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Jimin n'était pas totalement sûr de ce qu'il voyait actuellement. Ou au contraire, peut-être qu'il en était totalement certain mais qu'il avait du mal à y croire. Peut-être que c'est pour cette raison que sa bouche était grande ouverte, sa mâchoire à deux doigts de saluer le parquet. Entre l'information qui caressait ses tympans et celle qui accaparait sa vue, il ne savait plus où donner de la tête.

Merde, Jungkook était totalement en train de faire l'amour avec Romance. Le blond avait la sensation d'être de trop tant le petit violoniste semblait partager aux membres de l'orchestre un moment intime. Il n'était pas le seul à être totalement sous le choc de la prestation du plus jeune. Ce matin, en arrivant, Jimin lui avait souhaité bonne chance avec un sourire réconfortant, simplement dans l'espoir de faire comprendre au brun qu'il avait tout son soutien.

Mais le petit diablotin s'était bien retenu de lui dire que de la chance, il en avait absolument pas besoin. C'est Jungkook qui aurait dû lui souhaiter bonne chance étant donné la gifle qu'il était en train de se prendre.

Peu à peu, chacun d'entre eux commençait à prendre conscience pourquoi ce gamin était la révélation de ce concerto. Nul doute que ce serait un succès. Si lui, musicien de profession, avait la sensation que les cordes de Jungkook étaient imprégnées d'une multitude d'émotions chamboulantes, qu'en serait-il pour l'auditoire ?

Mais si ses oreilles appréciaient ce moment, son attention n'était pas totalement tournée sur le violoniste. Ses yeux, eux, étaient vissés sur le chef d'orchestre. Parce que la scène qu'il lui offrait était tout simplement aberrante. Réellement.

Kim Taehyung dirigeait bel et bien l'orchestre d'une main de maître, il n'avait pas de doutes là-dessus. Il n'avait aucun doute non plus quant au fait que le chef d'orchestre devait englober les notes de chacun des instruments, comme s'il les aimantait.

Jusque là, tout était normal de la part du prodigieux maestro.

Non, ce qui était aberrant c'était la façon dont il était à deux doigts de s'avachir sur son pupitre tant son regard verrouillé en direction de son protégé était béat. Il avait une expression que Jimin qualifiait tout simplement d'imbécile heureux. Pour sa part, son chef d'orchestre semblait être devenu une sorte de barbe à papa toute collante, rose et sucrée. Une friandise bonne à manger, certes, mais qui, quand on n'a pas d'autres choix que de simplement la regarder, devenait lassante.

Et là, l'harpiste regardait une barbe à papa humaine.

Alors certes, Taehyung faisait un boulot extraordinaire, mais Jimin était sûr qu'il pouvait se foutre en caleçon en plein milieu du deuxième mouvement sans que le bouclé ne remarque quoi que ce soit.

Jimin n'avait aucune putain d'idée de ce qu'avait fichu Jungkook pour changer son chef d'orchestre dont la réputation n'était plus à refaire. Tout ce qu'il savait, c'est que dans son coeur, Monsieur Kim avait disparu pour être remplacé par Monsieur Sucrette.

C'était aussi terrifiant que fascinant.

Jimin se demanda aussi si, à force d'être autant guimauve, son maestro n'allait pas choper le diabète ou une connerie du genre. Ou peut-être bien que ce serait à lui qu'il filerait le diabète, qui sait.

Et lorsque la pause arriva et que Jimin s'en allait pour toucher deux mots à Jungkook, il eut à peine le temps de se lever que Monsieur Kim faisait déjà signe au violoniste de le suivre.

Ainsi, l'harpiste dévisagea les deux hommes s'en aller, les sourcils tellement froncés qu'il allait finir par se choper une crampe à ce niveau-là.

C'était trop étrange.

Une fois que l'immense porte en bois se referma sur les deux silhouettes, il se releva promptement et, sans perdre une minute, se rua sur Seokjin.

-Suis-moi.

Jin le détailla longuement. Il ne comprenait pas pourquoi son ami semblait autant dans l'urgence, comme s'il y avait le feu. Lorsque la pause arrivait, ils avaient l'habitude d'aller chercher un goûter. Pas que Jin en ait spécialement envie, mais Jimin avait toujours besoin de sa compote et de son jus d'orange comme un gosse de huit ans. Il l'accompagnait alors et le voyait sans cesse se battre intérieurement contre lui-même pour savoir s'il prenait goût pomme ou banane. Un spectacle bien intéressant.

-Les distributeurs seront toujours là dans cinq minutes, pourquoi tu veux te presser ? demanda-t-il distraitement tout en rangeant sa flûte.

-Je ne vais pas prendre de goûter aujourd'hui, il y a bien plus important.

Seokjin releva vivement la tête et dévisagea longuement son homologue. Pas de goûter aujourd'hui ? Impensable. Qu'est-ce qu'il se passait pour que Jimin daigne rayer cette étape cruciale de sa journée ? Il n'en savait rien, mais le regard du blond, aussi sérieux que s'il détenait une information top secrète, ne le fit pas hésiter plus longtemps.

Tandis qu'ils se dirigeaient vers la sortie, Jimin capta la silhouette de Yoongi, assis sagement sur sa chaise. Et aussi naturellement que possible, le blond s'approcha de lui avant de tirer sur sa manche pour l'embarquer dans son expédition périlleuse.

Yoongi, complètement surpris, bascula légèrement vers la gauche, à deux doigts de tomber. Mais c'était sans compter sur la force surhumaine de l'harpiste qui le releva comme s'il était une pauvre poupée. Il détailla le dos de Jimin qui n'avait pas prononcé un seul mot, celui-ci s'étant seulement contenté de le kidnapper comme si c'était la chose la plus banale qui soit.

