Embrasser un garçon.
Les écouteurs coincés dans les oreilles, un son de Columbine m'accompagne dans mon trajet tardif. Le bras replié contre la vitre du bus, mon regard se perd sur les immeubles et les bâtiments qui constitue notre ville. Le ciel d'une couleur rosée, j'crois que c'est à ce moment là de la journée que je le préfère.
Les nuages violets, le coucher du soleil jaune-orangé, ce mélange de teintes me donnent envie de fermer les yeux. Ce que je fais. Je m'autorise à rouvrir mes paupières à chaque fois que le car s'arrête, ce serait con si je rate mon arrêt.
Normalement c'est au prochain alors j'commence à m'étirer doucement, m'étant bien trop calé sur ce siège. Peu de personnes se trouvent dans le bus, n'étant peuplé que de quelques hommes et femmes qui souhaitent seulement rentrer chez eux. Je frotte doucement mes yeux, j'sens déjà la fatigue arriver. Romain, c'est pas le bon moment et tu le sais.
— Bonne soirée, je lâche en direction du vieux chauffeur.
Puis j'attends que le véhicule redémarre afin de passer de l'autre côté de la rue, mes jambes traversant tranquillement un grand passage piéton au feu rouge pour les voitures. Le fil de mes écouteurs volent à chacun de mes mouvements et mes doigts se resserrent autour de mon portable qui est coincé dans l'une des poches de ma veste.
Je me retiens de jurer face au froid hivernal qui commence à s'installer dans notre pays. Je déteste cette saison, je crois qu'on préfère tous l'été ou presque. Même si elle a ses inconvénients, je m'éclate et mon humeur est cent fois mieux quand il fait chaud.
Je relis son message, mes pas suivant le trajet que m'indique mon portable. Yanis habite près de cet arrêt de bus alors c'est plutôt cool, j'vais pas tarder à arriver. Je me rends pas compte de la situation jusqu'à que je sonne à sa porte. J'me retrouve chez lui comme ça, sur un coup de tête, d'ailleurs en y pensant...
Mes parents ont du trouver ça bizarre que je parte aussi soudainement de la maison. J'avoue que j'les préviens toujours de là où j'vais, puis actuellement ils doivent penser que je suis chez Kévin ou avec Léo.
J'attends, j'attends et j'attends.
Près d'une minute j'crois bien mais en même temps, je m'impatiente comme un débile là. En fait, j'suis à deux doigts d'appuyer de nouveau sur le petit bouton situé au milieu de la porte. J'arrive à entendre une voix féminine ainsi qu'un enfant s'exclamer à travers cette dernière et je présume que c'est la famille de Yanis. C'est drôle. C'est bizarre un peu mais tranquille.
J'espère quand même que je ne les dérange pas en pleine soirée. J'me sentirais bien con. Mon prénom s'échappe de l'unes des voix qui semble s'approcher de plus en plus de ma présence et là, tout est plus familier.
Yanis est planté devant moi et quand nos yeux se croisent, nous sourions comme deux cons en même temps. Je ne sais pas trop quoi dire alors je glisse une main dans mes cheveux, faisant tomber la capuche de mon gilet dans mon dos.
— Yanis !! Tu peux faire attention à ton frère deux minutes ? Il va encore renverser sa peinture partout !! s'écrie la voix féminine de tout à l'heure, présumant que c'est sa mère.
— Euh... Attends bah vas-y, rentre.
Le bronzé se décale pour me laisser passer, la porte s'ouvrant un peu plus suite à sa phrase.
Lorsque je rentre enfin dans sa maison, je ne peux m'empêcher de regarder les alentours, enlevant mes baskets automatiquement, par respect. Tout de suite, je suis plongé dans une ambiance familiale dont je suis le parfait intrus. J'comprends mieux pourquoi il ne voulait pas trop inviter les autres.
Je garde ma veste sur moi et les mains dans les poches, serrant doucement mon portable entre mes doigts. Face à moi se trouve le salon et directement, mes yeux se posent sur un gamin qui doit être à l'école primaire. Un sac à dos Spiderman est posé à côté de lui et le petit — qui ressemble vachement à Yanis — semble être concentré sur un dessin, un pinceau rempli de peinture jaune entre ses doigts. Ses légères boucles retombent sur son front et je parie qu'il ne voit presque rien, ses mèches cachant la moitié de ses yeux. Lorsque je m'approche de lui suivi de Yanis, il ne semble pas remarquer tout de suite ma présence. Contrairement à la mère de mon ami qui sort en trombe de la cuisine, dont émane une bonne odeur de nourriture.
