when the flies fell
「
Double knot X Side effects, de Stray Kids
par -jebal
」
tw : disturbed reality et body horror (?)
« Jeongin voulait simplement échapper à l'ambiance étrange de la ville, il voulait juste retrouver sa vie d'avant, sans les événements étranges de Hoengseong et les bruits terrifiants de la vallée.
Il voulait simplement avoir une vie normale, c'est tout. »
HOENGSEONG, GWANGWON-DO DISTRICT POLICE DEPARTMENT
IN THE EVENT OF AN ALTERNATE ENCOUNTER
OLLOW THE « T.H.I.N.K » PRINCIPLE
THERE MAY BE SIDE EFFECTS
COMMON SIDE EFFECTS INCLUDE NERVOUSNESS,
INSOMNIA, NAUSEA, AGITATION, ANXIETY, SWEATING,
VISION PROBLEMS, PSYCHOSIS, NUMBNESS, DIZZINESS,
HEADACHES AND WEIGHT LOSS
POSITION : EMERGENCY CALL OPERATOR
PLEASE CALL 112 OR 119
IF YOU SEE ANOTHER PERSON
THAT LOOK IDENTICAL TO
YOU RUN AWAY & HIDE
Cela faisait maintenant plus de cinq mois que les habitants du district de Gwangwon-do, à l'est de Wonju et de la montagne Chiaksan, avaient en partie déserté la ville. Depuis qu'une seconde lune était apparue dans le ciel sans aucune explication, les habitants de ce coin perdu ont été les témoins d'événements étranges, passant des cris lointains et déchirants venant de la vallée ou bien à cause des nombreux animaux retrouvés mort aux quatre coins du comté. Mais les hommes aussi étaient affectés par ces événements étranges, certains ont même eu le courage de partir dans la vallée, que ce soit de jour, lorsque le vent balayait lentement l'herbe terne de la vallée ou bien de nuit, au moment où les bruits, les cris étaient les plus sinistres, les plus inquiétants. Nombreux étaient ceux qui n'avaient pas eu la chance de revenir de là-bas, leur corps finissait par disparaître dans la nature et les bruits étranges de la vallée reprenaient, plus forts, plus macabre encore qu'auparavant. Mais il y avait un petit groupe de personnes qui étaient revenues, les quelques chanceux qui n'avaient pas disparu.
« Les miraculés de Gwangwon-do », voilà comment la presse locale les avait appelés.
Mais ces personnes, rares soient-elles, avaient changé.
Certains avaient des caractéristiques physiques légèrement différentes ; un regard plus sombre, un cou qui semblait plus long qu'auparavant, une posture plus désarticulée, un sourire plus effrayant. Il y avait ce quelque chose qu'on ne pouvait nommer, cette différence presque imperceptible qui attirait tout de même l'attention, qui faisait se questionner. Mais pour d'autres, le changement était plus profond, plus dérangeant encore. Certains avaient perdu la tête, complètement, au point de devenir dangereux.
Il y a quelques mois, peu après l'apparition de la deuxième lune et le début des cris, un homme était revenu ; son regard vide et froid restait perdu dans le vague, il ne réagissait plus à aucun stimulus extérieur et son corps semblait fondre à vu d'œil. Beaucoup de monde s'était inquiété de la santé de cet homme, un quarantenaire dans la fleur de l'âge connu pour ses travaux manuels dans toute la ville, homme qui se laissait maintenant mourir à petit feu sous les yeux de la population locale. Puis il y avait eu l'accident.
Un beau jour, cet homme si mal en point, qui n'était plus que l'ombre de lui-même, avait perdu la tête. Alors que sa jeune fille de six ans à peine était venue lui rendre visite avec sa mère, venue faire ce même câlin qu'elle faisait à son père depuis maintenant cinq semaines, l'homme avait changé. Ce corps, qui paraissait si fragile, avait repris de sa vigueur, de sa force, lorsqu'il avait hurlé de tout son soûl, ses mains minces et osseuses venant s'enrouler contre la gorge si délicate de l'enfant, ses cris résonnant dans la petite chambre d'hôpital où il résidait, son regard aveuglé par une rage que sa femme n'avait jamais vu était rivé sur l'enfant. La même enfant dont il avait cogné le crâne si petit, si fragile, contre le linoléum clair de la chambre, le repeignant de rouge carmin.
Les cris avaient résonné longtemps, que ce soit dans les lieux où de l'esprit de cette pauvre femme qui avait vu son mari - son mari ? - assassiner leur fille, la chair de sa chair.
Maintenant, l'homme était connu comme l'incident #0208.