-Je peux savoir ce que tu fous, là ? grommela-t-il en tentant de s'échapper de sa poigne.

Mais alors qu'ils s'avançaient, s'approchant de plus en plus du bureau de Taehyung, Jimin se tourna vers lui en posant son index sur sa bouche, lui mimant d'être plus discret.

Et une fois face à la porte de Taehyung, Jimin sautilla comme un chat et colla son oreille contre la porte, les bras étendus en étoiles de mer. Au même moment, deux enfants du cours de solfège passèrent dans le couloir et observèrent longuement le trio avec suspicion, comme s'ils étaient des personnes potentiellement dangereuses.

En même temps, entre le regard austère du violoncelliste, le sourire immense que leur adressait le flûtiste et Jimin qui donnait l'impression de câliner la porte, la situation n'avait rien de rassurante. C'est donc sans grand étonnement qu'ils accélèrent la cadence de leurs pas jusqu'à disparaître au détour d'un couloir.

Yoongi, les bras croisés contre son torse, se tourna en direction du blond, irrité au possible.

-Qu'est-ce qu'on fait devant le bureau de Taehyung ? chuchota-t-il.

Jimin avait l'air complètement fou. L'oreille toujours plaquée contre la porte, il offrit un regard en biais en direction du violoncelliste. Cette simple action avait sûrement dû lui demander pas mal d'efforts. C'est comme s'il préférait mourir plutôt que de devoir décoller son oreille du battant. En plus d'être ridicule, sa position n'était absolument pas confortable.

-Je crois qu'ils font des trucs, murmura-t-il.

Seokjin ne comprit pas tout de suite ce qu'il voulait dire par là. Il se contenta de faire une moue qui signifiait que l'information était en train de lentement, mais sûrement, monter jusqu'à son cerveau.

Mais Yoongi avait très bien compris, lui. Il dévisagea longuement le blond, incrédule.

-Je me casse, finit-il par répondre tout en se retournant, prêt à partir loin de ces deux énergumènes.

Et alors qu'il avançait un pas en direction de la salle de répétition, il se fit la réflexion que seul le silence lui avait répondu. À cette pensée, il décida donc de se retourner une dernière fois.

Mais face à la vue qui s'offrit à lui, il relâcha les épaules, complètement ahuris. Si personne ne lui avait répondu, c'était peut-être parce que les deux garçons étaient actuellement en train de se battre, se disputant la place pour avoir l'honneur d'entendre la scène qui se passait entre le violoniste et le chef d'orchestre.

En revanche, loin de se douter de ce qu'il pouvait se passer derrière la porte de son bureau, Taehyung fouillait tranquillement dans un placard tout en sifflotant. Il était à la recherche d'un objet bien précis qui, il en était sûr, ravirait son étoile.

Jungkook était sagement assis sur la chaise face au bureau, détaillant un peu plus la décoration raffinée de la pièce. Il n'avait aucune idée de pourquoi Taehyung l'avait fait venir ici, celui-ci ayant voulu garder la surprise jusqu'au bout.

Alors en attendant, il détaillait le bureau. Le mur. Les cadres. La méridienne. Et peut-être qu'il détaillait Taehyung aussi. Parce qu'il pouvait le détailler inlassablement comme s'il le voyait pour la première fois.

Le bouclé poussa soudainement une exclamation de joie et se retourna, un grand sourire sur le visage. Il s'avança jusqu'à Jungkook avant de se placer derrière la chaise où il était assis et de l'encercler de ses bras. Doucement, il se pencha, faisant virevolter certaines mèches fragiles du brun avec son souffle.

La main que Taehyung avait laissé poser à plat sur le bureau se releva, révélant à Jungkook un cliché qui le chamboula. À son tour, il se pencha un peu plus près avant d'attraper doucement la pellicule de ses deux mains. Taehyung, juste à ses côtés, colla sa joue à la sienne.

Les deux femmes représentées sur la photo arboraient un immense sourire qui leur mangeait la moitié du visage. Jungkook remarquait une main sur une taille, une autre sur une épaule et toute l'insouciance du monde qui les liaient.

-La photo d'un bonheur infini dans des vies éphémères.

Elles étaient si belles. Peut-être parce qu'elles ressemblaient à deux fillettes sur cette photo. Sûrement parce que leurs sourires étaient si immenses qu'on ne voyait plus leurs regards. Ou tout simplement car c'était leurs mères.

La photo en noir et blanc n'avait rien de sinistre, au contraire. Elles avaient été capables de donner de la couleur là où personne n'en verrait.

Jungkook admira leurs silhouettes sur le papier brillant et très vite, il remarqua qu'il se voyait lui, dans les profondeurs de la photo. Il voyait aussi Taehyung. Leurs visages collés planaient en fond sur la pellicule étincelante et c'était comme si tout avait toujours été à sa place. La sensation d'être réunis.

-C'est moi qui ai pris cette photo, chuchota doucement Taehyung. Ta mère y tenait réellement, alors même que Mee-yon détestait l'idée.

Il sourit et déposa un rapide baiser sur la joue de son petit violoniste avant de continuer.

-C'était dans notre jardin et je me souviens que le vent était vraiment fort, ce jour-là.

Ça expliquait leurs cheveux emmêlés, sauvages et indomptables.

-Finalement, ta mère a offert cette photo à la mienne bien plus tard.

Évidemment qu'Ha-neul n'avait pas voulu cette photo pour elle. Depuis le début, elle avait eu l'idée de la donner à Mee-yon. C'était là une représentation de ce qu'avait été leur relation, leurs sourires, leur joie. Un instant de bonheur figé à jamais.

-Je te la donne.

