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Le Cygne


La musique c'est le complément de la parole, du bruit et du silence qui relie, notre corps et notre esprit conscient et inconscient, à tous les univers sensibles et insensibles, perceptibles et imperceptibles, finis et infinis.

Alors pourquoi Yoongi se sentait-il aussi vide ?

Parce qu'il était né dans une famille exigeante. Parce que l'on attendait de lui plus que ce qu'il pouvait offrir. Parce que sa mère vivait ses rêves à travers lui sans penser un seul instant à ses rêves à lui. Parce qu'il n'était qu'une marionnette vide et que lorsqu'il glissait son archet sur les cordes de son violoncelle, tout était creux.

Parce que ce n'était jamais assez suffisant.

Parce que son frère était plus.

Parce qu'il était moins.

Parce qu'il n'était plus lui, tout simplement. L'avait-il déjà été ?

Naître dans une famille richissime issue d'une aristocratie anciennement acclamée semblait être le paradis pour les autres. Mais c'était son enfer quotidien. Ses parents accordaient une importance ridicule à ce titre qui n'avait plus aucune valeur actuellement. Peut-être parce qu'ils n'avaient rien d'autre à offrir sinon ce statut auquel ils s'accrochaient désespérément. Parce que tout n'était qu'une question de paraître, de faux-semblant et de mal-être intérieur dissipé derrière des coupes de champagne et des rires retenus.

Parce que, sous la couche de superficialité, ils n'étaient finalement que des humains qui s'étaient perdus eux-mêmes sur la route de l'avidité.

Chun-Hei n'était pas fière de Yoongi. Elle ne l'avait jamais été. Chaque jour elle se demandait pourquoi cet enfant n'était-il pas comme son grand frère. Pourquoi son deuxième fils devait autant la décevoir ? Pourquoi était-il aussi médiocre ?

La règle frappa la paume de Yoongi une fois, deux fois, trois fois...Trop de fois. Le petit garçon de dix ans regarda sa main, ses yeux embués de larmes. La douleur était horrible, ça le brûlait, le mordait, l'anéantissait, mais sa mère ne s'arrêtait pas. Sa peau était rougie.

Chun-Hei n'avait plus rien de la femme respectable lorsqu'elle infligeait ses punitions à son fils. Son chignon parfaitement coiffé était défait, des mèches folles venant encadrer son visage. Le décolleté de sa robe bleu nuit faisait apparaître le bonnet de son soutien-gorge en dentelle et son regard était semblable à celui d'un démon. Elle était terrifiante. Elle était le démon de Yoongi.

Lorsqu'elle jugea que la paume de Yoongi était assez meurtrie, elle s'arrêta, repassa les plis de sa robe et passa ses mèches derrière son oreille avant d'asséner à son fils le venin de ses paroles.

-Tu me fais honte, Yoongi. Ne peux-tu pas prendre exemple sur Young-ja ? Comment peux-tu être aussi médiocre ?

Le petit garçon baissa la tête, les larmes coulant sur ses joues. Il sentait ce poids invisible comprimer son coeur. Il renifla le plus discrètement qu'il put, mais sa mère l'entendit quand même.

-Je t'interdis de pleurer ! hurla-t-elle.

Yoongi hoqueta et ravala ses larmes.

-Ce n'est pourtant pas si compliqué, si ? continua-t-elle. Ton frère savait déjà interpréter ce morceau avec brio à ton âge alors pourquoi n'en es-tu pas capable ?

Yoongi releva la tête, le regard apeuré et les joues rougies.

-Je n'y arrive pas...

Même avec toute la volonté du monde, il avait la sensation qu'il n'arriverait jamais à jouer Andante con moto comme sa mère l'aimerait. À vrai dire, même s'il y arrivait, celle-ci ne serait toujours pas satisfaite. Tout simplement parce qu'elle voyait en Yoongi une incroyable perte de temps et ce, depuis qu'il était né.

Sa mère folle de rage leva sa main, prête à l'abattre sur la joue diaphane de son garçon. Yoongi avait l'habitude, alors il ferma les yeux aussi fort qu'il put, attendant le châtiment de sa mère.

