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Venir chez toi.

Je fume ma première cigarette de la journée en grattant nerveusement le sol à l'aide de la semelle de mes Vans sales. Bien sûr, mon bus n'est même pas foutu de venir à l'heure. On est plusieurs à l'attendre, à mon arrêt. Ce dernier est particulièrement rempli de lycéens, des têtes que je reconnais et que je vois chaque matin maintenant. Je scrute rapidement l'heure qui s'affiche sur mon iPhone tout en soupirant, lassé, la fumée de ma Winston. C'est au moment où je lève les yeux que j'aperçois enfin mon car. Il était temps. J'écrase mon addiction au sol et marche sans pitié dessus, soufflant sur mes doigts pour venir les réchauffer face cet air frais d'hiver qui nous enveloppe.

Une fois dans le transport en commun, mes yeux se mettent à chercher une place de libre ce qui est, comme à chaque fois, un pur calvaire. Puis bizarrement, aujourd'hui c'est assez peuplé. Je m'avance vers les sièges du fond et mon cœur est le seul organe qui semble se réchauffer dans mon corps complètement gelé par les faibles degrés de dehors. Car je le vois, assit à moitié endormi et une large capuche rouge tirée sur ses cheveux marrons et bouclés. Ses yeux se perdent dans le vide, se perdent sur la vitre du bus où de la buée est présente. Mes doigts accrochent les poignées mises sur les dossiers des places avant de me laisser tomber près de lui sans même lui demander une nécessaire permission. De toute façon, je sais que je l'ai, quoi qu'il puisse me sortir comme excuse. Je pose mon sac à mes pieds et c'est juste maintenant qu'il se décide à tourner son visage vers moi, dégageant un écouteur de ses oreilles. Un sourire se dessine sur mes lèvres et les siennes recopient les miennes. Peut-être un peu plus timidement.

— Salut, je lance seulement et sans attendre particulièrement une réponse.

Yanis m'indique juste un signe de tête. Je soupire doucement en serrant légèrement mes épaules, j'suis content, mais la chaleur du bus ne me donnera pas envie d'y descendre une fois qu'on sera arrivé au lycée. Je fouille rapidement dans la poche de ma veste et je jure dans un chuchotement, ne trouvant pas ma paire d'écouteurs. J'essaye de me rappeler où est-ce que j'ai pu diable les oublier mais j'crois qu'ils sont tout simplement sur mon bureau, à la maison... Ah, ça m'énerve. Cette journée commençait si bien, j'ai l'impression. Enfin, mit à part la petite scène que j'ai fait au petit-déjeuner avec mes parents. Ils ont vraiment rien capté à ce que j'ai raconté et j'avoue que c'est mon réveil qui partait du bon pied qui a parlé à ma place. Non mais, vraiment. Je deviens vraiment dingue à cause du mec à côté de moi. D'un point de vue extérieur, on dirait pas. Mais d'un point de vue intérieur... C'est vraiment autre chose. Son regard croise à nouveau le mien, Yanis n'arrive même pas à le soutenir car il fait genre de regarder quelqu'un ou quelque chose de lambda derrière moi. Moi, ça m'amuse. Qu'il réagisse ainsi. Il peut poser ses yeux sur ma personne autant de fois, autant de temps qu'il le veut. Ça me dérange absolument pas. C'est chelou si j'dis que j'apprécie le contraire ?

Comme chaque matin, le car est plutôt calme. Enfin, on est concentré sur nos musiques ou nos vidéos, nos podcasts, nos jeux débiles installés sur nos téléphones portables. Pour ma part, je n'ai pas le droit à tout ça. Alors, de nouveau sans rien demander, je vole un écouteur de son oreille. Le bronzé qui était légèrement accoudé contre cette vitre froide se redresse légèrement suite à mon geste. Je sens l'odeur de son parfum, l'odeur de ses vêtements, celle qui l'accompagne tous les jours. Yanis sent bon, c'est un fait. C'est un peu gênant si j'devais lui avouer ça à haute voix alors je me permets de le penser. Un son que je ne connais pas percute dans le creux de mon oreille et j'apprécie ce que j'entends. L'instru me plaît, j'aime quand une musique réussit en si peu de secondes à me transporter et à me faire penser à des choses, à me faire imaginer des choses. J'sais pas mais j'apprécie énormément. Je lui demanderai le titre mais pour l'instant, j'ai juste envie de rester ainsi. Mon dos se cale un peu mieux contre ce siège vieilli par ces années de service et mes yeux se ferment sans que je puisse les contrôler. La playlist de Yanis continue de défiler sans que je ne remarque une quelconque pause entre les musiques, elles continuent de défiler jusqu'à qu'on arrive à l'arrêt final. Celui que je n'avais pas envie d'atteindre, aujourd'hui. J'ai vraiment la flemme de descendre et c'est le bouclé qui arrive à me faire sortir, comment résister à lui de toute façon...

Une fois dehors, une odeur de cigarette et de beuh nous bouche le nez ouais, on est comme ça dès le matin. Yanis traîne ses converses oranges et le bas de son jean foncé recouvre le haut de ces dernières. Un silence plane entre nous deux ce matin et je me demande si c'est par rapport à hier ou autre chose. C'est vrai qu'on a passé un certain temps à parler en Facetime ainsi qu'en appel. On s'est raconté des choses et j'avoue que j'en avais besoin. Bizarrement j'en avais besoin, oui. Je le regarde tandis qu'il se crame un roulé à l'aide d'un briquet qui semble usé. Je suis les pas du bronzé, ce dernier m'amenant vers son groupe habituel, je le vois toujours traîner avec ces mêmes personnes quand on est au lycée. La plupart sont dans sa classe et je reconnais quelques têtes malgré le fait que les noms ne me viennent pas. Je différencie seulement Mathis qui semble cacher une enceinte en marche au fond de son Eastpak tagué et colorié de signes que je ne prends pas la peine de déchiffrer. Lorsqu'il voit son meilleur ami, un sourire s'installe sur ses lèvres et ils se saluent.

— Hé, salut Romain ! Ça va, ou quoi ? me demande-t-il ensuite, ses yeux foncés se posant sur moi.
— Bah ouais... Comme d'hab', il faut.
— Ah, tiens.

Mathis tire une latte sur un joint, ses sourcils se fronçant doucement. Il me tend ensuite le stick et je viens le recopier, mes lèvres venant exercer une pression afin d'expirer la fumée de cette connerie. Une fois me suffit, je le lui rends ensuite.

— Bon... J'vais rejoindre les autres. On se voit plus tard.

Yanis hoche doucement de la tête, je lis dans ses yeux qu'il est un peu déçu. Enfin, je sais pas si c'est ça ou pas mais j'ai l'impression qu'il ne voulait pas vraiment que je m'en aille. Ses amis discutent de je ne sais quoi entre eux et Mathis a prit part aux conversations alors, je veux profiter de ce moment pour m'éclipser. Puis avant que je le fasse, sa voix m'arrête dans mes mouvements et je me retourne, remontant le col de ma veste sur mon menton.

— Oui, qu'est ce qu'il y a ? je pose, attendant qu'il me dise ce qu'il a.
— Hum... Tu sais, je dois voir Andrea à la fin des...
— Ah ouais, je le coupe. Tu finis à quelle heure déjà toi ?
— 17h30. Toi ?
— La même. Alors, on s'rejoint ici, ok ? Je viendrais avec toi.

Son sourire arrive presque à me faire oublier le temps glacial. Il hoche de la tête tout en tenant sa clope roulée entre son pouce et son index, l'enlevant doucement de sa bouche pour y laisser échapper une vapeur grisâtre qui pollue encore plus l'air qui ne l'est déjà — et ses poumons — avant de me répondre.

— Ok. Cool. Alors à toute à l'heure... Merci.
— Pourquoi tu me remercies, je souris un peu avant d'entendre mon prénom se faire appeler au loin. C'est normal.

Je jette un coup d'œil derrière moi et tombe sur un Kévin qui me fait signe de venir, Léo fumant à côté de lui. Oui, j'arrive... J'peux l'entendre parler de moi d'ici, c'est dingue. Yanis, en voyant que je suis attendu me dit d'y aller. Mes yeux clairs se replacent dans l'iris des siens.

— T'inquiète. N'y pense pas trop, ça va le faire. On s'en fiche.

Il sait de quoi ou plutôt de qui je vais parler. Je suis sûr qu'il va se torturer l'esprit en pensant à ce mec et à ce qu'il pourrait se passer à la sortie des cours. Mais bon, je ne m'inquiète pas plus que ça. Je sais parfaitement qu'Andrea va rager en me voyant arriver en compagnie de Yanis mais à vrai dire, je m'en fiche un peu... Peut-être que comme ça, il comprendra mieux les choses. Je suis pas là pour mettre en péril leur amitié, c'est pas ce que je veux. J'ai juste envie que le blond comprenne que la relation qu'il espère ne pourra jamais se créer. À moins que Yanis change complètement d'avis après moi mais sincèrement, je ne pense pas que ça arrivera. Rien que là, je sens qu'il se passe quelque entre nous, ce « quelque chose » qui refuse de nous lâcher, c'est comme si une sorte de force voulait me retenir avec lui et qu'il m'était difficile de la nier ou de l'ignorer. Clairement, elle est là. C'est cette même force qui me pousse à rester encore quelques secondes de plus avec lui, ces quelques secondes qui passent sans qu'un de nous deux dise un mot. J'avoue qu'en se rendant compte de la chose, ce mutisme apaisant se fait remplacer par une certaine gêne qui à lui, à Yanis, lui va plutôt bien. Il passe rapidement ses doigts sur sa nuque, regardant subitement sur le côté. Je secoue très légèrement ma tête et finit par le quitter avant que Kévin puisse crier mon prénom encore, la patience de mon ami ayant une certaine limite.