Les traits de la femme sont légèrement tirés, elle semble être fatiguée. Ce que je vois tout de suite, c'est la ressemblance frappante avec son fils. Sa peau bronzée, ses cheveux bouclés, ses yeux caramel-dorés, elle a tout donné à ses enfants. Sa chevelure noir étant attachée en un chignon à moitié défait, elle ne s'attendait pas vraiment à de la visite vu la tenue. Ou alors, elle s'en fiche. Ouais. Avec un torchon qui semble avoir été utilisé plus d'une fois, elle s'essuie les mains avant de s'approcher de moi, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Je lui rends la pareille et elle commence à parler tout en regardant son fils puis moi.
— Désolé de t'accueillir ainsi... Comment s'appelle ton ami, Yanis ?
L'interpellé répond rapidement, croisant ses doigts dans le bas de son dos.
— C'est Romain, maman. J't'avais dit qu'il allait venir...
— ... Ah ! Mais Oui ! se rappelle-t-elle. Bonsoir Romain, tu peux m'appeler Myriam et..., la femme regarde autour d'elle avec un air exaspéré au visage. Désolé pour ce bazar mais c'est pas facile avec deux garçons à la maison ! Tu as mangé ?
Après un léger rire, la dame pose sa main sur mon avant bras, un regard interrogateur prenant place sur son faciès. Directement, j'me sens à l'aise avec Myriam. Elle a l'air grave sympathique et le fait qu'elle soit assez tactile ne me dérange pas vraiment. Je sens Yanis me regarder du coin de l'œil avant qu'il ne se retourne vers son frère.
— Oh, c'est gentil à vous mais ça ira... Vraiment, je rajoute tandis que la femme de la maison fronce doucement ses sourcils, m'incitant presque à accepter.
— ... Maman, c'est qui lui ?
Je suppose que celui qui vient de parler est le gosse qui est en train de peindre depuis tout à l'heure. Suite à sa phrase, nous nous retournons vers lui et Myriam soupire légèrement, faisant lever les yeux de son fils vers elle. Yanis rigole doucement puis il me regarde à son tour, ses doigts posés dans le dos de son petit frère.
Quelle situation quand même.
— Noa ! On ne dit pas « lui » quand on parle à quelqu'un qui est en face de soi ! Combien de fois dois-je te le rappeler ?
— Ça va, tranquille. Mm, moi c'est Romain et toi... Noa, c'est ça ? je réponds, faisant hocher la tête du gamin.
— Il est timide, s'incruste Yanis. Au début.
— ... Alors bonjour, Romain.
C'est fou ce qu'il lui ressemble, j'savais même pas qu'il avait un petit frère. J'ai l'impression d'en apprendre plus sur lui chaque jour. Mon regard vire du petit à Yanis, je n'arrive pas à m'arrêter de sourire suite à cette situation. Je ne m'attendais pas à ça en venant chez lui, qu'on soit clair.
La mère des deux garçons finit par couper court à la conversation avant de me demander une dernière fois si j'veux manger quelque chose.
— Tu devrais accepter, tu vas nous regarder manger après...
Je savais qu'il allait finir par m'inciter de me mettre à table avec eux. Je veux répondre mais Myriam commence à pousser Yanis pour qu'il mette les couverts en place. Ce dernier s'active en me laissant avec son frère qui ne cesse de me regarder. Il est trop mignon, c'est abusé. Je me demande pourquoi il me fixe ainsi. Les enfants, quoi.
— Tu es un ami de Yanis ? Je ne t'ai jamais vu, tu n'es pas Mathis.
Noa me regarde de ses yeux pétillants, ses mains dégageant les boucles qui retombent sur le devant son regard. Il a une voix légère et semble curieux à mon sujet. Je lui réponds en le regardant s'installer sur une des chaises qui entourent la table, là où l'on va manger.
— Ouais... En quelque sorte. On se connait depuis un moment lui et moi.
L'enfant lâche un faible « Oh » et vient pousser l'une des chaises, la pointant du doigt pour que je m'assois dessus. Il est trop marrant. Puis rapidement, il me lance sur un autre sujet. Le garçon commence à me parler de ses amis à l'école et je l'écoute attentivement, hochant doucement de la tête lorsque son regard passe sur mon visage. La présence de Yanis dans mon dos ne manque pas de me surprendre et je finis par lui proposer de l'aide avec les assiettes.
— T'inquiète. Les invités sont rois, c'est ce qu'on dit, ajoute-t-il avec un haussement de sourcil.
— C'est plutôt les clients sont rois mais si tu veux, ok. T'es sûr, hein ?
Le bronzé lève les yeux au plafond puis termine de poser les derniers couverts devant le visage de son petit frère qui est désormais intéressé par la bouffe qui fume devant lui, Myriam ayant posé en même temps les casseroles au milieu de la table. Puis là, c'est la porte d'entrée qui s'ouvre dans un bruit et je me retourne légèrement sur ma chaise pour jeter un coup d'œil à la personne.
