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Les amants de Thèbes

Un cri déchira la nuit.

Une seconde. Peut-être deux.

Et le monde replongea dans le silence.

Haletant, assis sur ma natte de paille, j'essayai de me concentrer sur le bruit des roseaux dans le jardin et le clapotement du Nil, sous ma fenêtre.

Des bruits de voix vinrent peupler la nuit. Des appels, des exclamations. Je me dépêchais de me lever, enfilait un pagne, et sortit dans le couloir, pour ordonner aux autres esclaves de regagner leurs quartiers. Ce qu'ils firent à contre cœur.

Le calme enfin revenu, je franchis le seul de la maison.


À quelques mètres de la porte, un groupe d'esclaves murmurait des prières en serrant des amulettes. Je m'avançais.

Sans se concerter, tous me laissèrent passer. Parce que mon maître était puissant. Et parce que dans de telles situations, on s'en remettait toujours à moi.

Je retins un cri d'effrois devant la scène qui s'offrit à mes yeux.

Un homme était affalé contre le mur. Un poignard dépassait de son abdomen.

Mais des cadavres, j'en avais déjà vu beaucoup.

Ce qui créait en moi cette sourde terreur, c'était la marque.

Sur la poitrine du moribond. En lettre de sang.

Le nom de Seth.

Le dieu du chaos.

*

-Ouden ! S'exclama une voix familière en entrant dans la pièce.

Je relevais le nez de mes papyrus en souriant.

Mon jeune maître se jeta sur moi, me renversant sans vergogne sur le sol. Je ris, et refermais mes bras autour de lui.

-Ce n'est pas très convenable, Demedj, lançais-je en passant une main dans ses cheveux.

-Je m'en moque, rétorqua-t-il avec une moue boudeuse. De toute façon, il n'y a personne pour regarder. Et tu m'as manqué. Pourquoi n'es-tu pas venu avec moi ? Mon père aurait adoré te revoir.

-Demedj, soupirais-je en me redressant. Je suis ton intendant. Je ne peux pas laisser ton domaine sans supervision pendant un mois pour t'accompagner de l'autre côté du Nil, serais-ce pour voir ton père.

Il croisa les bras et souffla.

-De plus, repris-je, toi aussi tu m'as manqué.

Il voulut garder sa mine boudeuse, mais ne put s'empêcher de sourire.

-Tu es vraiment incroyable, rit-il. Tu dis ça comme si tu parlais du prix du bois. Tu devrais montrer un peu de passion, de temps en temps...

Je souris et me mis à genoux devant lui, mon visage à quelques centimètres du sien.

-Mon jeune maître serait-il insatisfait ?

-Absolument, répondit-il en posant ses mains sur mes joues. Que comptes-tu faire pour y remédier ?

Je l'embrassais.

-Tu m'as vraiment manqué, murmurais-je en posant ma tête sur son épaule.

Il recula, gêné, et regarda ailleurs pour se donner contenance. Je soupirais. Mon jeune maître aimait jouer avec moi mais, comme avec toutes les autres femmes et garçons qu'il côtoyait, ça restait un jeu. Les sentiments le mettaient mal à l'aise.

-Raconte-moi, reprit-il, les yeux brillant.

-Quoi donc ? Répliquais-je en faisant semblant de ne pas comprendre.

-Ouden ! Le meurtre ! Juste devant chez nous ! Et dire que j'ai raté ça de peu...

Je frissonnais.

-Je suis bien content que tu n'ai pas été là. Voir la marque de Seth n'ait jamais un bon présage.

-C'était vrai ! L'inconnu à bien été tué par Seth !

Je lui lançais un regard dubitatif.

-Ça m'étonnerait fortement que les dieux s'embarrassent de poignard lorsqu'ils veulent occire les mortels.

-Mais alors qui ? Pourquoi ?

-Je ne sais pas, répliquais-je. Je laisse à la garde de Pharaon, vie, force, santé, la tache de le démêler. Cette histoire ne présage rien de bon. Un meurtre dans les bas-fonds de Thèbes, c'est plutôt commun, mais dans les beaux quartiers...

-Toi et tes présages, grommela-t-il. On dirait une vieille dame.