— Vas-y, t'es toujours avec eux depuis un temps maintenant. Tu nous remplaces, mon pote ?

Je ne peux m'empêcher de sourire à la remarque du châtain qui lui, préfère garder un air sérieux collé au visage. Oh, sérieux. Jamais je pourrais les remplacer et je ne peux comparer notre relation avec celle de Yanis car il faut pas croire, c'est à cause de lui que je mets à traîner avec d'autres personnes. J'ai rien demandé, moi. On dirait que je dis ça en mode « je me plains » mais pas du tout, au contraire. Personnellement ça me dérange pas de parler à des nouvelles têtes et à me faire des nouvelles connaissances, créer des liens c'est important. Donc même si ce sont des liens qui ne sont pas très forts, ça fait, quelque part, plaisir quand tu te sens entouré de personne qui reconnaisse au minimum du minimum, ton prénom.

— Non, mec. Qui pourrait te remplacer, de toute façon ? J'trouverai jamais quelqu'un d'aussi chiant que toi...
— Vrai, rajoute Léo en lançant un coup d'oeil vers Kévin. Il y a pas plus chiant que toi.
— Mais n'importe quoi... ! Pour la peine, j'voulais vous invitez chez moi samedi soir avec un peu d'beuh mais, bon... Je suis chiant...
— Arrêter de râler, c'est bon. Par contre, comptes sur moi pour la beuh.

Léo fait un signe de tête vers Kévin qui essaye d'afficher une mine neutre mais ça se voit qu'il a envie de sourire. Il sait qu'on sera présent, enfin, si Léo ne finit pas par se défiler à la dernière minute. Car il peut parler mais depuis que Maël traîne avec nous, ils aiment bien s'échapper à deux, je n'sais où. Franchement, j'ai l'impression d'être le seul débile à les remarquer. J'observe trop les gens, j'y peux rien moi.

— Ouais. Toi Romain, tu viens aussi hein ? me demande Kévin tandis que mon regard se perd rapidement sur le groupe de Yanis.
— Ouais, ouais. Je viens, t'inquiète pas.
— T'as intérêt ! Ça va être trop bien, les gars. J'ai l'impression ça fait longtemps qu'on s'est pas posé tous les trois. J'vais amener Camille, c'est sûr.

Pas si longtemps que ça, si mes souvenirs sont bons. Mais voilà je peux comprendre les pensées de mon ami, dans un sens. Je sais très bien que c'est à cause du manque de ses parents qu'il réagit comme ça. Il se sent seul puis Léo et moi, on le sait très bien. D'ailleurs, on se lance un regard compréhensif avec ce dernier. Avant que la sonnerie nous ordonne de nous ranger vers nos classes.

Dans les couloirs, je croise la classe de Yanis. C'est fait exprès, on dirait. Enfin, je dois avouer que je ne vois que lui. Le dos appuyé contre un mur de couleur jaune et jauni par le temps, je le regarde rigoler de quelque chose avec Mathis. Mes yeux refusent de quitter sa personne, vraiment, si quelqu'un serait en train de me parler en ce moment même, je suis quasiment sûr que je l'écouterai sans vraiment le faire car, l'observation de l'attraction qu'est ce mec me demande bien plus de concentration qu'il n'en paraît. J'ai envie d'insulter le professeur qui arrive un peu trop en avance, mais bon. Je suis le dernier à passer la porte de cette salle de classe, ma tête se détournant qu'au dernier moment de lui. Un sourire discret s'affiche automatiquement sur mes lèvres lorsque j'le vois me fixer à la toute dernière seconde, un sourire qui apparaît que lorsque mes yeux se détachent complètement de Yanis.

— Veuillez sortir une copie double et un stylo, s'il vous plaît. Je ne veux que votre calculatrice sur la table, rien d'autre.

Puis, voici comment faire disparaître un sourire idiot en quelques instants.

J'arrive vraiment de moins en moins à bien me concentrer. Pourtant j'essaye mais bordel, quand je veux m'y mettre sérieusement on dirait que je demande quelque chose de compliqué à mon cerveau. J'aimerai savoir de quoi on est en train de parler, dans ce merveilleux cours d'histoire. Un léger soleil tape cet après-midi et la classe est plongée dans une petite pénombre, le professeur ayant demandé à deux élèves de tirer les grands rideaux des fenêtres et d'éteindre les lumières afin qu'on puisse regarder une vidéo affichée par le vidéo projecteur. L'épaule appuyée contre un des murs de la salle, mes yeux se perdent sur l'écran dont les tons blanc et noir de l'époque me donnent une sérieuse envie de m'assoupir. J'essaye d'assimiler ce que la voix off nous raconte d'un langage un peu plus sophistiqué que celui de notre époque actuelle, les images défilant des sombres scènes de guerres. Tout le monde parait intéressé vu que ce qu'il se passe au tableau ne semble pas être l'effet d'un quelconque cinéma mais bien d'une vérité assez injuste, cruelle et triste. Enfin, ça pourrait m'atteindre mais quelque chose d'autre touche mon cœur en ce moment même.

Je n'aime pas vraiment me laisser aller et penser aussi faiblement mais j'aurai jamais pensé que sa présence arriverait à me manquer à ce point. Je ne peux m'empêcher de l'imaginer assit à sa table, un peu perdu dans un cours chiant et raconté par un prof tout aussi chiant. Je l'imagine en train de dessiner et un peu à l'ouest, mettre du temps à comprendre que ce même prof chiant l'appelle et l'interroge pour une question idiote sur le cours qu'il doit écouter. Une sensation se produit dans mon ventre, ce dernier se tordant légèrement, me provoquant un doux mal qui est, contraire à sa définition écrite dans le dictionnaire, assez agréable si on le prend dans ce sens. Il faut l'avoir au moins ressenti une fois dans sa vie pour comprendre de quoi je parle. Voilà, on en arrive à ce putain d'effet là. Vivement que ces trois dernières heures se dépêchent de prendre fin. J'ai hâte d'arrêter de me l'imaginer dans mon esprit car on sait tous que ce n'est pas suffisant. Autant pour moi que pour lui. Je sais qu'il pense à moi. Ou alors, je veux me faire croire du mieux que je le puisse cette phrase, en espérant qu'elle soit réelle, et malheureusement j'pourrais jamais me donner cette raison tout seul.

Quand la sonnerie sonne 17h30, c'est la délibération. Je crois que tout le monde n'attendait plus que ça, quelle idée de nous faire finir par SVT ? Non mais franchement, j'ai cru que j'allais pas tenir sur ces fichues tables hautes, hyper pratique pour toutes les types d'expériences auxquelles ont doit se faire évaluer mais inconfortables à en mourir. Une fois à l'air libre, je suis surpris de ne pas avoir aussi froid que tout à l'heure, je pense que c'est grâce à ce brin de soleil qui a chauffé toute la moitié de cette journée. Espérant que ça dure encore quelques jours.

Je m'allume une cigarette, posé contre une grille qui entoure par plusieurs le bâtiment qu'est notre lycée. Kévin est parti, ce dernier se faisant ramener par son père qui est venu le chercher pour l'une des rares fois. Léo, lui, a rejoint sa voiture et trop occupé à parler avec Maël, on s'est salué qu'avec un bref signe de main. Bref, maintenant, j'attends le mec qui m'a embrouillé l'esprit toute la journée. Je tire sur ma Winston tout en slalomant entre ces gens qui fument et qui parlent à haute voix, espérant qu'il ne mette pas trop de temps à apparaître dans mon champ de vision pour qu'on puisse prendre le bus qui nous conduira vers le deuxième grand lycée de notre ville, celui de Mallory et d'Andrea. La clope bloquée entre mon index et mon majeur, mon pouce vient écrire un message que j'envoie sans relire à Yanis.

Romain, 17H35
T'es où ? 😴

Je ramène à nouveau ma cigarette aux lèvres, répétant ce geste au moins deux fois avant de voir mon portable s'allumer sur une notification. Je l'ouvre et lit.

Yanis, 17H36
J'arrive, tu peux attendre au bus stp ? Je dois recup un truc aux casiers 😒

Romain, 17H36
K j't'attends

Je laisse tomber mon iPhone dans la poche de ma veste tout en m'avançant vers les arrêts. Mes yeux scrutent les panneaux illuminés sur le dessus des pares-brises des transports en commun, ces derniers indiquant les arrêts et les lignes des différentes voies. Le notre est déjà arrivé et, en apercevant déjà des personnes dedans, je finis de fumer et écrase mon mégot contre un cendrier mit à disposition, ce dernier étant tristement rempli.

— Bonsoir... je lance, la politesse du conducteur répondant ma phrase en retour.

Je cherche deux places libres et finit par me poser côté fenêtre, à mon tour d'y être. À chaque fois j'suis le mec qui doit prendre le siège côté couloir alors que tout le monde sait quel côté est le meilleur. Ça m'emmerde vraiment d'avoir oublié mes écouteurs. Maintenant, je me fais vraiment chier. Je pense que le bus va mettre du temps à partir en plus, il attend toujours une bonne dizaine voire quinzaines de minutes histoire que personne ne le rate. Puis là justement, faudrait pas que ça arrive à Yanis. Je vais lui envoyer un message.