Mais c'était sans compter sur une voix qui le sauva.

-Mère, pourquoi perdre votre temps à utiliser votre énergie pour lui ?

Yoongi ouvrit doucement les yeux. À l'entrée de l'immense salon, son grand frère se tenait là, les bras croisés contre son torse.

Min Young-ja était ce que Yoongi ne serait jamais. Il était la fierté de leurs parents et il possédait un don avec le violoncelle. Il était un orateur d'exception et se fondait dans les dîners mondains comme un poisson dans l'eau. Yoongi l'admirait du plus profond de son âme, ce grand frère si parfait.

Sa mère soupira avant de jeter un dernier regard à Yoongi. Un regard qu'un enfant ne devrait pas recevoir de la part de celle qui l'avait mis au monde, mais que Yoongi avait pourtant au quotidien.

Sa mère s'en alla, ses talons claquant sur le parquet, résonnant sur les murs rouges de l'immense pièce, faisant trembler le lustre en cristal et frémir les miroirs à la peinture d'or. Elle passa à côté de son fils aîné et glissa sa main sur son épaule avant de partir définitivement.

Yoongi laissa échapper un souffle tremblant et se pencha en avant pour ramasser doucement son archet. Mais lorsqu'il le prit en main, son coeur se serra violemment et sa vision se fit floue. C'est comme si avoir touché son archet lui avait fait revivre la scène qu'il venait de se passer. Celle-là et toutes les autres. Comme si cet objet de bois avait été meurtri par l'état de son propriétaire.

De luxueuses chaussures cirées et brillantes comme un lac gelé en hiver se positionnèrent devant lui. Yoongi releva son visage ravagé de douleur sur celui de son grand frère. Young-ja le détailla quelques instants, sans aucun mot. Même les larmes silencieuses du plus jeune semblaient hurler à côté. Doucement, il se baissa et prit le visage de Yoongi entre ses mains avant de caresser doucement ses joues, remerciant le ciel que sa mère n'ait pas abîmé ce visage qu'il aimait tant.

Il posa son front contre celui de son petit frère, le coeur en miettes.

Young-ja avait fini par haïr son don pour le violoncelle. Ce don dont il avait été si fier et qui faisait pourtant souffrir son frère. Yoongi n'était pas mauvais, il n'était juste pas doté du même don. Il faisait partie de cette catégorie de personnes qui devaient travailler avec acharnement pour prouver au monde leur valeur. Mais leur mère ne l'avait pas compris.

-C'est Andante con moto ?

Yoongi hocha la tête, s'essuyant les yeux à l'aide de la manche de son pull. Young-ja lui sourit discrètement.

-Je n'ai jamais aimé ce morceau, si tu veux tout savoir.

Yoongi ricana légèrement. Que dirait leur mère si elle savait cela ?

Doucement, il fit glisser son index sur le crin de son archet, curieux.

-Quel morceau aimes-tu le plus, alors ?

Young-ja sourit doucement avant de se relever et de se diriger vers une banquette noire similaire à celle où était assise Yoongi. Juste en face, il y avait le violoncelle de son grand frère. Le salon faisait aussi office de salle de répétition, car c'était le coeur du manoir et que tout le monde pouvait les entendre.

Young-ja se munit de son archet et, sous le regard curieux de son frère, le fit glisser sur son violoncelle avec une telle évidence que c'en était magnétique. Son grand frère jouait et son archet semblait se frotter aux cordes avec une simplicité aussi belle qu'une feuille d'automne qui se ferait emporter par un ruisseau vers d'autres horizons.

Ce que Young-ja interprétait était aussi doux que majestueux. Ça lui retournait l'estomac, lui fit ouvrir grand la bouche et Yoongi tomba tout simplement amoureux. Il tomba amoureux de ce morceau qui était aussi beau qu'il lui était inaccessible. Parce que son frère l'interprétait et qu'il ne faisait plus qu'un avec. Comment aurait-il pu prétendre le vouloir alors que c'était la mélodie qui faisait déjà chavirer son aîné ?