Un peu vexé, je reportais mon attention sur mes papyrus, cherchant visiblement à clore la conversation.

-Ouden... tenta-t-il d'une voix geignarde.

Je l'ignorais.

-Pourquoi n'enquêterais-tu pas sur cette affaire ? Continua-t-il du même ton suppliant. Tu es si intelligent... Tout le monde vient te demander conseil, lorsqu'il peine à résoudre une énigme, même les architectes de notre Pharaon !

Je soupirais. Il me connaissait assez bien pour savoir que j'étais sensible à la flatterie.

-D'accord, abdiquais-je.

Il me sauta au cou comme un enfant. Par Horus, il avait tout de même dix-neuf ans !

C'était déjà un homme, et il faudrait qu'il apprenne à se comporter comme tel ! Mais, même si je ne l'avouerais pas, une partie de moi adorait le côté enfantin du jeune maître.

-Réfléchissons d'abord à ce que nous savons, commençais-je en me concentrant. Un inconnu mort dans les beaux quartiers, poignardé -j'ai vu l'arme, elle est tout à fait banale, le nom de Seth écrit sur sa poitrine, avec du sang. L'inconnu n'avait pas l'air riche. Il ne portait qu'un pagne. Je tendrais à écarter l'hypothèse d'un meurtre crapuleux. Si c'était quelqu'un qu'on avait voulu faire disparaître, on l'aurait tué ailleurs. Ou on aurait, au moins, déplacé le corps.

Je fis une pause pour rassembler mes pensées.

-J'ai vérifié, repris-je, auprès de notre voisin. Il était absent la nuit dernière.

-Tu vois, m'interrompit-il, tu n'as pas pus t'empêcher de t'intéresser au mystère !

Je lui jetais un regard assassin, et continuais sur ma lancée.

-Je pense que le mort était un voleur, chargé par un commanditaire de s'introduire chez notre voisin pour y dérober quelque chose. Mais cette chose devait être si précieuse, que notre voisin l'a emporté avec lui. Le voleur est donc revenu bredouille, et s'est fait tué pour sa peine.

-Mais, Ouden, pourquoi ne pas le tuer ailleurs ?

-Toute cette mise en scène est faite pour effrayer. Qui, sinon le voisin ? Je suis prêt à parier qu'il ne quittera plus sa maison, désormais, ni son trésor, quel qu'il soit.

-Le voleur va donc retenter sa chance ! S'exclama Demedj en sautant sur ses pieds. Il faut que nous prévenions la garde !

-De quoi ? Je peux très bien me tromper. Et même si ce n'est pas le cas, les voleurs attendront peut-être un bon bout de temps avant d'agir, pour endormir la méfiance de leur victime. N'oublie pas que ce ne sont que des suppositions. On ne peut qu'attendre et...

-Je déteste attendre, me coupa-t-il. Tu le sais bien.

Je me mis debout en soupirant.

-Comment pourrais-je l'ignorer, jeune maître ? Si tu tiens tant à faire quelque chose, vas donc au palais. Tu réussiras peut-être à glaner quelques informations.

-Mais j'y compte bien ! rit le jeune homme. Mais avant, j'ai une petite affaire à régler...

Il me prit par la taille et me renversa sur ma natte.

-Tu es beau, Ouden, souffla-t-il. Tu es le plus bel homme que je n'ai jamais vu...

Mon cœur s'emballa lorsqu'il posa ses lèvres contre les miennes, les dévorant avec avidité.

-Aucun garçon de Thèbes ne t'arrive à la cheville, continua-t-il en effleurant la peau de mon torse.

Je sentis, malgré moi, mon cœur se serrer. Ce qu'il admirait, ce qu'il désirait, c'était mon corps. Ma beauté. Cette espèce de malédiction douce amère qui avait attiré son attention lorsqu'il avait eut l'âge des premiers ébats...

Impatient de se rendre au palais, il prit rapidement son plaisir, m'embrassa une dernière fois, me salua en souriant, et sortit de la pièce.

Mon regard se perdit dans le vide.

Il me laissait toujours seul, après nos ébats. Seul avec la conviction que j'allais le perdre, un jour, bientôt, lorsque ma jeunesse passerait, emportant ma beauté.