Romain, 17H40
Vite, le bus va partir 😏

Sa réponse ne tarde même pas, je ne quitte pas notre conversation en voyant les trois petits points s'afficher en bas de l'écran.

Yanis, 17H40
Mdrr, je vois le bus arrête

Yanis, 17H40
Méchant

En tout cas, ça a marché puisqu'il vient d'apparaître dans ce bus comme par magie. Ça me fait bizarre d'ailleurs de m'y trouver dedans, je n'ai pas l'habitude de prendre celui-ci pour rentrer chez moi. Je regarde le bouclé jusqu'à qu'il se pose à mes côtés, jetant son sac à ses pieds. Il soupire un peu, comme s'il s'était pressé pour arriver jusqu'ici. Ça me fait marrer, sa tête.

— T'es... chiant. J't'avais dit que j'arrivais, me lance-t-il tout en passant une main dans ses cheveux pour venir les décoiffer encore plus qu'ils le sont déjà.
— C'pas ma faute si je l'ai vu démarrer le bus.
— Tu rigoles ou quoi ? Aller, arrête de te foutre de moi...

Un sourire toujours présent sur les lèvres, je le surprends à venir me le piquer. Il fait genre mais je sais qu'au fond de lui, le fait qu'on se voit hors du lycée lui fait plaisir. Et j'dois avouer qu'à moi aussi, en sachant que c'était vraiment long sans lui. Je commence vraiment à dérailler de ouf, ça va plus là. Mais ouais, tout, tout ce que je vois à côté de moi me provoque des trucs que jamais j'penserai pouvoir désirer et aimer tant contempler un jour. Yanis range sa carte de bus dans la poche avant de son sac avant de galérer à refermer la fermeture éclair, cette dernière étant un peu pétée.

— J'ai même pas eu le temps de fumer... se plaint-il d'une petite voix.
— Tu fumeras après, je réponds directement. T'avais quoi à chercher dans ton casier ?

Le bronzé me regarde rapidement avant de glisser son regard sur l'extérieur séparée par la vitre derrière moi, un air évasif collé au visage.

— Bah, c'était des manuels et tout... Rien d'important. Mais du coup ça m'a fait chier car il y avait pas mal de monde.
— En même temps, tu choisis le pire moment pour y aller... Vraiment...
— Écoutes ! C'est comme ça. J'avais pas le temps d'y aller avant.

Je hoche lentement de la tête avant de lui lancer un regard en biais, mon index et mon pouce exerçant un léger mouvement entre eux afin de lui offrir une pichenette sur son front caché de ses boucles. Ce qui, bien évidemment, le fait râler.

— T'as un problème, oui.
— Non. J'aime juste t'embêter. C'est drôle, ça m'amuse.
— Je vois ça... Mais moi, ça m'énerve. Donc arrêtes, réplique-t-il en essayant d'être le plus froid possible mais, ça ne marche pas.
— Non. D'ailleurs, tu peux m'dire ce qu'on écoutait ce matin ? C'était vraiment bien.

Ma question le fait réfléchir, le temps qu'il se rappelle de ce qu'il écoutait il y a quelques heures. Je continue de le fixer avant de loucher rapidement sur son portable lorsqu'il ouvre Spotify, faisant défiler une multitudes de « Titres likés » dans cette playlist qui me semble infinie.

— Hum... Attends, j'suis con. Écoutés récemment...

Son pouce finit par appuyer sur l'artiste en question, dont le nom — qui est assez marrant — me dit strictement rien. Ça ne doit pas être très connu.

— Tiens, c'est lui. J'te faisais écouter Tesla. Mais ma préférée c'est Nosebleed puis toutes celles de l'album Keep. Tu écouteras, tu me diras. C'est vraiment pas connu, je suis tombé au pif dessus... Et c'est bien, oui.
— Ah ouais. Tu peux me l'envoyer ?

En à peine quelques minutes, je reçois le lien de l'artiste sur l'application de musique. Je le remercie avant de reposer mon portable sur ma cuisse. Bien évidemment, Yanis a de nouveau et encore mon attention, mes yeux continuant de le fixer, mon regard se promenant sur le profil de son visage. Je scrute les fins détails de ce dernier, son nez qui pourrait faire des jaloux au vu de la parfaite dimension et longueur de ce dernier. Ses longs cils noirs, accompagnant ses paupières à chaque fois qu'elles se ferment naturellement. Des grains de beauté, par ci et par là. C'est vraiment mignon, ça. Sa bouche un peu retroussée, ses lèvres gonflées à un point qui est à mon goût, parfait, des lèvres qui méritent d'être traitées comme mes pensées me l'demandent. Je ne me rends pas compte que je le reluque avec un peu trop d'insistance, à force d'admirer tous ces détails qui font Yanis. Je hausse un sourcil lorsque sa main se pose sur mon épaule plus tournée vers le dossier de ma chaise plutôt que vers lui. Le bronzé me pousse alors, en me chuchotant d'arrêter ça. Comment j'suis censé faire alors qu'au final, j'ai le droit à ce genre de réaction que j'aime tant voir.

— Sinon, c'était bien les cours ? je pose pour le faire penser à autre chose.
— C'est une question sérieuse ?

Je hausse des épaules, le bus démarre enfin. J'ai cru qu'on allait jamais partir mais la vérité, ça ne m'aurait pas dérangé de rester un peu plus ici, dans un silence qu'on est les seuls à briser.

— Bah ouais. Pourquoi ?
— C'était chiant. Et j'ai eu deux contrôles, j'sens que j'vais pas assumer mes notes.
— Dit-il alors qu'il va avoir un joli 17.

Ma remarque le fait rire, un peu.

— Non, j'crois pas. En tout cas, pas en chimie. Je comprends rien aux cours de Valentini ! Il me saoule.
— Ah, oui. Moi aussi, j'ai Valentini. Et j'ai du mal à comprendre mais j'crois que c'est parce qu'il sait pas expliquer. T'sais, t'as des profs tu te demandes pourquoi ils font ce métier, c'est fou.
— Mais oui... Puis il répond jamais aux questions, le seul truc qui l'intéresse lui, c'est de réussir à boucler le programme avant la fin du BAC... soupire Yanis, démêlant le fil de ses écouteurs.
— Vraiment.

Je lui souris rapidement avant de lui piquer un côté de ce qui lui sert à écouter ses musiques et le glisse dans mon oreille gauche. Il connecte ensuite ces derniers à son téléphone et nos paroles se taisent le long de ce trajet qui semble, ma foi, un peu trop rapide à mon goût. J'ai l'impression qu'on a pu seulement écouter que trois musiques jusqu'au lieu souhaité. Le bus s'arrête alors, des autres lycéens descendent ici aussi. On attend que le car s'en aille pour pouvoir traverser la rue en empruntant le passage piéton, le feu étant rouge pour les voitures.

En face de nous se présente un grand bâtiment, ce lycée paraît tout aussi grand que le notre. Des murets entourent ce dernier ainsi que des grandes grilles, un portail est ouvert et quelques personnes semblent encore s'échapper de leur journée de cours. Les gens ici me paraissent un peu différents des autres que l'on peut apercevoir au bahut. Ici, ils ont un style assez particulier, assez affirmé, original, on dirait qu'ils ne font rien de travers par rapport à leur tenues assez loufoques si j'peux me permettre et qu'ils s'assument jusqu'au bout. Je crois que j'ai même aperçu deux filles s'embrasser un peu plus loin mais je n'ai pas su dire si c'était juste « amical » ou plus encore. En tout cas, c'est certain que pour les gens qui étudient les arts, l'ouverture d'esprit doit être presque un mode de vie, j'apprécie cette facilité à pouvoir s'adapter à toutes les choses qu'on vit, à toutes les choses que l'ont voit et quelles soient absurdes ou pas, à essayer de comprendre et d'éprouver une curiosité par rapport au monde.

— Bon... Normalement, il devrait pas tarder. Il est avec Mallory et Juliette, les deux elles font que de traîner à la dernière heure.

Je retiens le prénom de Mallory dans ce qu'il me dit, c'est vrai que je lui ai pas vraiment répondu à cette fille depuis qu'elle détient mon numéro de téléphone. Faut dire que bon, elle est sympa mais genre, je l'oublie. Des fois, t'as pas la conversation avec les gens, et c'est comme ça. Mais pourtant, quand je la vois face à face, ça passe quoi. Yanis profite de ce moment d'attente pour se cramer une clope, celle qu'il a tant désiré. Je le regarde rapidement avant de partir m'asseoir contre un petit muret, caché sous un arbre dont les feuilles se sont perdues un peu partout sur cette grande entrée.

— Pourquoi tu te tiens comme ça ? Viens, assis-toi.

Le bouclé fait quelques pas histoire de voir une tête blonde apparaître mais pour le moment, rien. Ça se trouve, il l'a oublié. Ça me ferait bien rire, tiens.

— J'ai froid sa mère, en plus.

Yanis s'installe alors à mes côtés, comme un peu plus tôt dans ce bus. Je m'attarde sur un détail, sur son genou qui, sans le faire exprès, tape le mien. Il baisse le regard sur ce dernier avant de s'excuser rapidement mais ne se décale pas pour autant. Sa cigarette se consume au fur et à mesure des secondes et je pense que ça permet de le détendre un peu, je sais pas pourquoi mais je le sens légèrement stressé. Sûrement par la conversation qu'il va avoir avec ce mec mais on s'en fiche, car je serai ici, à quelques mètres, Mallory m'entraînant certainement pour les laisser parler que tous les deux.

