16 - Soumise à lui
Maison des Bernart, lundi 01 juillet 1940, 14h00.
En arrivant, la maison est calme, vide à première vue, je décide donc de faire comme la dernière fois : c'est à dire passer par derrière, cette porte est constamment ouverte. J'entre en toquant en même temps, pour les informer de ma présence.
Toujours aucune réponse, cependant, des voix se font entendre à l'étage, je grimpe alors les escaliers après avoir jeté un coup d'oeil au salon. Ma main entre en contact avec le bois de la rambarde d'escalier, les marches grincent sous mes pas, les voix cessent.
-Rose.
Arrivée en haut, je pivote la tête en direction de la personne qui vient de parler, il s'agit de Paul. Qu'est-ce qu'il fait ici ? Pourquoi ne paraît-il pas étonné de me voir ? Je fronce les sourcils et avance vers lui, la tête pleine de questions.
-Paul ? Où est Daniel ?
-Dans la chambre, avec Jonathan, suit moi. Répond le brun en partant en direction d'une chambre. Je le suis sans rien dire, mais, qui est Jonathan ?
Dès que j'entre dans cette pièce, je trouve ma réponse seule. Jonathan est l'anglais. Cet homme est assis sur le fauteuil de la chambre d'ami, il semble s'être remit de ses blessures malgré qu'il soit probablement encore faible.
-Il faut qu'on parle. Commence le docteur Bernart, d'une voix grave, une autre personne sort alors de l'ombre, il s'agit de Louis Dupuy, le frère d'Hélèna. Qu'est ce qu'il se passe bon sang ?
-Effectivement, il faut qu'on parle. Dis-je en croisant mes bras en dessous de ma poitrine, attendant des réponses à mes questions silencieuses.
-Pour commencer, débute Paul en s'approchant de la fenêtre pour écarter de deux doigts le rideau sombre pour chercher quelque chose à l'extérieur, je veux savoir pourquoi ces deux abrutis te suivent ? Mon sang ne fait qu'un tour et je m'approche d'un pas déterminé de Paul, pour à mon tour, constater les deux officiers germaniques qui sont chargés de me garder à l'oeil, absolument pas discrets, ils sont installés sur un banc des terres des Bernart, en train de fumer et de rire.
Engel..
-Je peux tout vous expliquer. Rétorque-je en m'éloignant de la fenêtre, frustrée. Je ne peux rien leur expliquer.. du moins pas tout.
-Une nuit, Rebecca s'est faite attaquée par Ackermann, ce porc l'attendait dehors. Il voulait lui faire du mal. Elle s'est défendu en l'assomant, sa première réaction en voyant le sergent s'écrouler devant a été de venir me chercher, elle paniquait, totalement. Explique-je en me souvenant de cette soirée qui a changé mon quotidient..
-Je lui ai alors proposé de rester dormir ici, elle a accepté, Rebecca était morte de peur et de fatigue ! J'ai donc décidé d'aller voir si le sergent était encore inconscient, je ne sais pas ce que je comptais faire en arrivant sur les lieux, mais je devais le faire, pour Rebecca. Continue-je en regardant le cousin de Romain, Louis et le docteur à tour de rôle.
-Qu'est ce qu'il s'est produit ensuite ? Demande Daniel, intrigué, en jouant avec sa moustache.
-Je n'ai pas pu sortir, le général Rintenlberg, l'allemand qui loge chez moi, m'en a empêché, c'est le moment pour moi de mentir, il m'a demandé qui était cette fille et qu'est ce que je comptais faire dehors, alors que le couvre-feu est largement dépassé. Je ne sais plus qu'elle excuse je lui ai donné.. mais visiblement, il ne s'en ai pas contenté, car il me fait suivre depuis ce temps là. Finis-je en reprenant mon souffle, espérant qu'ils vont me croire.
-Je vois, c'est assez dérangeant pour toi. Réplique Daniel Bernart en se levant de sa chaise, je hoche la tête pour confirmer ses dires. Le docteur jete un simple regard à Louis pour le faire parler.
-Très bien, c'est à mon tour de te donner des explications. Je me concentre sur ce qu'il me dit, pour ne pas louper une seule information. Car je ne suis pas sûre qu'il va m'annoncer le secret de la tarte aux fraises que cherissait sa grand-mère..
