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Le cœur sans rides

Richard traîna sa jambe raide encore quelque mètres, et se laissa tomber sur le banc.

Le même banc. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, à la même heure, depuis des années.

Il regarda passer les promeneurs avec des moues réprobatrices. Si, à son époque, les filles avaient osé s'habiller comme ça... Et puis, toutes ces histoires de « smartefone », c'était pas sain. De son temps, on savait parler aux gens... Certes, lui, il n'avait jamais aimé parler à personne. Mais c'était pas une raison.

Ah, voilà le petit Bastien. Un petit garçon haut comme trois pommes, à la bouille épanouie.

-Papy ! Papy ! S'écria-t-il, avec sa discrétion habituelle, en courant vers le vieil homme.

Ben voyons. Il perdait pas le nord, le gamin.

Il sortit de sa poche une pièce de deux euros, et la tendit au gosse, qui hurla de joie et se précipita vers le marchand de glace. Il le connaissait pas, ce gamin. Un jour, il avait juste commencé à l'appeler papy, et lui à lui donner deux euros pour le faire taire.

De toute façon, il aimait pas les mioches. Il en avait jamais eu. Et ça ne lui réchauffait pas du tout le cœur de voir ce petit visage sourire avec de la glace partout. Pas du tout.

Mais quand même, le pauvre gosse, il avait pas de chance. Qu'est-ce que ses « parents » avaient mauvais genre ! Des sodomites. Enfin, on appelait ça « homo », aujourd'hui. Mais c'était pareil. Deux hommes, ça pouvait pas élever un gamin. C'était contre-nature. Alors quand l'un ou l'autre des deux énergumènes lui envoyait un sourire de remerciement, il répondait toujours par la même moue réprobatrice.

De toute façon, il avait toujours la même moue réprobatrice. Lorsqu'il se regardait, le matin, dans la glace, il ne voyait que ça. Une petite face toute ratatiné. Des rides. Une moue réprobatrice.

C'est qu'il en avait bavé, dans la vie. Mais bon, il était pas du genre à se plaindre.

Un couple passa. Mais il allait lui bouffer le visage, à l'embrasser comme ça ! L'amour, quelle connerie. Lui, il était jamais tombé amoureux. On lui avait dit, pourtant, depuis tout petit, « tu rencontreras l'élue de ton cœur », et blablabla, et blablabla. Que des conneries.

Son seul petit plaisir était de venir, chaque jour, s'asseoir sur ce banc. Seul. Tous les habitués du parc savaient qu'il ne fallait pas s'asseoir à côté de celui-là.

Et il pouvait ruminer, en paix, toute la sainte journée.

Mais c'était qui, celle-là ?

Mais qu'est-ce qu'elle faisait, cette conne ?

Il aurait vraiment dû ramener un panneau. Interdit de s'asseoir.

Mais la pauvre vieille, indifférente aux regards furibonds qui lui transperçait la nuque, tout sourire, posa ses fesses sur le banc.

Et elle commença à parler.

Mais c'était pas possible, à son âge, de parler autant. Elle allait pas se décrocher le dentier ?

Et bien sûr, les enfants, qui sont tous un peu cons, s'approchèrent de la nouvelle venue.

La garce, elle avait un sac de bonbons.

Mais non, sale mioches, partez, vous voyez pas qu'elle cherche à vous acheter !

Seul Bastien, trop occupé avec sa glace, ne piocha pas dans le sac. Brave petit.

Ah mais c'est qu'elle avait pas finis, en plus ! Les bonbons, c'étaient que pour les attirer. Qu'est-ce qu'elle foutait, là ?

Non, sans blague. Elle leur racontait une histoire. Une histoire stupide.

Elle ferait mieux de leur raconter la vie, celle-là. Comment on croyait, quand on était petit, que tout allait être super. Puis qu'on grandissait et qu'on se prenait tout dans la gueule. Ça leur apprendrait plus que ces conneries de princes et de dragons.

Il chercha des yeux un autre banc, mais tous étaient occupés. Il envisagea un court instant de rentrer chez lui, mais pour quoi faire ? Se planter au milieu de son vieux salon, seul, sans but ?

Et puis, merde, c'était son banc. Il allait pas l'abandonner à cette mégère.

Alors, avec un air digne, il endura l'épreuve.

Le pire, c'est qu'elle revint le lendemain. Et le lendemain. Et tous les jours de la semaines.

Elle avait rien d'autre à foutre de sa vie, celle-là ? Remarque, lui non plus.