Mais fit de ces apitoiements. Je me rabrouais mentalement et reportait mon attention sur mes papyrus.

J'avais un domaine à faire tourner !

*

L'œil de Ra avait presque atteint son zénith lorsque je vis, par la fenêtre, un vieux chat noir s'approcher de moi. Réceptacle divin, les chats sont des créatures merveilleuses, en lien avec le monde ésotérique. Je m'approchais pour donner à manger au matou lorsque ce dernier trébucha et s'affala sur le sol.

Il était mort.

Je me dépêchais de serrer dans mes mains mon amulette.

C'était un mauvais, un très mauvais présage. Qui savait quels malheurs allaient s'abattre sur nous ?

-Ouden ! Lança la voix de mon jeune maître.

Je me retournais, et compris immédiatement l'avertissement des dieux.

Mon maître était accompagné d'une femme. Une femme magnifique, au corps élancé, à la taille large, aux fesses rebondies et aux seins bien dessinés sous sa robe de tulle transparente.

Mes yeux croisèrent les siens.

Je vis dans son regard, aussi sombre que la fourrure de Seth, une menace inarticulée.

-Le Pharaon, vie, force, santé, m'a donné comme exquise mission de veiller sur cette fleur, se rengorgea Demedj. J'espère que tu sauras lui faire les honneurs de la maison.

-Vous ai-je jamais déçu ? Demandais-je en m'inclinant respectueusement.

Il soupira, exaspéré par tout ce protocole, qui ne servait qu'à dissimuler mon malaise, et reporta son regard vers la jeune beauté.

-Pourquoi n'iriez-vous pas dans le jardin ? Proposais-je. Hâpy sera ravit de vous accueillir sur ses berges. Je vais vous faire porter des dates et quelques esclaves avec des éventails.

-Excellente idée ! S'exclama mon jeune maître en entraînant avec lui la femme au regard noir. Suis-moi, Géméthoues. Tu vas voir, Ouden est un intendant hors pair, il a façonné un jardin magnifique...

Je souris en songeant à quel point son nom lui convenait. Géméthoues. « Qu'on la regarde ! ».

Demedj passa le reste de la journée avec la femme au regard sombre.

Ils s'éclipsèrent même quelques heures dans les roseaux, d'où ils ressortirent les joues rouges, les habits froissés et le regard brillant.

Pour éviter à mon cœur déjà bien amoché de s'attarder sur ces détails, je reportais mon attention sur le meurtre de l'inconnu.

J'envoyais quelques-uns de mes esclaves se renseigner auprès de leurs équivalents voisins. J'appris ainsi que le propriétaire du domaine, que je n'avais jamais vu, avait piqué une immense crise de colère en apprenant le meurtre devant sa porte, avait crié au cambriolage, même si rien ne lui avait apparemment été dérobé, avait revendu la moitié de ses esclaves et fait fouetté l'autre sans pitié.

Ma théorie était donc des plus probables.

Mais quel trésor pouvait justifier un tel acharnement ? Y avait-il un rapport avec Seth, où n'étais-ce qu'une mascarade destinée à effrayer les témoins ?

Deux jours plus tard, Demedj me coinça dans un coin de la maison.

-Ouden, chuchota-t-il en posant sa main sur mon épaule, m'arrachant des frissons. Tu as enquêté sur le mystère de l'homme poignardé ?

-Tiens donc. Et moi qui te pensais bien trop pris par ta Géméthoues...

-Ouden ! Ne sois pas jaloux ! Ça te va mal. Ça te rend plutôt ridicule, en fait.

J'essayais tant bien que mal de cacher à quel point ses mots me blessaient.

-Et puis, continua-t-il, tu ne me feras pas croire que tu ne t'ai pas penché sur l'enquête. Tel que je te connais, tu n'as pas pu résister...

À cet instant, Géméthoues surgit dans son dos, comme un félin attrape sa proie.

-Quelle enquête ? Susurra-t-elle.

-Ouden va résoudre le meurtre qui a eut lieu l'autre jour, devant la porte, s'enthousiasma Demedj.

La jeune femme fit la grimace.

-C'est idiot. J'espère que tu ne participes pas à une telle mascarade, lança-t-elle sèchement.

