2 - La Kommandantur
Maison des Dumont, dimanche 16 juin 1940, 14h00.
Voilà maintenant cinq jours que les allemands assiégent notre belle ville de Reims, l'appréhension des citoyens se fait vraiment ressentir, tandis que les réquisitions, les interdictions et la violence sont de plus en plus marquées pas nos ennemis.
Chez nous, mon père s'inquiète pour moi et ma soeur, surtout pour ma soeur Adeline. Du haut de ses seize ans, c'est une fille fragile, au moindre regard d'un allemand elle est tétanisée, comme pétrifiée, elle pourrait même faire un malaise si ils s'approchent d'elle pour lui demander ses papiers, heureusement j'étais là pour ne pas que cela se produise d'ailleurs...
Elle est en dernière année de lycée, elle passe son baccalauréat cette année, elle a énormément de potentiel, tout comme en avait ma mère qui était professeur de mathématiques. Adeline aimerait suivre ses traces, c'est pour cela qu'elle a prit spécialité maths.
Personnellement, j'étais plutôt une littéraire au lycée, cependant j'appréciée tout de même les matières scientifiques, preuve que par la suite, j'ai étudié les soins et le médical dans une école spécifique à ça. Actuellement, j'aide les médecins de la ville, en tant qu'infirmière, lorsqu'ils ont besoin de moi.
Les deux allemands qui vivent chez nous sont, eux, différents l'un de l'autre, pourtant ils sont amis. Karl est vraiment gentil avec nous, parfois même serviable, il nous parle beaucoup de lui et de sa vie d'avant en Allemagne, il m'a même apprit quelques bases en allemand pour vous dire, mais, il est moqueur, face à mon accent pitoyable que j'essaye en vain de faire grave, comme eux. Alors qu'à l'exacte opposé, on a Engel, ce général est assez, hautain serait le bon terme, lorsque je lui parle il n'hésite pas à me remettre à ma place : de simple femme qui n'est bonne qu'à faire le ménage, la cuisine et des enfants. La fameuse histoire inintéressante mais vraie de chaques femmes... D'un côté il a raison cet homme.
-Vous n'avez pas à avoir peur de moi meine reizende fraülein, je demande juste si votre journée c'est bien passée... Parle la voix germanique du major Karl du salon, je fronce mes sourcils, dépose les clés de maison toujours au même endroit et entre dans le salon sans faire de bruit.
Ma jeune soeur, Adeline, les larmes aux yeux, est collée contre le mur alors que l'allemand se trouve devant elle à une distance raisonnable, il pose sa main sur sa joue pour venir la caresser avant de s'éloigner d'elle.
-Adeline ? Pourquoi pleures-tu ! Dis-je comme si je venais d'arriver dans la salle, je m'approche d'elle pour venir essuyer ses larmes.
-Je n'ai rien fait Rose, je lui ai simplement posé une question et.. elle ne m'apprécie probablement pas, während ich.. Je suis désolée de vous avoir effrayer Adeline.
-Ne vous inquiétez pas Karl, ce n'est pas contre vous, c'est juste que ma soeur a légèrement peur de, des allemands. Justifie-je à sa place alors qu'il quitte le salon pour monter à l'étage, j'en profite pour faire asseoir ma jeune soeur sur le fauteuil.
-Adeline voyons ! Il ne faut pas avoir peur de tous les allemands ! Il y en a qui ne sont pas si méchants que tu te l'imagine, regardes le major Karl, il n'a jamais fait preuve de violence avec nous je me trompe ?
-Non... Désolée... S'excuse-t-elle pour son comportement légèrement abusif, en baissant la tête honteuse d'avoir fait fuir l'allemand qui ne voulait rien de ça.
-Bon, sinon je suis rentrée pour savoir si tu voulais venir te promener avec moi ?
-Papa ne risque pas de rentrer avant ce soir.. je ne préfère pas laisser la maison aux, allemands, imagine si ils volent des affaires...
Je soupir en baissant la tête, désespérée de son comportement mais acquisce tout de même et part chercher une oeuvre théâtrale dans la bibliothèque. Dès que je l'ai, je quitte la maison et part dans en direction d'une petite forêt non loin des alentours de Reims.
Après une bon trois quart d'heure de marche, je me suis installée près d'un arbre dans cette magnifique forêt et j'ai commencé mon livre, pendant longtemps, j'ai lu.