— Tu crois qu'avec ton p'tit sweat et ton truc fin sur toi, tu vas avoir chaud p't'être ? je demande, le regard au loin, planté sur les voitures qui défilent à des allures raisonnables.
— Demain, je viendrai avec ma doudoune alors.
— Une doudoune... je souris un peu, me l'imaginant emmitouflé là dedans.
— Quoi ? Elle est pas dégueulasse, hein. T'imagines pas le truc ignoble style gros bourrelets partout, et tout...

Je le scrute rapidement, de la tête au pied. Puis mes épaules se haussent.

— On verra bien... Mais de toute façon, ça t'ira.

Je vois bien qu'il a envie de dire quelque chose mais Yanis se retient. Ma phrase est un peu pétée, j'le sais mais ça ne m'empêche pas de ne pas le penser. Le bronzé secoue légèrement de la tête, faisant tout pour ne pas poser ses yeux sur ma personne. Subitement concentré sur sa cigarette, il y prête une certaine attention comme si c'était la chose la plus importante là, tout de suite. Le garçon se perd dans ses pensées et pour le coup, je suis le premier à remarquer le petit groupe « tant » attendu.

Mon visage se lève et mon regard rencontre directement celui d'Andrea mais ce n'était pas intentionnel. Je veux faire tout mon possible pour lui montrer que je m'en fiche de lui. Mais vraiment. Ses yeux froids ne réussissent pas à me faire ressentir une particulière peur ou qu'en sais-je encore, mais j'sais parfaitement qu'il est saoulé de me voir ici. Tout le contraire de la fille à ses côtés qui, une fois déconcentrée de son iPhone, me sourit grandement. Mallory est toujours aussi rayonnante, je me surprends de la trouver plutôt jolie aujourd'hui. C'est pas qu'elle ne l'est pas d'habitude mais on dirait que c'est presque fait exprès, là. Bref, on finit par tous se saluer et Juliette, celle qui me paraît la plus reculée du groupe me perturbe à venir me faire la bise. D'habitude je la vois jamais et surtout, je l'ai jamais vu me donner une quelconque attention jusqu'à maintenant donc ouais, ça me fait bizarre.

— Comment ça va, alors ? s'adresse Mallory à nous.
— Ça va... soupire Yanis en jetant sa clope par terre. Ça fait 10 minutes qu'on vous attend, par contre.
— Oh... Abuses pas, chou. On a fait vite quand même.

Andrea sourit légèrement au bouclé encore posé à mes côtés, je vois vraiment que ça. Le plus grand ne sait comment aborder le sujet et en fait, j'ai l'impression qu'il n'a pas l'air si préoccupé que ça par rapport à sa future conversation avec Yanis. Je pensais qu'on était venu spécialement pour ça mais, ça n'a pas l'air d'être super important pour qu'il laisse traîner la chose, comme ça. Puis je ne sais pas si les deux filles sont au courant de ce truc avec leur pote. Des bruits de briquets se font entendre, les trois s'allumant à intervalle différent des clopes roulées. Juliette pose son skate au sol, la semelle de sa chaussure faisant doucement rouler la planche contre le trottoir.

— Bon sinon, pourquoi on reste encore là ? Vous voulez pas qu'on s'pose autre part ? propose la plus extravertie du groupe, nous regardant tous un par un.
— J'attends Naïm, moi.

La voix de cette Juliette est plutôt douce, faible, on dirait limite qu'elle a la flemme de parler. Je la regarde rapidement et lorsqu'on finit par se rencontrer visuellement elle détourne le regard, un peu gênée. La lycéenne fait rouler un peu plus rapidement son skate.

— Mais Naïm, c'est bon... Il nous rejoindra, j'vais pas l'attendre là. 
— Hm, fait Andrea en soufflant la fumée de sa cigarette. Si vous voulez vous pouvez y aller, j'dois parler d'un truc avec lui.

Le blond désigne rapidement Yanis de la tête et je fronce les sourcils en le voyant employer ces mots, genre, il peut pas dire son prénom ou quoi ? 

— Ah... Vous nous rejoignez après, alors ? demande Mallory gentiment.
— Ouais, on vous rejoint après. Mais allez-y.
— Ok, cool. Romain, tu viens avec nous du coup, ou pas ?

Je regarde rapidement Yanis qui ne dit plus un mot depuis tout à l'heure. J'insiste pour qu'il tourne son visage vers le mien et lorsqu'il le fait, le bronzé se contente seulement de me faire un signe de tête pour que j'y aille. 

— Euh ouais ok, je réponds simplement tout en attrapant la lanière de mon sac pour la jeter sur mon épaule.
— Ah, trop bien ! Bon, vous venez au foyer après les gars ? 'Fait trop froid pour rester dehors.

Je me demande qu'est ce qu'elle veut dire par « foyer » tout en commençant à suivre les deux filles, nous éloignant peu à peu d'Andrea et de Yanis. Je jette un coup d'oeil derrière moi une fois à quelques mètres, sans trop savoir pourquoi. Seigneur, pourquoi ça me fait autant chier ?

— Romain ! C'est trop bien que tu sois venu, avoues que c'est pas trop ton truc de parler par message hein ?

Ah ouais, elle fait sûrement référence à nos « discussions » sur nos portables. Je lui souris, plus pour paraître sympathique qu'autre chose. Juliette, fume tout en s'appuyant sur son skate pour monter dessus, partant d'elle-même quelques mètres plus loin. 

— Ouais, non. Puis désolé mais j'étais occupé, je répondais une fois sur deux à chaque fois...
— T'inquiète pas, j'm'en fiche ! C'est pas grave, j'comprends de ouf tu vois. Après t'sais, tu peux aussi me dire que c'est parce que j'suis chiante, je comprendrais tout aussi bien.
— T'es pas chiante, je lance. J'sais pas parler par message, j'préfère comme là. En face à face, c'est mieux je trouve.

Mallory sourit et je louche sur les longs ongles de ses doigts qui tiennent son roulé à moitié consumé. 

— Et avec Yanis, c'est différent non ? Genre, message ou en face c'est pareil. 

Bon, je m'y attendais pas vraiment à cette phrase sortie de nulle part. Je laisse planer un silence rapide tout en haussant des épaules, mes lèvres se fronçant un petit peu.

— Bah... J'en sais rien. Mais pourquoi cette question ? Tu nous surveilles ?
— Non mais... J'avoue, ok ! Je vois souvent qu'il t'écrit des messages, genre quand il est avec nous. J'ai les yeux trop curieux...
— D'accord, les yeux trop curieux... Je rêve.

La fille ne se retient par pour pouffer légèrement, son sourire permanent me contaminant un peu. Nous continuons de discuter de tout et de rien, elle me parle du projet qu'elle a à faire pour le lycée et je l'écoute, essayant de m'y intéresser le plus possible. Chose plutôt compliquée pour une partie de mon cerveau qui ne peut s'empêcher de se demander comment ça se passe du côté de Yanis. J'espère que l'autre n'est pas en train de le saouler, j'ai vraiment du mal à me le voir celui là.

À quelques mètres de leur lycée se trouve l'endroit dont parlait Mallory. Elle m'explique que les plupart des lycéens et des jeunes de l'internat se retrouvent ici le soir après les cours ou bien même à la pause midi. Tout est pensé pour le confort de tous. Une grande salle ouverte là où quelques sièges et canapés sont posés dans des coins, ces coins séparés de quelques mètres entre eux pour laisser une intimité entre chaque. On peut trouver également trois ordinateurs utilisables et connectés au réseau wifi du foyer. Il y a également une table pour manger, des plus petites pour étudier ou réviser. Une bibliothèque, aussi. Des casiers. Un petit coin « cuisine » — si je peux appeler ça comme ça — est mise en place, un robinet, une cafetière ainsi qu'un micro-onde sont posés sur les plans de travail. L'espace est chaleureux et chauffé, quelques personnes sont déjà présentes et profitent. Mallory m'explique qu'elle les connaît tous de vue car ces derniers font parti de l'internat et de son lycée alors, elle les croisent tout le temps. Je pense que c'est une bonne idée d'avoir fait un lieu de ce genre, ça permet à tous les groupes et à tout le monde de se retrouver dans une autre ambiance, un peu à l'écart du lycée. Ça permet aussi d'avoir un autre espace de travail qui permet de se couper de celui de l'école, c'est plutôt cool. 

Juliette traîne déjà sur un canapé qu'elle semble nous avoir réservé. Un casque sur les oreilles, elle bouquine un manga que je connais, Dr Stone. La timide ne nous prête pas plus attention lorsqu'on se pose à côté d'elle. 

— C'est sympa, non ? me demande Mallory tout en parlant de l'endroit. On vient souvient ici après les cours, quand il graille trop dehors. J'ai trop hâte qu'il fasse beau pour qu'on traîne plus souvent au skatepark...

Je l'écoute me parler sans vraiment comprendre quelque chose. Ouais, l'endroit est sympa mais ce qui m'importe le plus là, c'est Yanis. Je sais que ça fait à peine 10-15 minutes que je l'ai laissé mais bon. 

— Tu penses à quoi, comme ça ?

La brunette pose ses pieds habillés de baskets un peu grosses et colorées de rose, de jaune et vert sur une espèce de petite table basse. Quelques papiers et magazines traînent dessus, j'y prête pas grande attention.