Lorsque son frère leva son archet et ouvrit les yeux, il lança un sourire à Yoongi.

-Tu aimes ?

Ce morceau avait eu le mérite de le transporter et de panser ses maux le temps d'un moment.

-J'aime beaucoup. Qu'est-ce que c'est ?

Young-ja semblait heureux que son petit frère apprécie.

-Le Cygne de Camille Saint-Saëns. Il s'agit du treizième mouvement du Carnaval des animaux.

Et Yoongi comprit alors. Ce n'était pas une feuille qui se faisait emporter par un ruisseau. La musique comportait des legatos et glissandos pour qu'elle semble glisser comme un cygne sur l'eau. Tout lui parut clair.

-Je trouve que c'est toi le cygne, murmura Yoongi.

Et c'était vrai. C'était un morceau qui correspondait bien à son frère. Il était aussi majestueux et beau qu'un cygne.

Young-ja ricana.

-C'est drôle, je pensais que c'était justement toi, le cygne.

Yoongi écarquilla les yeux.

-Moi ? Pourquoi ?

Young-ja réfléchit quelques instants avant de s'appuyer contre son violoncelle.

-As-tu déjà vu un cygne voler ? Yoongi secoua la tête. Tu n'en as jamais vu, comme je le pensais. Moi non plus. J'imagine que ça doit être extraordinaire de voir un cygne en plein vol et je pense que tu es comme eux, Yoon. Lorsque tu voleras enfin, ce sera extraordinaire.

Young-ja lui offrit un sourire triste.

-Le Cygne de Saint-Saëns et inspiré de la légende du chant du cygne : une croyance populaire chez les Grecs et les Romains de l'Antiquité, qui considéraient le cygne comme le plus beau des animaux. Dans cette légende, le cygne reste muet et silencieux jusqu'au dernier moment de sa vie, pendant lequel il chante le plus beau de tous les chants d'oiseaux.

Le visage de son grand frère était peint d'une détermination sans failles, ses yeux étaient remplis de tendresse et d'affection et tout chez lui hurlait à quel point il croyait en lui.

-Yoon, un jour toi aussi tu chanteras. Mais ce sera bien avant le dernier moment de ta vie, je te le promets.

Peu importe si son frère lui disait qu'il était un cygne, aux yeux de Yoongi, il en était un aussi. Et un jour ils voleraient et chanteraient ensemble.

Les soirées organisées au manoir des Min n'étaient qu'une parade ridicule pour permettre à Chun-Hei de mettre en avant le prodige de son fils aîné. Young-ja se laissait faire au bon vouloir de sa mère, faisant opérer sa magie sur son violoncelle auprès des invités pendant que Yoongi était éclipsé.

Il était toujours éclipsé.

Des fois il avait l'interdiction d'être présent aux soirées de ses parents et restait cloîtré dans sa chambre, les rires des invités en écho à sa solitude. Les branches des arbres venant taper le carreau de sa grande fenêtre étaient ses seuls invités, à lui. Mais Young-ja montait toujours le rejoindre avec une assiette garnie de ces petits amuse-bouche dont il était privé. Son grand frère lui rappelait toujours qu'il n'était pas seul, qu'il comptait pour quelqu'un et il oubliait alors le bruit horrifiant des branches qui caressaient sa fenêtre comme une invitation silencieuse.

Mais ce soir-là était différent. Yoongi faisait partie de la soirée. Sa mère avait seulement omis de le présenter à ses invités comme étant son fils, faisant seulement l'éloge de Young-ja tandis que celui-ci arborait un sourire crispé.

Et ses invités n'étaient pas n'importe qui. Le Phillarmonique de Séoul était présent ainsi que de grandes célébrités du monde de la musique classique. Sa mère devait être aux anges.

De loin, Yoongi avait même aperçu Kim Mee-yon, grande violoniste qui faisait rêver sa mère. Celle-ci, dans sa robe de soirée sirène noire était tout simplement époustouflante. Elle sirotait sa coupe de champagne, tous les regards braqués sur elle. Quelle magnifique femme, c'était une déesse et Yoongi était sous le charme de cette violoniste dont l'aura était pleine de secrets et de mystère. Alors qu'elle parlait avec sa mère, son frère se posta juste à ses côtés.