-Non... bien sûr que non, s'empressa de bafouiller mon jeune maître.

Pour une fois que c'était lui qui était prit dans les filets de quelqu'un...

-Demejd, repris-je sans trop réfléchir, je voulais simplement te dire que j'avais découvert...

-J'espère que tu ne va pas laisser un esclave s'adresser à toi de la sorte ? Me coupa sèchement Géméthoues.

-Bien sûr que non, répliqua mon jeune maître, cette fois d'une voix plus assurée. Ouden, incline-toi. Demande-moi pardon.

Le rouge aux joues, je m'agenouillais sur le sol et posait mon front contre terre.

Géméthoues rit. Pour faire bonne mesure, Demejd l'accompagna.

Et chaque éclat de sa voix était un pieux planté dans mon cœur.

*

Je pénétrais dans ma chambre, lorsqu'une ombre me fit sursauter.

L'homme fit un pas en avant, s'extirpant de l'obscurité pour entrer dans le rayon de lune que découpait la fenêtre.

Mon cœur bondit de joie.

Demejd !

Je m'approchais de lui. Il paraissait bien incertain, comme s'il cherchait ses mots.

-Ouden... commença-t-il.

Il tendit une main et laissait courir ses doigts le long de ma longue tresse noir.

J'inclinais la tête, dans l'attente de quelque chose...

-Non rien, murmura-t-il finalement en se reculant.

L'ombre l'avala de nouveau.

-Demain, tu feras préparer une pirogue, pour Géméthoues et moi. Nous allons en promenade sur le Nil.

Les yeux brûlant, je m'inclinais outrageusement.

-Il en sera fait selon tes désirs, jeune maître.

Je sentis qu'il hésitait encore à dire quelque chose, peut-être s'excuser, mais renonça finalement en haussant les épaules. Il sortit de la pièce en silence, laissant derrière lui un vide impossible à combler.

*

-Nous allons nous marier, m'annonça-t-il le plus ingénument du monde.

Je crus que j'allai m'étouffer. Savourant mon expression douloureuse, Géméthoues referma ses bras autour de ses épaules.

-J'ai enfin trouvé l'amour, continua mon maître, ignorant superbement la douleur qui me vrillait le cœur. En plus, ma bien aimé a eu une idée géniale. Je crois qu'elle est plus intelligente que toi, Ouden, rit-il. Au nom de Pharaon, vie, force, santé, nous allons inviter notre voisin à un banquet pour célébrer la noce. Il ne pourra pas refuser. Mais il ne voudra pas non plus laisser sa demeure sans protection. Il nous invitera donc chez lui.

La révélation me frappa de plein fouet.

-Non ! M'exclamais-je. Demedj, ne vois-tu pas que c'est son but, depuis le début ?

Il plissa les yeux d'un air menaçant.

-Explique-toi, lança-t-il froidement.

-Mais enfin, Demedj, tout ce qu'elle veut, c'est le trésor de ton voisin! Pourquoi crois-tu qu'elle s'intéresse si soudainement à toi ? Tu n'es qu'un parti moyen, Demejd, elle pourra aisément trouver mieux. Elle est plus âgé, et plus fortuné que toi. Tu ne l'intéresse pas, tu ne l'as jamais intéressé ! C'est une voleuse !

Son poing percuta ma mâchoire, m'envoyant valdinguer quelques mètres plus loin. Je me relevais difficilement en massant la zone douloureuse. J'étais un homme de plume. Je n'avais jamais su ni asséner, ni encaisser des coups. Et jusque-là, mon maître m'avait toujours protégé...

-Tu es pathétique, Ouden, grinça ce dernier. Est-ce si difficile de croire qu'on puisse m'aimer ? Tu me déçois énormément.

-Je t'en pris...balbutiais-je. Nous nous connaissons depuis si longtemps. Demedj, fais-moi confiance, rien qu'aujourd'hui...

-Tu as insulté la femme que j'aime, Ouden. Toi, un esclave, tu as osé insulter ton maître.

-Tu dois te faire respecter, susurra l'horrible femme en approchant ses lèvres de son oreille. Tu dois le faire fouetter...