À chaque fois, c'était le même cinéma. Elle lui disait bonjour. Il l'ignorait superbement. Elle ouvrait son paquet de bonbon. Tous les gosses des environs convergeait dans sa direction -sauf Bastien, qui était ravit d'avoir double dose de glace- et elle leur racontait une histoire pourrie.

Oui, d'accord, il écoutait. Mais c'était pas de sa faute si, à son âge, il était pas devenu sourd !

Un mois. Deux. Trois. Ça devint vite un rituel, entre ces deux-là.

Et puis, un jour, elle ne vint pas.

Les parents, amusés, n'auraient pas pu dire qui arboraient l'air le plus dépité. Les enfants ou « le vieux papy du parc », comme l'appelaient les gosses ?

-Dit, papy, interrogea Bastien en tirant sur la manche du septuagénaire. Elle est ou mamie conte ?

-Comment tu veux que je le sache, bonhomme ?

Les yeux du petit s'emplirent de larmes.

-Elle nous aime plus ?

L'autre lâcha un énorme soupir.

-Mais qu'est-ce que tu racontes, gamin ? Si y'a un truc de sûr, c'est qu'elle vous adore, cette bonne femme.

Une preuve supplémentaire de sa débilité, ajouta-t-il en lui-même tandis que le petit Bastien lui faisait un énorme sourire. Qui ne lui fit pas du tout plaisir. Pas du tout.

Mais le jour suivant, on ne la revit pas. Ni le jour d'après.

Les enfants finirent par se résigner, et revenir à leurs châteaux de sable.

La bande de traîtres. D'accord, c'était une mégère, mais quand même. Ils auraient pus l'attendre un peu plus longtemps. Il espérait que s'il disparaissait, Bastien, au moins, l'attende un peu plus. Ne serais-ce que pour avoir une glace.

Dans un pur souci d'honneur bafoué -il fallait s'entraider entre vieux- il adressa la parole à un jeune homme, au moment où il s'approchait de Bastien. Merde, il avait pas vu que c'était un des deux homos. Tant pis.

-Vous saurez pas où elle est, l'autre vieille ?

L'homme sursauta. On avait pas trop l'habitude de l'entendre parler, celui-là.

-Non, répondit-il avec un sourire amical. Mais je peux demander, si vous voulez. Je crois que Jensen a parlé avec elle, l'autre jour. Hé, Jensen !

L'autre s'approcha. Il avait même pas un nom français. Méfiance. Ah zut, c'était son... comment disait-on ? Son « mari homme » ? Vraiment malsain, tout ça. De son temps, c'était un peu plus correct.

-Tu saurais pas où est passé la vieille dame des contes ? Papy s'inquiète.

Alors, d'abord, d'où est-ce qu'il se permettait de l'appeler papy, ce freluquet ? Certes, ça lui faisait un tout petit peu plaisir, parce que c'était comme s'il avait eu des enfants. Mais quand même, c'est pas parce qu'il ne connaissait pas son nom qu'il devait se permettre des choses. Et puis, de là à dire qu'il s'inquiétait... Il se sentait concerné, c'est tout. Vaguement.

-Mamie Odette ? Répondit l'autre avec le même sourire gentils.

Eurk. Ils savaient aire autre chose que sourire, ces deux-là ? Apparemment, oui. Comme se regarder d'un air énamouré. Re eurk. Enfin, il devait reconnaître que ça ressemblait quand même vachement à de l'amour, ce qu'il y avait entre ces deux-là. Sauf que l'amour entre un homme et un autre homme, c'était pas possible. Il savait plus qui lui avait dit, mais il était certain que c'était contre nature.

Enfin bref. Elle s'appelait Odette. Un nom pourrit, la pauvre. On aurait dit un truc de princesse.

-Non, je ne sais pas où elle est passé. Mais c'est vrai que ça m'inquiète un peu, aussi. Elle m'avait dit qu'elle raconterait l'histoire de Jack et le haricot magique aux enfants, la dernière fois.

-Et alors ? Cracha presque Richard.

-Ben, ça voulait dire qu'elle avait l'intention de revenir... répondit l'autre sans perdre son sourire. Ah, ouais. Pas con.

-On a qu'à aller demander aux autres personnes, dans le parc. Il y a bien quelqu'un qui l'a vu. Il prit Bastien dans ses bras, et lui ébouriffa les cheveux avec tendresse.

-On part en mission, bonhomme.