Young-ja, avec ses cheveux plaqués en arrière et son costume trois-pièces noir était encore plus charismatique qu'il ne l'était déjà. Il se pencha vers son petit frère, un sourire amusé sur les lèvres.

-Maman est en train de faire une crise.

Yoongi se tourna vers lui, curieux.

-Comment ça ?

-Elle pensait que Kim Mee-yon allait venir avec son Stradivarius et lui faire l'honneur d'un concert privé dans le salon.

Mais de loin, Kim Mee-yon n'avait pas son fidèle instrument à ses côtés. Elle n'était que bijoux et somptuosité. La compter parmi ses invités aurait dû être suffisant pour sa mère, mais celle-ci en voulait plus.

-Regarde comment maman serre son verre en cristal, elle va finir par le briser.

Yoongi regarda le verre. Sa mère avait sa main crispée dessus et le serrait tellement fort que ses jointures en étaient devenues blanches. Cela contrastait avec son visage souriant et aimable. C'était terrifiant.

Soudain, celle-ci se tourna dans leur direction et héla son fils aîné. Young-ja grommela des paroles inaudibles avant de se diriger vers sa mère.

-Souhaite-moi bonne chance.

Yoongi pouffa légèrement avant de secouer la tête.

Seul à nouveau, l'hypocrisie de cette soirée sembla lui crier en plein visage. Il remarquait les hommes en compagnie de leurs femmes qui lançaient des regards langoureux à d'autres, il voyait les sourires faux et les émotions surjouées. Yoongi s'en alla alors en direction du balcon. Ce n'était pas comme si son absence se ferait remarquer, dans tous les cas. Il traversa l'imposante fenêtre arquée avant de s'accouder contre la pierre, le vent frais de la nuit venant emmêler ses cheveux d'encre. Il admira les étoiles, la brise venant chatouiller son odorat du parfum des rosiers du jardin.

Et ce calme, cette tranquillité, était bien plus agréable que cette soirée. Yoongi resta de longues minutes à admirer les paillettes dans le ciel avant que des talons ne viennent briser son moment de solitude.

À ses côtés, d'autres bras vinrent s'accouder à la pierre du balcon et admirer le ciel étoilé. Yoongi tourna légèrement la tête et écarquilla les yeux en voyant Kim Mee-yon à ses côtés. Il observa son profil tandis que cette femme que tous admiraient avait le regard ancré sur la lune, comme si elle échangeait discrètement avec la déesse de la nuit. Ses cheveux courts virevoltaient autour de son visage comme une tempête de sable.

-Tu es le cadet ?

Yoongi ne sut quoi répondre. Sa mère n'aurait sûrement pas voulu qu'il réponde à l'affirmative à cette question alors il ne dit rien. Comment avait-elle pu deviner ?

-Tu ressembles à ton grand frère, je vous ai vu discuté. Pourquoi n'es-tu pas à l'intérieur ?

Sa voix était aussi posée que douce. Elle était aussi hypnotisante que son physique et Yoongi se demanda si cette femme avait seulement un défaut.

-Je n'aime pas ce genre de soirée.

Mee-yon se tourna enfin vers le garçon âgé de douze ans, le détaillant.

La nuit leur allait si bien.

-Moi aussi.

Et le silence les enveloppa à nouveau. Yoongi avait du mal à réaliser que Kim Mee-yon se trouvait juste à ses côtés, qu'ils n'étaient que tous les deux et partageaient un moment à l'abri des démons de l'intérieur du manoir. Parce que les ténèbres de la nuit semblaient bien plus rassurantes, finalement. Yoongi était intimidé par cette femme, tout le monde l'était. Alors il était aussi mal à l'aise qu'émerveiller.

-Tu ne veux pas voir ton frère jouer ?