Jungkook tourna légèrement la tête vers Taehyung, surpris. Il n'était pas sûr de pouvoir accepter quelque chose d'aussi précieux et pourtant, il avait déjà plaqué le cliché contre son coeur, comme s'il redoutait de s'en séparer dès maintenant.

C'était une preuve que tout avait une fin, même les plus belles choses. Surtout les plus belles choses, même.

Mais cette photo...Jungkook avait la sensation qu'un fragment de cette beauté substituait encore un peu.

-Tu es sûr ? osa-t-il demander.

Taehyung verrouilla son regard dans le sien et lui sourit.

-Oui. J'ai un peu de mal à la regarder de toute façon, souffla-t-il.

Jungkook n'aimait pas l'idée d'être le seul à l'admirer, cette photo. Il savait aussi que Taehyung n'était pas totalement honnête. Dans son appartement, il n'avait vu aucune photo personnelle de sa mère, alors forcément qu'il devait y tenir aussi. Il fit la moue, culpabilisant de lui arracher un si beau souvenir de sa mère.

Le bouclé trouva adorable la façon dont les lèvres de son étoile s'étaient légèrement arquées vers l'avant. Sans pouvoir le contrôler, il lui vola un rapide baiser avant de se redresser et de caresser ses cheveux.

Jungkook décida de ne faire aucune remarque pour le moment, mais il se fit la promesse qu'il trouverait un moyen pour que Taehyung profite lui aussi de cette photo.

Et si l'ambiance à l'intérieur de la pièce était douce et légère, de l'autre côté de la porte, c'était bien différent.

Hoseok, qui passait par là par le plus grand des hasards, remarqua de dos les trois musiciens face au bureau de son meilleur ami.

Ceux-ci semblaient chuchotés des choses qui n'avaient absolument aucun sens et ne cessaient de se bousculer légèrement. Il détailla la scène, un sourcil arqué, et fut encore plus surpris de voir que Yoongi était dans le lot. Le violoncelliste était tellement concentré par ce qu'il semblait se passer derrière cette porte qu'il ne l'avait absolument pas remarqué.

Il décida alors de s'approcher doucement d'eux, jusqu'à se tenir derrière le dos de Yoongi. Il se releva légèrement sur la pointe des pieds, prenant part à la curiosité des trois hommes.

-On n'entend rien, grommela Yoongi.

-C'était un gémissement, répondit l'harpiste en retour, le regard dans le vague.

Hoseok sourit grandement en voyant que le blond semblait à deux doigts de fusionner avec cette porte.

-T'entends des voix, ma parole. C'est sûrement parce que t'es en manque, ça te fait imaginer des choses.

Jimin laissa un couinement s'échapper d'entre ses lèvres. Brusquement, il essaya de mettre un coup de pied à Seokjin, mais c'était sans compter sur Yoongi qui se trouvait entre eux. Celui-ci se prit le pied du blond en plein tibia et siffla de douleur. Sans ménagement, il claqua l'arrière de sa tête pour se venger.

-Fais attention, crétin, feula-t-il.

-Qu'est-ce que vous écoutez ?

Les trois hommes se tournèrent brusquement, un peu comme des gosses qui auraient volé des bonbons. Sous la surprise et par manque de courage, Jimin et Seokjin s'étaient mis d'accord pour s'accrocher d'un même mouvement aux manches de Yoongi comme si celui-ci aurait daigné les protéger de quoi que ce soit en premier lieu.

Le violoncelliste, en remarquant qu'il s'agissait seulement du pianiste, souffla légèrement. Il se détacha de la prise des deux sangsues humaines pour s'éloigner de la porte.

-Jimin est sûr que Taehyung et Jungkook sont à l'intérieur et qu'ils font...

Yoongi n'osait même pas terminer la fin de sa phrase tant cela lui sembla ridicule. Hoseok le fixait, un grand sourire sur les lèvres. Le genre de sourire qu'il détestait par-dessus tout.

-Qu'ils font quoi ? insista-t-il tout en se penchant vers Yoongi.

En voyant son ami s'approcher, Yoongi eut l'irrépressible envie de claquer sa joue pour enlever ce sourire de bienheureux.

-Des choses interdites, chuchota solennellement Jimin.

Étrangement, Yoongi remercia le blond d'avoir sorti cette absurdité à sa place. Et ça ne l'étonna pas non plus que ce soit lui qui se précipite pour sortir une connerie pareille.

Hoseok se replaça dans sa position, toujours les mains dans ses poches. Il fit mine de réfléchir quelques instants avant d'hausser les épaules.

-Ça m'étonnerait. On entendrait du Chopin si c'était le cas.

Jimin écarquilla les yeux. C'était exactement ce qu'il avait dit à Jungkook lors de leur rencontre. Il était sûr que Monsieur Kim faisait des galipettes sur du Chopin et voilà que le meilleur ami du chef d'orchestre venait de le confirmer.

Comme une bête, il se tourna vers Seokjin avec la sensation d'avoir gagné au loto. Il agrippa le col de son pull fermement et le secoua comme s'il était un prunier.

-Putain, j'en étais sûr ! Je l'ai toujours dit !

-Mais lâche-moi, espèce de malade, s'affola Seokjin en le repoussant brusquement.

Mais ce que Jimin ne savait pas, c'est que le pianiste avait dit ça sur le ton de la plaisanterie. Il lui arrivait de chambrer Taehyung sur ce genre de choses tout en savant pertinemment que c'était faux. Juste une blague hasardeuse. Un peu perdu, il se pencha vers Yoongi.

-Il est toujours aussi...crédule ? chuchota-t-il, le regard braqué vers l'harpiste qui semblait totalement euphorique.

-Malheureusement.

