Il fait presque nuit lorsque j'arrive enfin chez moi. Rapidement, j'ouvre la porte d'entrée et la referme après avoir laissé rentrer notre chat Bulle qui se tenait derrière moi. Cette dernière prend bien son temps pour passer entre mes jambes et de s'y frotter, sa démarche étant plus que lente. J'vous jure, les chats... Pourquoi ils sont toujours comme ça ?

— Bon wesh, j'ai pas ton temps...

L'animal doté d'un pelage gris continue de se frotter contre mes mollets tandis que je m'abaisse finalement, tirant sur les lacets de mes Converses noires pour les défaire. Je soupire doucement parce que j'vais pas mentir, elle est beaucoup trop mignonne. C'est mon chat, ça. Mon index vient doucement gratter le long de son cou puis elle lève sa p'tite tête bien plus qu'adorable, elle aime ça. Non mais tu m'étonnes.

— Romain... C'est toi ?

C'est la voix de ma mère qui me fait me relever et c'est là que j'abandonne à contre-cœur Bulle, qui est partie désormais faire ses trucs. Elle a eu ses caresses maintenant, elle se casse. Tss.

Je m'avance vers elle, ma mère s'appelle Rose. Rose est assise sur la chaise Ikea de son bureau, ce dernier ayant prit place dans le coin de notre salon. Je m'approche de ma génitrice, mon sac encore sur le dos. Mes doigts viennent passer sur ses épaules recouvertes d'un pull en laine et je jette un coup d'oeil rapide à ce qu'elle est en train de faire. Elle lit des mails professionnels et j'avoue que ça ne m'intéresse pas vraiment, c'est son habitude du soir. À croire qu'elle ne peut se désintéresser de son travail même une fois à la maison.

— Tu as passé une bonne journée chéri ? finit-elle par me demander, le haut de son corps se retournant sur sa chaise pour me faire face.

Je la regarde en haussant les sourcils suite à le surnom qu'elle me donne... Ah, sérieux. Je lui ai dit un milliard de fois d'arrêter avec ça mais elle n'en fait qu'à sa tête. Mais bon, j'aime bien quand même, dans l'fond. Alors je lui réponds tout en me dirigeant vers notre cuisine ouverte, mon sac s'échouant contre les pieds d'un des fauteuils.

— Ouais... J'ai eu dix-sept sur vingt en maths.
— Oh, mais c'est super ça ! lâche-t-elle joyeusement tout en restant à sa place tandis que j'ouvre la porte du frigo. Ah oui, on va manger bientôt. Je fini juste de répondre à quelques clients puis je m'y mets et... Oui. Ton père arrive un peu plus tard, il m'a téléphoné. Un petit imprévu au boulot, tu sais comment ça se passe...

Je hoche légèrement de la tête avant de refermer la porte blanche, je peux bien attendre encore quelques minutes de toute façon. Je ne mets pas plus de temps pour monter dans ma chambre, reprenant bien évidemment la lanière de mon Eastpak entre les doigts.

Une fois dedans, je me déshabille de ma veste et jette mon sac au sol. Enfin, bordel. Je me laisse ensuite tomber contre le matelas de mon lit et je rebondis légèrement, ma main venant ouvrir mon PC qui n'attendait plus que moi. Tandis que l'écran s'allume, je sors mon téléphone de ma poche et m'empresse d'aller ouvrir les messages de Vanessa.

Cette fois-ci, je vois qu'elle m'en a envoyé plusieurs. C'est adorable.

Vanessa ❤️ 14:43
Je pense à toi, j'en ai marre de bossseeeeer
Vanessa ❤️ 16:10
Tu fais quoi ? 🥺
Vanessa ❤️ 18:27
Je rentre chez moi, tu seras disponible ce soir pour qu'on s'appelle ? Je t'aime !

moi, 18:56
Cc mon coeur
moi, 18:56
Désolé j'etais en sport
moi, 18:56
Oui on s'appelle tt à l'heure stv ❤️

Je fini par taper le mot de passe de mon ordinateur pour le déverrouiller, laissant l'écran de mon téléphone allumé sur notre conversation.