— Papa ! s'écrie alors Noa qui tape une fois dans ses mains, tout content. On va pouvoir commencer à manger.
— Bonsoir tout le monde ! Ah ! Je vois qu'il y a de la visite.
Par respect, je me lève tandis que l'adulte de la famille s'avance principalement vers moi. Nous nous faisons une poignée de main, ni trop ferme, ni trop serrée, sincère et accueillante. Un sourire bienveillant orne son visage. Bienveillant, ouais. J'crois comme tous les gens qui sont dans cette pièce.
— Bonsoir je suis Romain, un ami de Yanis.
— Raphaël.
C'est dingue mais c'est la première fois que je rencontre des personnes qui ont cet air sympathique collé au visage, pour le coup, ça ne me fait pas trop bizarre de rencontrer les parents du bronzé.
Comment tu veux être mal à l'aise avec des gens comme ça, sérieux. Enfin, j'crois que le plus gênant ça va être lorsqu'on va tous manger et que je n'aurai sûrement rien à dire...
— Papa, je veux te montrer la peinture que je suis en train de faire pour l'école...
Le petit à mes côtés semble vouloir s'échapper de table mais Raphaël le retient en le choppant, rigolant légèrement suite à la remarque de son fils.
— Hep, hep, hep ! Tu restes à table toi, tu montreras le dessin à papa après. Yanis, tu vas bien mon fils ?
D'un hochement de tête, l'interpellé sourit à son père et ce dernier vient lui balayer les cheveux, le décoiffant encore plus. Je ne peux m'empêcher de le regarder et lorsque nos yeux se croisent, les joues de Yanis deviennent légèrement rouges.
Puis le repas commence. Enfin. Myriam ne peut s'empêcher de servir en premier Noa qui bave à côté de moi. Durant ce temps, Raphaël attrape la télécommande posée sur un coin de la table et allume la télé qui est à quelques mètres devant nous. Une chaîne d'actualité est diffusée à faible son et le daron soupire déjà rien qu'aux premières annonces.
Je ne m'attends pas à ce qu'il s'adresse à moi par la suite, me posant donc des questions banales sur moi. Je comprends, il veut s'intéresser aux personnes que son fils ramène à la maison. C'est logique.
— Papa, tu poses trop de questions... me sauve Yanis tout en se servant une bonne portion de riz oriental.
— J'essaie de mettre à l'aise notre invité, quand même. D'ailleurs Romain, tu es... Tu es collègue avec Yanis c'est cela ? Vous êtes dans la même classe, mm ?
Je remercie silencieusement Myriam de m'avoir servie, j'avoue que les merguez et la cuisse de poulet qui se trouve dans mon assiette ont l'air... pépites. J'ai peur que mon ventre commence à grogner maintenant. Mon regard vire vers le père du bouclé qui me fixe, attendant ma réponse.
— Non, on n'est pas dans la même classe. Mais j'étais avec Yanis au collège, du coup ça fait un moment.
— Oui, je vois, je vois... C'est intéressant parce que d'habitude notre fils n'amène pas vraiment des amis à la maison... À croire qu'il a peur qu'on leur fasse peur ! termine-t-il, rigolant légèrement à sa phrase ce qui fait soupirer mon ami.
— Papa... J'ai envie d'être tranquille à la maison, c'est tout. Puis c'est faux car tu connais bien Mathis hein. Il est déjà venu plusieurs fois ici.
— Oui ! rajoute Noa après avoir avalé sa fourchette de riz. Moi je connais Mathis, il est gentil, drôle et à chaque fois je lui dis des secrets sur Yanis... Parce que j'aime bien quand il rigole.
Tout les gens présent à table regardent le gosse avec un sourire niais, ce dernier ne peut donc s'empêcher de rigoler doucement en sentant autant de yeux sur lui. Des secrets sur Yanis ?
C'est intéressant.
— Noa, tiens mon grand. Essuie toi la bouche s'il te plaît.
Myriam lui tend un sopalin et son fils enlève la sauce qui entoure le coin ses lèvres.
— Tu m'dis des secrets sur Yanis ? j'interroge le petit, curieusement.
— Hey...
Visiblement, l'intéressé ne semble pas apprécier que son frère détient des secrets sur lui. Après, c'est lui qui a commencé alors je ne peux m'empêcher de faire mon curieux.
Je coupe doucement un morceau de viande et l'amène à ma bouche, me retenant de soupirer. C'est beaucoup trop bon et j'avais faim, en vrai. Puis au même moment, le chuchotement de Noa s'échoue dans le creux de mon oreille. Je n'avais même remarqué qu'il s'était redressé pour mieux s'approcher de moi.
— Je te le dirai en secret après qu'on mange, oui ?
Je pouffe doucement et hoche énergiquement la tête ce qui le rend encore plus fier.
