6 - Le bal
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Salon Degermann* en média.
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Maison des Dumont, jeudi 20 juin 1940, 12h45.
-Vous ne mangez pas avec nous ? Dit le colonel lorsqu'il remarque seulement trois couverts sur la table, en s'installant à une place au hasard, tandis que j'apporte le plat.
-Non, j'attends mon père.
-Votre père ? Depuis que j'ai commencé à cuisiner, le colonel Von Hohenhart ne cesse de me poser des questions sur ma vie personnelle. Étrangement, c'était plus agréable lorsque ces questions venaient de Karl, beaucoup plus naturel et simple.
Cet homme est assez compliqué. Je n'arrive pas vraiment à déterminer sa façon d'être, il est à la fois aimable et autoritaire. Vous allez me dire, que c'est tout à fait logique, un colonel nazi autoritaire. Mais c'est différent, il n'use pas de son autorité lorsque c'est nécessaire, il l'utilise seulement à ses fins personnelles, comme pour me montrer qui domine ici. Pour me rappeler que c'est lui qui occupe mon pays.
Néanmoins, cet allemand n'est pas aussi autoritaire que le général Rintenlberg, qui se sert lui même d'ailleurs. Depuis qu'il est rentré il n'a pas dit un seul mot. Est-ce à cause de la présence de cet homme ? Ou est-ce pour une autre raison ?
-Son père est l'adjoint du maire de Reims. Enfin pour le moment, il va probablement en devenir maire. Répond Karl pour moi, je le remercie d'un regard. Il a remarqué l'insistance des questions du colonel de la gestapo, qui m'agace.
-Ton père est à la Kommandantur pour un moment. Manges avec nous. Engel a enfin prit la parole. Sans me porter un regard, il continu de s'alimenter, sans attendre personne.
-À la Kommandantur ? Pour quelles raisons ?
-Tu es très curieuse dit donc. Remarque le colonel en souriant, je ne dis rien et fixe le général tout en servant Karl sous ses remerciements discrets.
-Oliver a raison, arrêtes de parler et de poser des questions inutiles. Et manges, en silence. Je laisse tomber ma cuillère dans le plat, choquée. Comment ose-t-il me parler de cette façon ? Et pour quelle raison ? Ce n'est pas parce que c'est un général allemand et que je suis une simple femme qu'il a le droit de s'adresser à moi de cette façon.
-Je ne vous permets pas de me parler ainsi ! Vous êtes sous mon toit, alors cessez cela ! J'ai crié. Assez fort pour m'assourdir moi même durant un instant. Mon visage a sûrement viré au rouge, je suis si énervée.
L'homme pose sa fourchette dans le calme, pose ses coudes sur la table et rejoint ses mains entre elles. Moi, je décide de me retirer, échauffée, dans la cuisine. Avant d'y arriver, j'entends Engel converser dans sa langue natale avec le colonel, qui récupère ses effets personnels pour sortir de chez moi.
Je rentre en furie dans la cuisine et avances en direction du plan de travail où je pose mes mains qui tremblent d'irritation, encore une fois, à cause de ce type. Il est en train de me rendre folle. Je souffle un instant et tente de me calmer.
Des bottes claquent contre le sol, il est là. D'une simple présence l'allemand m'écrase, et il le sait, cette emprise qu'il exerce sur moi, je mettrai ma main à couper que ça l'excite et le réjoui. Je suis comme un jouet pour lui, une distraction.
Il est le chat je suis la souris, il est le loup je suis l'agneau, il est le gendarme je suis la voleuse. Il est Engel je suis Rose.
-Qu'avez vous contre moi ? Je ne vous ai rien fait ! J'explose une seconde fois en pivotant pour lui faire face, le défiant du regard. Il ne dit toujourd rien, le général Rintenlberg s'approche simplement en ma direction.
L'appréhension n'a même pas le temps de s'étendre en moi, l'homme est beaucoup trop rapide. Sa main aggripe ma gorge avec brutalité, il émet une pression assez grande pour me faire mal néanmoins pas assez pour me couper la respiration. Qui est tout de même réduite. Alors je réagis, mes yeux s'ouvrent en grand et mes mains se posent sur la sienne, il est en train de m'étranger.
-Rose, manques moi encore une fois de respect devant mes hommes, et tu risques de finir tes misérables jours au fond d'une cellule. As-tu bien compris ? Engel ressert son emprise et je manque cruellement d'air, je décide alors de hocher la tête. Je ne suis pas suicidaire tout de même ! Cependant, il ne me lâche toujours pas, pourquoi ?
