Dès la maternelle
- Maman, il y a une fille comme toi, à l'école.
Romi haussa les sourcils et se tourna vers son fils, Mathis, installé dans sa chaise haute qui commençait à être trop petite pour lui. Ce qui n'était d'ailleurs pas plus mal, sa sœur allait bientôt en avoir besoin.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Elle est bizarre, elle parle toute seule. Personne ne l'aime.
La femme pinça les lèvres et regarda son mari. Au même moment, Leina se mit à pleurer dans son berceau. Raphaël se leva pour la prendre dans ses bras.
- Je te l'ai déjà expliqué, Math, fit Romi calmement. Ton père et moi voyons les esprits, ils sont bien réels. Si quelqu'un agit comme moi, il faut l'aider, d'accord ? Et me le dire, comme tu viens de le faire.
Raphaël s'approcha de la table tout en berçant Leina.
- Ça tombe bien, la semaine prochaine il y a l'évènement pour les illuminations avec les parents.
- Celui où je ne voulais pas aller ?
- Celui-là même.
Romi regarda Mathis en souriant.
- Cette fille et ses parents vont aller à la soirée avec les bougies ?
Le garçon haussa les épaules.
- Tu pourrais lui dire de venir ? Ce sera une belle soirée.
Mathis hocha la tête.
La semaine suivante, un samedi en fin d'après-midi, plusieurs familles se réunirent dans la cour de l'école maternelle. Protégée par des couches de vêtements, Leina dormait tranquillement dans sa poussette. Devant le bâtiment, plusieurs tables avaient été alignées et plusieurs dizaines de bougies grandes et petites avaient été posées dessus, certaines dans des bougeoirs. Mathis tira son père par la manche.
- Papa, c'est la mienne !
- Elle est très belle, Math.
Romi s'accroupit à côté de son fils.
- J'aimerais que tu me dises où est Noémie.
Mathis tourna sur lui-même et finit par montrer un point du doigt.
- C'est elle.
- On ne montre pas les gens du doigt, Math, lança Raphaël.
- C'est la fille à la robe violette ? Je la vois. K ?
L'esprit apparut à côté de la femme qui se redressa.
- K, tu vois la fillette à la robe violette avec ses parents ? Va lui dire bonjour et reviens vers moi.
L'esprit voleta vers sa cible. En le voyant, Noémie se serra contre les jambes de sa mère qui plaça ses bras autour d'elle. K fit un signe de main pour les saluer. La fillette le fixait mais elle n'était pas la seule.
- La mère aussi..., fit Romi à l'intention de Raphaël.
K revint vers sa maîtresse, Noémie et sa mère le suivirent des yeux. Alors que l'esprit tournoyait autour de Romi comme à son habitude, celle-ci croisa le regard de la mère et de son enfant. Elle attrapa K au vol, fit un clin d'œil et d'un geste du doigt, demanda à la famille de s'approcher.
Après une rapide présentation, Romi demanda :
- Vous le voyez, n'est-ce pas ?
- Voir quoi ? demanda le mari.
Puis il prit une inspiration.
- Oh ! Je crois que je comprends.
- Vous croyez votre femme ? s'enquit Raphaël avec un réel intérêt.
- C'est un peu compliqué parfois mais... j'ai l'impression que c'est aussi votre cas, de toute façon.
- J'ai cru ma femme quand j'étais gamin. C'est grâce à elle que je les vois.
Le mari fronça les sourcils. Pour éviter de s'engager tout de suite dans une conversation beaucoup trop longue et inadaptée à l'endroit, Romi demanda :
- Vous avez réussi à le cacher jusqu'à présent, n'est-ce pas ?
- Plus ou moins. Je n'ai pas eu trop de problèmes, enfin, je m'en suis sortie.
- Il se peut que vous ne les voyiez pas tous mais ce n'est peut-être pas le cas de Noémie. Il existe des écoles spécialisées dans lesquelles vous pourrez l'inscrire. Ce sera mieux pour elle.
- Vous y êtes allé ?
- Non. Je ne connaissais rien, à l'époque. Et j'ai passé une adolescence affreuse au milieu des gens qui ne voyaient pas. Vous avez de la chance d'avoir trouvé un mari comme le vôtre.
Ils discutèrent encore jusqu'à ce qu'on leur dise d'allumer les bougies. Ils le firent. Les lumières artificielles furent éteintes et le silence s'abattit dans la cour de la maternelle. Les reflets des flammes dansaient dans les yeux des enfants. La mère de Noémie regarda la carte de visite que lui avait donnée Raphaël.
- On vous contactera.
- S'il-vous-plaît.
Romi et Raphaël furent rentrés pour le dîner.
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