— C'est d'accord, je réponds sous le même ton.
Il est si amusant ce môme. J'aurai kiffé avoir un petit frère mais mes parents ont décidé que je reste leur fils unique. Au moins, j'ai tout ce que je veux et j'essaye de voir le bon côté des choses.
Le repas continue tranquillement sous les quelques questionnements de Raphaël qui essaye d'animer la table. Myriam est toujours là pour rigoler aux blagues de son mari et de rajouter quelques anecdotes aux dires de Yanis et de Noa qui, lui, ne peut s'empêcher de raconter ses histoires — de primaire — à son tour et à son échelle.
J'crois que c'est l'un des plus sympathiques repas de ma vie. Ça change de la maison, là où aucun de mes parents me parle. Ou alors, de choses banales et futiles. Ici, j'ai été inclus.
C'est avec un sourire aux lèvres que je me retrouve près de Noa après le repas. J'ai aidé la mère de Yanis à débarrasser la table, c'est la moindre des choses. J'entends les parents de la famille discuter dans la cuisine, Yanis étant avec eux. Je ne porte pas plus attention à leur conversation car ce n'est pas mes affaires.
Noa a les yeux rivés sur la TV, une chaîne pour enfants défilent à l'écran. C'est Tchoupi. Je me redresse légèrement sur le canapé, sortant mon portable de ma poche. Quand je vois mes notifications, je ne peux que penser que c'est encore Vanessa qui m'a spam.
C'est vrai. Ce soir elle part pour Barcelone alors, elle m'a envoyé plein de vocaux. Je les écoute rapidement, coinçant mon téléphone contre mon oreille, me décalant légèrement du petit pour pas le déranger. Ma copine est en train de me raconter sa vie, je fixe le plafond attendant qu'elle finisse de parler pour lui répondre.
— J'espère que t'as pas oublié ton chargeur, j'veux un message tous les matins et tous les soirs. Bon vol, hein. Tu me dis quand tu atterris. Merci. Bisous... Je t'aime.
J'ai chuchoté le plus possible mes mots à la fin mais visiblement le petit n'a même pas capté que j'étais en train de parler solo.
— Tu parlais à qui ?
Wesh !
Mon téléphone se retrouve contre mon torse. Putain, il est sorti de nulle part et j'avoue qu'il m'a surprit.
— Ah... Je répondais à ma meuf, je lance tandis que Yanis prend place à mes côtés, se penchant légèrement vers moi pour pincer la joue de son frère qui est de l'autre côté.
Son corps me surplombe légèrement, d'une façon innocente. Mon cœur manque de frapper ma poitrine mais heureusement, il reprend une position normale.
Je me redresse légèrement suite à ça, Noa venant se plaindre et frapper — d'une force extraordinaire — le doigt de Yanis. J'sais pas pourquoi mais j'trouve cette scène grave mignonne. Le bras de son grand frère frôle mes vêtements lorsqu'il le ramène contre lui, ma tête se tournant de son côté.
— Désolé... On avait dit chill. J'espère que mes parents ne t'ont pas mit mal à l'aise.
Il rigole ?
Il rigole.
Le bronzé a de longs cils, ce n'est que maintenant que je le remarque. Je bug sur ses yeux et il semble gêné que je le fixe avec une telle intensité j'crois. Il fuit mon regard, haussant un de ses sourcils. Il doit me trouver chelou. Je cherche rapidement une réponse.
— Non, non. Tes parents sont grave cool. Mieux que les miens, si ça peut te rassurer.
— Ouais...
— Et ton frangin est plutôt marrant aussi. D'ailleurs j'suis en train d'attendre qu'il me dise un secret sur toi. J'crois qu'il m'a totalement oublié, je réponds tout en tournant mon visage vers Noa.
Il pourrait gober une mouche vu comment sa bouche est grande ouverte. C'est trop drôle. Yanis soupire légèrement et bouge ses épaules.
— Je remercie ce dessin animé pourri de captiver toute l'attention de mon petit frère...
— Oh, allez. Avoue que si c'était moi, t'aurais quand même eu envie de savoir. Non ?
Le bronzé tourne à nouveau son visage vers le mien et il se cale un peu plus confortablement contre le dossier du canapé, ses pouces jouant entre eux.
— Peut-être. Je sais pas. Je pense...
Et voilà. Personne ne résiste aux secrets, tout le monde ne dit jamais non pour en connaître un.
— Tu penses, ouais.
J'assume, je veux connaître ceux de Yanis. Je ne me pose même pas de question car je sais seulement que je veux apprendre. Ça m'intrigue. Je suis là, à ses côtés. J'ai l'impression de le connaître mieux suite à ce repas, d'avoir partagé des choses. De vraies choses. Mais en vérité, ce n'est quasiment rien. J'ai encore envie de creuser et d'en découvrir plus. Je me demande s'il pense pareil avec moi. S'il a envie de me connaître, genre, vraiment.