La bouche d'Hoseok forma un rond et il hocha la tête. Il ne pouvait pas savoir que Jimin avait sa propre manière de penser, aussi étrange soit-elle. L'harpiste vivait dans un monde à part qui était, la plupart du temps, seulement compris de lui-même. Soudain, le concerné se tourna vers lui, le visage grave.

-Ça ne veut rien dire. J'ai entendu un gémissement, affirma-t-il.

Seokjin leva les yeux au ciel, las.

-Il n'y a eu aucun gémissement, Jimin.

-Je te dis que si !

Hoseok ne voulait pas briser le délire du blond tout de suite. C'était bien trop divertissant. Il s'approcha un peu plus de lui et feigna la surprise.

-Un seul gémissement, c'est peu quand même.

Jimin accusa le coup des paroles d'Hoseok et baissa la tête vers le sol. Son cerveau réfléchissant à cent à l'heure à une explication.

-Peut-être que c'est sa première fois, donc il n'est pas doué.

-Jungkook ? demanda Hoseok.

-Bah non, Monsieur Kim.

Le pianiste explosa de rire face à la réponse du blond. Il rigolait tant que son regard s'était mis à briller. C'est totalement improbable d'en venir à un tel raisonnement.

-Il faut lui apprendre, conclut Jimin avec tout le sérieux du monde.

Il était tellement enfermé dans sa propre bulle qu'il ne vit pas Seokjin plaqué sa main sur son visage, désespéré et à moitié triste pour lui.

-Des fois je me demande si tu le fais exprès, dit Yoongi.

Mais Hoseok, toujours hilare, déposa sa main sur son épaule et secoua la tête, lui signifiant de ne rien dire. Il se releva alors et tenta au mieux de masquer son sourire.

-Qu'est-ce qu'il faut lui apprendre ?

Jimin sourit et poussa Seokjin vers l'avant, ignorant royalement ses protestations. Seul, dos à la porte, il disposa ses mains sur ses hanches et admira les trois musiciens face à lui.

-Je vais vous expliquer.

Yoongi n'en croyait pas ses yeux. Est-ce que Jimin allait leur faire un cours d'éducation sexuelle en plein couloir ?

-D'abord on peut lui apprendre à caresser.

Caresser était une bien jolie manière de le dire par rapport à la démonstration que leur faisait Jimin. Celui-ci mimait des coups de poignet tellement violent et brusque que Seokjin se fit la réflexion que son tuyau devait plus très bien marcher.

-Ensuite, on peut utiliser la langue.

Aussitôt dit, Jimin sortit sa langue et commença à l'agiter de haut en bas comme un labrador dans une voiture qui profiterait d'une fenêtre ouverte.

Hoseok pouffa, adorant la situation qui se profilait face à lui. Aussi étonnant que ça puisse paraître, il avait envie de prouver au blond que lui aussi était un très bon élève.

-On peut utiliser les doigts aussi, fit-il remarquer en collant son index et son majeur, faisant des mouvements de ciseaux avec.

Jimin applaudit. Totalement charmé.

-Tout à fait ! Ensuite, une fois que l'autoroute n'est plus bouchée, on peut passer aux choses sérieuses.

-C'est quoi cette expression..., grommela Seokjin, la situation lui échappant totalement.

Alors que Jimin s'apprêtait à faire une autre démonstration farfelue et très embarrassante, Yoongi le stoppa.

-Avant que tu n'ailles plus loin, je peux savoir pourquoi tu penses qu'ils couchent ensemble, actuellement ?

Jimin longea son regard le long du corps du violoncelliste comme si celui-ci était stupide. Il leva les yeux au ciel, l'air profondément agacé par son manque de jugeote.

-Pourquoi il le ferait venir dans son bureau pendant la pause, sinon ? Je te dis qu'il se passe un truc entre eux. T'as vu comment Monsieur Kim le regardait pendant la répétition ? C'était comme si Jungkook était l'océan et qu'il voulait désespérément se noyer.

Après ses explications satisfaisantes - d'après lui - Jimin se mit en position pour la dernière étape. Les deux mains en avant, à la hauteur de son torse, il forma un rond avec l'une et fit entrer son index à l'intérieur avec l'aide l'autre. Il fit ce mouvement tortueux pendant de longues secondes avant d'accélérer un peu plus la cadence.

-Monsieur Kim est une quiche en amour, on le sait très bien toi et moi, dit-en en s'adressant au flûtiste. Tout ce qu'il faut, c'est lui donner un coup de pouce. Faut garder un rythme soutenu.

Parce qu'il basait l'inexpérience de Taehyung uniquement en s'appuyant sur le fait que le chef d'orchestre était incapable de voir que la cantatrice le draguait, sans imaginer une seule seconde qu'en réalité, le bouclé en était bien conscient.

Mais personne ne lui répondit. Plus personne ne souriait, d'ailleurs.

Jimin était tellement absorbé dans ses explications qu'il n'avait pas senti l'atmosphère s'alourdir légèrement.

-On va aider Monsieur Kim à plonger dans le Jungkoocéan, chantonna-t-il, toujours en mimant l'acte.

Il releva la tête et son rythme faiblit légèrement en voyant qu'aucun des trois hommes ne le regardait. Sa cadence dégringola à mesure qu'il comprenait la situation. Aucun doute que ses camarades n'avaient pas leurs attentions fixées par-dessus son épaule pour admirer le bois de la porte.

Avec appréhension, il se retourna pour faire face à Taehyung qui l'observait, ses prunelles onyx posées sur sa personne. Et automatiquement, c'est tout son être qui se figea.

Le bouclé dévisagea ses mains restées en suspens et esquissa un sourire sarcastique.