-Engel. Rugit une voix derrière lui, à l'encadrement de la porte, faisant retirer la main de cet homme de mon pauvre cou meurtri, l'air rentrant subitement à l'intérieur de mes poumons me fait tousser. Je tombe à genoux puis pose une main sur le sol, cherchant à me maintenir.
Le blond ne dit rien, il se contente de me regarder encore quelques secondes avant de quitter la pièce ainsi que la maison. Karl s'approche alors de moi pour m'aider à me relever, il me sert également un verre d'eau.
-Merci..
-Il n'y a pas de quoi. Engel a un tempérament violent lorsqu'il a trop de travail. Beaucoup de chose le dépasse. Essaye le major en détournant le regard.
-Ce n'est pas une raison pour.. réagir de cette façon. Certes je me suis aussi emportée mais il l'avait bien cherché. Me justifie-je à mon tour en me massant la gorge, j'ai eu peur.
L'allemand ouvre la bouche pour répondre cependant il se ravise, il ne sait plus quoi dire, son ami a dépassé les limites en me traitant de la sorte, c'est un malade mental..
[...]
Salon Degermann*, Reims, samedi 22 juin 1940, 19h00.
-Prêtes ? Me demande-t-il joyeusement, un large sourire collé au visage. Je le regarde alors un instant et souris légèrement, puis réponds :
-Oui.
Nous pénètrons alors dans la salle principale, bras-dessous bras-dessus, un orchestre improvisé joue une mélodie entraînante, rassurante. Mon regard balaye la pièce, les personnes âgées sont assises autour des tables et discutent entre eux, joyeusement. Au milieu de la salle, des couples dansent, d'autres regardent simplement les gens danser.
Le meilleur pour la fin - plutôt ironique - quelques allemands sont 'infiltrés' parmis ces gens, mais ils ne se mélangent pas vraiment, ils restent entre eux, observant et discutant en silences dans leur langue incompréhensible.
Au fond, dans un coin sombre, j'aperçois le général Engel me détailler de ses yeux clairs, je me mords la lèvre déstabilisée. Suite à mon action, il boit d'une traite son verre d'alcool - je suppose.
Après ce qu'il s'est passé jeudi, je n'ai eu le droit qu'à des excuses silencieuses, que j'ai bien évidement ignoré. Ses excuses se traduisaient - comme toujours - pas des coups d'oeil insistants, des petites actions telles que me resservir de l'eau, j'ai même eu le droit à une aide hier soir, lorsque je faisais la vaisselle, ma soeur était fatiguée de sa journée alors je lui ai dis d'aller dormir. J'étais seule, c'est à ce moment que le général a fait son entrée dans la cuisine.
Sans un mot, l'allemand m'a aidé à rangé les assiettes et l'argenterie. Mon silence l'a visiblement mit en colère, puisqu'aujourd'hui j'ai eu le droit à ce genre de regard. Qui veulent dire "tu comptes me reparler un jour ?".
Je ne le comprends pas, un jour cet homme tente de sympathiser avec moi en étant poli, un jour il me "remet à ma place" et l'autre jour il tente de se faire pardonner. C'est une boucle infinie, et je commence sérieusement à m'impatienter, qu'attend-t-il de moi ? Sérieusement..
-Rosy ! La voix de mon amie me coupe de mes pensées, je tourne la tête et la vois, assise autour d'une table avec le reste du groupe. En souriant, je décide alors de la rejoindre, accompagné de Romain. En arrivant près de la table, je remarque que ma soeur n'est pas encore arrivée, tandis que mon père, très occupé en ce moment, a décidé de rester à la maison.
-Bonsoir tout le monde ! Je m'installe au côté de Romain, heureuse de tous les voir. Cela faisait si longtemps ! Il y a Alice, Hélèna, Louis et même Paul le cousin de Romain !
-Tu es très jolie dans cette robe dit moi ! Me complimente Alice en m'observant, je la remercie alors en lui retournant le compliment, elle est vêtue d'une longue robe verte somptueuse de soie, accompagnée de gants assortis à sa robe.