De connaître le vrai Romain Duval.
— Je sais pas... Je sais pas si tu préfères mais on peut monter en haut. Enfin. Si tu veux.
Oui pourquoi pas, s'il le propose. D'un hochement de tête, je me relève et je le suis. Suite à nos mouvements, Noa semble sortir de sa bulle et nous appelle, nous demandant où est ce qu'on va.
— Je peux venir avec vous...? commence-t-il, ses cuisses glissant hors du canapé, mettant pied à terre.
Yanis s'apprête à répondre lorsque ses parents débarquent finalement dans la salon. Son petit frère se retourne tout de suite vers eux et semble même plus nous capter, ses bras se tendant vers son paternel pour qu'il le prenne dans ses bras.
Je crois que c'est le moment de s'éclipser pour le bronzé, ce dernier me faisant signe de tête de monter les escaliers, se tenant près de moi.
Lorsqu'on arrive en haut, il se dirige vers la porte de sa chambre qui est déjà ouverte. Puis quand je me retrouve entre ces quatre murs, mes yeux ne peuvent s'empêcher de regarder un peu partout. Toute cette pièce sent l'odeur du parfum de Yanis, tout ici correspond à Yanis. C'est un truc de fou.
Une petite lampe éclaire le coin de sa chambre. Les couleurs de cette dernière tournent autour du orange et du marron, une chambre basique mais avec un thème. Quelques posters et tableaux sont accrochés sur le mur au dessus de son lit. J'arrive à reconnaitre quelques groupes. J'aime bien.
Puis si on s'approche des cadres, on peut distinguer des photos de lui et de quelques personnes qui me font penser à ses amis, Mathis, Andrea, Mallory ainsi que les autres. Son skate et son sac à dos se retrouvent contre une armoire noire qui est mal fermée, cette dernière étant décorée de quelques stickers en tout genre. Je continue d'admirer silencieusement les lieux, souriant en voyant quelques cahiers et manuel ouverts sur un cours de français, éparpillés sur un bureau en bordel.
Yanis s'installe silencieusement sur son lit après avoir ouvert sa fenêtre, faisant circuler l'air frais. Je n'avais pas remarqué la télévision accrochée sur le haut de son mur, l'écran affichant son compte Netflix. La photo de profil représente un acteur de la série Sex Education. Une cigarette aux lèvres, je le regarde se pencher un peu vers la vitre, ses coudes se posant contre les rebords de cette dernière.
— Ferme bien la porte après, me lance-t-il doucement.
Je ne comprends pas ce qu'il veut dire par « bien » alors je décide seulement de tirer la poignet pour la fermer complètement. Avec des pas légers je me rapproche de lui, son index tapotant le dessus de sa clope pour faire en tomber les cendres dans un cendrier qu'il a caché derrière un petit pot de fleurs mortes.
— J'ai pas envie que ma mère me voit fumer...
Comme lui, je recopie sa position. Mes yeux se baladent sur la route peuplée en bas de sa maison, suivant quelques voitures du regard, certaines s'arrêtant lorsque le feu devient rouge. Une légère brise vient faire voler mes cheveux je soupire, aspirant sans le vouloir la fumée de sa Marlboro.
— Elle ne le sait pas ?
Il hoche négativement de la tête et le bronzé tire une nouvelle taffe. Les bruits de la ville accompagnent notre silence et je trouve ça apaisant. Oui. J'apprécie ce moment.
Yanis ouvre son paquet rouge et blanc, m'autorisant à piquer une cigarette sans parler. Je lui souris pour le remercier et la glisse entre mes lèvres, mes doigts entourant le briquet posé près du cendrier pour l'allumer.
— Non... soupire-t-il. D'ailleurs, faudra que tu me dises si je sens la clope.
Je pouffe doucement avant d'expirer mon addiction. Genre. Il me fait sourire et je ne peux même pas empêcher ça. Il me suit dans mes gestes et son coude frôle le mien. Oups.
Une moto passe à vive allure en bas, laissant un sale bruit derrière elle. Ma deuxième main frotte légèrement les muscles de mon bras contre la matière de mon gilet, essayant de faire dégager les frissons qui me prennent du à l'air frais de la nuit qui traverse l'épiderme de ma peau.
— Changes de vêtements. Ou Prends un chewing-gum.
— J'aime pas trop ça, les chewing-gum. J'aime pas la menthe en général, m'avoue Yanis qui écrase finalement sa Marlboro.
Genre. Son corps se retourne légèrement vers le mien et je sens son regard se promener sur le profil de mon visage. Suite à sa révélation, ce dernier se tourne vers lui et je hausse mes sourcils, un peu surpris.
— Seigneur...
— ... Dis, je peux te poser une question ?