-Tu t'es arrêté parce que t'as déjà joui ? Je te pensais plus endurant.

Suite aux paroles du maestro, Jimin plaça vivement ses mains derrière son dos et pinça ses lèvres, mort de honte.

Taehyung était furieux, ça se voyait. Il avait de la chance d'avoir ouvert la porte en premier et d'être celui qui avait eu le droit à ce spectacle, Jungkook étant trop occupé à rêvasser, le nez plongé dans sa bibliothèque.

En avisant les trois autres « guignols » face à Jimin, son expression s'assombrit un peu plus. Il n'était pas réellement surpris de voir Jin avec lui. Yoongi, c'était un peu plus étonnant.

Mais son meilleur ami ?

Taehyung voulait l'étriper à ce moment précis.

Et Hoseok l'avait bien deviné. C'est pour cette raison qu'il lui sourit maladroitement avant d'esquisser un signe de main.

-Moi j'ai des choses à faire...

Il ne prit même pas en compte les regards suppliant de ses camarades et s'en alla rapidement, décidant qu'il méritait d'être celui qui vivrait un peu plus longtemps. La lâcheté à son paroxysme.

Taehyung était tel un orage et l'éclair de sa colère s'apprêtait bientôt à s'abattre sur leurs têtes. Jimin eut même la sensation de voir sa vie défiler devant ses yeux et cela lui permit de constater qu'elle n'était pas vraiment remplie. Le film avait duré moins d'une minute, c'était peu.

Le bouclé remarqua que son harpiste semblait s'être perdu au vu de son regard hagard, comme si son âme venait de se faire la malle. Décidant de ne pas s'attarder sur son cas puisque le bouton off semblait s'être activé, il ouvrit la bouche dans le but de faire savoir le fond de sa pensée aux deux autres.

Mais c'était sans compter sur Jungkook.

Jungkook et son joli pantalon large à plis noir qui épousait sa taille, ses petits mocassins et sa belle chemise bleue.

Jungkook avec son regard tout brillant et ses lèvres étirées en un somptueux sourire.

Là, Jimin se reconnecta à la réalité.

Aucun des trois musiciens ne prêtait plus aucune attention à Taehyung désormais. Il était passé en second plan, totalement éclipsé par cette boule de douceur qui se cachait derrière son dos.

Yoongi fut le premier à réagir. Il bouscula légèrement le chef d'orchestre et agrippa le poignet de Jungkook avant de le tirer vers lui, l'encerclant de ses bras.

Lorsque Jimin s'avança telle une furie, c'est Taehyung qui se poussa de lui-même sur le côté, comme si c'était tout à fait normal. Ou peut-être que c'était un instinct de survie.

Le blond ne cessait de s'extasier face au plus petit d'entre eux avec une frénésie incontrôlable. C'était la première fois qu'il le voyait, ce sourire. Ce n'était pas une esquisse, c'était bien une oeuvre achevée. Et il adorait ça.

Seokjin, plus raisonnable, s'était approché et avait doucement caressé les cheveux de Jungkook, un sourire chaleureux sur le visage.

Taehyung observait la scène, perdu. Ce n'était pas tout à fait ce qui aurait dû se passer, il était un peu pris au dépourvu. Il n'arrivait même plus à distinguer son petit violoniste tant il était caché par les bras de Yoongi. Tout ce qu'il voyait, c'était ses cheveux.

Le violoncelliste avait ressenti un véritable soulagement en voyant ce sourire. Ce sourire qui signifiait que Jungkook avait finalement trouvé cette personne, celle capable de lui dire les mots qui bousculeraient son monde. Il avait trouvé son Hoseok. Sa terre fertile de bonheur où il pourrait planter de nouvelles graines. Il savait que c'était Taehyung, cette personne. Il avait eu le sentiment, la profonde certitude que c'était lui depuis le début.

Alors, doucement, il tourna la tête vers Taehyung, posant en même temps sa joue sur le haut du crâne du petit violoniste, avant de lui offrir un sourire reconnaissant.

-Merci.

Taehyung le dévisagea quelques instants, perturbé de voir son violoncelliste lui adresser une telle expression. Il baissa le regard et là, il  tomba sur ces deux orbes chocolatés qu'il aimait tant et qui l'observaient. Jungkook était adorable, avec seulement ses deux grands yeux qui dépassaient de l'étreinte de Yoongi. Il avait l'air si innocent, si précieux.

-Crois-moi, ce n'est pas nécessaire de me remercier, prononça finalement Taehyung, un sourire tendre sur les lèvres.

À l'amour. À l'amitié. À ces personnes qui voulaient voir la meilleure version de lui-même.

À ceux qui ont le pouvoir de faire danser dans ses yeux la possibilité de rajeunir et de combler le temps perdu. 

Les nuits ne sont pas toujours reposantes. Quelquefois, celles-ci décident d'ouvrir leurs bras aux pensées qui nous hantent, devenant alors une longue période tortueuse à laquelle on aimerait échapper désespérément. Les secondes semblent des décennies. Les minutes, l'infini. Les heures, une éternité.

C'était un peu le cas de Taehyung.

L'incapacité de dormir parce que toutes ses pensées se centraient sur le même souvenir le rendait à moitié fou.

Fou et triste.

Un souvenir qu'il essayait d'enfouir au plus profond de lui-même mais qui décidait de le torturer de temps en temps.

Garder les yeux ouverts lui paraissait plus raisonnables que de les fermer. Admirer le néant lui semblait plus adéquate que de revivre le désespoir.

Même la présence de son étoile juste à ses côtés ne suffisait pas pour éclairer sa nuit. Il y avait une limite à ce dont Jungkook était capable et le souvenir de ce jour-là en était une preuve.