Alice Lambert est une vieille amie, âgée de 17 ans, elle possède une grande maturité, sa mère connaissait la mienne avant qu'il ne lui arrive malheur. Cette fille est si gentille avec tout le monde que parfois, j'espère que ce qu'on dit sur les juifs est faux, ce que les nazis leurs font. Car oui, Alice a changé d'identité lorsque ses parents ont su que la France avait été vaincu. Avant, elle s'appelait Rebecca Goldstein. Seulement quelques personnes qui connaissent bien cette famille le savent.
Hélèna et Louis Dupuy sont des frères et soeurs, de vieux amis à la famille Bernart, Romain et Paul. Louis à vingt-quatre ans tout comme Paul tandis que Hélèna à mon âge, vingt ans. Avant, nous formions un groupe à quatre, Romain, Rebecca actuellement Alice, ainsi qu'Hélèna et moi. Paul et Louis sont proches alors par moment, ils venaient avec nous lors de nos sorties.
Après une bonne heure de retrouvaille, des musiques plus douces et envoûtantes commencent à prendre place dans la pièce, Romain s'approche de mon oreille.
-Une petite danse, Rosy ? J'accepte avec grand plaisir, mon genou ne me faisant plus assez souffrir pour m'handicaper, nous nous approchons de la piste de danse à grands pas, enthousiastes.
Mon ami glisse une main dans mon dos et passe l'autre dans ma main, nous nous regardons en souriant, cela faisait trois mois que je ne m'étais pas rendue à un bal. Nos pas se superposent alors à la mélodie et nous dansons sur ce rythme si calme. Durant plusieurs minutes, jusqu'à ce que l'orchestre termine ce morceau sous les applaudissements.
-Puis-je t'emprunter ta cavalière pour une danse ? En voyant le jeune homme approcher et tendre sa main vers moi, je me décolle de Romain pour joindre ma paume de main à celle de Paul.
-Pas de soucis, je vais danser avec Alice. Cette fois ci, c'est un rythme jazzy, endiablé, que les musiciens jouent, plusieurs personnes décident alors de nous rejoindre sur la piste, aimant ce style de musique.
-Le swing, tu sais le danser Rose ?
-Bien évidement cher Paul. Je lui lance mon plus beau sourire, j'aime beaucoup danser, dans le swing, tout se joue dans les jambes et les pieds, j'ai appris avec mon père, qui lui même l'a appris avec ma mère, dans les bals appartenant maintenant au passé.
On se laisse alors porter par la musique, Paul étant un très bon cavalier pour se déhancher, il me fait virevolter pour me récupérer avec son autre main, tandis que nous jouons de nos jambes pour suivre la mélodie. Nous dansons encore le morceau suivant avant de ressentir l'essoufflement, on décide alors de se diriger vers le buffet pour se rafraîchir un peu.
-Ça me rappelle l'ancienne époque ! Je ris de bon coeur avec le cousin de Romain, qui est très élégamment vêtu ce soir, pour l'occasion, il s'est habillé d'un costume sombre, contrastant avec sa chemise blanche que je peux maintenant voire : il a enlevé sa veste. Le brun m'offre un verre puis en prend un pour lui.
-Certes, mais cela n'a point véritablement changé, je suis toujours aussi meilleur danseur que vous, mademoiselle. Me taquine le brun en me faisant un clin d'oeil rapide. Je feins le bouleversement en posant ma main sur ma poitrine, d'un geste théâtrale.
-Comment osez-vous monsieur ? Me voilà toute éberluée par tant d'insolance et d'arrogance !
-Pardonnez-moi, néanmoins, ne dit-on pas que seule l'incontestable vérité nous offense ? Ne pouvans pas tenir plus longtemps, nous rions aux éclats, Paul doit même se tenir les côtes un moment. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas autant ris, ça fait un bien fou au moral. À son regard pétillant de bonheur, je suppose qu'il pense la même chose.
Mais bien évidement, tout bonne chose a une fin, un cri nous ramène vite à la réalité, on se retourne en même tant, cherchant d'où provient se cri. Et malheureusement, je découvre qu'il appartient à ma soeur, Adeline, qui est au sol, le nez ensanglanté, avec un allemand au dessus d'elle.
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*Salon Degermann : salle de réception connue à Reims, construite dans les années 1900.
Hello hello ! Je tenais à vous informer d'une découverte ! Si vous avez aimé le tome 1 de 'Romance ou violence' ou même si vous aimez tout simplement les romances sur la seconde guerre mondiale je vous conseille fortement 'Mon coeur balance' de iamlaurine, elle a une très belle plume et elle vient de commencer son roman, alors allez jeter un coup d'oeil ;)
-Elisa
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