Oui. Je me demande ce qu'il va me dire. Je lui jette un regard et j'ai envie d'enrouler une boucle de ses cheveux autour de mon doigt. Ça me stresse quand ça lui retombe dans les yeux, comme ça.
— Comment... Comment toi tu as deviné que c'était moi ?
La fumée néfaste s'échappe de ma gorge, sa question restant en suspens. Je pense qu'il veut savoir les détails. Même si en vérité, ça n'a pas été compliqué.
— Hm... Je crois que j'l'ai su bien avant même que tu me fasses une description vite fait de toi. En fait, au début... Quand tu as dit que tu t'appelais Yanis, t'sais ? Bah, j't'avoue que j'ai pas du tout fait le rapprochement. Frère, il y a quarante-sept mille Yanis dans le monde, alors comment. Puis au final... J't'ai cramé dans la cantine. Ça s'est fait rapidement.
Je marque une pause, mon mégot rejoignant les autres. Le bronzé se retourne et s'accoude un peu plus contre la fenêtre, le faible vent faisant voler sa chevelure brune. Son visage est tourné en ma direction et je plante mon regard sur un lampadaire au loin, la paume de ma main se déposant contre l'os de ma mâchoire.
— Je t'ai écrit un message et j'ai vu que tu m'avais répondu en même temps. Deux messages même. Alors tu t'imagines que j'ai pu me douter du truc. Puis la photo, avec ton chat...
— Ouais... Opale, oui.
— Ouais. Ben, là aussi j'ai fait le rapprochement par rapport à tes fringues. Et quand tu as commencé à me faire un exposé sur le skate, je rigole doucement.
Son rire accompagne le mien et ses yeux se plissent légèrement. Il est beau. De sa main, il essaye de cacher sa fossette qui se dessine sur sa joue. Je ne vois pas pourquoi il fait ça. C'est joli ça, putain.
— Et puis moi... J'ai capté seulement après ta description, dans dans ma tête ça m'a fait bizarre. Genre... Il me dit grave un truc lui, Romain. Oh t'avais réussi à me gêner sur le coup, j'sais pas.
Yanis se redresse de façon naturelle puis se recule légèrement, me laissant tout seul à la fenêtre. Je cache mon sourire un instant avant de me retourner, balayant mon regard sur sa chambre avant de le poser sur lui.
Le bronzé s'est glissé au pied de son lit, son crâne s'appuyant contre le matelas de ce dernier. Il souhaite que je rajoute quelque chose. J'ai réussi à le gêner, alors ? Intéressant.
— T'avais pas à l'être, tu sais. Je te le redis mais ouais.... Ça change rien pour moi cette histoire.
Mes lèvres se frottent entre elles, mes pensées cherchant à entreprendre une deuxième réponse.
— Puis c'était une drôle façon de se connaître.
Il avoue ma phrase, hochant doucement de la tête tandis que sa bouche s'étire en un petit sourire. Je ne sais pas vraiment quoi dire suite à son silence alors je fronce ma bouche, mes mains venant fermer la vitre dans mon dos. Je commençais vraiment à me geler, un peu. Je m'appuie contre ce morceau de verre froid et le bouclé me fait face à nouveau. Il a replié une jambe, ses mains tenant son genou qu'il balance nerveusement de gauche à droite.
— Pourquoi on s'est autant éloignés en vrai...?
Des bruits de pas se font entendre dans le couloir de l'étage. J'arrive à entendre le petit Noa chouiner face à une réflexion de sa mère.
— Viens.
Sa main tapote doucement le tapis sur lequel il est assis. Une place à côté de lui que je viens occuper volontiers. Lorsque je m'assois près du garçon, ce n'est pas la clope que je sens mais son parfum à lui. C'est un truc doux, un truc qui ne te prend pas la tête et... J'apprécie ce truc.
— Désolé. Ça me stressait que tu sois debout devant moi...
Alors, lui. Je secoue légèrement la tête, mes doigts passant entre les mèches de mes cheveux. Pourquoi j'arrive à trouver sa réflexion mignonne ? J'ai l'impression que ce mot tourne autour de Yanis à chaque fois qu'il dit un truc.
J'aime bien sa façon d'être. Il est si différent d'avant, j'ai l'impression. Je comprends subitement quelque chose. Je crois que notre rencontre devrait se faire ainsi. Il a fallu qu'on s'éloigne mutuellement pour mieux se retrouver. Quelque chose du genre. Ce mec bouscule mes réflexions et quand je suis avec lui, un tas de questions se passent dans ma tête.
Bizarre mais agréable, voilà comment je me sens.
— Hier, j'ai embrassé Andrea.
Alors. Ça par contre, je l'avais pas senti venir.