À vrai dire, j'sais pas trop si j'ai envie de lui parler ce soir, généralement je kiffe rester sur Netflix avant de m'endormir mais là j'pense que je vais devoir faire un effort. Je repense à notre conversation de tout à l'heure et je vois bien qu'il y a un problème entre nous. Moi même je le ressens. C'est bizarre, impossible à décrire. C'est comme si on ne réussissait plus à s'épanouir correctement.

J'suis pas le genre de mec qui se prend la tête pour des trucs de couple, je sais que je suis bien avec elle et si je reste, c'est que je suis encore amoureux. Mais visiblement, ce n'est pas partagé. Enfin, comment expliquer... Je sais pas trop. Vanessa me trouve distant ces temps-ci et je ne trouve rien à dire, ou quoi en penser. C'est la vérité peut-être, car je la crois quand elle m'avoue se sentir un peu seule. Pourtant j'essaye de faire des efforts mais... J'imagine déjà une fin.

Pour être franc, j'ai commencé à parler avec un mec depuis quelques temps.

Je l'ai rencontré sur un jeu à base Role Play, car ça m'amuse ce genre de truc. En gros, tu joues un personnage fictif puis on a commencé à parler sur Discord puisque le site même du jeu regroupait tous ses joueurs dans un seul et même serveur.

C'est alors là qu'il est venu me parler, il y a un ou deux mois. Un peu avant notre rentrée. Puis on continué et on a beaucoup échangé, alors que de base on devait que faire du RP. Nous avons pas vraiment respecté les règles mais qui pouvait nous le reprocher. J'crois bien que pendant un certain temps, mon attention c'est principalement porté sur lui.

Il m'intriguait beaucoup. Et j'aimais sa façon de parler et décrire les choses. Sa façon d'être, de voir les choses simples ou compliquées de la vie.

J'ai pu lui dire énormément de choses sur tout, sur moi. Sur ma vie, en restant vague. J'ai même fini par installer l'application de messagerie sur mon téléphone pour lui parler également la journée, pendant les pauses entre les cours. J'étais et je suis toujours accro à nos messages.

Je n'ai toujours pas capté comment j'ai pu m'accrocher aussi vite, surtout virtuellement. Parce que faut se le dire, à la base, c'est pas vraiment mon truc. Genre... Je préfère le vrai contact, j'sais pas, c'est tellement plus naturel que derrière un écran comme ça. Mais bon, les choses se sont faites ainsi. Naturellement.

Ce gars, je le trouve plutôt attachant, hein. J'vais pas mytho. Il est un peu timide mais dès qu'il se lâche, il me fait trop rire... Seigneur. Par contre, on n'a jamais parlé en vocal et on ne s'est jamais envoyé des photos ou quoi. Voilà, c'était juste des histoires par écrit qu'on s'inventait au début et je crois que ça nous convenait très bien à tous les deux. Puis aussi, on a passé une bonne partie de notre temps à nous raconter des anecdotes sur notre vie mais sans trop donner d'informations sur nous style... Notre âge, notre ville la plus proche où l'on habite, etc.

Et qu'elle fut ma surprise lorsque il a répondu la même que la mienne.

Et Finalement... Il y a quelques jours, je lui ai passé mon numéro de portable. J'sais pas, comme ça. Je voulais. Au début, il m'avait demandé pourquoi puisque on pouvait très bien continuer à se parler sur Discord mais... C'est comme si j'voulais faire un autre pas vers lui, avoir un autre truc de lui.

Celui en attente d'un prénom, 12:38
Salut. Tu m'avais dit que tu me dirais des mots doux à mon réveil, mais pas de message depuis ce matin. J'ai réfléchi à ce que tu m'as dit et je sais pas pourquoi, c'était un peu débile ma réaction. Promis, j'te dirai bientôt mon prénom si c'est ça qui te frustre. Passe une bonne journée, Romain..

