Chapitre 2, Deuxième partie
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A peine le soleil se leva t-il sur la lisière, que les premiers soldats Elus percèrent le mur de la forêt.
Le soleil n'entrait qu'à grande peine dans le domaine des mordus, une lumière qui cette nuit encore, n'existait pas. Dirar pensa qu'il fallait être fou pour envoyer ses sujets périr ainsi. C'était ils enorgueillit de leur récente conquête ? Les lions s'engouffraient, avalés par la forêt. Ils n'en revenaient pas.
Car oui, les Elus avaient bien massacré des tigres il y avait peu, mais ces tigres là vivaient à terre. Un clan marin, les Aedouak, un peuple brave de la mer. Un peuple mordu. Décimé. Les Elus avaient déclaré la guerre, aujourd'hui, ils le payaient.
***
Dirar fit voler le bouclier de son adversaire : le lion, surpris, trébucha sur une racine ; profitant de cette ultime moment de faiblesse, le tigre acheva sa cible.
Trop facile.
-Ce ne sont que des éclaireurs, lui asséna Samial. Et par-dessus tout, ce ne sont que des partenois. Ne baisse pas ta garde.
-Ai-je pensé tout haut ?
Samial sourit.
-Nous aurions eu bien plus de résistance avec des grivelois.
-Dommage qu'ils ne nous fassent pas la guerre.
Les deux tigres se mirent à rirent doucement, comme de vieux amis. Mais ce moment de paix ne dura qu'un instant ; l'odeur de la cendre, du bois consommé par les flammes leur parvint, du plus profond de la forêt. Une senteur subtile, à peine perceptible. Un âtre. Au travers du ciel, un trait blanc en indiquait le foyer. La prêtresse.
-Qu'est-ce qu'elle nous fait cette fois ?
-Quelque chose avec des esprits. marmonna Samial, peu rassuré.
-Les esprits ? De qui ?
-Ceux de nos ancêtres.
Dirar serrait les poings. Abaissant sa capuche, il s'éleva le loin d'un tronc jusqu'aux premières branches. Sans bruit, Samial le suivit dans les hauteurs. Ils laissaient derrière eux les dépouilles, bientôt, les Seryyln ; dans quelques minutes, il ne resterait plus rien.
Dans la forêt, toutes les branches mènent à l'arbre monde.
Un arbre autour duquel se réunissaient les tigres pour décider de leur avenir commun. Et tous les villages, tous les camps, fleurissaient sur ses voies. Samial et Dirar empruntèrent ces ponts naturels pour rentrer chez eux. Sous les feuillages, les tentures imperméables des cabanes, de longues toiles vertes et brunes qui fondaient les habitations dans le décor. Dissimulée à l'écart des autres maisons du camp, Dirar pénétra dans sa cache : Elle était occupée par deux lattes et un petit tabouret, sans aucune décoration. Le tigre jeta sa cape sur son lit, et préparant une petite bassine d'eau, nettoya sa fourrure poisseuse de sang. Sous la croûte noire, les poils rouilles finirent par réapparaître : un roux plus lumineux que les autres, un roux fier, extravagant.
Cela avait été une longue journée. Les éclaireurs lions avaient déferlés sur la forêt, en vain, certes, mais Dirar craignait la fougue des Elus. Si les rois brillaient ainsi par leur stupidité, un ennemi qui ne craignait pas la mort était un ennemi dangereux.
Un murmure à l'extérieur interrompit sa tâche. La forêt entière semblait frémir. L'odeur du bois de Ciur sacrifié au flamme. Dirar sortit. Ne portant que ses cuissardes et une ceinture de cuir, il fit rouler ses muscles alors qu'il pénétrait dans la foule, faisant s'écarter sur son passage les tigres qui le tenaient en respect. Au centre de la commotion, un trépied fumait, une bûche crépitait bruyamment et projetait des étincelles. Devant lui, une féline accroupie jetait des poudres colorées dans l'âtre, artifices que la prêtresse utilisait lors de ses cérémonies. Le rituel s'achevait ; lorsque la féline se retourna, son sourire d'escroc se mua en rictus. Plus grande que tous les chats qu'il avait rencontré, Liliedel, dans sa robe blanche, portait des perles et des chaînes d'argent aux poignets et au cou. Des pièces pendaient en masse de ses vêtements, et son pelage gris rayé de noir avait la même odeur que le feu qui la suivait partout.
-Le prince est de retour. Ronronna t-elle en langue vulgaire.
-Vous n'avez pas l'air heureuse de me voir, Madame.
-Ne faites pas semblant d'en être outré, Prince Dirar, vous ne m'aimez pas non plus.
-Que racontez vous Madame ? Vous avez sauvez mon père, je n'ai aucune raison de vous haïr...Que nous avez vous préparé aujourd'hui ? Un nouveau numéro ?
-J'appelais à la bénédiction des ancêtres dans la guerre à venir.
-Je croyais vous avoir expliqué que l'âme n'existait pas chez les Tigris. Les corps retournent à la terre et nourrissent la forêt. Prêtresse.
-C'est parce que vous pensez ainsi que je dois prier pour vous.
Les murmures s'intensifiaient autour d'eux. Dirar quitta la chat sans un regard en arrière.
-Vous vous esquivez, mon prince ?
-Si je ne suis pas là, ronronna le mordu dans la langue gutturale des tigres,vous aurez plus de chance de convaincre votre auditoire avec vos tours.
Dirar disparut derrière une branche, un bruit sourd retentit. Sa réplique avait fait son effet ; le brasero renversé sur le côté déversait de la cendre et des braises. Liliedel lissa ses oreilles, tentant de reprendre contenance. Ce soir, elle dînerait avec le chef de clan et roi des tigres, demain elle fomentera contre le prince. Après tout, si elle s'était débarrassée de Kar, elle n'aurait aucun mal à chasser le cadet.
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