Après cet incident, les autorités en ont ressassé une quarantaine d'autres similaire, et cette folie, cette psychose avait fait que beaucoup des habitants de la ville, même du comté, se sont mis à fuir, partir le plus loin possible de ce coin perdu entre les montagnes, de la vallée. Actuellement, le petit district de Hoengseong était à l'incident #0244.
C'est après l'incident #0242 que les autorités ont commencé à parler des alternés, ces versions modifiées, étranges et dangereuses des gens qui allaient dans la vallée, ceux qui changeaient. Et c'est à partir de ce moment là que les autorités ont imposé un couvre feu.
C'était il y a un mois maintenant.
Jeongin avait dû s'habituer à cette nouvelle routine qui lui avait été imposée. Il était passé de la vie d'un jeune homme de vingt ans tout à fait normale, à sortir avec ses amis le soir, à rejoindre Chan tard la nuit lorsque ce dernier rentrait enfin chez lui et que sa mère était bloquée au travail pour la nuit. Maintenant, ses journées se ressemblaient toutes : il se levait, déjeunait avec sa mère qui le saluait d'un large sourire et d'une tasse de café déjà prête, Haengbok (leur pungsan que Jeongin avait trouvé dans un champ avec Jisung il y a maintenant huit ans) qui venait se frotter à ses jambes, et il partait au travail. Généralement, Minho était déjà derrière le comptoir de l'épicerie, Seungmin ou Eunsoo les rejoignant plus tard dans la journée. Puis à vingt-heures, après avoir fermé et rangé les quelques rayons pendant que Minho finissait de faire la caisse, Jeongin rentrait chez lui, ou bien allait rejoindre Chan dans son petit appartement tous les jeudis soirs. Lorsqu'il rentrait à l'heure, il allait sortir Haengbok, commençait à préparer le repas pour sa mère et lui, rentrait le chien, mangeait, aller rejoindre ses amis sur discord pour parler ou bien jouer au nouveau jeu que Felix leur recommandait, et allait se coucher.
Toutes ses journées se ressemblaient, c'était le même déroulement, encore et encore, à quelques exceptions près. Parfois, une cliente restait plus longtemps que prévu, et Jeongin partait en retard, les trente minutes de marches lui paraissant soudainement plus longues au fur et à mesure que la nuit tombait, les deux lunes se faisant toujours plus distinctes dans le ciel. Et les bruits prenaient vie.
Néanmoins, il y avait quelque chose de nouveau qui s'était installé en même temps que cette routine monotone : les migraines. Depuis que la deuxième lune avait pris place dans le ciel et que les bruits de la vallée avaient commencé, Jeongin était en proie à d'effroyables migraines qui l'empêchaient de penser à autre chose qu'à la douleur, qui paralysait son corps et son esprit, le laissant dans une sorte d'entre-deux brumeux et douloureux. Parfois, la douleur était telle qu'il ne pouvait pas sortir de son lit : la lumière, les bruits ou encore les mouvements de son propre corps le faisaient souffrir, lui donnant la désagréable impression que sa tête allait exploser. Dans ses moments-là, sa mère le trouvait allongé dans le noir, de grosses larmes roulant contre ses tempes malgré ses paupières closes, et en le voyant comme ça, elle appelait la maison de retraite dans laquelle elle travaillait, s'excusait de ne pas pouvoir venir et restait auprès de son fils. D'autres jours, ça allait ; la douleur était là, semblant lui plomber le crâne, lui embrumant l'esprit, mais il pouvait faire avec. Ces jours-là, il avait l'impression de fonctionner au ralenti, son corps semblait peser plus qu'à l'accoutumé, mais il pouvait faire avec.
Chan venait parfois le chercher au travail, le ramenant chez lui en le faisant monter sur le guidon de son vélo, ou bien le ramenait à son appartement, faisant fi de Changbin qui lui lançait un regard ennuyé. Dans ces moments-là, Jeongin se laissait aller, laissait Chan s'occuper de lui et profitait simplement du calme de l'appartement plutôt que celui de sa maison, là où il pouvait entendre les bruits de la nuit qui le terrifiait.
Et il y avait les jours où tout allait bien, les jours où Jeongin prenait conscience du calme de la ville déserte, cette même ville qui avait perdu une grande partie de ses habitants. Maintenant, ils devaient être une centaine, peut-être un peu plus, mais c'était tout.