Ah oui... Je me rappelle de lui avoir communiqué mon prénom la veille. J'ai, en quelque sorte, un peu forcé pour avoir le sien mais il est resté muet comme j'sais pas quoi. Pourquoi ? Aller savoir. Puis ne voulant pas le mettre mal à l'aise et surtout pour éviter qu'il ne se renferme sur lui-même, j'ai dévié vers un autre sujet.

Allongé sur le ventre, la paume de ma main coincé contre ma joue, je me surprends de relire son message plus d'une fois. Vraiment... Comme si je cherchais quelque chose à lui répondre. Je soupire légèrement avant de taper contre les lettres de mon clavier, ramenant mes deux pouces contre l'écran.

Romain, 19:02
Salut toi.. Est-ce que je te manquais?

Bon. Je savais pas quoi dire, ok ? J'ai envie de jeter mon téléphone après l'envoi de ce message. Je l'ai senti un peu déçu dans ce qu'il m'avait écrit. Ou c'est p't'être qu'une impression.

Je pense qu'il voulait recevoir un truc mignon, parce que c'était une sorte de « pacte » que l'on a « signé » lorsqu'on a commencé à parler sur Discord. La bonne époque. Son pseudo était sous le nom de « y1990 », ne me demandez pas ce qu'il veut signifier, j'en sais strictement rien.

Peut-être un code mais j'ai jamais rapproché quoi que ce soit avec.

y1990 le 19/09/2019
Je te facilite la tâche et je t'ajoute dans mes amis comme ça tu pourras m'envoyer des messages tout niais à mon réveil.
moi le 19/09/2019
Mdrrrr 😭
moi le 19/09/2019
T'as besoin d'affection ?
y1990 le 19/09/2019
Un peu 😒 Faut croire
y1990 le 19/09/2019
Tu fais du RP ici ?
moi le 19/09/2019
Tu penses je pourrai t'en offrir alors ?
moi le 19/09/2019
Ouais et toi ?
y1990 le 19/09/2019
Mmh... Peut-être.
y1990 le 19/09/2019
Oui. ☺️ Ton perso m'intéresse alors j'me suis demandé... Si tu voulais. Avec moi. Ça peut être sur ce que tu veux, je RP tout et n'importe quoi, j'ai construire des histoires variées. Du coup à toi de me dire ?

Je me demande ce qu'il fabrique tout de même.

Je sais que d'habitude il répond plutôt rapidement à mes messages et rien que pour recevoir les siens, j'ai accepté les notifications de l'application.

Je soupire en passant mes doigts sur mon front. Ça y est, je m'énerve. J'allume la page de mon jeu et hésite presque à me connecter. Au final, est-ce que ça me sert encore ? Je n'ai rencontré que y1990 ici et je ne pense pas que j'accrocherai avec d'autres personnes.

Non, j'pense pas.

La soirée se passe vite et rapidement je descends manger. J'en profite pour raconter ma vie à mes parents même s'ils préfèrent écouter la télévision depuis la table. C'est triste donc, j'abandonne. De nouveau dans ma chambre, j'appelle Vanessa et on reste en ligne jusqu'à que le sommeil décide de nous séparer. Je lui souhaite bonne nuit et m'endort.

Le lendemain, j'arrive au lycée en baillant. Par contre, vraiment encore motivation ce matin. Rapidement, je rejoins Léo qui a les yeux rivés sur son iPhone, sûrement en train de défiler les pages de ses réseaux sociaux.

— Yo, mec. Ça va ? je lance, une clope se retrouvant entre mes lèvres.

Le poing de mon pote se cogne contre le mien et il répond, en marmonnant presque. Lui non plus n'a pas envie d'être ici. Compréhensible.

— Ouais... Toi ?
— Tranquille. Kévin il arrive, ou pas ?

C'est le dernier qui manque à notre petite bande. Léo tourne finalement son visage vers moi et tire sur sa cigarette, son regard se promenant sur mon visage blasé.

— Ouais, mais tu sais bien comment il est. Il débarque toujours à la dernière minute.

Je souris doucement en regardant les gens passer devant nous, laissant divaguer mes yeux devant ses zombies qui n'ont nullement envie d'aller en cours. Dire que j'en fais parti.