— Bah j'sais pas, un peu à tout. Pourquoi, j'ai l'air paumé ?
— Un peu... Bon, ils foutent quoi les deux là.
— J'en sais rien, je réponds même si elle parlait plus pour elle-même.

Mes doigts attrapent mon portable, je n'ai aucune notification. Bon, c'est assez triste. Je navigue sur les réseaux sociaux, désintéressé par toutes les publications que je vois. Des trucs inutiles, des posts tweeter qui sont censé nous faire rire, enfin ouais, je m'ennuie vraiment. J'entends au loin la grande porte vitrée s'ouvrir et, j'essaye de cacher cette déception quand je remarque que c'est Naïm. Il dégage sa grosse capuche de sa tête et fronce légèrement les sourcils en baladant ses yeux noirs sur la salle. 

— Naïm, là. T'étais où ?

Lorsqu'il arrive enfin près de nous, il me salue d'un signe de tête. Je le lui rends puis, baisse mes yeux sur son sac qu'il laisse tomber lourdement au sol.

— Je t'ai manqué, ou bien ? fait ce dernier, un léger sourire sur ses lèvres.
— Pas vraiment, mais bon. Ça va, tu m'as acheté les trucs que j't'avais demandé ? Trop chou !
— Bah ouais, tu croyais que j'étais allé où. Aller à l'autre bout de la ville pour t'acheter tes putain de pinceaux... se plaint ce dernier en laissant Mallory lui piquer un sac en carton qu'il tenait entre ses doigts peints de noir.
— Je sais, Naïm... Mais tu gères, merci. Je vais te rembourser la semaine prochaine.
— Hm, hm. Romain, retiens bien. Tu verras qu'elle va complètement m'oublier quoi, comme d'habitude.

Celui au piercing laisse passer un léger soupir de ses lèvres, prenant place entre Mallory et moi. Juliette ne semble pas calculer le garçon, franchement j'oublie sa présence tellement elle parle pas cette fille. 

— L'écoute pas, Ro'. Il fait que de se plaindre, comme d'habitude, insiste-t-elle sur les deux derniers mots.
— Ouais, bon. Au pire tu me serviras à quelque chose et tu m'achèteras quelques clopes... J'en ai marre de m'en rouler, c'est la dech.

Son amie lui répond mais je ne prends plus part à la conversation. Je commence à en avoir marre, ils sont gentils mais je suis surtout venu pour Yanis, moi. Et il n'est pas là. Je fais ma « Juliette » à ne rien dire, de toute façon les deux commencent à parler de leurs cours d'arts et je ne comprends strictement rien à leur langage. Naïm a sorti son ordi portable et, je me permets de jeter un coup d'œil sur son écran qui affiche un PDF avec des textes ainsi que des images qui semblent être des tableaux de peinture. Mallory quant à elle, semble chercher dans un gros trieur des feuilles importantes, se plaignant doucement qu'elle ne les trouvent pas. Je crois que c'est après une bonne dizaine de minutes que la porte du foyer s'ouvre, à nouveau. Et cette fois-ci, ce ne sont pas n'importe qui. Andrea et Yanis sont là, enfin. Directement, mon dos se redresse un peu plus contre le dossier de ce canapé qui était ma foi, plutôt confortable. 

— Bah, enfin !
— Ouais, pousse toi la grosse.

À vrai dire, il y a que lui qui m'intéresse en ce moment-même. Mes yeux restent posés sur sa personne, je tente un regard qu'il me rend. Le bouclé n'a pas l'air triste, saoulé, heureux, non. Il aborde une mine neutre, mine que je n'arrive vraiment pas à cerner. Il s'assoit sans dire un mot à côté de moi, venant gratter rapidement le bout de son nez parsemé de grains de beauté.

— Franchement, vous êtes trop bizarres vous deux. Je sens que ça cache des secrets tout ça, des petits secrets inavoués, soupçonne Mallory.

J'adore. Elle prend ce ton alors qu'elle sait très bien ce qu'il se trame entre Yanis et Andrea. Enfin, je le sais depuis que j'ai vu les screens de la dernière fois, quoi. Je suis sûr qu'il y a juste Naïm ainsi que Juliette qui ne sont pas au courant, sinon les autres ils savent tout. Ils savent qu'Andrea a un « crush » sur le mien, de crush. Littéralement, je le dis parce que c'est vrai. Je n'ai pas envie de faire genre alors que oui, carrément, je crush sur Yanis et même si ça s'est fait comme ça, j'assume cette évidence. Il y a rien à prouver, tout se prouve lorsque nous deux, nous nous embrassons. 

— Ouais ouais, ta gueule.
— Pas la peine d'être aussi violent, Andrea. Je dis ce que tout le monde pense tout bas, dans ce groupe. Donc bon.
— Au pire moi... rajoute Naïm. J'ai pas envie de connaître vos petits secrets, quand j'en sais trop vous savez que c'est pas bon...
— Putain, j'avoue oui ! T'es même pas foutu d'en garder un, toi. Tu sais Romain, une fois je me suis confiée à Nana et deux jours plus tard, t'avais déjà Andrea, Juliette et deux pouffiasses de merde qui le savaient ! Plus mon ex, Lukas ! Ce salaud... 
— Wesh non, j'suis pas une balance comme ça ! Non en vrai, en vrai de vrai c'est juste que quand on m'dit un truc du style important, ça se voit trop que je cache un truc et je suis trop bizarre ! Je panique ! Alors, t'as tout le monde qui essaies de me tirer les vers du nez parce que j'suis trop faible, moi. Et je déballe, du coup, des bails sombres.

Ils sont drôles quand même. Moi j'sens que les petits secrets inavoués, c'est entre Naïm et Mallory. Non mais sérieux, c'est pas possible que cette meuf soit intéressée par moi alors qu'elle le regarde de cette façon. Et lui, n'en parlons pas quoi.

— Oh ta gueule... Trop faible, oui. Tu es drôle, quand même... continue la brunette, ses yeux se levant vers le plafond. Bon, t'as les fiches ou pas ? Je les trouve pas !
— T'es con ou tu fais exprès ? J'ai mit les cours sur l'ordi là, idiote. Ah, Andrea ? Tu veux bien m'passer c'que t'as fait sur l'Art —...

Je décroche. Ils parlent tellement vite que je n'ai même pas le temps d'en placer une, mais bon. Je décide de rester avec eux encore quelques minutes avant de m'en aller, l'heure commençant à se faire un peu trop tardive. En plus, je n'ai même pas prévenu ma mère alors ça va être chouette, ça commence à la saouler que je rentre tard et tout. Même si en ce moment elle m'en veut pas si fort puisqu'elle est au courant de ma rupture avec Vanessa. D'ailleurs putain, c'était la seule fois de la journée où je viens de penser à elle. Je crois que je commence à oublier petit à petit mon ancienne relation même si dans le fond, ça m'embête quand même. Oui, ça me fait chier car cette fille était géniale, à sa manière, et je peux comprendre qu'elle veuille m'oublier. C'est normal, on ne réagit pas tous de la même manière. 

Yanis a décidé de m'accompagner. Mallory et Naïm nous ont salués alors qu'Andrea a fait genre de ne pas nous voir. J'espère que leur conversation n'a pas été trop rude, même si ce mec le mérite. Putain, mais quand je repense à la fois où il m'a fait chier... N'importe quoi, j'espère que Yanis a dit ce qu'il fallait dire parce que bon, j'ai plus envie de le voir reprendre ce ton là avec moi.

Nous marchons calmement jusqu'aux arrêts de bus. J'ai l'impression que j'ai fait que ça, aujourd'hui. Le bus, le bus, le bus, prendre le bus. Au moins, j'ai été de bonne compagnie et celle du garçon ne pourra jamais être remplacée par une meilleure. C'est comme ça, c'est comme ça que je le vois. Je me crame une clope, la flamme de mon briquet m'étant du temps à enflammer le bout de cette dernière. Il commence à rendre l'âme, faudra que je le change. Silencieusement, on se laisse bercer par les sons de la ville. Par le son des voix, par le son des voitures qui roulent, qui klaxonnent, qui dérapent, par le son du vent aussi puis par le son de nos pas, de nos chaussures qui grattent les pavés bétonnés de ce trottoir. 

Dans le bus, je n'ose pas parler. Pourtant, j'aimerais lui poser des questions mais je n'ai pas envie de paraître trop curieux et puis, ce n'est pas mon genre de forcer pour obtenir une quelconque réponse. Je n'ai pas envie de changer cette habitude pour Yanis et s'il voulait m'en parler, il l'aurait déjà fait. En l'occurrence ici, non. On partage à nouveau ses écouteurs, on partage à nouveau ses musiques que je connais, que je ne connais pas. Le ciel commence à s'assombrir, mes yeux admirent l'horizon. Le coucher du soleil s'est fait plus tôt, on l'a raté. 

À quelques mètres de mon arrêt, je commence déjà à me préparer pour descendre. Doucement, je rends l'écouteur à Yanis qui ce dernier, préfère enlever le sien. 

— Romain, en fait...

Je l'écoute, un peu surpris qu'il m'adresse la parole que maintenant genre, pile au moment ou je dois sortir pour rentrer chez moi. 

— Oui, quoi ?
— Je... Ok, j'peux descendre avec toi ? me demande-t-il comme ça.
— Euh... Pourquoi tu veux descendre à mon arrêt ? C'est plus loin, le tien.

