, du moins c'est ce que les trois compagnons conclurent en les voyant se promener sur les routes pavées alors que Leslie faisait de grands gestes pour donner des explications à Valens. Après cette balade, ils s'arrêtèrent à la terrasse d'un café. Une fois leurs verres terminés, Valens tourna la tête et croisa le regard de Damien. Celui-ci sursauta. Son frère lui fit signe de s'approcher et les trois curieux s'avancèrent jusqu'à leur table.
‑ Je te présente mon frère, Damien, et ses amis.
‑ Depuis quand on est amis ? s'enquit Raphaël.
‑ Ils nous suivent depuis un bon moment déjà, je ne voulais pas te le dire pour ne pas te déranger.
‑ Depuis quand tu le sais ? demanda Damien.
‑ Environ depuis la sortie du restaurant.
Son frère fit la grimace.
‑ Bon, j'allais te proposer de rentrer, continua Valens à l'intention de Leslie, on a encore de la route à faire et nos parents n'ont sûrement pas fini de discuter. A moins que ça te dérange ?
‑ Non, c'est bon, on en profitera la prochaine fois.
Les deux frères haussèrent les sourcils et s'écrièrent en même temps :
‑ Vraiment ?
Leslie rigola.
‑ De toutes les rencontres que j'ai eues, c'est de loin la meilleure.
Raphaël passa son bras autour des épaules de Damien et hocha la tête d'un air entendu.
‑ Nous sommes de trop. Rentrons.
Ils se dirigèrent tous vers un parking non loin où ils avaient garé leurs voitures. Alors qu'ils allaient se séparer, une sirène apparut devant eux. Ils mirent quelques secondes à réaliser ce qu'il se passait, quelques secondes de trop, la voix de l'esprit les envoûta. Damien fut le seul à avoir le réflexe de se boucher les oreilles, mais ça ne suffisait pas, il avait déjà été touché par la sirène.
‑ Mei !
Son esprit lui apporta son katana. Autour de lui, Raphaël et Leslie s'étaient évanouis, Valens luttait, un genou à terre, et Yuilhan hurlait à côté d'une Romi chancelante. Même les esprits étaient touchés par la voix. Foutu pour foutu, Damien se rua sur la sirène arme en avant. Sa lame rencontra celle d'un homme qui venait de se mettre sur son chemin. Sa voix lui parvint comme dans un rêve lorsqu'il dit :
‑ Va rejoindre tes amis.
Son adversaire le poussa, Damien tomba et s'évanouit à son tour.
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