Le jour où Mee-yon était morte.

Taehyung l'avait toujours aimé, aussi loin qu'il se souvienne. Mais il se souvient l'avoir détesté, ce jour-là. Seulement ce jour-là.

Pas parce que Mee-yon l'abandonnait. Taehyung comprenait qu'il ne servait à rien de survivre dans un monde où on s'était toujours senti inconnu.

Il l'avait détesté parce qu'aucun enfant ne devrait avoir à retenir les pieds de sa mère en ayant la conviction pleine de désillusions qu'il pouvait la sauver.

Il l'avait pourtant prédit, mais ne s'était jamais réellement préparé au moment où ça arriverait. Rien de ce qu'il aurait pu faire ou tenter n'aurait eu le moyen de redonner un éclat à Mee-yon. Son âme et son esprit s'étaient envolés avant les derniers battements de son coeur.

Et lorsqu'on vit avec la conscience de la mort, on tient à que son existence ait un sens.

Mais le jeune homme de dix-huit ans ne s'était pas préparé à découvrir le corps sans vie de sa mère, ce jour-là. Mais c'était un beau jour pour mourir, peut-être.

Ce soir-là, la lune avait éclairé le salon d'une lumière inquiétante. Taehyung avait amorcé un pas en ayant la désagréable sensation que rien ne serait plus jamais comme avant. Il avait eu raison. Voir sa mère dont le corps sans vie pendait telle une poupée de chiffon depuis le garde-corps de l'étage avait laissé dans sa mémoire une empreinte indélébile à jamais.

Il l'avait regardé le temps de quelques secondes. Le temps que son visage se décompose et qu'il prenne conscience que désormais, il serait seul. Après avoir agit dans l'ivresse de l'inconscience en tentant de la sauver, il s'était simplement fait à l'idée qu'elle était partie.

Les marches qu'il avait dû monter pour l'atteindre lui avaient semblé interminable, semblable à l'ascension jusqu'en enfer. Se pencher, ne pas tirer sur la corde, la hisser du mieux qu'il pouvait dans la douleur et la résignation avait été l'épreuve la plus dure qu'il n'ait jamais expérimentée.

Et à genoux sur le sol, sa mère dans ses bras, Taehyung l'avait juste bercée, replaçant certaines de ses mèches encres, détaillant ses cils noirs qui ne papillonneraient plus jamais et ses paupières résolument closes, renfermant ce regard glacial mais si beau, pour le spectre inquiétant qu'était l'éternité.

Ce qui était étrange, c'était de se dire qu'il s'agissait là de la seule fois que lui l'avait tenue dans ses bras.

Elle l'avait fait lors de sa naissance.

Il l'avait fait lors de sa mort.

Mais automne comme hiver, crépuscule comme aurore, le temps avance emportant avec lui des âmes sans pourtant que le monde en soit ébranler.

Seulement son monde.

La seule chose qu'il lui avait été donné de faire, c'était de vivre avec sa mémoire.

Sa mère n'aurait jamais assisté à sa première représentation en tant que chef d'orchestre. Tant de chose qu'elle manquerait et qui lui paraissait si injuste. Mais n'était-ce pas égoïste que de vouloir la retenir ?

Alors ce soir-là, celui qui signa le plus grand bouleversement de sa vie, Taehyung lui avait dit au revoir.

Car il savait qu'on en attendrait plus de lui que ce qu'il pouvait offrir lors de l'enterrement. Tous les yeux seraient braqués sur lui, décortiquant le moindre de ses gestes, paroles et expressions.

Un au revoir cette nuit-là et un adieu sur Turandot, c'était de cette façon que Taehyung avait fait son deuil.

Il souffla légèrement et se retourna sur le côté, faisant face à son petit protégé qui dormait à poings fermés, la respiration légère.

Depuis qu'ils s'étaient embrassés, Taehyung refusait que Jungkook dorme dans sa chambre. Il voulait qu'il vienne partager ses draps. Il avait le désir de ressentir sa chaleur et avoir la possibilité de le prendre dans ses bras. Cette idée lui avait paru d'autant plus fabuleuse lorsqu'il le voyait se réveiller tous les matins, ses petits yeux s'ouvrant sur un nouveau jour et l'expression de son visage dansant entre chimères et réalités. Qu'il était beau.

Il caressa doucement sa joue et constata que la couette était arrivée jusqu'au bas de son dos sans aucune explication. Il fronça les sourcils et, voulant le couvrir ou le protéger comme on protégerait la chose la plus fragile de notre existence, remonta la couverture jusqu'à ses épaules. Son étoile soupira de bien-être et il sourit, attendrit.

Aussi discrètement qu'il lui était possible, Taehyung se leva, marchant avec une facilité déconcertante dans la pénombre de sa chambre, connaissant les moindres recoins.

Et, descendant les escaliers jusqu'à son salon, il glissa sa main sur la rambarde, le regard pensif et plein de mélancolie. En posant un pied-à-terre, il survola le parquet avec une agilité lui donnant l'air d'un fantôme. Et de manière tout aussi mystique, il caressa son piano du bout des doigts, comme si c'était une vieille amie.

Malgré le peu d'utilisation, il n'y avait aucune poussière dessus. Le couvercle était étincelant et Taehyung sourit avec nostalgie de ces moments d'insouciance datant de l'époque où il avait commencé l'apprentissage de cet instrument. Celle où Hoseok était entré dans sa vie et où tout paraissait bien plus facile, ses journées étant seulement rythmées par la rivalité puérile et le désir de se surpasser.