Le petit garçon leva les bras avec tant d'enthousiasme que même Richard se sentit sourire. Enfin, presque.

-Votre mission si vous l'acceptez, agent 212, renchérit l'autre « homo », sera d'aller interroger toutes les personnes du parc, à la recherche de mamie conte.

-J'accepte la mission ! S'exclama le garçon avec un énorme sourire. Papy vient avec nous ?

-Heu... Non, je pense que papy doit être un peu fatigué. Tu viendras lui faire ton rapport.

-Comment ça, freluquet ? Grogna Richard en se levant brusquement.

Aïe. Le dos. Rester stoïque à la douleur. Pour l'honneur.

-Papy vient avec nouuuuuus ! Hurla le gamin en sautant des bras de son père.

-Mais il est increvable, ce gosse, ronchonna Richard en secouant la tête.

L'après midi fut hélas infructueuse. Richard se sentait extrêmement fatigué, mais, heureusement, l'un des deux hommes avait, mine de rien, passé son bras sous le sien pour le soutenir. Pas des mauvais bougres, finalement, ces deux-là. Malgré leurs histoires, d'homo, là, c'étaient plutôt des gens biens.

-On reverra jamais mamie conte ? Pleurnicha Bastien en tirant sur la manche du vieil homme.

-Mais si, gamin, le corrigea l'autre, attendrit. Aujourd'hui, il faisait pas très beau, alors y'avait moins de gens. On ressayera demain.

*

Le lendemain, Richard arriva au parc en pleine forme, avec sa nouvelle cane et des chaussures de marches spéciales randonné. T'inquiètes pas, Odette, on va te retrouver. Même si un dragon t'avait enlevé.

Ouais, bon, d'accord, peut-être que quand il était petit, il avait adoré les histoires de dragon. Peut-être.

Bastien était aussi à son poste, accompagné de ces deux « papas », qui affichaient un air vaguement ensommeillé. C'était samedi, mais Richard devina qu'ils avaient été tirés du lit pas leur fils. Enfin, leur fils... Et ce que ça marchait quand même, quand c'était deux hommes ? Il haussa les épaules. Il réglerait la question plus tard.

-Alors, agent 212, lança-t-il au petit bout d'homme qui attendait ses directives. Prêt à mener à bien la mission ?

-OUAIIIIIII !

Bon, agent secret, c'était pas encore ça. Mais il était sûr, quelque part, que Odette serait heureuse qu'ils se donnent autant de mal pour la chercher. Non pas qu'il en ait quelque chose à faire, bien sûr.

Et c'était repartit pour la tournée d'inspection. Demander. Se voir offrir un refus polis. Ou non. Demander encore.

-Pourquoi Bastien va pas interroger les autres enfants ? Lança distraitement Richard.

Les deux hommes échangèrent un regard à la fois triste et gêné.

-Certains parents n'aiment pas trop que Bastien fréquente leurs enfants... tenta Jensen.

-Enfin, c'est complètement con, s'insurgea Richard, c'est le plus gentil de tous les mômes de la Terre !

Jensen et Misha -puisque c'est ainsi que s'appelait l'autre- eurent un sourire semblable au premier.

-C'est vrai, répondit le deuxième. Mais que voulez-vous. Les gens sont si étroits d'esprit, par ici.

Ils échangèrent un nouveau regard triste. Richard mit une seconde avant de percuter. Bastien ne pouvait pas jouer avec les autres gamins parce que ces parents étaient homos ? C'était le truc le plus con qu'il ait jamais entendu. Comme si c'était la faute de Bastien.

-J'AI TROUVÉ QUELQUE CHOOOOOOOSE, hurla l'objet de ses pensées en revenant vers eux, les bras levés en signe de victoire.

Il semblerait, en effet, que le gardien du parc ait entendu parler d'Odette.

-Une brave petite dame, acquiesça-t-il. Elle m'aidait à fermer les grilles, quelquefois, et on papotait. Elle a pas eu une vie facile. Son gosse est mort en même temps que son mari. Un accident de voiture, je crois. Alors elle vit seule.

Richard sentit son cœur se serrer. La vie avait été encore plus vache avec elle qu'avec lui.

-Vous savez pas où elle habite ?

-Non, désolé. Mais si vous voulez, j'ai un pote qui bosse à la mairie. Il est toujours au courant de tous, sur les nouveaux venus. On est une petite ville, ici, faut pas croire. Et comme elle est là que depuis deux-trois mois...