Bon. J'attrape mon téléphone qui est dans ma poche avant que la voix de Léo ne s'élève pour saluer le petit groupe qui débarque vers nous. Ah... Je lance un léger sourire aux personnes en face de moi et fait un tcheck à Mathis ainsi qu'à Yanis qui me sourit exclusivement.

Ce matin, ils se sont décidés de nous dire bonjour. Peut-être parce qu'on a traîné hier ensemble ? Je n'en sais rien.

— Encore avec ton skate... je dis, faisant ainsi baisser le regard du bronzé vers ce dernier.
— Ouais... C'est parce que j'vais traîner avec les autres ce midi alors, voilà.

Il me répond simplement, laissant tomber son dos contre le muret derrière moi. Ses doigts jouent avec son briquet fluo, la semelle de sa basket faisant rouler son skate contre le béton.

Je m'attarde un peu sur le mouvement de son pied, mes yeux remontant sur sa tenue jusqu'à arriver sur son visage, une boucle de ses cheveux volant juste devant son front. Ça me stresse mais je dis rien. Mathis me montre quelque chose sur son portable ce qui compte court à ma contemplation. Il est drôle. Enfin, ce qu'il me montre plutôt. Ce dernier rigole en me montrant du doigt un truc sur l'écran et je souris légèrement, la fumée de ma clope s'échappant de ma bouche.

— N'importe quoi... Tu t'abonnes vraiment à des conneries, je souris un peu..
— J'm'en fiche mec, c'est trop marrant... Je t'envoie le nom de la page ? Parce qu'attends, j'crois pas que je t'ai sur Instagram.

I don't know. Je laisse planer un silence tandis que mon regard se balade sur Yanis qui se penche pour zieuter le téléphone de son ami. Mathis semble taper quelque chose que son téléphone, peut-être mon pseudo. J'suis pas très compliqué à trouver en plus.

— Mathis, on va en quoi là ? interrompt Yanis, son skate bloqué contre son bras.
— Putain... Histoire.

En voyant leur gueule, je ne peux m'empêcher de taper leur épaules, les secouant doucement.

— Mo-ti-va-tion, les gars. Nous on va en maths. J'sais pas c'est quoi qui est mieux.
— J'préfère les maths que l'histoire, ça m'intéresse pas vraiment de parler de personnes mortes depuis cent ans ! se plaint Mathis.
— Putain... L'autre il part sans moi, je soupire en voyant Léo partir vers le portail, un Kévin accroché à son épaule. Bon les gars, on se retrouve tout à l'heure, je lance avant de lâcher leurs épaules.
— Bye !

Je rejoins rapidement mes deux meilleurs amis, leur tapant l'arrière du crâne à tout les deux. Genre, ça dégage sans moi ? Bien évidement, ils ne peuvent s'empêcher de râler et moi ça me fait rire. Bien fait.

Une fois installé à ma table en cours, je check mon portable et surtout mon mur de notification. J'sais pas pourquoi mais j'ai une petite pensée pour lui donc j'ouvre notre discussion et son message était écrit comme par magie sous mes yeux. Ça me fait plaisir, de bon matin.

Celui en attende d'un prénom, 07:56
Est-ce que c'est bizarre si je te dis un peu ? 😔

Je relis mon dernier SMS puis sourit en tapant rapidement ma réponse, discrètement sous ma table.

Romain, 08:27
C'était long comme réponse mais ça en valait la peine jcrois 😏

Le professeur passe la porte de la salle de classe en nous demandant de sortir nos cahiers et instinctivement, je cache mon téléphone dans ma trousse, bien que c'était très bien en dessous aussi. Je sais pas trop s'il est en cours actuellement mais je suppose que oui vu que son message date de ce matin, tôt. Je me languis, espérant qu'il me donne un signe de vie maintenant. Là, tout de suite.

L'écran de mon téléphone s'allume alors pendant l'appel et je le sors légèrement de sa cachette pour lire. Lire ce que j'espérais.

Celui en attende d'un prénom, 08:29
Yanis. Je m'appelle Yanis