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Chapitre 3, Troisième partie

***

De retour dans les geôles, L'esclave pensa qu'ils étaient bien moins nombreux. Quelques heures plus tard, de nouveaux lycaons venaient compléter les cellules fraichement libérées, vidées des corps fatigués qui n'avaient pu survivre aux jeux. Au plus profond de lui, Kordai espéra ne jamais faire parti de ceux-là. Replié sur lui-même, il priait. Il priait le Dieu du sang de le pardonner. Il avait tué ce matin et ce soir même, il avait fui. Fui face aux Elus.

Elu. Quel nom ironique. Kordai, connaissait l'histoire de ce nom. Elu, mordu, griffu, et d'autres, qu'on avait oublié. Des appellations, des titres ; rescapés du grand effacement, des poussières profanes. Les temps-d'avant. De tous les peuples, celui des dentus possédait la plus grande mémoire. L'histoire s'inscrivait en eux. Les lycaons chantaient. Les lycaons dansaient, contaient. Il y avait longtemps que Kordai n'avait plus chanté. L'esclavage avait brisé sa voix. Le travail l'avait rendu amer, trop agressif, indélicat, fatigué pour chanter. Kordai était un oiseau sans ailes ; un oiseau en plainte. Les chants, trop peu pour lui. Le ciel l'en avait privé : il se contenterait de croasser. Kordai vivait esclave.

Il n'était pas né enchaîné ; contrairement à d'autres, il l'était devenu. A son dixième anniversaire, on tondit sa fourrure pour ne laisser qu'un duvet raz. On brisa son collier de perles pour le remplacer par un autre : une simple corde, un licou qui suffisait à le soumettre. Comme un animal. Ces oreilles furent taillées, sa queue coupée en un moignon douloureux.

Kordai se souvenait. De la liberté. Dans son village de réfugiés, un asile, une terre promise. Les lynx n'avaient rien pu faire, hormis pleurer pour eux. Kordai s'en souvenait. Du visage de cette mère adoptive, cette mère au pelage d'argent et de neige. Si pure ; comme la lumière du jour en un matin d'hiver. Kordai ne craignait pas le froid ; il lui rappelait son chez lui, cette famille qui l'attendait quelque part. Peut-être, un jour, la reverra-t-il, peut-être, un jour, pourra-t-il enfin lui conter la fin de cette histoire qu'il commença un jour à lui narrer ? Elle l'écoutait toujours. Elle l'attendrait. Il en restait certain.

Alors qu'il revivait le passé, les souvenirs de l'arène lui revinrent eux aussi, blessures vives ; comme des lames qui le perçaient de toutes parts, les réminiscences d'un jeu sadique, et indiciblement vicieux. Un jeu qu'on ne perdait pas toujours, L'esclave voulait le croire. Mais comment gagner ? Que lui fallait-il ? Survivre ne suffirait pas longtemps. Subir ne sera jamais Vivre. Que faire ? Que pouvait-il faire ? Et ses frères ? Le soutiendront-ils ? S'il voulait réussir, il avait besoin d'eux. Seul, il restait impuissant, ensemble, tout devenait possible. Et Kordai eu une idée.

Une idée très simple. Derrière les barreaux de son asservissement, l'esclave tourna cet espoir, l'évalua, le confronta à la réalité, le transforma, jusqu'à l'instant où il put le sentir ; le changement : le passage du rêve au possible. La souffrance s'envola peu à peu, elle partait loin comme lui se projetait dans l'avenir. Il pouvait entendre son cœur, lent, ralentir encore, comme endormi, les battements s'espaçaient alors qu'il s'éloignait toujours plus. Lorsqu'il revint à lui, il était neuf.

Disparues, les blessures mentales. Ne restait que ce corps meurtri, mais qu'est-ce que la peine du corps face à celle de l'âme ? Kordai était prêt. Son esprit était libre. En regardant autour de lui, et ce sans rien voir, il devinait pourtant la morne forme de ses semblables. Et cela le rendit triste.

Pourquoi ? Murmura sa voix dans un dialecte qui sonnait faux.

Mais les plaintes recouvraient tout, sa question restait sans réponse, en suspend dans l'air, une note parmi une foule d'autres, sans impact. Une parole perdue dans l'obscurité la plus complète. Alors Kordai cria cette fois.

Pourquoi baissez-vous la tête ?

Les mots résonnèrent dans la galerie, dissipant un instant la pénombre, dessinant les parois qui repoussaient les sons, les réfléchissait à l'autre bout de leur monde. Tous ce turent. L'esclave parmi les esclaves avait enfin la parole.

Pourquoi ne chantez-vous plus ? Continua-t-il plus doucement, à présent qu'on l'écoutait. Pourquoi gémissez-vous au lieu de chanter ?

Sa voix seule perçait le noir. Une voix d'enfant, une voix brisée, mais ferme. Et derrière elle, le souffle d'un millier de petits êtres fragiles.

Pourquoi arrêtez-vous de conter les histoires ? Continua-t-il. Pourquoi je n'entends plus la voix de ma famille ? Votre voix ?

Kordai s'étrangla. D'une griffe, il tirait la lanière autour de sa gorge, de plus en plus serrée.

Pourquoi je vous entends gémir ? Pourquoi je vous entends pleurer ?

− Parce que nous sommes esclaves, Enfant.

Il y avait tellement d'âge et de sagesse dans le murmure qui lui répondit. Alors pourquoi ne voyaient-ils pas, tous ces sages ?

Enfant ? Oui, enfant. Il faut être un enfant pour espérer ? Pour ne plus vous entendre pleurez, vous, les Adultes ? Soit. Je veux rester un enfant. Je ne veux pas grandir. Je continuerais d'être un enfant.

− Tu mourras le premier, lui souffla une voix féminine.

− Je ne veux pas mourir ! Crissa la voix de Kordai.

Il sentit tout le boyau frémir sous son appel à la vie.

− Alors tais-toi, et survie.

Se taire et survivre. Voilà donc ce qu'ils pensaient ? Kordai comprenait à présent, pourquoi les lycaons restaient si faibles face à l'oppression.

Pourquoi faut-il se taire ? demanda-t-il. Ne peut-on pas vivre et chanter ? Faut-il choisir l'un des deux ? Moi, je ne veux ni mourir, ni perdre ma voix.

Tous restaient silencieux, personne n'osa répondre, que ce soit pour nier ses propos, ou pour les soutenir : ils restaient muets, incapables d'affirmer l'un, et de s'abaisser à nier l'autre.

Dans le couloir, un souffle d'air seul parvenait à Kordai. Etait-ce le souffle de ses frères qui l'embrassait, ou cette brise voyageait-elle de plus loin encore ? Il n'aurait su le dire. C'était un vent tiède, et ce souffle, il en était certain, lui apporterait un jour sa délivrance.






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