Demedj hésita. Il n'avait jamais, de lui-même, ordonner qu'on fouette un esclave.

-Je n'épouserais qu'un homme fort, continua-t-elle sur le même ton. Et pour son outrecuidance, cet esclave mérite bien quarante coups de fouets, au bas mot...

Je blêmis, et tombais à genoux.

-Demedj, écoute-moi, je t'en pris...

-Retires-tu tes accusations ?

-Non ! Lançais-je avec une virulence qui me surpris moi-même. Cette femme est maléfique.

-Qu'il en soit ainsi, déclara-t-il à l'intention d'un autre esclave.

L'intrigante lui attrapa la mâchoire et lui fit tourner la tête dans sa direction pour mieux l'embrasser.

Et pour qu'il ne voie pas les gardes en train de me ceinturer et me traîner au sol, sans ménagement.

*

Brûlure.

Douleur.

Quelqu'un hurle.

C'est moi.

J'ai mal... Au début, je comptais. J'ai vite arrêté.

Mon corps est pris dans un incendie qui dévore chaque centimètre de ma peau.

Je le cherche des yeux. Encore, et encore.

À chaque fois, je tombe sur du vide.

Ça aussi, ça me fait mal.

Aussi mal que les coups de fouet. Aussi mal que mon dos en lambeaux.

Il n'est pas venu.

Je ne suis plus rien pour lui.

Je ne suis plus rien pour personne.


Je sombre dans une semi-inconscience brûlante, d'où j'émerge par à coup, sous l'effet de la douleur.

Je sens ma tête partir en arrière. Un rire. Celui de la femme.

On me coupe ma natte.

Mes cheveux soudain courts s'éparpillent autour de ma figure et se collent à mon front en sueur.


J'ai mal.

Je gémis son nom, tout doucement.

Mais je sais que c'est en vain.

*

Lorsque j'ouvris de nouveau les yeux, ce fut pour tomber nez-à-nez avec le joli minoit d'une jeune femme.

La douleur irradiait de mon corps comme un habit, un manteau collé à ma peau.

Je me redressais paisiblement.

-Surtout, ne faites pas de bruit, murmura la jeune fille. Ils ont ordonné qu'ont vous jette dehors. Les autres esclaves et moi, nous nous sommes débrouillé pour vous récupérer et vous soigner. Vous avez été un intendant très bon pour nous. Vous n'avez jamais abusé d'aucune fille, ni d'aucun garçon. On ne pouvait pas vous laissez mourir ainsi.

-Merci... murmurais-je. Mais il faut que je m'en aille. S'ils me trouvent ici, les dieux savent ce qu'ils vous feront...

Elle acquiesça tristement et me tendit un petit panier.

-J'y ai mis quelques provisions, deux trois pièce de monnaie, et toutes les amulettes bénéfiques que j'ai pu trouver.

Je la remerciais d'un sourire.

-Bonne chance, murmura-t-elle en me guidant jusqu'à la sortie.

Je m'enfonçais dans les bas-fonds de Thèbes.

J'avais fréquenté ces lieux, très jeune, avant que mon maître ne me rachète pour que je tienne compagnie à son fils. Dans sa grande générosité, il m'avait laissé suivre la même éducation que le fils en question. Il s'était vite avéré que j'étais un élève doué...

Penser à Demedj me fit tituber.

Je m'assis par terre, adossé au mur, au milieu des autres mendiants.

Et pleurait toutes les larmes de mon corps.

*

Je laissais à mes blessures quelques jours pour cicatriser un minimum, et me rendit au marché aux esclaves.

Notre voisin avait revendu la moitié de son personnel. Il allait donc chercher à le reconstituer...

Et je me débrouillai pour être du lot.

Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre à quel point ce nouveau maître était différent du précédent. Colérique, vaniteux, insatiable, un vieil homme riche et bedonnant, qui tenait à ce que soit réalisé le moindre de ses caprices. Les pauvres esclaves qui n'étaient pas assez rapides ou perspicaces finissaient sous le fouet.

Il faut donc avouer que, dans cet environnement, mes bandages ne déparaient pas trop.

Il ne me fallut que quelques jours pour m'imposer auprès de cet ignoble maître. L'intendant précédent me céda sa place avec un soulagement perceptible, et une once de pitié.

