Raphaël porta un verre à ses lèvres, but le fond d'une traite et le reposa sur la table du bar. Liam, son ami, siffla.

- Tu ne rechignes jamais pour un verre, voire deux, mais tu en es à ton troisième et vu ton regard sur la carte, bientôt à ton quatrième. Tu es si stressé que ça ?

- Oui. C'est étonnant, je ne pensais pas...

- Pire que lorsque tu devais dire à ton père que tu abandonnais tes études ? demanda Arthur.

- Comment peux-tu te souvenir de ça ?

- A chaque fois qu'il se passe quelque chose dans ta vie tu nous invites à boire. Alors ?

Raphaël soupira.

- Non. Ce n'est pas pareil. Je sais que je m'inquiète pour rien.

Arthur glissa sa main dans la poche de la veste de son ami et en retira les clefs de sa moto.

- En attendant, tu ne rentres pas chez toi avec ça.

Raphaël regarda son ami et prit la carte du bar.

- Un quatrième, patron...

Romi était installée dans son canapé dans le silence le plus total, les sourcils froncés. Du bout des doigts, elle jouait avec un anneau en le faisant tourner autour de son index. Accroché à l'anneau virevoltaient quatre feuilles plastifiées pas plus grandes qu'une main qu'un chaton regardait méchamment, prêt à sauter dessus.

Les contrats d'Erick étaient arrivés dans la journée.

La jeune femme arrêta le tournoiement, Flocon se tapit sur lui-même, ses pattes arrière commençant à piétiner.

- Je n'ai rien fait de mal...

Le chaton sauta sur le bras de Romi qui rigola.

- Lâche-moi. J'ai quelque chose à faire.

La jeune femme prit une pince à charbon et monta à l'étage. Elle alla dans la pièce où elle avait laissé le coffre de sa grand-mère, les contrats dangereux et le livre qu'elle avait reçus comme cadeau il y avait quelques Noël de ça. Elle vérifia les noms sur les contrats d'Erick et ôta une feuille plastifiée de l'anneau. Elle prit le vieux livre à la couverture marron, le posa sur le bureau et l'ouvrit au hasard. Une bouche pleine de dents apparut.

- OK...

Elle attrapa la pince à charbon et prit le contrat d'Erick avec. Elle se tint loin du livre et inspira un bon coup.

- Pardon.

Elle lâcha le contrat dans la bouche qui le déchiqueta. Romi referma très vite le livre et le remit à sa place sur l'étagère. Le marionnettiste n'était plus, elle avait, pour la première fois de sa vie, tué un esprit. Elle prit les trois contrats restants et les jeta dans le coffre de sa grand-mère, comme pour s'en détacher et oublier ce qu'elle venait de faire. Un acte qui allait sûrement la marquer pour un bon bout de temps.

Elle souffla. Il fallait qu'elle s'occupe l'esprit. Elle était sur le point de redescendre lorsqu'elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Elle s'arma de son sourire, emprunta l'escalier et tomba sur un Raphaël titubant et les paupières lourdes. Romi haussa les sourcils.

- Attends... ne me dit pas que... tu es bourré ?

- Romi, veux-tu m'épouser ?

Une tasse de café brûlant à côté de lui, Raphaël tartinait de la confiture sur son pain de mie.

- Qu'est-ce que je vais leur répondre ?

Romi, debout derrière le bar en face de lui, fronça les sourcils.

- De quoi ? A qui ?

- A nos enfants. « Papa, comment as-tu rencontré maman ? » Je la trouvais bizarre au collège, je me suis déclaré alors que nous étions en danger de mort et je l'ai demandé en mariage complètement soûl.

- Ça va, il y a pire.

La jeune femme regarda la bague de fiançailles à son doigt.

- C'est pour ça que tu t'es mis à travailler certains après-midi à la bijouterie ?

- Entre autres. Si j'avais su que mes parents paieraient et que ma sœur s'occupait de tout, je serais resté plus longtemps à l'agence. Tu te rends compte que nous allons porter des bagues au nom des Varin toute notre vie ?

- Ça fait bizarre.

- De changer de nom ? J'imagine.

La cérémonie de mariage se déroula en petit commité, Valens, Leslie, Najya et Damien étaient présents, les amis proches de Raphaël également ainsi qu'une partie de sa famille et de celle de Romi. Celle qui ne les avait pas rejetés.

Il y avait également tous les esprits de Romi, ce qui faisait deux fois plus d'invités et des situations plus ou moins cocasses. Au bout de deux heures, tout le monde s'était habitué à voir des petits fours ou des objets voler devant eux. La petite qui voyait les esprits jouait avec K et Jack et courait derrière les plus petits.

La fête ne dura pas éternellement, le dîner non plus, Romi y tenait. Au risque d'être malpoli envers les invités qui restaient danser sur la piste, un verre en main, les deux compagnons rentrèrent peu après une heure du matin. Si la jeune femme ne rappela pas ses esprits en partant, plus de la moitié s'en alla avec elle.

Arrivé à la maison, Romi enleva ses chaussures et se laissa tomber sur le canapé.

- J'aurais pensé pouvoir supporter mon propre mariage, mais même pas.

- Tu n'aimes pas toute l'attention qu'on t'a portée ?

Raphaël posa une boîte sur le bar.

- Pas quand c'est de l'hypocrisie. Tu l'as ramené ?

- C'est l'argent pour notre voyage de noces, je n'allais quand même pas le laisser dans la voiture. Tu ne t'es toujours pas décidé, Italie ou Royaume-Unie ?

Romi soupira. Raphaël s'approcha et l'embrassa.

- En attendant, j'ai d'autres projets pour toi, cette nuit.

- Bonne chance pour enlever la robe.

Romi gloussa et, un sourire aux lèvres, ferma son carnet. Elle voulait bien écrire quelques pans de sa vie dans un journal mais certaines choses devaient rester secrètes. Flocon sauta sur le bureau, surprenant sa propriétaire. Elle le caressa quelques instants avant de s'enfoncer dans son siège et de passer sa main sur son ventre rebondit.