-Je t'écoute.
-Paul, Daniel, moi et d'autres Rémois et Rémoise luttons contre les occupants, du moins pas pour le moment, néanmoins ça risque de se faire à vu de la progression de notre réseau. Il expose cela dans le plus grand des calmes, comme si ce n'était qu'une simple entreprise de famille qui voyait ses statistiques augmenter. Paul poursuit.
-Pour le moment, on s'occupe simplement de recevoir des anglais envoyés en France par De Gaulle. Dont cet homme. Deux autres devraient très bientôt arriver, en espérant que cela se fera plus discrètement..
Oh mon dieu..
Paul.. Louis.. Docteur Bernart.. Forment le réseau de résistants que recherche les allemands, que recherche les frères Rintenlberg. Voyant la réaction qui déforme mon visage, le père de Romain attrape mon épaule pour fixer.
-Rose, c'est beaucoup de choses à assimiler, mais je te demande de garder ça pour toi. Personne ne doit savoir ce que tu as entendu tant que nous ne lui accorderons pas toute confiance, tu comprends ?
-Je comprends mais.. c'est dangereux ce que vous faites ! Si les allemands venaient à le savoir..
-Ils n'en sauront rien si personne ne parle. Intervient le blessé dans un accent britannique fort prononcé, je le scrute alors, il se montre très sûr de lui pour quelqu'un qui n'est pas au meilleur de sa force et qui est dans un pays où l'ennemi est à chaque coin de rue..
-On peut compter sur toi Rose ?
-Oui.. À combien d'hommes ai-je répondu 'oui' c'est dernier temps en sachant le danger que j'encourais ? Beaucoup trop à mon goût..
[...]
Centre-ville de Reims, lundi 01 juillet 1940, 14h00.
L'ignorance.
Qu'est ce que je donnerais pour ignorer tout ce qui se trame autour de moi, j'aurai du avoir la force et l'envie d'ignorer tout ça, alors pourquoi ai-je décidé de m'entraîner là-dedans ? Avais-je réellement le choix ?
En ce moment, je choisis d'être cette personne, qui se fiche de ce qu'il l'entoure, car cette personne ne sait rien, et ça lui va très bien comme ça. Je commence par passer à côté des officiers sur ce banc sans leur lancer un regard, ensuite, je souris et dis bonjour à n'importe quels habitants de cette ville, je fais une petite promenade pour me vider l'esprit en espérant ne jamais revenir comme avant.
Cependant, cela ne dure qu'une dizaine de minutes, jusqu'à ce que la réalité me revienne comme un boomerang, et le retour est plutôt violent. Je ne réagis pas tout de suite quand sa main aggripe mon avant-bras pour me faire face, de sa hauteur si dominante que tous ses semblables ont.
-Fraülein Dumont ? Vous devez nous suivre jusqu'à la Kommandantur.
Un soupire las m'échappe et je ne réagis toujours pas, je me contente de monter dans la voiture militaire, sans protestation, jusqu'à ce que mon cerveau décide soudainement de se remettre en marche.
À la Kommandantur ? Serait-il possible qu'ils sachent pour mes amis ? Ou simplement pour l'anglais ? Pensent-t-ils que je suis une résistante ? Ou même une fille de joie ! Je me secoue la tête, ils ont été très polis, ne m'ont pas attaché, ni touché. Ils ne m'ont pas abîmé..
Je vais voir le général Engel, à coup sûr, que me veut-il cette fois ci ?
Juste me parler ? Me réprimander comme si j'étais une enfant ? Me sermonner pour une erreur que je n'ai pas commise ? Me menacer pour arriver à ses fins ? Me demander quelques choses que je ne peux faire sans me mettre en danger ? Ou pour.. autre chose de beaucoup plus charnel ?
Bien évidement, en un coup de vent, je me retrouve assise devant son bureau, mes paumes posées à plat sur mes cuisses nues, puisque oui, aujourd'hui j'ai opté pour une robe m'arrivant au dessus du genou. En étant assise, le tissu a simplement remonté jusqu'à mi-cuisse.