Je comprends pas d'où lui vient cette envie, il doit attendre quelqu'un ici ou bien... ? Enfin bon, peu importe. Je salue le chauffeur, sortant le premier du car. Lorsqu'on met finalement pied à terre, je lui redemande.

— Par contre, j'veux bien que tu m'expliques parce que là...

Malgré le manque de lumière qui nous entoure, j'arrive à percevoir son sourire. Un sourire dont j'ai envie de lui en faire voir de toutes les couleurs, à cet instant précis. Les mains dans les poches de sa veste, le haut de son corps se balance légèrement de gauche à droite avant que le garçon m'emboîte le pas.

— Tu sais, je sais pas si mes parents seront pour... Fin, c'que j'veux dire c'est que...
— Je veux juste me promener un peu, avec toi. C'est tout.

Je retiens un soupir, comment résister à sa phrase qui est dite de cette manière. Même si j'ai froid, même s'il fait quasiment nuit, oui, je le suis. Ma maison n'est qu'à quelques mètres d'ici, je suppose qu'on va faire un tour. Je le rattrape. J'aimerais tant poser ma main dans son dos, dans le bas, je sais pas pourquoi mais j'ai envie de faire ça. Les rues devant les habitations sont calmes. Là où je vis, c'est toujours calme de toute façon. Et la nuit, encore plus. On n'aperçoit même pas un chat, on n'entend pas les chiens aboyer derrière les grillages. Les lampadaires éclairent légèrement notre passage même si l'on voit encore, le ciel ne s'étant pas complètement assombri, n'étant que coloré d'un sombre gris nocturne. Yanis réussit à briser ce silence qui nous renfermait, de sa voix que j'aime tant entendre.

— Tu sais... J'ai vraiment dit à Andrea que je ne voulais pas gâcher notre amitié. Je lui ai dit que je ne pourrais pas le voir en tant que... petit-ami. Je crois qu'il m'en veut mais c'pas grave. Je... J'pense qu'il fallait que je le lui dise clairement, il n'avait pas à te voir la dernière fois... C'était con, vraiment...
— On s'en fiche de la dernière fois. L'important c'est que tu lui as dit toi, ce que tu penses toi. Il finira par comprendre. J'pense pas que c'est un mec méchant au fond, je lui réponds sans être trop sûr pour les derniers mots.
— Ouais... Non, il ne l'est pas, non. Puis de toute façon s'il ne comprend pas et bien, tant pis...

Son visage se lève vers le mien et, sans trop savoir pourquoi, on s'arrête. Il est vraiment beau comme ça. Dans toutes les circonstances, partout et n'importe quand, il l'est. J'ai l'impression que le temps s'arrête un peu, durant ces longues et paisibles secondes. J'ai vraiment envie de rester avec lui, je le ressens comme une torture de devoir le laisser. J'aurais kiffé qu'on reste plus longtemps ensemble, j'ai comme ce ressenti de ne pas avoir assez profité de lui. Yanis est plus petit en taille que moi. J'adore ce détail, j'aime me sentir plus grand. Et de ce fait j'arrive à le dépasser, je dois presque faire une tête de plus que lui.  

— Tu vas devoir courir pour choper le dernier bus, je lâche tandis que je me perds dans son regard.

J'ai cette envie de glisser mes doigts le long de sa mâchoire lorsqu'il hoche doucement de la tête. J'aime l'air boudeur qu'il prend, ça me fait des choses au ventre. J'ai vraiment un problème. Ouais. Et puis, j'sais même pas comment décrire la tension qui est en train de nous relier là, maintenant, nous deux. Je pourrais lui voler un baiser dans cette rue, furtivement et rapidement, ça ne prendrait que quelques secondes et personne verra. J'ai vraiment envie, j'ai trop attendu. Je suis patient, peut-être, mais avec ce mec je ne sais plus quelle est la définition même de ce mot. Je la connais pas. Je le vois, je sais qu'il hésite à partir. Il ne veut pas s'échapper, je ne veux pas non plus. Bordel, quoi. Il aurait pu débarquer comme ça chez moi, aussi tardivement mais malheureusement je ne vis pas seul. Et je n'ai pas envie de faire chier mes darons avec ça, je sais bien qu'ils ne sont pas d'accord pour les invitations à la dernière minute. 

— Bon... Vas-y, je t'accompagne... Yanis ?

Une impression de déjà-vu s'empare de moi lorsque je ressens cette légère pression s'exercer autour de mon poignet. Je n'ai pas besoin de baisser mes yeux sur cette dernière pour savoir qu'est ce qu'il m'entoure, qu'est ce qui m'attrape. Ses doigts me tiennent avec une certaine fermeté, me demandant sûrement silencieusement de rester comme ça. Faible et l'esprit un peu embrouillé de ces sentiments plus si inconnus que ça, je me pose devant lui, mon corps s'avançant un peu plus vers le sien. Ma tête se penche légèrement sur le côté, mes doigts ne pouvant résister au fait d'être aussi proches de son visage. Alors, ils finissent par dessiner tous ces détails qui me font face. L'os de sa mâchoire, mon index qui le trace jusqu'à arriver au dernier point qui est son menton. De là et le plus doucement possible, je le relève. T'es magnifique. Un léger soupir pas vraiment contrôlé passe la barrière de ses lèvres, ses lèvres qui manquent un petit peu aux miennes. Ça fait un temps qu'elles n'ont pas pu se faufiler contre ses jumelles, contre celles qu'elles aiment. Un désir particulièrement fort me prend tout d'un coup, je sens quelques frissons me provoquer une longue démangeaison agréable le long de mon dos. Je ne calcule plus vraiment le lieu où nous nous trouvons et puis à vrai dire, je m'en fiche pas mal. Vraiment, il y a peu de chance que quelqu'un nous remarque. Fuck it. Et puis merde, même si une personne surgirait de nulle part, qu'il aille voir ailleurs si j'y suis... J'avoue vouloir préférer une place un peu plus intime en ce moment précis mais le fait d'être autant proche, aussi proche de Yanis ne me donne pas pour autant envie de l'éjecter à quelques mètres plus loin, juste parce qu'on est dehors. Non, je veux profiter de ce moment.

Mon pouce s'échoue contre ses lèvres légèrement humides, ses lèvres qui me donnent tant d'idées parfois. On sait tous les deux ce que l'un et l'autre désire. Je lui souris, un peu, d'un sourire que je n'arrive même pas à contrôler quand j'le matte. Il me suit et lorsque nos nez se touchent, quand ils se rencontrent encore une fois, nos bouches ne peuvent ne pas se lier. Je soupire contre elle. Puis à ce contact, ma main descend dans son cou et le visage de Yanis se penche un peu plus vers l'arrière lorsque mes lèvres dérapent contre son menton J'aime. Mince, comment j'aime. C'est comme si ces étreintes ont éveillées quelque chose en nous, quelque chose de plus fort. Il n'y a pas de mot pour décrire cette rafale que j'suis en train me prendre. Tout ce que je décrivais avant, tout, c'est encore bien pire, bien plus fort, bien plus bon, bien plus tout... Ce sentiment de vouloir, de posséder un peu plus et avec moi cet être que je suis actuellement en train d'embrasser est puissant. Je ne sais pas quel mot est plus puissant que puissant lui même. Je crois qu'on ne pourra jamais créer ce mot, il serait bien trop complexe à expliquer. Et les mots ne remplaceront jamais les gestes, ces étreintes, ils ne remplaceront jamais les actes, ces caresses, ces démonstrations entre nous, ces démonstrations qu'on se fait d'une manière qu'aucun de nous deux pourrait décrire correctement.

L'idée de sortir avec Yanis ne m'a jamais vraiment quitté, en fait. Elle immerge silencieusement dans mon esprit depuis qu'on fait tous ces trucs en cachette. Dans une ruelle cachée des regards curieux, assit en pleine nuit dans un skatepark ou bien-même, entre les murs de ma chambre. L'idée de sortir avec Yanis me plaît, tout autant que lui, il me plaît. C'est indéniable, je ne peux pas penser le contraire. L'idée de sortir avec Yanis peut paraître soudaine et un peu irréfléchie mais vraiment, ça m'dérange pas. J'ai conscience de ce que je fais, que c'est sérieux et je veux pas faire n'importe quoi. Lui non plus. J'ai conscience que c'est un peu brouillon parfois, on s'est putain de bien piégés tous les deux. Ça fait mal un peu, de ressentir aussi fortement mais c'est surprenant d'aimer ça quand même. En pleine milieu d'une rue, nuit tombée, on s'embrasse. Je pourrais même dire qu'on s'embrase mais Yanis sait comment faire le faire, tout doucement, à petit feu. Je l'attrape, lui qui est penché un peu sur mes fringues. Franchement, j'arrive même plus à calculer précisément où nous sommes. Peut-être devant des voisins, peut-être qu'on offre un spectacle un peu plus intéressant que ce que les acteurs offrent comme scène surjouée sur leurs écrans.

Notre lieu fétiche à nous deux c'est bien ici. Mon dos se cogne contre un grillage bétonné qui est assez haut pour cacher ma taille et en l'occurrence, celle de Yanis. C'est froid mais ce qui se trouve en face de moi réussit à me faire oublier ce léger détail. J'aime bien quand il est aussi prêt de moi, son visage, son corps, ça rend vraiment dingue. Je le veux vraiment, de toute les manières possibles et... certaines un peu plus que d'autres. Mes mains s'accrochent à sa taille et rapidement, elles arrivent à attraper quelques parcelles nues de sa peau. Elle me réchauffe mieux que des gants en plein hiver, ses vêtements qui portent son odeur qui me rendent un peu fou, un peu, beaucoup si je veux faire dans la vérité. Ses soupirs s'échouent et se mélangent à nos baisers qui ne connaissent pas le mot « arrêt » ...