Yoongi avait déjà entendu son frère jouer un nombre incalculable de fois, cela ne lui était pas nécessaire. De plus, il lui était toujours douloureux de l'entendre jouer lors de ce genre de soirée parce qu'il savait que ce ne serait jamais son cas.

-Vous ne voulez pas, vous ?

Mee-yon lui sourit doucement, laissant ses lèvres rosées s'étirer magnifiquement.

-Je l'ai un peu entendu. Il est bon, très bon. Je pense qu'il a un grand avenir.

La violoniste le fixait, le regard insondable.

-Tu joues aussi ?

Yoongi ne lui répondit pas. Comment expliquer à une femme dont la célébrité n'était plus à refaire que son niveau était trop médiocre pour qu'il puisse se présenter devant les invités de sa mère. Qu'il était si lamentable qu'il n'avait même pas le mérite de faire partie de la vie de sa génitrice.

Mee-yon soupira avant de baisser le regard. En bas, le gravier l'accueillait. Elle tourna la tête en direction de l'intérieur du manoir. Le fils aîné de la famille Min semblait toujours jouer, accaparant l'attention des invités.

Elle se tourna ensuite vers Yoongi.

-Est-ce que tu peux surveiller que personne ne me voit ?

Yoongi fronça les sourcils, ne comprenant pas sa question, jusqu'à ce qu'il voit Kim Mee-yon relever sa robe et passer une jambe par-dessus le balcon. Il écarquilla les yeux, complètement paniqué.

-Q-qu'est-ce que vous faites ?

La violoniste passa son autre jambe par-dessus, rejoignant sa jumelle, et baissa la tête vers le sol avant d'aviser la hauteur. Elle ne se ferait pas mal et retomberait même sur ses pieds.

-Je n'aime pas cette soirée alors je m'en vais.

Yoongi regardait Kim Mee-yon qui s'apprêtait à sauter de son balcon, complètement ahuris. Il pensait être en train d'halluciner. La violoniste que l'on peignait dans les articles comme étant aussi froide qu'un iceberg s'apprêtait à sauter de sa balustrade pour échapper à cette soirée.

-Mais, pour aller où ?

Mee-yon le dévisagea. Le vent hurlait entre eux et les pétales de roses dansaient dans les airs. La scène était aussi belle qu'elle semblait irréelle. L'expression de la violoniste était aussi illisible que des eaux troubles, aussi inaccessible que les profondeurs de l'océan.

-Vivre un rêve éphémère.

Et Yoongi l'avait simplement observée sauter et se fondre dans l'obscurité comme si elle lui appartenait. Sa mère avait été scandalisée de la fuite de Kim Mee-yon et jamais Yoongi ne parla de ce moment. Pas même à son frère.

Parce que, pendant longtemps, il pensait l'avoir rêvé et parce qu'après quelques temps, il s'était décidé à garder cet événement pour lui-même.

Et deux ans plus tard, Yoongi avait compris que, finalement, il lui était possible de ressentir une souffrance bien plus intense que le mépris que ses parents lui vouaient.

La mort de la seule personne qui avait toujours cru en lui.

Lentement, doucement, au fil des saisons Young-ja avait dépéri petit à petit. Sa vie s'éteignait en même temps que les feuilles d'automne tombaient des arbres, que les flocons venaient fondre sur les carreaux de sa fenêtre, que les fleurs se fanaient.

Parce qu'au fil des jours, sa tumeur grossissait. Parce que chaque soir, il entendait sa mère pleurer plus fort. Parce qu'à chaque instant, il avait l'impression de sombrer, lui aussi.

Lorsque sa mère pleurait et que Yoongi l'entendait à travers la porte de sa chambre, il savait. Il savait qu'elle aurait préféré que ce soit lui à la place de son grand frère. Elle aurait préféré que Yoongi meurt. Cette mère, qui vouait un véritable amour maternel à son fils aîné aurait fait n'importe quoi pour inverser les rôles.

Et Yoongi s'était dit qu'il aurait préféré être à sa place, lui aussi.

À qui manquerait-il de toute manière ?