La chambre se fait muette et on dirait presque que Yanis a arrêté de respirer suite à sa phrase. Il continue de balancer son genou mais un peu plus rapidement que tout à l'heure. Hier, c'était quand ça ? Je me redresse et je me reprends.
Il a embrassé un garçon.
Ouais. Bon.
Jusqu'ici, je ne vois rien d'anormal mais je n'ai pas l'impression qu'il a fini de me parler. Il ne me regarde pas et j'ai comme peur qu'il pense que je juge sa situation. Mais... Certainement pas, non !
— Andrea... Ouais. Ouais, Andrea. Du skatepark. Et ?
Je dois le regarder, l'incitant à continuer. C'est là que je remarque qu'il se mord les lèvres. Mais non... Son sourire n'est plus présent et il affiche une mine très sérieuse, je ne sais pas à quoi il pense. Ça me stresse un peu, je ne veux pas qu'on se sente mal à l'aise. Qu'il se sente mal à l'aise.
— Yanis... Tu peux me parler.
C'est la dernière phrase que je me permets, maintenant j'ai trop peur de le presser. Il se confie à moi et je n'ai surtout pas envie qu'il se sente jugé. Il a lâché une bombe qui m'a fait un truc au ventre.
Yanis bouge ses lèvres, et il reprend. Ses sourcils se froncent presque tristement et si ça n'en tenait qu'à moi, j'aurai passé mon pouce contre ces derniers pour les dessiner normalement.
— Je... J'crois que ça s'est fait tout seul, tu vois. Je... Je suis parti directement parti après. Je ne peux pas très bien t'expliquer car c'était très rapide et depuis hier soir... Bah j'ai dû y penser au moins cinquante fois. Et... Ça me rend fou. Je n'étais même pas défoncé. J'essaye de moins fumer en ce moment.
J'écoute ses paroles, Yanis est perdu. Ce baiser l'a vraiment perturbé et je me demande s'il a déjà expérimenté ce geste sur d'autres personnes. En y pensant, je ne l'ai jamais vu avec une meuf ou... un gars. J'expire doucement, mon regard fixant un point invisible.
Un temps qui fut très court car maintenant, mes yeux se posent sur sa bouche qui tremble légèrement. Je cligne rapidement des paupières, mon cerveau se mettant à réfléchir à des réponses que je pourrais lui apporter. Mais quoi ?
Même moi, j'ai jamais embrassé un mec.
Comment j'suis censé le conseiller sur un truc comme ça. Mais bref.
Mes doigts frottent énergiquement mes cheveux et je fronce donc ma joue, penchant doucement ma tête sur le côté.
— Tu as ressenti quelque chose ?
Directement, il secoue négativement de la tête. Déjà, voilà. Il croise ses bras sur ses genoux puis cale son menton entre. Je tourne le haut de mon corps vers lui et mon coude se place sur le matelas, la paume de ma main se glissant dans ma tignasse. J'sais même plus comment décrire cette ambiance.
— Je ne sais pas si lui oui. Je ne sais pas. Mais Romain... Ça ne m'a même pas dégoûté.
— Ça devrait ?
Je lui réponds honnêtement. Il a embrassé un mec mais j'pense que l'envie venait plutôt de son ami. Vu sa façon de me parler des choses... J'ai l'impression qu'il a juste suivi le truc, il s'est laissé faire. Peut-être il voulait tester.
— Yanis, tu as déjà embrassé quelqu'un ?
S'il ment, je vais le voir direct.
— Ouais...
Il ment, oui. Un soupire lui échappe.
— Qu'importe ma réponse, dis moi que ça craint pas steuplé.
Non, du tout. Yanis se redresse et ses yeux se plantent enfin dans les miens. Une pointe de chaleur traverse longuement ma colonne vertébrale. Ses yeux dorés arrivent à briller malgré la quasi pénombre de sa chambre.
Yanis n'est pas comme les autres, je l'ai toujours su. Depuis le début, depuis le collège. Il a quelque chose de spécial qui pourrait effrayer les autres. Qui attirent certains. C'est si intriguant, derrière sa légère timidité, ce qu'il cache.
— Tu dois en avoir embrasser plus d'une toi.
— Sûrement. Mais tu vois, moi, je l'ai pas fait pour moi-même. C'est différent de toi.
Je lui lance un sourire et il me regarde, toujours, c'est ce qu'on fait depuis tout à l'heure en vérité. J'arrive pas à détacher mes yeux de lui. J'aime bien lui parler. C'est encore mieux que derrière un écran, c'est un fait.
— Au pire, on s'en fout. C'est pas grave. Parle à Andrea s'il le faut.
Je sais pas pourquoi mais je commence à avoir d mal à prononcer ce prénom. Une scène de lui et de Yanis me parvient en tête et ça me rend bizarre. Je ne dois pas me sentir comme ça.
Parce que c'est chiant. Parce que je n'ai aucune raison valable de me sentir ainsi.