Enfin, deux semaines après que mon cœur ait été brisé, mon nouveau maître fut convié à un banquet de noce.

Comme Géméthoues l'avait si bien prévu, il ne voulut pas prendre le risque de quitter sa maison, ou d'emporter son trésor avec lui, quel qu'il fut, et invita donc les futurs mariés à venir festoyer chez lui.

Je mis tout en ordre, et me dissimulais derrière un paravent en papyrus, dans la salle où le maître recevait ses invités.



Je croyais que mon cœur était mort.

Mais lorsque je posais de nouveaux les yeux sur Demedj, il se réveilla soudain, plus douloureux et plus exalté que jamais.

Par les dieux, comme il avait maigrit ! Comment étais-ce possible, en seulement deux semaines ? Sa mise était débraillée -lui qui faisait habituellement tant attention à l'apparence- et il arborait une mine triste, dépitée. Même le khôl, autour de ses yeux, n'arrivait pas à dissimuler ses cernes profondes.

Que lui avait fait cette sorcière ? Je me jurais de lui faire payer.

Je me retins de toutes mes forces de jaillir de ma cachette pour sauter dans ses bras, et me concentrais sur la conversation.

Il n'y avait pas à dire, la courtisane savait y faire.

Elle semblait d'ailleurs être la seule personne heureuse d'être présente ce soir, entre mon nouveau maître grincheux et un Demedj anormalement silencieux.

La conversation, qui jusque-là allait bon train, mourut subitement.

On entendit distinctement deux coups frappés à la porte. Personne ne se leva pour ouvrir.

Un silence lourd de menaces s'installa soudain sur la petite assemblée.

-Je vous concède, déclara Géméthoues, que votre demeure n'est pas facile d'accès. Mais une fois qu'on y est entrée, vraiment, il n'y a plus grande difficulté. Le signal que vous venez d'entre signifiait que mes hommes ont finit leur travail. C'est-à-dire égorger proprement tous les esclaves de cette maison. Puis partir. Il n'y a plus que vous et moi, maintenant.

Elle se releva et sourit.

-Donnez-moi l'amulette. L'amulette de Seth. L'amulette d'immortalité !

Je blêmit. L'amulette de Seth était une légende. Quiconque la possédait vendait son énergie vitale à Seth, et devait lui obéir... Mais en échange, vivait éternellement.

Et pour l'éternité, combien de meurtres avaient été commis ?

-Géméthoues... murmura Demedj d'une voix qui me fendit le cœur.

-Tais-toi, l'idiot. Tu ne vois pas que les grandes personnes sont en train de parler ? Tu aurais mieux fait d'écouter ton mignon petit esclave, au lieu de te croire capable de me satisfaire. Enfin, je dois reconnaître que tu t'es plutôt bien débrouillé sur ce point...

Et, sans prévenir, elle fit jaillir une dague, et la planta dans la gorge de mon nouveau maître.

Une expression de pur stupéfaction se peignit sur ses traits. Il y eut un horrible gargouillis, et l'ignoble bonhomme s'affaissa, face contre terre.

-À ton tour, minauda la sorcière en se retournant vers Demedj, qui, paralysé par la surprise et l'ampleur de sa traîtrise, la dévisageait en silence.

Elle leva son couteau.

Dans un réflexe, je me repoussais mon paravent, et je jetais sur elle, toutes griffes dehors.

Mais malgré toute ma colère, je n'avais jamais su me battre.

D'abord surprise, elle tomba en arrière, m'entraînant dans sa chute.

Puis elle plia les pieds, et les propulsait dans mon bas-ventre. Je partis violemment en arrière, et heurtait le mur.

Je sentis distinctement les pansements de mon dos se déchirer alors que je glissais jusqu'au sol, emportant avec eux la chair mal cicatrisée.

La douleur me submergea.

J'entendis Demedj crier quelque chose. Mais les sons me paraissaient lointains, déformés.

Je me battais pour ne pas sombrer dans l'inconscience.

Derrière le voile que la douleur avait jeté sur le monde, je distinguai vaguement Demedj retourner son propre poignard sur la folle, et le lui enfoncer dans l'abdomen.