Pourquoi lui arrachait-on son grand frère ? Son seul pilier ? À quel point la vie avait-elle décidé de le martyriser ?

Sa mère refusa qu'il rende visite à Young-ja à l'hôpital, décrétant qu'il dérangerait le repos de son frère. Mais le cygne allait mourir et il n'allait pas le voir, ne serait-ce qu'une seule fois ?

Il aura fallu attendre le dernier moment de sa vie pour que son père accepte qu'il aille le voir. Et dans cette chambre blanche à l'odeur de la mort, Yoongi avait senti son coeur se briser. Son frère lui faisait peur. Il lui faisait peur car il ne ressemblait en rien à celui qu'il avait connu. Il avait eu la sensation de se prendre une gifle en plein visage en voyant son aîné. Il ne reconnaissait pas cette personne dont le teint était semblable au pelage d'un cygne, blanc comme la neige ou comme la mort, finalement. Où étaient passés ses cheveux d'encre, similaire au sien ? Ils étaient tombés un par un sans que Yoongi n'ait pu se faire à l'idée. Ce qu'il avait face à lui était aussi terrifiant qu'écœurant parce que c'était cette dernière image qu'il verrait de son grand frère.

Celui d'un cadavre alors qu'il n'avait même pas expiré son dernier souffle.

Mais, malgré tout, les yeux de Young-ja brillèrent de mille feus lorsqu'il remarqua son petit frère. Faiblement, il lui demanda de s'approcher.

Yoongi laissa tomber la rose qu'il avait arrachée à l'un des rosiers du jardin sur le lit avant de voir la main que lui tendait son frère. Il puisait dans ses dernières forces seulement avec ce simple geste. Mais Yoongi dévisagea cette main, tremblant. Young-ja remarqua la peur dans le regard de son frère et l'étincelle dans le sien se dissipa.

Et alors que la main retombait lentement contre le drap, Yoongi l'attrapa de la sienne en plein vol avant de la serrer. Elle était si froide.

-Je suis désolé de t'abandonner, murmura Young-ja d'une voix que Yoongi ne lui avait jamais connu.

Et ces mots étaient si douloureux que Yoongi explosa en larmes. Tout le malheur qui s'abattait sur lui était un poids si énorme pour ses épaules qu'il tomba à genoux, serrant la main de son frère avec plus de force que nécessaire.

-On devait voler et chanter ensemble, tu te rappelles ? balbutia Yoongi, ses larmes brillant sur ses lèvres.

Young-ja ferma douloureusement les yeux. Il lui avait fait cette promesse, mais savait qu'il serait incapable de la tenir. Yoongi serait désormais seul et il allait lui falloir du courage pour la suite.

-Ce sera le cas, Yoon, seulement tu ne me verras pas. Je serais à tes côtés jusqu'à ce que ce moment arrive. Je ne te quitterai pas. À chaque fois que tu sentiras la brise sur ton visage, c'est moi qui serais revenu t'encourager.

Ce fut les dernières paroles que Young-ja lui adressa. À peine quelques jours plus tard, son grand frère s'en était allé. Son aîné n'avait pas chanté comme le Cygne de Camille Saint-Saëns, parce qu'il avait passé sa vie à le faire. Il avait passé vingt ans à être magnifique.

S'ensuivirent les années les plus douloureuses de sa vie. Parce qu'après la mort de son frère, il s'était brisé. Parce qu'après le mépris de ses parents était venue l'indifférence la plus totale. Yoongi doutait qu'il soit bien humain tant il avait la sensation d'être transparent aux yeux du monde. Chun-Hei n'organisa plus jamais de soirée au sein du manoir Min et les jours semblaient s'éterniser.

Les dernières paroles de son grand frère étaient restées gravées en lui. Young-ja était parti mais il lui avait promis que, même dans la mort, il ne serait jamais loin.

Son frère et lui n'avaient jamais rien eu en commun. Yoongi n'était pas aussi beau, talentueux et charismatique que lui. Mais ils jouaient tous les deux du violoncelle. Alors Yoongi se jeta corps et âme dans l'apprentissage de cet instrument qui semblait être la dernière chose le reliant encore à son aîné.

