Cadeau
Romi était prise d'une sensation étrange semblable à celle qu'elle ressentait lorsqu'elle admirait un artiste. Proche d'Erick, elle voulait s'en éloigner. Loin de lui, elle était prise d'un vide qui, heureusement, ne durait pas longtemps.
Sur cette réflexion qui lui fit presque peur, la jeune femme ouvrit les yeux.
Elle avait dormi, cette fois-ci, mieux que la veille, sûrement dû à son état de fatigue assez avancé. Elle traîna dans sa chambre toute la matinée, s'interrogeant sur beaucoup de sujets différents, notamment d'Erick, des chasseurs d'esprits et de cet endroit. Elle réfléchit et se demanda comment, avec ou sans aide, elle pouvait faire tomber cet homme, car elle savait qu'elle ne pouvait pas le faire changer d'avis. Contrairement à ce qu'elle avait dû laisser penser auprès de Raphaël, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle faisait ici, elle voulait juste qu'on la laisse tranquille quelques jours. Elle voulait connaître Erick.
Vers midi, elle entendit du bruit dans le couloir et à l'extérieur, elle décida donc elle aussi d'aller manger. Comme la veille, elle se dirigea vers l'un des deux chalets qui entouraient l'hôtel et y entra. Il y avait du monde à cette heure-ci, tellement qu'il ne restait que quelques chaises libres. Erick, assit au comptoir, se tourna vers elle en souriant.
- Romi ! Te voilà.
Par sa faute, des dizaines de paires d'yeux la fixèrent. Elle ne sut plus quoi faire de ses doigts ni quoi regarder. Un homme lança :
- T'es amoureux, ou quoi ? Depuis le temps que tu nous parles d'elle...
C'était définitif, Romi ne savait plus où se mettre.
- Arrête ! On a quinze ans d'écart.
- Je vois pas le problème, fit une femme.
Erick secoua la tête et ajouta :
- Je la crains autant que je l'admire et d'après notre conversation d'hier, c'est réciproque. Amélie et Tev ont fait un gratin, je te sers ?
L'homme se leva, prit une assiette, la mit dans le micro-onde pour faire réchauffer le plat et le plaça sur le comptoir en face de lui. Erick retourna s'asseoir, Romi se mit devant son assiette, debout. Ainsi placée, elle voyait à peu près tout le monde mais elle n'avait pas à se concentrer sur eux. Après un moment de silence, le visage d'Erick était devenu sérieux. Il piqua dans son assiette et demanda :
- Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?
Il n'eut aucune réponse. Il se tourna vers ses hommes.
- Je parle de ceux qui sont encore prisonniers.
- Tu fais ce que tu veux, fit une femme.
- C'est trop dangereux, rétorqua un homme. Ils ont dû renforcer la sécurité des lieux.
Erick retourna à son assiette.
- Elle l'était déjà. On a eu du mal, si on avait continué, on n'en serait jamais ressorti.
Romi vit une émotion fugace sur le visage d'Erick qu'elle n'arriva pas à nommer. Celui-ci la regarda tout à coup.
- Et toi, tu en penses quoi ?
La jeune femme était stressée de parler devant tout le monde, mais comme elle avait quelque chose à dire et qu'elle était sûre d'elle, cette sensation s'apaisa.
- Tu es au courant que je ne t'ai pas rejoint pour t'aider. Je sais que quelle que soit la décision que tu prendras, il y aura toujours quelqu'un pour te suivre. Tu es assez fort et intelligent pour réussir mais ce ne sera peut-être pas le cas de ceux qui t'accompagneront alors je te conseille de ne pas le faire.
- J'ai peur qu'ils parlent.
Romi fronça les sourcils.
- Quoi ? Les chasseurs n'ont pas les moyens de faire parler les prisonniers ?
- Si c'était le cas, répondit Erick, ils auraient découvert cet endroit depuis longtemps.