— T'es vraiment quelque chose, toi.

Je ne peux m'empêcher d'embrasser ce sourire qui déforme agréablement ses lèvres. Comment j'ai pu résister à ça, genre, je sais vraiment pas comment j'ai pu tenir la journée. Je ne veux pas le lâcher même si on sait très bien tous les deux quelle serait la meilleure solution. Mes doigts tracent légèrement ses côtes, ces derniers remontant sur le haut de son corps sans que je puisse gérer quoi que ce soit. Il apprécie mon toucher et moi j'arrive pas à le stopper, ce toucher.

— Hum... On devrait arrêter... j'arrive à lâcher une nouvelle fois, avec un peu plus de difficulté.

Le sentir dans mon cou rend les choses un peu plus compliquées à gérer, je vais pas mentir. Sérieusement... Je le resserre un peu plus contre moi, comme si c'était possible alors qu'on est déjà tout... vraiment, collé. J'peux sentir les formes de son corps, son torse emprisonné contre le mien. Ça me fait chier de ne pas être à l'aise. Car je veux ressentir beaucoup plus, c'est presque une torture de s'abstenir ici. Ses baisers humides contre ma peau ne cessent leur balade curieuse, marquant d'un chemin invisible leur tracé jusqu'à arriver jusqu'à mon oreille. Je sens Yanis se tendre pour monter pour atteindre cette dernière, le garçon se mettant un peu sur la pointe des pieds. Automatiquement et sans penser, mes doigts viennent l'agripper juste en dessous de ses fesses. A cet instant, il lâche un bruit que je me surprends d'aimer mais dans un sens que je ne peux dire.

— C'est bon... C'est bon, stop.
— ... T'aimes pas ?

Si je n'aimais pas ça, j'crois que je l'aurai déjà repoussé et ce depuis bien longtemps. Puis j'serais depuis un bon moment dans mon lit en train de réfléchir au sens de ma vie. Je ne serais pas appuyé contre un grillage en béton qui m'fait mal au dos, je ne serais pas en train de faire et de le laisser faire tout ces trucs. J'aurais pas mes mains quasiment sur ses fesses. J'essaye de me calmer mais Yanis ne m'aide vraiment pas. Ses yeux se lèvent vers les miens avant qu'ils les ferment pour venir déposer ses lèvres gonflées en dessous de mon menton, me faisant un peu déglutir.

— C'est pas ça... J'adore mais, j'peux pas comme ça, ici. Tu comprends ce que je veux dire... ?
— Romain...

C'est pas possible, il me fait trop de choses quand il part sur ce ton là. Ses doigts qui s'accrochent à ma veste là, je sais d'avance que je vais pas pouvoir faire autrement que...

— T'es vraiment sûr que je ne peux pas... Tu sais. Venir chez toi... ?

Ma tête se secoue doucement suite à ses paroles, ma main venant s'échouer le long de son visage que je remonte pour qu'il puisse me regarder, pour que je puisse mieux le regarder. Il le fait exprès, j'aurai du m'en douter. Il le fait exprès ouais, vraiment exprès. Puis moi à côté, je suis là et encore sous l'emprise de ce que Yanis réussit à me faire en quelques baisers, en quelques œillades, en quelques gestes et en quelques mots.

— Ah ouais... Tu veux venir chez moi ? je lui redemande, essayant de ne pas me ruer sur ses lèvres. Donc c'était un plan, tu peux l'avouer...
— Non... Mais c'est de ta faute aussi, soupire-t-il. Tu ne me rends pas la tâche facile.
— Pourquoi ?
— Quoi, pourquoi...
— Réponds-moi. Et... tu viens chez moi.

Une énième soupir s'échappe de sa bouche. De toute façon, je suis presque sûr que le dernier bus est en train de passer ou est déjà passé alors, je ne vois pas d'autres choix. À part appeler un taxi mais j'avoue que j'aime pas trop ça et je crois qu'il n'a pas voulu envisager cette possibilité.

— Mais... Tu sais très bien pourquoi... répond-t-il légèrement plus fort, nos voix n'étant presque que des chuchotements.
— Peut-être, sauf que j'ai envie que tu le dises. Je veux t'entendre me le dire.
— J'peux pas, tu me gênes.
— Ah ouais. Alors fais moi voir comment.

Cette conversation m'amuse un peu vu ses réactions qui le prennent de court. Et sans que je ne bouge, je reste immobile en lui montrant que je suis disponible pour lui et qu'il peut oser revenir un peu plus près, comme tout à l'heure. Ouais. J'attends, moi.

— Aller approches, tu vois bien que j'me gèle sans toi.

Mon murmure se glisse contre le creux de son oreille et ça le fait frissonner, j'suis sûr. J'ai envie qu'il me montre comment ça lui plaît, tout ça. Qu'il m'embrasse avant que je l'embarque, loin de ce froid qui nous entoure, vite que je l'embarque et que je puisse profiter de lui dans mon lit qui n'attend plus que nos deux corps. Je le fais avancer, à l'aide de mes mains qui se posent sur son dos. Il sait très bien ce que j'ai envie et heureusement, il finit par le faire. Ses lèvres se posent à nouveau contre les miennes, je crois que je pourrais mourir pour ça. C'est exagéré, j'le sais mais c'est pas possible autrement. Gourmand, ma langue entreprend un court voyage pour rencontrer son âme-sœur mais le garçon en a décidé autrement. Il coupe court cette étreinte qui recommençait à me réchauffer tout calmement, son index finissant par se poser contre ma bouche. Mes yeux s'ouvrent sur les siens et j'exerce une légère pression contre son doigt plus petit que le mien, déposant un léger baiser contre ce dernier.

— C'est ok pour tes parents, toi ? Faut que tu les préviennes, hein... je chuchote avant de me reculer à contre coeur de Yanis.
— Oui... Tu sais, maintenant j'ai un peu honte de devoir m'incruster mais...

J'essaye d'accélérer le pas après avoir récupéré mon sac que j'avais laissé tomber au sol. J'attends qu'il finisse sa phrase mais les derniers mots mettent du temps à venir... Mon visage se tourne rapidement vers lui, le bronzé remontant la lanière de son Eastpak à chaque fois qu'elle veut glisser hors de son épaule.

— Mais je sais, tu peux pas me résister. T'en fais pas... Tu m'fais la même chose.

Je ne manque pas de le voir rougir, je sais d'avance que j'ai tout gagné en le laissant venir chez moi. Je ne réalise pas sur le coup qu'il va devoir passer toute la nuit ici, pour la première fois. Et tout le monde sait que les premières fois, ça fait toujours quelque chose... J'ai un peu hâte même si... Une fois arrivé à la maison et devant ma mère qui nous regarde, suspecte, essayant sûrement de savoir si on est bourré, ou défoncé me fout un coup de stress, genre.

— Romain... C'est à cette heure-ci que tu rentres donc avec, ton ami... Et sans me prévenir ? Rapproches-toi, m'ordonne-t-elle et je n'ai pas d'autre choix que de l'écouter.

Ma daronne n'aime pas que je rentre tard et ces temps-ci, c'est tout le contraire que je fais. Mais c'est vraiment ma faute si un mec ici présent me préoccupe trop ?

— Maman... J'te le dis, on a pas bu ! Juste, on a eu des trucs à faire après les cours et Yanis a raté son bus alors j'me suis dit qu'il pouvait rester ici, cette nuit... Donc, voilà... Il peut rester, non ?
— Hm... Eh bien, bien évidemment que je ne vais pas le refuser s'il est chez nous ! Quand même !Mais Romain, la prochaine fois, tu vas devoir me prévenir. Tu sais très bien que je n'aime pas ce genre d'imprévus à la dernière minute... soupire-t-elle avant de lancer un grand sourire à Yanis qui est plus que gêné.
— Merci, Madame... Je suis désolé, on avait vraiment pas prévu ça.
— Oh... Bah... Ça peut arriver, c'est pas grave ! Par contre... Yanis, as-tu prévenu tes parents ? demande Rose, se décalant pour nous laisser enlever nos chaussures ainsi que nos vestes.
— Ouais il va les prévenir, je réponds à sa place.
— D'accord, d'accord... Ok, super ! Bon, venez manger après. J'ai vraiment eu raison de faire plus, tiens !

Après s'être débarrassé de nos affaires, on s'installe directement à table là où s'ajoute une assiette en face de la mienne, déposée par ma mère. On s'assoit rapidement et Yanis ne sait pas où ranger ses mains, les déposant sur la table puis sur ses cuisses avant de finir par croiser ses doigts ensemble, ses coudes se posant sur la surface du meuble. Je le fixe rapidement, frottant rapidement mes lèvres tandis que mes yeux se baissent sur l'écran de mon portable une fois sur deux. Il me fume tellement il est mignon.

— Et, voilà ! Yanis, j'espère que tu aimes le poisson. Sinon, je dois bien avoir autre chose dans le frigo...
— Ça ira, je mange vraiment de tout. Merci...
— Super... Bon, bon appétit alors. Et Romain, tu veux bien arrêter le portable à ta table ? Tu sais que même du haut de tes 17 ans j'peux te le confisquer, oui ?