Mais si Jungkook avait Miyu, Taehyung avait son piano. L'un des seuls cadeaux que Mee-yon lui avait offerts. Il n'avait pas de nom, peut-être parce qu'à cette époque, l'adolescent qu'il avait été trouvait que ça n'avait pas d'importance. Sa mère n'avait pas donné de nom à son instrument, après tout.

C'était simplement son piano.

Il s'assit sur la banquette, prêt à découvrir le clavier, mais se résigna, fermant les yeux. Ça faisait longtemps qu'il n'y avait pas touché, mais il était pris d'une envie fugace cette nuit. Celle de s'abandonner à ses touches dans l'espoir de fuir les démons de ses souvenirs.

Et lorsque le clavier d'ivoire s'offrît à lui, la vue de Taehyung se troubla. Tandis qu'il tenait de ses deux mains le couvercle, un sentiment inexplicable s'empara de lui. Un mélange entre de la confusion, de la surprise et un peu d'allégresse.

Juste face à lui, la photo qu'il avait offerte à Jungkook plus tôt dans la journée se trouvait collé au couvercle de clavier. Il eut un temps de latence, figé, avant de sourire doucement. Décidément, son étoile était pleine de surprise. Il ne savait pas comment l'idée de la mettre ici lui était venue, mais il ne pouvait que constater qu'il était imprévisible.

Il l'aimait bien, cette photo. Mais c'était aussi vrai qu'il avait du mal à la regarder. Ce qu'il voyait lui paraissait si lointain qu'il doutait que cette période ait réellement existé, comme s'il l'avait rêvé.

Même après la mort d'Ha-neul, il s'était demandé si la jeune femme avait vraiment existé ou si c'était une sorte d'illusion qui s'était formée en se nourrissant de leurs malheurs.

Pourtant il avait la preuve matérielle que ce n'était pas le cas. Pas seulement avec cette photo, mais parce que son fils dormait actuellement dans son lit.

Il frôla doucement les touches, avant d'abandonner ses doigts et ses mains à son piano avec une pleine confiance. Il pouvait jouer les yeux fermés tant cela l'envahissait d'un sentiment de plénitude.

Très vite, les notes se bousculèrent jusqu'à former ce morceau qu'il aimait tant, celui qui s'alliait à son humeur et ses états d'âme.

Composée en 1890, la première des six Gnossiennes pour piano était particulièrement remarquable. Sa mélodie lancinante ponctuée d'appogiatures était à proprement parler magnétique.

C'est une oeuvre insaisissable, hors du temps. Satie s'est d'ailleurs abstenu de la découper en mesures. Énigmatique : l'origine même du nom « gnossienne »

Gnossienne, un terme musical inventé par le compositeur, donnant la possibilité de capturer un profond chagrin dans un seul morceau.

L'exemple même qui pourrait décrire ce moment où l'on réalise que quelqu'un que l'on connaît depuis des années et que nous aimons profondément, a une partie cachée, mystérieuse, qui restera à jamais inaccessible.

C'était ça, Mee-yon.

C'était la Gnossienne No.1.

Finalement, les morts ne meurent pas. Ils se métamorphosent en fantôme, flottent dans l'air, hantent nos pensées, squattent nos rêves.

Taehyung s'appliquait à la jouer, si bien que les notes exquises furent entendues. Sans se douter une seule seconde que quelqu'un l'observait, le bouclé s'adonnait à cette Gnossienne, priant pour se sentir apaisé, délivré de ce souvenir qui le hantait.

Jungkook avait tant attendu ce moment où il entendrait le chef d'orchestre jouer de son piano. Il avait la sensation que l'instrument se sentait peut-être seul de ne pas être utilisé. Mais voilà, que Taehyung laissait pleuvoir des notes bouleversantes avec ses doigts. Aussi étrange que cela puisse paraître, une boule s'était formée dans sa gorge, comme s'il était capable de ressentir toute la tristesse du plus âgé.

En descendant à son tour, la scène lui avait rappelé sa propre expérience. Celle où il n'avait fait plus qu'un avec Romance et que Taehyung l'avait observé.

C'était la même chose.

À la différence que la lumière du jour avait laissé place à celle de la nuit et que la tristesse avait remplacé le bonheur.

Un pli d'inquiétude barra le front du plus jeune en sentant l'aura de douleur autour du chef d'orchestre. Doucement il s'approcha de lui par-derrière et se mordilla la lèvre inférieure en voyant la photo de leurs mères. Peut-être était-ce une idée stupide que de l'avoir mise ici, après tout.

Tout le corps de Taehyung bougeait en même temps que ses mains caressaient le piano. Certaines de ses boucles volaient dans un instant éphémère tandis que ses yeux restaient résolument fixés sur les touches.

Il avait face à lui, une nouvelle facette du prodige du chef d'orchestre. Une facette qu'il avait désiré connaître depuis longtemps déjà, mais qu'il était pourtant incapable d'apprécier à sa juste valeur.

Lorsque la dernière note du morceau pleura en écho à celle de leurs coeurs, Jungkook posa doucement sa main sur son épaule, délivrant son aîné d'un combat intérieur qu'il n'aurait jamais pu gagner seul.

Il lui souriait. Taehyung lui souriait, mais ses yeux ne le faisaient pas, eux.

Un regard ne mens jamais. Le regard qui bouleverse et reflète les mots qu'on ne pourra jamais dire. Celui d'un coeur nostalgique, d'une âme brutalisée par des souvenirs. Jungkook se fit la réflexion qu'il aimerait lire dans ses pensées tout en redoutant d'être assez fort pour résister à la vérité.

Taehyung ne lui ferait jamais part de ce moment, de cette nuit-là. Personne ne devrait avoir à entendre une histoire pareille. Son petit protégé avait de nouveau souri, alors il acceptait volontiers de se sacrifier pour voir cette esquisse devenir éternelle.