La jeune femme était étonnée, avec tous les esprits qui existaient au monde, les chasseurs devaient avoir un moyen de faire parler leurs prisonniers. A moins qu'ils ne le veuillent pas.
- Ils n'ont pas d'esprits qui... lisent dans les pensées ?
- Ça existe ! lança un homme à côté d'elle, mais seulement dans les livres d'histoire.
- Et les esprits qui possèdent les humains ?
- Ils ne possèdent qu'un corps, pas l'âme, répondit une femme à une table.
Romi était un peu perdue. Qu'en était-il de K, alors ? Était-il une exception à la règle ? Elle se garda bien de le dire à Erick qui, lui aussi, avait été possédé par son esprit. Une voix s'éleva dans la salle :
- Si ce n'est pas pour aider, qu'est-ce que tu es venu foutre ici ?
Romi, les sourcils toujours froncés, regarda celui qui venait de parler. Elle ne savait pas quel regard elle avait mais le visage de l'homme passa de la moquerie à de la surprise. Erick se retourna.
- Elle a ses raisons mais c'est un peu trop personnel pour qu'elles soient citées en public, tu peux comprendre ça, pas vrai ?
L'homme ne répliqua pas et la conversation partit sur un autre sujet. Une fois son assiette terminée, Romi prit un fruit, des biscuits qui traînaient et sortit du chalet. Sur le chemin menant à l'hôtel, elle entendit du bruit. En regardant à travers la fenêtre du deuxième chalet, elle vit Marc s'entraîner avec une femme. Elle retourna dans sa chambre.
Environ une heure plus tard, quelqu'un frappa à sa porte. C'était Erick. Romi retourna s'asseoir à son bureau et l'homme y déposa une boîte qu'il avait en main.
- Tiens, c'est pour toi.
La jeune femme, curieuse, ouvrit la boîte en bois décorée de plusieurs symboles dorés et rouges. A l'intérieur, elle découvrit un écrin dans lequel était logée une magnifique dague à lame courbée, la poignée était entourée d'une bande de cuir et la garde en métal créait plusieurs entrelacs. Mais ce qui sauta aux yeux de Romi c'était les différentes runes qui ornaient le manche et la lame.
Erick souleva la dague et se trancha la main. Il écarta les doigts. Aucune blessure n'apparaissait.
- C'est ce que je me disais, fit Romi, c'est une arme de chasseur d'esprit.
- Ça fait longtemps que j'y pense et que je travaille dessus. Quand j'ai su que tu allais venir ici, j'y ai passé plusieurs nuits blanches pour que tu l'aies plus rapidement.
- Merci mais...
- Je me doute de ce que tu vas me dire, je ne la reprendrais pas. Elle est à toi, tu en fais ce que tu veux. Avec elle tu pourras faire beaucoup plus de choses, c'est très utile pour activer les pentacles ou détruire les barrières, si tu vois ce que je veux dire. Je n'en suis pas capable, mais toi peut-être. Au fait ! Demain, veux-tu m'accompagner ?
- Pour ?
- On va chercher un esprit enfermé depuis longtemps, je ne m'entoure que des meilleurs et je fais former des contrats avec ceux qui n'en ont pas. Celui-ci... Bah, tu verras bien. Alors ?
- Je viens. En parlant d'esprit, tu as un ado avec toi, non ?
- Guillaume ? Oui. Je l'ai récupéré il n'y a pas longtemps, pourquoi ?
- Je connais sa meilleure amie, c'est elle qui l'a libéré. Comment l'as-tu récupéré ?
- Son histoire a fait un peu de bruit. Quand je suis allé à l'endroit où il avait été enfermé, il y était toujours, il n'avait pas bougé parce qu'il ne savait pas où aller. Il évitait juste les chasseurs sans trop savoir pourquoi. D'ailleurs...
Erick se frotta le nez, s'appuya sur le bureau et parla d'un ton plus bas que d'habitude.