— Je n'ai pas envie, j'crois... Il ne m'a même pas envoyé de message après, soupire-t-il en baissant les yeux sur son portable.
— C'est pour ça que tu ne voulais pas parler hier ? je demande et il hoche la tête.
Yanis, Yanis... J'aurai aimé lui en demander plus mais la relation avec son ami ne regarde que lui, au final. Est-ce que Andrea a un faible pour le bronzé ? C'est fou, quand on ne connait pas les gens... On ne remarque rien.
Un bruit soudain contre la porte nous fait nous redresser. J'avoue que ça m'a fait peur et ça a coupé court à la conversation. Dommage.
Une voix s'élève et j'entends Myriam nous demander si on souhaite quelque chose à boire. Pendant que Yanis se lève pour aller lui ouvrir, je sors mon téléphone de ma poche et regarde mes notifications ainsi que l'heure. Merde, Vanessa a déjà atterri à Barcelone et elle m'a envoyé une tonne de photos.
— Romain, ma mère fait du thé. Tu en veux ?
Mon iPhone retombe dans la poche de mon gilet et je me dois de refuser l'offre. En plus, je déteste le thé.
— Ah... Non, ça ira. De toute façon, je comptais y aller. Je pense que mes parents m'attendent.
Yanis me lance un regard compréhensif et j'me perds encore dans ses yeux. C'est.., Je ne sais pas combien de temps dure ce moment car la mère de famille toussote légèrement pour nous faire revenir sur Terre. C'est là que j'ai compris que c'est devenu gênant. Fuck.
— En tout cas... Merci de m'avoir accueilli, et pour le repas. C'était sympa.
— Je t'en prie, reprend-t-elle tout en décalant pour me laisser sortir de la chambre de son fils. C'est normal. Tu peux revenir quand tu veux, surtout que c'est les vacances, n'est-ce-pas Yanis ?
— Ouais mais... Il a p't'être des trucs à faire à faire Romain.
Myriam continue de faire la conversation et lorsqu'on arrive dans le salon, je fais un signe de main au père qui me rend la pareille. À côté de lui, Noa qui dort le canapé. Il est trop marrant ce gosse, c'est pas possible.
— Tu n'as rien oublié ? me demande Yanis qui enfile ses claquette Nike tandis que je me baisse pour enfiler mes baskets.
— Non, j'crois pas.
Me mettant le doute, je vérifie une nouvelle fois mon portable, mes écouteurs ainsi que les quelques billets que j'ai glissé dans mon autre poche. Tout est O.K et c'est ainsi que je remercie une nouvelle fois les parents de Yanis, leur souhaitant une bonne soirée.
— J't'accompagne jusqu'à ton arrêt, quand même.
— T'es pas obligé... À moins que tu kiffes l'idée de te congeler avec moi.
Ouais, hein. Le bronzé pouffe légèrement et ses boucles volent lorsqu'il secoue sa tête. Puis tout se fait rapidement. Yanis s'assoit sur le banc métallique de l'arrêt et patiente. Heureusement pour lui et pour moi, le bus arrive rapidement. Ça me fait rire car c'est le même chauffeur que tout à l'heure.
— On se voit... Bah, j'sais pas. À la rentrée, dans deux semaines.
Je glisse mes écouteurs dans mes oreilles et lui dit au revoir. Il se mord les lèvres et je sens son regard dans mon dos lorsque je monte dans le car. Il savait déjà la réponse mais une fois assis, j'attrape mon téléphone et écrit, dans les messages. J'ignore ceux de ma copine et me dépêche d'envoyer, avant que le conducteur ne parte.
Romain, 21:49
On se voit bientôt
J'voulais le voir lire ce message. Vite. Non. Cet idiot de bus a déjà démarré. Je dis ça mais ça se trouve, Yanis n'a même pas son téléphone sur lui.
Yanis, 21:50
C'est bizarre si j'te dis que cette réponse me rassure ?
Yanis, 21:50
Rentre bien...
Yanis, 21:51
Et Romain. Merci pour aujourd'hui. Vraiment. Je crois que j'avais besoin d'en parler... Alors merci de m'avoir écouté
Mes doigts viennent passer sur mon front, mon visage venant se cacher contre mon bras. Je sais pas comment décrire ce que je ressens actuellement. Je suis juste content.
Ouais. C'est sûrement ça.
Et ça me fait chier parce que j'ai peur de comprendre ce qui est en train de se passer. En une soirée, il est arrivé à faire bousculer un tas de choses dans ma tête. Une pensée me vient pour Andrea. Pour Yanis. Pour Vanessa. Qu'est ce que je dois faire ?
Romain, 21:53
Rien ne change entre nous, on se l'est dit 🤜🏼🤛🏼 Douce nuit Yanis
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