Il pouvait bien faire ça. En attendant, il continuerait à combattre son démon le temps d'une nuit avec son piano. Ça lui suffisait.

-Pourquoi tu l'as mise ici ?

Avec un chuchotement, Taehyung lui désigna la photo qui reposait contre le couvercle.

Toute la fatigue se reflétait sur le visage du plus âgé et pourtant, Jungkook sentait que celui-ci était effrayé de s'endormir. Il remarqua cette imperfection, ce trait de nuit autour de ses yeux tout à coup cernés de merveilleux.

C'était saisissant.

-Parce que si je la mets ici, les touches ne seront plus jamais enfermées, murmura-t-il.

Le regard de Taehyung s'était légèrement agrandi à ses paroles. Il observa son homologue, drapée d'un de ses pyjamas trop grands. Il avait répondu avec une telle évidence qu'il en resta coi. Doucement il l'attira à lui et, toujours assis, entoura sa taille de ses bras avant de poser sa tête sur son ventre, le regard perdu.

Jungkook s'amusa avec ses boucles et réalisa que les rôles venaient d'être échangées l'espace d'une nuit. Taehyung était devenu l'enfant terrorisé qu'il fallait rassurer. Passant ses doigts de nacre sur sa peau de sable, il prit conscience que son aîné n'était pas d'une perfection sans failles. C'était cette peur et cette tristesse passagère se reflétant dans son regard qui faisait de lui un humain magnifique. Lui non plus n'était pas un diamant poli, finalement.

C'était touchant cette vulnérabilité. Son masque s'était déjà fissuré devant Hoseok. Mais Jungkook, lui, l'avait fait tomber, révélant un côté que seul son piano avait vu jusqu'ici.

Les deux hommes s'aimaient, c'était indéniable. Mais il était encore trop tôt pour prononcer ces mots qui restaient coincés, comme accrochés sur leurs langues.

Alors, secrètement, ils se souhaitaient « assez ». Assez de soleil pour illuminer leurs jours, assez de pluie pour apprécier le soleil, assez de joie pour nourrir leurs âmes et assez de rencontres pour savoir dire adieu.

Assez pour vivre.

Et ne jamais laisser passer les occasions lorsqu'elles se présentaient.

-J'ai envie de jouer avec toi.

Après avoir uni leurs coeurs, avant d'avoir unis leurs corps, il fallait aussi qu'ils unissent leurs musiques dans un instant perdu dans le temps, là où jamais personne n'aurait accès si ce n'est qu'eux deux.

Jungkook en avait ressenti un besoin pressant, le regard verrouillé sur l'étui de Miyu et les boucles douces de Taehyung entre ses doigts.

Taehyung pouffa et se détacha de lui, laissant ses doigts faire s'envoler des notes fugace sur son piano.

-Que veux-tu jouer ?

Quelque chose qu'ils connaissaient tous les deux, une certitude qu'il saurait la jouer en harmonie, une pièce qui s'allie à la nuit.

En se dirigeant vers son violon sous le regard curieux de Taehyung, Jungkook ne perdit pas de temps avant de commencer à jouer ce morceau. Taehyung, en entendant les premières notes, sourit doucement avant de rejoindre son violoniste, l'air complice.

Le troisième mouvement de la Suite bergamasque de Debussy était parfait pour l'instant présent. Pour chaque âme errant dans l'obscurité, enchaînés à leurs démons. C'était une parenthèse de douceur dans une nuit de souffrance.

La plus grande partie de ce mouvement était jouée pianissimo, et les allers et retours étaient un mélange d'une grande intensité émotionnelle qui laissait un sentiment aussi amer qu'agréable.

Clair de Lune est une once de poésie nocturne. Taehyung et Jungkook l'interprétaient de telle que magie et rêve ne faisaient plus qu'un. N'importe qui dirait que les deux hommes s'étaient unis à un tel point qu'ils peignaient les murs de leurs notes.

Même si ce morceau ne paraissait pas difficile, il fallait transmettre l'émotion, la vivre pour qu'elle soit entendue à sa juste valeur. Certains n'y arrivent pas. Ils jouent, mais ceux qui les écoutent sont pourtant dans l'incapacité de distinguer la déesse de la nuit.

Ce n'était pas leurs cas, mais il n'y avait personne pour les entendre.

Ce n'était pas le but non plus, d'être écouté.

Ils avaient seulement le désir de s'unir d'une différente façon, de panser les maux et de faire honneur à la musique, encore une fois.

Il n'y aurait jamais trop de fois. Ce ne serait jamais assez « peu ». L'éternité elle-même ne serait pas suffisante pour qu'ils aient le temps de chanter à l'univers leur amour de la musique. Ils se contentaient d'une vie. Une vie c'était long. Ou pas. Ça ne dépend pas de nous, après tout.

Ce qui dépend de nous, c'est la manière dont nous décidons de la mener.

Les deux musiciens avaient dans l'optique de vivre la leur avec intensité. Chaque jour. Car il y a trois choses qui n'attendent pas : le temps, la mort, la chance.

Cette nuit-là, pour la première fois, ils prenaient conscience de la nature profonde de leur lien, de son intensité, de sa force indestructible et, par-dessus tout, de son pouvoir rédempteur.

Jungkook avait accepté son passé. Celui-ci n'était plus aussi vivace qu'autrefois, comme s'il était endormi au fond de lui. La douleur s'était finalement apaisée. L'avenir, lui, était en train de poindre à l'horizon, encore auréolé de brume, mais de plus en plus lumineux.

Taehyung, lui, savait que dorénavant, l'ombre de ses nuits solitaires serait bien moins imposante, repoussée par un halo de lumière.

Lui.

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