Ah, sérieusement. Je roule rapidement des yeux avant de cacher mon iPhone dans la poche de mon jean. Je ne manque pas le sourire du bouclé, ce dernier commençant déjà à tourner sa fourchette dans le riz que ma daronne a préparé.

— D'ailleurs maman, il est où papa ? je lance après avoir rempli le verre d'eau de Yanis.
— Ton père est dans la chambre, mon chéri. Je ne sais pas, il travaille...

Comme d'habitude, il est toujours sur un ordinateur à lire ou à tapoter des articles et des trucs du genre. Il n'arrête jamais.

— D'ailleurs, il s'est acheté un nouveau ordinateur ! Donc, tu peux reprendre le tien. Il l'a mit dans ta chambre, continue Rose tout en revenant vers nous, souriant au bronzé qui lui rend son geste en retour.
— Ah ouais ? Cool. On va pouvoir regarder un truc sur Netflix, je lance en direction de mon « ami ».

Je crois que j'suis en train de le reluquer un peu trop intensément, en même temps, après ce qu'il s'est passé dehors... Je me demande comment j'peux manger genre, là maintenant. Ma daronne ne manque pas une miette de la scène, ses yeux jonglant de Yanis puis à moi.

— Sinon... Votre journée s'est bien passé, les garçons ? Romain, tu as eu des notes ?
— Euh... Ouais, non. Pas vraiment.

Mes yeux se bloquent sur ces lèvres qui se trouvent à deux faibles mètres. J'écoute d'une oreille ce que ma daronne raconte, cette dernière étant toujours en train de nous regarder. Je sais très bien que je devrais arrêter de le reluquer de cette manière, il sait qu'est ce que je suis en train de faire. Et ça le gêne, c'est vraiment chou.

— Comment ça, pas vraiment ?
— Non mais maman, c'est bon. J'ai pas eu de notes, non.

Suite à ma remarque, l'unique femme présente finit par tourner les talons et repartir vers le salon là où est allumé une grande télé. De la table, on peut voir ce qu'il se passe à l'écran sauf moi qui est de dos. Le repas se termine et Yanis remercie encore ma mère et s'excuse comme si c'était sa faute pour le « dérangement ». Rose dit que ce n'est rien et nous ordonne seulement d'être silencieux.

— Oh d'ailleurs, où vas-tu dormir Yanis ? Mon chéri, tu mettras le matelas pour ton ami d'accord ? Je vais vous passer des draps, attendez là.

Je tire mon ancien matelas qui se trouve dans un grand tiroir en dessous de mon lit. Il est encore bon, il fait l'affaire. Yanis m'aide à le placer même si ça ne demande pas un effort particulier. Je trouve ça adorable le fait qu'il essaye quand même de m'aider alors qu'il n'y a pas besoin. Je souris discrètement jusqu'à que ma mère fasse à nouveau présence dans ma chambre. Cette dernière pose un coussin, un drap et sort une couverture de mon armoire pour les placer sur le matelas où Yanis va dormir.

— Et voilà ! Bon, ne tardez pas les garçons. Yanis, tu peux aller te laver, Romain va te passer des habits, d'accord mon chéri ? Et s'il vous plaît, ne faîtes pas de bruit. Demain matin, je vous réveille à 7h00, hein. Aller, bonne nuit...
— Bye, m'man. Buenas noches.

Une fois la porte renfermée, mon visage ne peut s'empêcher de se tourner vers ma future cible. Je parle de cible car Yanis ne va pas s'attendre à la prise que j'ai envie de lui faire. Toujours debout, je viens ouvrir mes bras pour l'attraper et finit par pousser d'un coup sur mon lit, le faisant rebondir suite à ce geste quelque peu brusque. Le bronzé s'est retenu de pousser un cri, de surprise je pense. Le dos sur mon matelas et complètement allongé en dessous de moi, il pourrait être à ma parfaite merci.

— Putain, Romain... Ça va pas ou quoi ? T'es un grand malade.
— Quoi ? Je t'ai fait peur, pardon... je souris, mon nez venant frôler le sien.

Je prends appui sur un coude pour surplomber son visage avec le mien. De mon autre main, je m'occupe de toucher son visage et tous ses détails. Mes yeux se promènent sur sa peau dénuée d'imperfections et tachetée de grains de beauté.

— Ouais... D'ailleurs j'veux bien aller dans mon lit, si tu veux bien...
— Wesh, c'est une blague ? T'as vraiment cru que j'allais t'laisser dormir en bas, en fait.
— Parles moins fort, chuchote-t-il. Imagine ta mère a oublié de nous dire un truc et elle rentre comme ça.
— J'avoue... Tu préfères que j'ferme ma porte ? Je comprends, puis vas-y ça sera mieux pour... Tu sais quoi, hein.
— Arrête...

Je me retiens de pouffer, admirant ses joues qui se colorent faiblement et ses yeux qui fuient les miens.

— Tu verrais ta tête... Mais c'est bon ouais, j'vais aller la fermer cette porte. Détends-toi.

J'sais pas comment je vais faire. Vraiment. Je me lève avec flemme de ce lit, m'éloignant de lui pendant quelques secondes pour aller fermer la serrure. En vérité, je le fais mais je ne sais pas à quoi m'attendre ce soir. Le fait d'avoir Yanis pour moi, dans ma chambre et pour toute la nuit donnent des idées un peu farfelues à mon esprit. J'peux pas nier cette envie qui commence doucement à me ronger, c'est trop fort. Ça me reprend... Je me demande comment il se sent, lui. J'ai besoin de savoir.

— Ça va ? je demande tout en venant ouvrir les portes de mon armoire.

Je pioche quelques vêtements légers pour mon invité tandis qu'il reste assit en tailleur, sur mon lit. Je sens son regard me brûler le dos mais je ne dis rien.

— Ça va, ouais... Mais dis, tu peux m'dire où est la salle de bain... ?
— Tu veux aller te laver maintenant ?
— Euh, ouais. Je préfère...

Je décide de m'approcher de lui, laissant les portes de mon armoire encore ouvertes. Le short de sport et le t-shirt que je vais lui emprunter s'échouent sur les draps de mon lit. Sans qu'il ne puisse bouger ou au minimum faire un geste, je prends place à ses côtés. Mes doigts viennent se déposer contre sa jambe, remontant avec des caresses le long de sa cuisse sans même réfléchir.

— J'te montre mais tu fais vite.
— D'accord. Et oui, je fais vite...

Nous nous échangeons un sourire et au moment où Yanis se lève, j'lui attrape le bras pour qu'il vienne se mettre en face de moi. Son visage affiche une mine surprise, il ne s'attendait pas que à ce je le stoppe. Mes mains prennent place sur ses hanches, le haut de son ventre étant en face de mon visage, visage que je suis obligé de pencher pour pouvoir le regarder.

— T'as conscience de ce que tu m'fais, tu le sais hein ?

Cette phrase s'est échappée toute seule de ma bouche. Cependant, je sais que j'avais envie de lui dire. Depuis tout à l'heure, inconsciemment peut-être, il ne cesse de m'attirer, ce ressenti et cette envie en moi ne semble pas vouloir me quitter, elle ne semble pas vouloir me quitter de si tôt en tout cas. À mes mots, je vois le garçon se frotter discrètement les lèvres. Mes doigts se resserrent autour de lui et j'me retiens pour ne pas glisser ma tête sous son pull et embrasser la peau de son torse, de son ventre.

— Un peu, j'pense... Hm...

J'attends qu'il finisse ce qu'il a à me dire avant que je puisse le laisse s'échapper quelques minutes, longues peut-être, sous l'eau.

— Tu vas me montrer ? Genre, je sais pas... Tu sais, je veux pas rendre ça bizarre ou quoi alors...
— Mais non, tu rends pas ça bizarre... J'veux juste qu'on soit dans ce mood tous les deux, tu comprends ?
— Désolé... C'est juste que je n'ai pas envie de faire n'importe quoi... C'est nouveau pour moi, tout ça puis t'es là et tu me rends chelou, j'sais pas vraiment pourquoi...
— Tu m'rends chelou aussi, alors. J't'assure, j'me sens comme toi. Vraiment, j'ai jamais pensé faire un jour tout ça avec toi mais... J'te jure ça s'fait tout seul, genre quand j't'embrasse...

Je soupire doucement et mes oreilles accueillent celui de Yanis, un doux et léger soupir. Intérieurement, dire ça en face de lui, fait fondre tous les organes à l'intérieur de mon corps. Littéralement. Mais l'entendre me dire ça me fait plaisir. Je crois que ça nous permet de nous sentir mieux, de mettre des mots sur tout ça. Moi non plus, j'ai pas envie de faire n'importe quoi avec toi. C'est suite à ces quelques secondes de silence que je me décide à lui montrer cette salle de bain. Je le laisse s'engouffrer et s'enfermer dedans après lui avoir passé une serviette propre et donné une brosse à dent. Lorsque je retourne dans ma chambre, je m'appuie contre la porte de cette dernière, mes mains venant se poser sur mon visage. J'essaye de me calmer un peu, j'sais pas pourquoi j'me sens ainsi. Je devrais pas. Je me concentre sur ma respiration. Putain, je sens que ça va être la nuit la plus longue de ma vie. Yanis... T'es quel genre de mec, toi. J'arrive pas à y croire que j'suis autant pressé qu'il revienne. Qu'il revienne et que je l'attrape comme tout à l'heure, j'ai envie de l'entendre sous mon corps qui ne quémande que Yanis, le corps de Yanis et le contact de Yanis Flores.

Ça me rend déjà fou.

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