Il avait finalement fini par s'approprier le Cygne de Saint-Saëns. Mais alors que celui de son frère avait été majestueux et délicat, le sien n'était que tristesse et douleur. Yoongi utilisait tant de vibrato pour le jouer qu'il semblait que son cygne sanglotait.

Pourquoi, alors qu'il était en vie, c'était son cygne qui semblait au bord de la mort ?

Parce qu'il survivait depuis toutes ces années. Parce que la plaie ne s'était jamais refermée.

Quelque temps plus tard, Yoongi décida de vivre le rêve de son grand frère. L'opéra de Séoul. Il savait que c'était le but ultime de Young-ja.

Yoongi avait passé l'examen d'entrée avec succès, mais sa mère ne le félicita jamais. Il perdit espoir de voir le regard brillant de fierté de Chun-Hei poser sur lui un jour.

Mais Yoongi vivait la vie de son frère, pas la sienne. Tout ce qu'il entreprenait était les rêves dont Young-ja lui avait fait part. Au sein de l'orchestre, il n'était qu'une coquille vide. Un membre talentueux, mais pourtant si austère.

Même Kim Taehyung ne savait pas comment aborder son musicien. Il semblait que chaque mot qu'on lui disait le traversait comme s'il n'était qu'un courant d'air. Comme s'il était transparent.

Mais au fond de lui, Min Yoongi admirait beaucoup Taehyung. Il était le fils de cette femme talentueuse avec qui il avait partagé un moment étrange, plus de dix ans auparavant.

Le chef d'orchestre était différent de sa mère. Il semblait plus accessible, plus souriant. Mais, le fils, comme la mère, possédaient cette même aura étrange, ce même magnétisme qui vous faisait douter qu'ils soient de simples mortels. Ils étaient somptueux, tant par leur beauté physique que par leur talent.

Yoongi, après les répétitions avec l'orchestre, passait son temps à faire pleurer son cygne dans une des salles de l'opéra. Il s'acharnait tant dessus qu'elle attira une âme qui passait par là.

Jung Hoseok n'avait jamais entendu le Cygne jouer de cette façon. Il s'était arrêté devant la porte, le coeur étrangement lourd. Lorsqu'il l'ouvrit, Yoongi semblait tellement transporté par son jeu qu'il ne le remarqua même pas.

Quel jeune homme Hoseok avait devant lui. Il était beau, mais il était sûr que la nuit l'embellissait. Et soudain, le pianiste compris qui il était. Son meilleur ami lui avait parlé d'un des membres de son orchestre qui était aussi doué qu'il semblait mort intérieurement.

Et les jours qui suivirent, Hoseok entendit Yoongi jouer son cygne à chaque fois à la même heure. Tous les jours. Inlassablement.

Le pianiste avait finit par craquer. Il s'était introduit dans la salle et avait pris place face au piano avant d'allier sa magie à celle de Yoongi. Ensemble, ils avaient joué, comme si ça avait été une évidence. Yoongi, bien que perturbé par le piano, n'avait pas arrêté l'histoire de son cygne, continuant à le faire pleurer jusqu'à la fin.

Hoseok lui avait offert un grand sourire, ayant apprécié le moment.

-Désolé, je n'ai pas pu m'empêcher de te rejoindre. Ça fait trois jours que je passe devant cette salle et tu joues toujours Saint-Saëns, alors j'ai eu envie de t'accompagner.

Yoongi le dévisagea et le sourire d'Hoseok s'estompa. Lui, qui était une personne pleine de joie, hurlant à la vie, il lui était d'autant plus flagrant de remarquer lorsqu'une âme s'était éteinte. Et le regard de Yoongi ressemblait à deux trous béants.

Qu'était-il arrivé à ce violoncelliste ?

Hoseok s'était fait la promesse de le découvrir.

Yoongi était une coquille vide et percer les mystères de sa carapace n'avait pas été aisée. Yoongi avait passé plusieurs mois à éviter le pianiste comme la peste et d'autres à grommeler à chaque fois qu'il lui parlait. Hoseok n'aurait jamais pu reconnaître sa voix tant il l'avait peu entendue.