Des coups de feu me tirent de ma lecture en me faisant pousser un petit cri de surprise, je pose ma main sur ma bouche et ferme mon roman que je serre contre moi. Que ce passe-t-il bon sang ? Je me retrouve en plein milieu d'un champ de bataille !
Au bout de quelques secondes, les coups de feu reprennent sans arrêt, je pose mes mains sur mes oreilles, cependant, je me dis que ici, je suis à découverte, mais où me cacher ? Je suis dans une forêt. Je décide alors de replier également mes jambes contre ma poitrine et de fermer les yeux, attendant que ça passe, espérant qu'aucuns français, anglais ou allemands ne me trouvera, je ne veux pas d'ennuis.
Après ce qu'il me parut une éternité, ces bruits strident ont enfin cessé. J'enlève alors tout doucement mes mains de mes oreilles qui étaient presque collés entre eux tellement j'ai appuyé, j'ouvre ensuite les yeux et mon regard se pose sur des bottes grises, je relève alors la tête et trouve un groupe de soldats qui me pointent de leurs armes, je deglutis et pense que je vais mourir aujourd'hui contre cet arbre.
Mais le destin en a apparemment décidé autrement, les soldats s'écartent soudainement pour laisser place à quelqu'un que je connais bien, le général Rintenlberg, qui se positionne devant moi me surplombant de sa grande carrure, un sourire mauvais aux lèvres, il range son pistolet et annonce d'un ton menaçant.
-Na, wen haben wir denn hier ? C'est ma chère fraülein Rose. Schnappt euch dir diese fräulein.
Suite à ses paroles, deux hommes s'approchent de moi pour venir saisir mes bras et me relever d'un coup sec, faisant tomber au passage mon roman théâtrale auquel je tiens beaucoup, je commence alors à me débattre pour le récupérer.
-Attendez ! Mon livre ! Ils n'ont pas l'air de m'écouter et avancent en direction de camions et voitures militaires vertes, je continue de me défendre en vain, ils ne me lâchent pas et obéissent aux autres du général Rintenlberg, mais quels bandes d'ignorants !
Lorsque je me retrouve les mains liées dans mon dos et la figure plaquée contre le sol vert, je ne bronche plus et me laisse faire, je viendrai le récupérer tampis !
-Arrêtez donc de jouer les rebelles Rose, je vous emmène à la Kommandantur vous avez gagné. Je me stoppe net face aux dires de Karl et ouvre grand les yeux, ils sont en train de m'arrêter là ! Juste parce que j'étais tranquillement en train de lire et je suis tombée en plein milieu de leur fichu champ de bataille ! J'espère au moins que les pertes de nos alliés ne sont pas énormes...
Voilà comment je me retrouve assise sur une chaise, devant le bureau du cher général Engel Rintenlberg, qui me songe du regard tout en souriant en coin et en fumant sa cigarette, les pieds sur son bureau, alors que moi, je le regarde droit dans les yeux en évitant de me masser les poignets, ils me font atrocement souffrir, les liens étaient beaucoup trop serrer durant le trajet et je risque d'avoir des traces à cacher, mais je ne veux pas lui donner cette satifaction de se sentir supérieur à moi, qui devrait être qu'une simple femme docile et faible.
-Alors dites moi ce que vous faisiez là-bas, en dehors de votre ville, sans papiers, sans laisser-passer, sans accord entre-autre et surtout sur un point de bataille entre les français et nous, les vainqueurs. Arrive-t-il à se venter ironiquement en retirant ses pieds du bureau pour venir pencher son corps sur ce dernier et me pointer de sa cigarette.
Malgré tout ça, j'arrive quand même à être intimidée, à rougir et donc à baisser les yeux, je ne supporte pas de le regarder. Pas qu'il soit moche, au contraire, mais il ressort quelque chose à travers ses deux ronds bleus qui me font plier, étrange n'est ce pas.
-J'étais partie lire général, et d'ailleurs, vous me devez un ouvrage, qui est toujours là-bas, j'ai tout de même le droit de passer librement de ma ville à la campagne ! Un rire rauque sort de sa bouche après qu'il est craché sa fumée, il se lève pour contourner son bureau et venir derrière moi.
-Justement non, vous n'êtes plus libre, vous êtes entre mes mains fraülein. Sussure Engel à mon oreille alors que je sens sa cigarette près de ma joue, je frémis et ferme les yeux pour garder mon contrôle.