- J'ai un esprit, tu l'as vu, le marionnettiste, celui avec le chapeau haut de forme. Si jamais il m'arrivait quelque chose, si jamais mon contrat tombait dans d'autres mains que les miennes, récupère-le et détruit-le.
Romi fronça les sourcils. En clair, il lui demandait de tuer son esprit.
- Pardon mais...
- Je sais ce que tu vas me dire, encore une fois. Tu es proche des esprits, plus que des humains je crois, je ne trouve pas ça bien mais passons. Laissé en liberté, le marionnettiste est un serial killer. Sous contrat, il se retourne contre son maître. Jusqu'à maintenant j'ai réussi à le tenir et j'ai bon espoir que ça dure. Mais si c'est un autre que moi...
- Tu as une haute opinion de toi, à ce que je vois.
Erick sourit.
- Promets-le-moi, Romi.
- Pourquoi moi ? Marc ne ferait pas l'affaire, par exemple ?
- Si. Mais si je tombe, il tombe. Toi, il ne t'arrivera rien. S'il-te-plaît.
Romi soupira.
- OK. Je te le promets.
- Merci.
Erick quitta sa chambre. Les yeux de Romi se posèrent sur l'écrin qu'il avait laissé sur son bureau. Elle pinça les lèvres et referma la boîte pour tenter d'oublier ce qu'elle contenait.
Les pieds ancrés dans le sol de la grotte, Maeva et Jérémy Lefebvre luttaient pour ne pas flancher. Les doigts serrés autour d'un bâton runique muni d'une pique plantée dans un pentacle, les jumeaux faisaient passer leur énergie de leurs mains jusqu'au manche pour renforcer la barrière placée devant l'une des portes menant au monde des esprits. Cette dernière était grande ouverte et il ne fallait pas que n'importe quel esprit puisse passer. Derrière eux, Raphaël faisait les cent pas.
- Les voilà ! s'écria-t-il tout d'un coup.
De l'autre côté de la porte, Aki et K volaient à toute allure dans leur direction.
- Fermez les portes ! cria Jérémy.
Trois femmes et un homme en uniforme attrapèrent les grosses poignées de l'imposante porte en bois et tirèrent de toutes leurs forces. Les deux esprits passèrent quelques secondes avant que les portes ne se referment. Les jumeaux, épuisés, s'effondrèrent.
- Merci, dit Jérémy à l'intention des gardiens.
- C'est normal après ce que vous avez fait pour nous, fit l'une des femmes.
- Tu nous pardonneras, Raphaël, on doit se reposer, on se revoit demain.
Le lendemain, donc, les jumeaux rendirent visite à Raphaël à l'agence, Aki et K étaient présents. Derrière son bureau, Raphaël prit la parole :
- Tu sais pourquoi on t'a ramené, K. Tu as possédé Erick quelques secondes, qu'est-ce que tu y as vu ?
- Justement, ça n'a duré que quelques secondes, je n'ai eu accès à aucun souvenir mais j'ai senti ses émotions et sentiments du moment. Ce que je peux vous dire c'est qu'il tient énormément à ceux qui l'entourent, il n'hésiterait pas à se jeter dans la gueule du loup pour sauver ceux à qui il tient. Je crois même qu'il déteste être trahi. Il se passe beaucoup de choses dans sa tête. Du stress, notamment, mais pas comme Romi.
- Impossible qu'il soit comme ça..., fit Jérémy. Ceci dit...
Raphaël avait failli dire la même chose mais il savait que K ne mentait pas.
- Toujours les préjugés..., murmura l'esprit.
- On pourrait s'en servir contre lui, commença à réfléchir Maeva.
- C'est la première fois que je possède quelqu'un comme lui. C'était aussi excitant que flippant.
Raphaël fixait K et celui-ci se perdit dans ses pensées. Le jeune homme prit une inspiration.
- J'ai encore quelque chose à vous demander.
Jérémy sourit.
- Tu vas nous être sacrément redevable, si tu continus.
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