Mais, après un an, Yoongi avait commencé à voir ce pianiste comme une sorte de Phoenix. Un oiseau de feu, fugace, qui brûlait le cygne qu'il était.

Après de longues années passer seulement à exister, Yoongi se confia à lui. Sa voix avait été enrouée et ses yeux avaient semblé crier une émotion pour la première fois depuis qu'Hoseok le connaissait. Le désespoir.

Le pianiste l'avait écouté, haïssant Chun-Hei d'avoir fait subir cela à l'homme qu'il affectionnait tant, éprouvant de la tristesse pour Yoongi lorsqu'il évoqua Young-ja et finit par entrer dans une colère noire lorsqu'il comprit enfin.

-On ne vit pas à travers les morts, Yoongi.

Se retourner sur sa vie, c'était prendre le risque de voir les traces du passé dans le sable de nos souvenirs. Il faut vivre. Vivre vraiment, regarder loin devant, avancer pas à pas, et laisser le temps, le vent, effacer les empreintes derrière soi.

Le violoncelliste l'avait regardé, toujours avec ces yeux vides. Il ne savait pas qu'Hoseok aurait donné n'importe quoi pour ne voir ne serait-ce que l'esquisse d'un sourire sur son visage.

Yoongi ne comprenait pas qu'il ne pouvait pas se permettre de mourir alors que son coeur battait toujours. Son frère voulait qu'il chante et qu'il vole et Hoseok allait être celui qui accomplirait cette mission.

-Tu peux rester hanter pour le reste de ta vie ou accepter ton passé.

Parce que la vie est si fugace. Un coup de vent et la flamme s'éteint.

Les mots d'Hoseok avaient percé sa carapace et avaient atteint son âme tant ils étaient vrais. Après plusieurs années, ses émotions explosèrent d'un coup. Il fondit en larmes face au pianiste. C'était la première fois que Yoongi était aussi humain et c'était dans la douleur. Mais malgré les larmes qui coulaient sur ses joues, il sourit à son ami.

Pour la première fois.

Hoseok, dévisagea ce sourire, complètement figé. Quel sourire. Il était si beau, si vrai, ça le retourna.

-Aide-moi.

Et c'est ce qu'Hoseok fit. Au fil des jours, des mois, des années, il construisit une relation inexplicable avec lui. Un lien que peu de personnes partageaient en ce monde.

Yoongi devint moins renfermé, Taehyung voyait des petits sourires, et avec l'arrivée de Park Jimin, il semblait que son violoncelliste avait été obligé d'encaisser le raz-de-marée qu'il était sans aucune échappatoire possible. Parce que Jimin était un ange qui réchauffait l'âme de Yoongi, il le savait. Parce que c'était sa joie de vivre, sa spontanéiste et sa maladresse qui rappelait à Yoongi des émotions humaines qu'il pensait avoir perdues.

Parce qu'Hoseok était un pianiste reconnu et qu'il voyageait aux quatre coins du globe. Parce qu'il avait fait promettre à Taehyung de prendre soin de Yoongi lorsqu'il n'était pas là, mais que, sans le savoir, Jimin remplissait déjà ce rôle à sa place.

Et son oiseau avait fini par voler.

Mais il n'était pas accompagné de celui de son frère, mais d'un phoenix.

Plus jamais, le Cygne de Saint-Saëns pleura de douleur après qu'Hoseok soit entré dans sa vie.

Il y a des moments rares dans l'existence où une porte s'ouvre et où la vie vous offre une rencontre que vous n'attendiez plus. Celle de l'être complémentaire qui vous accepte tel que vous êtes, qui vous prend dans votre globalité, qui devine et admet vos contradictions, vos peurs, vos ressentiments, votre colère, le torrent de vos larmes. Et qui l'apaise. Celle qui vous tend un miroir dans lequel vous n'avez finalement plus peur de vous regarder.

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Ché fluffy promis 👉🏻👈🏻

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