Elle mourut avec un cri de rage.

Et puis, soudain, les bras de Demedj m'entourèrent. Froids. Glacés.

Tout étai si flou... Confus...

Ma tête... Ma tête était sur ses genoux... Ses mains sur mes joues... Son visage... Son visage tout prêt du mien... ses lèvres bougeaient... Il répétait quelque chose... Mais quoi... quoi...

Quelque chose de frais échoua sur ma joue. Une larme.

La douleur accepta enfin de refluer, repassant dans le champ du supportable. Je repris lentement conscience de mon environnement.

-Ouden... murmurait-il, son front posé contre le mien. Ouden...

Je levais douloureusement une main, et la posait sur sa tête. Il la saisit et l'embrassa, les yeux pleins de larmes.

-J'ai cru... J'ai cru que tu étais mort, sanglota-t-il. J'ai cru que je t'avais tué... Elle m'a dit... Elle m'a dit que tu n'avais pas survécu, et elle m'a amené ta tresse...

-Je suis là, soufflais-je.

-Je suis désolé... Ouden, je suis tellement désolé...

-Ça va aller, murmurai-je, incapable de parler plus fort. Tu veux bien que je revienne chez toi ?

Il se pencha sur moi, m'entoura de ses bras, et enfouis sa tête dans mon cou.

Mon pauvre cœur, non préparé, faillit tout simplement cesser de battre.

-Je ne veux plus que tu me quittes, reprit-il. Plus jamais. Je veux être avec toi. Je n'ai besoin que de toi.

-Ne dis pas de bêtises, murmurais-je en ravalant un sanglot, ma main de nouveau perdue dans ses cheveux. Tu connaîtras beaucoup d'autre jolies jeunes femme et jeunes garçons, et lorsque je vieillirais, et perdrais ma beauté, tu ne me regarderas plus. C'est ainsi.

-C'est toi qui dis des bêtises, rétorqua-t-il en souriant au milieu de ses larmes. J'ai enfin compris ce qu'aimer veut dire. Alors je ne te lâcherai pas, je t'affranchirais s'il le faut, et nous vieillirons ensemble.

-Aimer ? Répétais-je d'une toute, toute petite voix.

-Je t'aime.

Mon cœur jaillit dans ma poitrine comme s'il voulait prendre son envol, toutes ses blessures disparues. Abandonnant soudain prise, je sombrais petit à petit dans les limbes de l'inconscience.

Demedj m'appela. Mais cette fois, je ne pouvais pas répondre.

Je sentis vaguement qu'il me retournait, pour s'enquérir de l'état de mes blessures, et je crus entendre un sanglot.

Finalement, ses bras m'entourèrent de nouveaux.

La dernière chose dont j'eus conscience avant de sombrer définitivement fut la façon dont il me souleva pour me porter, tout près de son cœur.

*

Un rayon de soleil traînait sur mon visage, dispersant dans son sillage une douce chaleur.

J'ouvris lentement les paupières.

Le bruit régulier d'une respiration me fit tourner la tête.

Demedj était allongé contre moi, un bras posé en travers de ma poitrine. C'était la première fois que nous dormions ensemble.

Il sourit et ouvrit les yeux.

-Finis de dormir ? Murmura-t-il.

-Je n'ai pas eu le temps de te répondre, répliquais-je.

-Me répondre ?

-Moi aussi. Je t'aime.

Je déposais un baiser sur ses lèvres.

*

La maison du voisin de Demedj brûla entièrement. On n'y retrouva ni le corps de Géméthoues, ni l'amulette de Seth. 

Demedj affranchit Ouden dès que ses blessures furent guéries. Le premier rêvant d'aventures et le second de mystères à résoudre, ils décidèrent de partir ensemble en cachette, à la découverte du monde, vivant tranquillement leur amour loin des codes sociaux.

Et si Demedj attarda parfois son regard sur d'autres jolis minois, il ne cessa jamais, en toute sincérité, de dire à Ouden combien il le trouvait beau.

Ils finirent leurs vies ensembles, sur les bords du Nil, en racontant leurs aventures aux voyageurs, et s'éteignirent vieux, très vieux, dans les bras l'un de l'autre.

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