Le général, lui, vient d'entrer dans son bureau, je suis donc dos à lui. Ses bottes font un bruit sec sur le parquet, m'indiquant qu'il s'approche de son bar, la porte de l'armoire grince lorsqu'il l'ouvre pour prendre un verre et se servir, sûrement du whisky - comme à son habitude.
-Pourquoi es-tu là ? À ton avis ?
Je m'attendais à tout, sauf à ça.
-Je ne sais pas, général. Je réponds d'une voix blanche, pour lui faire comprendre que je n'ai aucune envie d'être ici ou de discuter avec lui, sans élever le ton, pour ne pas m'attirer d'ennuis.
-J'ai appris quelque chose de déplaisant dernièrement. L'homme pose une main sur mon épaule, tout en tenant dans son autre main son verre qu'il sirote comme si c'était un jus de fruits.
-Pouvez-vous, m'éclairer à ce sujet ? Pour le moment, mon sang froid et mon calme sont présents, j'excelle pour une fois.
-Tu m'as l'air visiblement très détendue, Rose.
-Effectivement, cela vous pose-t-il un quelconque problème ? Je joue peut être avec des nerfs, cependant de façon très discrète. Apparemment cela lui pose un problème, car sa paume resserre mon épaule et il finit son verre d'une traite pour le poser durement sur le bureau.
-Si je te dis, aviateur anglais, tu es toujours aussi détendue, fraülein ? Je ne peux m'empêcher de me raidir, comment sait-il ?
-Nous parlerons de ça un peu plus tard veux-tu ? Avant j'ai une mission pour toi. Engel change de sujet dans un seul et unique but : faire durer la torturer qu'est l'impatience et l'angoisse qu'il me fait ressentir.
Le général s'installe sur le rebord de son bureau, face à moi, il me fixe des yeux clairs et à la fois sombre. De ce simple regard, il me force à lever la tête vers lui ; je ne peux m'y empêcher.
-Une mission ? Articule-je difficilement en me redressant sur le siège, pour tenter de dissimuler mes craintes.
-Oui. Tu connais bien le bar de René, tout comme tu connais bien les habitants de cette ville. Commence l'allemand en posant son verre vide sur son bureau.
-Oui, et donc ?
-Je veux que tu espionne Yves Terrier, c'est un homme d'une quarantaine d'année, il s'y rend tous les lundis soi..
-Je sais qui est ce Yves Terrier, pourquoi voulez-vous que je fasses une chose pareille ? Demande-je en haussant les sourcils.
-Ne poses pas de questions, je veux que tu me rapportes tous ces faits et gestes, avec qui il parle, combien de temps, qu'est ce qu'ils se disent. Compris ?
-Je refuses ! Je ne suis pas du genre à épier les gens de cette manière ! Demandez à l'un de vos homme, il saura sûrement mieux s'y prendre que moi. Dis-je de façon catégorique, il est hors de question que j'obéisse à cela.
-Tu refuses ? Répète le général Rintenlberg en mimant un geste outré, avant de sourire en coin. Je ne sens pas très bien la suite.
-Fraülein, es-tu sûr de vouloir refuser ce que je te demande ? Il serait dommage de voir la tête d'Alice, que dis-je ! De Rebacca partout dans la ville ! N'est-ce pas ? Il avait haussé le ton, se fichant pas mal de qui pouvait bien l'entendre, tandis que moi, je m'agites sur place et jette un coup d'oeil à la porte.
-Ne criez pas si fort s'il vous plaît ! Quelqu'un pourrait entendre.. Je ne finis pas ma phrase et le regarde plutôt faire. L'homme s'avance à grandes enjambées jusqu'à sa fenêtre pour l'ouvrir.
-Et ici ? Tu penses que si je hurle le vrai prénom de Alice quelqu'un entendrait ? La colère se lit dans ses prunelles, alors je me lève et cours presque le rejoindre pour me mettre entre lui et l'ouverture de la fenêtre.
-Je vous en prie ne faites pas ça ! J'accepte.. je vais espionner Yves Terrier.. ce soir. Accepte-je finalement, la mine abattue. Alors c'est comme ça maintenant, dès qu'il n'aura pas ce qu'il voudra de moi, il menacera la vie de mon amie.
Je suis donc obligée, de me soumettre à lui.
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