-Je ne crois pas non. Proteste-je en me levant, la seconde d'après ses mains appuient sur mes épaules m'obligeant à me r'asseoir violemment sur la chaise.
-Ne soyez pas insolente jeune fille, je suis l'allemand, vous êtes la française, je suis le vainqueur, vous êtes la perdante, je suis le maître des lieux, vous me devez obéissance, compris ? Compris ! Insiste-t-il toujours avec son air menaçant et son accent allemand fort prononcé.
-Compris. Murmure-je tout de même, je n'en ai pas envie cependant j'y suis bien obligée, je n'ai qu'une envie c'est de sortir enfin d'ici pour qu'il me laisse tranquille.
-Bien, je rentre également, alors je vais vous raccompagner. Annonce le général faisant augmenter mon désespoir, moi qui voulait le fuir...
Je me lève tout doucement et l'observe du coin de l'oeil. Il positionne sa cigarette entre ses lèvres pour mettre des gants noirs qui lui donnent encore plus cet air sévère, imbattable, puissant, sexy ?
Je ferme les yeux pour me chasser cette pensée stupide, néanmoins, ce n'est pas la peine de me mentir à moi même, ce général Engel est beau, très beau, charismatique, fort, et sexy.
-Allons y, honneur au dame. Sourit-il sarcastiquement en ouvrant la porte pour me laisser passer, je le regarde d'un air méfiant et passe. Le couloir est vide, je n'ai pas le temps de poursuivre ma marche que mon ventre se retrouve plaqué contre le mur, avec la main de l'allemand qui fait pression sur ma hanche.
-Si j'apprends que tu as tenté un acte de résistance contre un allemand, ou même, au sens propre, si tu t'engage dans un de ses réseaux stupides de terroristes, je m'occuperai personnellement de ton cas. Bon dieu mais qu'est ce qu'il a contre moi, je pousse mes mains contre le mur pour me dégager de son emprise et lui lance un regard noir.
-Arrêtez de vous acharner sur moi ! Et je vous rappelle que nous ne sommes pas amis alors je ne vous permet pas de me tutoy.. Je suis coupée dans mon élan de fureur lorsqu'il me recrache sa fumée dans la figure pour ensuite venir prendre ma nuque et poser durement mon corps contre le sien pour que je puisse bien l'entendre.
-Rose, rappelle moi qui décide ici?
Je me mords la lèvre, réfléchis quelques secondes et décide de ne pas l'énerver encore plus et d'entrer dans son jeu, surtout pas dans cette caserne remplie d'allemand près à surgir de n'importe où pour me faire du mal.
-Vous.
-Bien, et rappelle moi également si j'ai tous droits sur n'importe qui, par exemple toi. Poursuit-il pour bien remuer le couteau dans la plaie, je me mords cette fois ci l'intérieure de la joue.
-Oui général, vous l'avez.
-Très bien, donc ai-je le droit de te tutoyer ? Je n'en peux plus, lâchez moi, ma fierté bon sang ! Elle en prend un coup...
-Oui. Finis-je pour qu'il arrête de maintenir ma nuque comme cela, Engel me lâche enfin et je peux voir son sourire vainqueur, je serre les dents et pivote les talons pour sortir d'ici, suivit de très près.
Dans l'automobile, l'ambiance est tendue, dès que je croise le regard d'un citoyen je lui lance un regard de détresse, pour qu'ils comprennent que je suis bien ici contre mon gré et qu'ils ne pensent pas autre chose, de malsain par exemple, mais après tout, ils me connaissent tous, mon père est quelqu'un de très apprécié ici, tout comme l'était ma mère.
Engel me tire le bras pour me faire asseoir sur le siège quand j'ouvre la portière pour sortir, je fixe sa main sur mon poignet pour ensuite lever les yeux vers son regard qu'il se veut sombre, néanmoins, ses yeux d'un bleu océan sont si beaux que je ne peux y voir que du clair dedans.
-Tu n'aurai pas oublié quelque chose, fraülein.
-Merci de m'avoir ramener, général Engel Rintenlberg. Crache-je presque avant de retirer ma main et de sortir pour de bon, je cours presque à l'intérieur pour monter jusque dans ma chambre, où je pleure pendant un bon moment.
Ce sont des larmes de tristesse et de rage, à cause de cette affreuse scène de bataille que j'ai écouté ainsi que la colère que j'éprouve pour le général, cet homme est vraiment l'exacte opposé de son ami, pourquoi Karl est-il ami avec ça ?