-Super ! appuya Jensen.

-Revenez demain, répondit le gardien en souriant.

-ON VA RETROUVER MAMIE CONNNNNNNNTE ! S'exclama Bastien qui n'avait rien comprit de cette conversation d'adulte mais qui était heureux quand même.

-Mais oui bonhomme, sourit Richard en ébouriffant la tignasse brune.

Il soupira. Le parc allait fermer. Il fallait rentrer. Mais il se sentait vieux, soudain. Fatigué. Et seul. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui.

-Ça vous dirait de faire un petit tour à la maison ? Lança Jensen, comme s'il avait lu dans ses pensées.

-Ça vous dérangerait pas ?

-Au contraire, Bastien serait ravi. N'est-ce pas ?

-PAPY VAS VENIR À LA MAISONNNN !

-Vous voyez, rigola Misha. Maintenant, vous n'avez plus le choix !

Mais c'est qu'ils insistaient, en plus ! Ils insistaient pour l'inviter, lui ?

Il lâcha un énorme sourire.

Les deux hommes sourirent en retour. Il était tellement adorable, ce grand-père, à cacher son cœur d'or derrière ses ronchonnements continus.

*

L'immeuble ou vivait la petite famille n'était pas très reluisant.

-Vous faites quoi, dans la vie ? Demanda Richard en sortant de la voiture.

-Mes papas sont des super-hérooooos ! Répondit Richard en jaillissant du véhicule.

-On donne des cours particuliers aux enfants et ados en difficultés, répondit Jensen.

Richard hocha la tête. Ça leur correspondait bien, à ces deux idiots. La gentillesse même.

Ils habitaient au rez-de-chaussé. Jensen était en train de chercher ses clefs lorsque la porte d'à côté s'ouvrit.

-Merde... souffla-t-il. Misha, prends le gamin...

Aussitôt alerté, Misha souleva Bastien dans ses bras et le serra contre lui comme pour lui faire un câlin. Richard, intrigué, remarqua qu'il lui bouchait les oreilles au passage.

Un homme en costard sortit de l'appartement mitoyen. Un air de pur méprit se dessina sur son visage lorsqu'il vit ses voisins.

-Pédales, lança-t-il avant de cracher par terre.

Richard n'avait jamais été aussi choqué de toute sa vie.

Il y avait un tel mépris dans la voix de ce type... Il reporta son regard sur la petite famille. Jensen et Misha échangeaient un regard triste tandis que Bastien se tortillait pour échapper à l'étreinte de son père. Puis tourna à nouveaux les yeux vers la silhouette qui s'éloignait. C'était tellement gratuit, tellement irraisonné... Comment pouvait-on détester des gens aussi adorables ?

Il ne savait pas ce que voulait dire « pédale », mais il le devinait aisément. Il sentit gonfler en lui une rage triste, impuissante.

-Je suis désolé, lui dit Misha en ouvrant la porte.

-Désolé de quoi, gamin ? Tu vas pas t'excuser parce que les autres sont cons ! Manquerait-plus que ça, tient !

-Papy ! Appela Bastien de l'intérieur. Viens voir ! Je vais te montrer tous mes dessins !

L'appartement était celui d'une petite famille unie, avec son lot de jouet qui traînaient sur le sol, la vaisselle sale dans l'évier et les photos de bonheur partout. Jensen, Misha et Bastien à la mer. Jensen, Misha et Bastien à la montagne, Jensen, Misha et Bastien...

En fait, il ne voyait pas la différence entre cette maison et celle des autres familles qu'il avait put voir tout au long de sa vie. À part que celle-ci semblait un peu plus heureuse.

Et enfin, plein de honte, Richard comprit qu'il n'y en avait aucune.

-PAPYYYYYY ! Viens voir mes dessinnnnns !

-J'arrive, bonhomme !

Je sais, je suis un idiot. Je suis sûr que toi, tu l'avais comprit tout de suite, Odette.

Où que tu sois, attends-moi.

Je te retrouverai.

-Dites, chuchota Richard aux deux hommes qui le raccompagnait à la porte d'entrée, Bastien s'étant enfin endormis. Pourquoi il m'appelle papy, le gamin ?

-Il a toujours rêvé d'en avoir un, répondit Jensen.

-Mais, son vrai papy...

Nouveau regard triste. Ça commençait à faire beaucoup. Richard en avait marre. La vie n'était pas juste. Des gens aussi gentils qu'eux devaient rires, et aimer, pas s'échanger des regards tristes et résignés à longueur de journée.