[...]
Maison des Dumont, lundi 17 juin 1940, 08h00.
Après avoir enfilé une jupe ainsi qu'un haut aillant appartenu à ma mère, je me regarde dans le miroir, cette pièce est magnifique, de la soie, avec de longue manche. Le haut de la pièce est ample tandis que la taille est serrée et moulante, c'est mon vêtement préféré.
En descendant les escaliers, je me rappelle des événements d'hier, je n'en parlerai à personnes. J'ai fait exprès de me réveiller à 8h00 pour éviter le général, en sachant que je lui ai dit que le petit déjeuner était entre 7h30 et 8h00, il a sûrement dû le prendre avec son ami pour ensuite partir à la Kommandantur, du moins je l'espère.
Je perds vite mon sourire en le voyant dans la cuisine, discutant avec Romain, un ami d'enfance. D'ailleurs, qu'est ce qu'il fait ici lui ?
-Oh tient te voilà Rosy ! Je faisais connaissance avec le général que tu loge, il a l'air sympathique. Sourit-il en se levant de sa chaise, le sourire en coin de Engel ne me dit rien qui vaille, il essaye d'avoir une bonne image auprès de mes proches je n'y crois pas !
-Oui, probablement, je ne lui parles pas vraiment. Murmure-je comme si je ne voulais pas qu'il m'entende, cependant, j'aimerai qu'il est entendu ce que j'ai dit, pour qu'il comprenne que ça ne me fait rien quoi qu'il fasse.
-Oh je vois, je suis passé prendre de tes nouvelles, ainsi que celles de ton père, mais il n'est déjà plus là. Déclare le brun en prenant son chapeau sur la table, près à repartir.
-Tout va bien Romain, mon père est légèrement fatigué avec le travail mais aucunes raisons de s'inquiéter. L'informe-je en me servant un verre de lait, toujours sous le regard dévoreur de l'allemand, je bois tout d'une traite, contrariée de le voir encore ici.
-D'accord, alors on se reverra un de ses quatres.
-Ce soir, dis-je sur un coup de tête, pour éviter à tout pris de revoir encore une fois ce type, au bar de René, ça te va ?
-Eh bien, oui pourquoi pas, alors à ce soir Rosy. Accepte-t-il pour mon plus grand bonheur avant de déposer un baiser sur ma joue et de quitter ma demeure.
-Rosy ? Ce soir ? Il y a un couvre-feu jeune fille. Est-ce ton fiancé pour qu'il puisse se permettre autant de familiarité avec toi ? Intervient alors le général qui paraît s'intéresser soudainement, avec une pointe de colère dans sa voix, vraiment ?!
-Cela ne vous regardes pas général, je rentrerai dans les temps, merci de vous inquiétez.
-Parles moi sur un autre ton !
Sa soudaine fureur et son hurlement me font sursauter, oui j'ai peur, je n'ai pas mal parlé pourtant, alors pourquoi s'énerve-t-il comme cela ?
Étrangement, lorsque je croise son regard, il semble confu lui aussi. Le général Engel s'approche alors de moi alors que je recule jusqu'au mur, dès qu'il est devant moi, il me dit :
-Si tu veux, ce soir, on retourne sur l'ancien lieu de champ de bataille qui nous appartiens désormais, et on va chercher ton bouquin auquel tu tiens tant.
Ma bouche s'entre-ouvre toute seule, bien sûre que je tiens à ce livre, il faisait parti de la collection théâtrale de mes grands-parents, je m'excuse d'avance pour le rendez-vous que je vais sûrement rater, mais par contre je ne peux rater cette occasion, je ne sais pas pourquoi Engel fait cela d'ailleurs, je le saurai un jour où l'autre, ou pas.
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Meine reizende fraülein : ma charmante demoiselle (au début du chapitre, par le
major Karl)
Während ich... : alors que je... (au début du chapitre, par le major Karl)
Na, wen haben wir denn hier ? : Eh bien ! qui avons-nous ici ? (au début du chapitre, par le général Rintenlberg)
Fraülein : Demoiselle/Jeune fille (au début du chapitre, par le général Rintenlberg)
Schnappt euch dir diese fräulein : emportez/saisissez moi cette demoiselle (au début du chapitre, par le général Rintenlberg)
Voilà pour le chapitre 2 !
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