-Nos familles n'ont pas très bien prit notre mariage, répondit enfin Misha. Alors... Nous n'en avons plus, en quelque sorte.

Richard eut un soupir tragique.

-Bah, tant mieux. On a pas besoin des imbéciles pour avancer dans la vie !

Il leur fit un signe de la main et, sur un sourire radieux, partie clopin-clopant en direction de sa voiture.

*

C'était la troisième fois que Bastien enfonçait la sonnette.

Et personne n'ouvrait.

Allez, Odette, si t'y met pas un peu du tien, on va jamais s'en sortir...

-Vous cherchez Odette ? Lança une voisine en passant la tête par la fenêtre du premier.

-OUI ! Lancèrent en cœur Jensen, Misha et Richard.

-Mais non, répliqua Bastien. On cherche mamie conte.

-Elle a eu un accident. Elle est à l'hôpital.

Richard sentit son sang se figer dans ses veines.

-Holà papy ! S'exclama Misha. Ça va ?

-J'ai juste besoin de m'asseoir une seconde...

Bah alors, Odette, qu'est-ce que tu nous fait ? Je t'avais dit de m'attendre !

-C'est grave ? Demanda Jensen à la voisine.

-Une chute dans l'escalier, je crois, répondit la commère. Elle s'est pété une jambe. Faut dire qu'elle a pas de chance, celle-là. Déjà, elle s'est fait arnaquer, le promoteur lui a vendu une maison pleine de trous et de fissures, voilà qu'une marche se détache, et vlan ! Et comme elle vit seule, il lui a fallu plus d'une heure pour attendre le téléphone.

Richard n'attendit pas qu'elle ait terminé pour faire volte-face, Bastien sur les talons.

Jensen et Misha remercièrent précipitamment la voisine avant de les rejoindre dans la voiture. Richard prit le volant.

-On va à l'hôpital ?

-On va faire un petit détour avant... répondit le septuagénaire en enfonçant la pédale.

*

-Alors madame Odette, comment ça va aujourd'hui ?

-Oh, très bien, merci, répondit la gentille petite vieille dame en souriant.

Elle avait extrêmement mal à la jambe. Mais elle ne savait pas se plaindre.

-Ça tombe bien, répondit l'autre. Vous avez de la visite.

-De la visite ?

Elle ouvrit des yeux ronds.

-Et pas qu'un peu ! Renchéris l'infirmière en ouvrant la porte.

À peine le battant entrouvert, une bande de gamins déboulèrent dans la chambre.

-On se calme, bande de petit monstre ! Cria Richard en entrant à son tour.

-Mais... Qu'est-ce que vous faites là ? Murmura Odette.

-Il fait un temps de merde dehors. Alors, Bastien, les enfants et moi, on s'est dit qu'on allait trouver un endroit pour s'abriter, en attendant.

Elle jeta un coup d'œil par la fenêtre. Il y avait un grand soleil.

-Si tu pleures, préviens Richard, je me barre. En plus, les petits veulent une histoire.

-Et toi, monsieur ronchon ?

-Je les surveille. Ne crois surtout pas que je reste pour écouter. C'est par pur désintérêt.

-Ben voyons...

Ils échangèrent un sourire complice.

Et elle raconta son histoire.

*

À sa sortie de l'hôpital, Odette vint habiter chez Richard. Il avait une grande maison, et la sienne était pourrie. Et puis, c'est plus sûr, quand on est vieux. Bien sûr, le fait qu'ils habitent ensemble n'avait rien à voir dans l'affaire. Même s'ils furent obligés de partager le même lit. Et le même bonheur.

Odette et Richard allèrent aussi démarcher les parents des enfants du parc qui, attendris par ce couple de petits vieux, acceptèrent de laisser leurs enfants à l'essai chez Jensen et Misha.

L'essai ne finit jamais, ces deux-là finirent par acquérir une petite notoriété, et purent acheter une maison, tout près de chez Odette et Richard.

Bastien grandit sans rien perdre de sa gentillesse, fit des études de littératures, et écrivit des livres de contes merveilleux qui s'arrachèrent comme des petits pains. Il rencontra une jeune fille aussi douce que lui, et s'empressa de faire quelques enfants.

Et lorsque, bien des années plus tard, Odette et Richard s'éteignirent, ensemble, ils avaient à leur côté toute une famille pour les aimer.

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