Lorsqu'il était parti ce matin, Haengbok était venu lui faire un câlin au pas de la porte, frottant son museau à ses jambes, les doigts du brun venant s'emmêler dans les poils blanc du chien qui ne souhaitait pas le laisser partir. En jetant un dernier salut à sa mère, Jeongin avait croisé le regard de sa voisine, cette vieille femme qui l'avait vu grandir et qui, tous les jours, inlassablement, s'asseyait sur une chaise sous le porche de l'entrée, une tasse de thé refroidissant à ses côtés et son regard noir balayant la rue. Madame Park lui avait toujours fait un peu peur, que ce soit avec ses longs cheveux blancs ou bien sa posture un peu tordue, ses épaules semblant s'affaisser sous le poids du monde. Depuis la mort de son défunt mari, elle avait perdu cette flamme qui lui donnait son humanité aux yeux du petit brun qui, à l'âge de six ans, ne comprenait pas encore tout à fait bien le concept de la mort et du deuil. Il avait donc vu cette vieille dame changer, s'effacer et s'endurcir sous son regard enfantin, et cette image n'avait jamais vraiment quitté son esprit. Néanmoins, il s'efforçait toujours de lui adresser un sourire et, parfois, de lui adresser un timide « Bonjour » auquel elle ne répondait que très rarement de vive voix, un simple hochement de tête lui suffisait.
Et il s'éloignait sous le regard éteint de cette vieille femme, prenant la même route qui, chaque jour, restait déserte, et allait rejoindre ses amis et collègues en ville.
Minho était, comme à son habitude, assit derrière le comptoir, son regard ennuyé rivé sur son téléphone où une vidéo jouait silencieusement. Il avait relevé brièvement la tête pour saluer Jeongin avant de reporter son attention sur son téléphone, laissant le plus jeune disparaître dans la salle des employés, et en ressortir une dizaine de minutes plus tard, sa veste de travail enfilée et son badge maladroitement attaché, et il s'était mis à ranger et réapprovisionner les rayons. Eunsoo les avait rejoints en début d'après-midi, jetant un regard jugeur à Minho qui s'occupait d'une femme à la caisse, son éternelle nonchalance ressortant trop au goût de la trentenaire. Jeongin l'avait doucement salué, récoltant un sourire de sa part avant qu'elle ne disparaisse dans la salle des employés.
Et la journée s'était déroulée tranquillement, comme d'habitude, Jeongin essayant de se distraire au mieux lorsque personne ne venait dans la boutique, se glissant aux côtés de Minho pour faire passer le temps plus rapidement. Et lorsque dix-neuf heures arriva, Jeongin et Minho se préparèrent pour rentrer alors que Eunsoo s'occupait de la fermeture. Les deux garçons lui avaient souhaité une bonne soirée en sortant, faisant un petit bout de chemin ensemble avant que Minho ne change de direction, lui disant à demain alors que Jeongin avait encore une bonne quinzaine de minutes de marche.
Sur le chemin, comme à son habitude, il s'était connecté à discord et avait rejoins ses amis en vocal pour avoir une présence malgré tout, écoutant Jisung et Felix parler d'une quelconque chose alors que Hyunjin riait de temps à autre à ce que disaient les garçons, Jeongin écoutant sans jamais vraiment parler lorsqu'il marchait ainsi.
En arrivant chez lui, comme à son habitude, il avait ouvert la baie vitrée menant au jardin pour que Haengbok puisse sortir un peu avant que le brun ne le force à rentrer pour la nuit, ce dernier commençant à faire chauffer les restes de la veille en attendant que sa mère ne rentre du travail, ce qui arriva une vingtaine de minutes après. Haengbok rentré, ils mangeaient calmement, se racontant inlassablement des petites anecdotes sur leur journée. Et après, Jeongin montait se doucher rapidement avant de rejoindre de nouveau ses amis, parlant activement avec eux ou alors jouant aux jeux que Felix leur conseillait, essayant de se distraire comme il le pouvait pendant une heure ou deux avant que le plus jeune ne les quitte pour aller dormir parce qu'il se levait tôt pour aller travailler le lendemain.
Jeongin avait dû s'habituer à cette routine étrange et particulière, il avait dû réorganiser son quotidien autour de cela. Et même si certains jours étaient plus difficiles que d'autres ou bien que certaines nuits étaient plus effrayantes que la veille, ça allait.
Il était en vie, lui et ses proches allaient bien, et c'était le principal.
Du moins, il espérait.
THE « T.H.I.N.K » PRINCIPLE :
TELL an authority figure about your encounter
Ce jour-là, Jeongin souhaitait que cette journée se termine rapidement.
Il s'était d'abord réveillé en retard, son réveil n'ayant pas sonné à l'heure habituelle. C'est sa mère qui, en partant au travail, était venue le réveiller doucement, voulant s'assurer que tout allait bien, et le petit brun avait juré en voyant l'heure, se dépêchant de se préparer sous le regard rieur de sa mère qui l'attendait, lui ayant proposé de le déposer en voiture pour compenser son retard évident. En partant, il avait à peine eu le temps de dire bonjour à leur chien qui était calmement allongé dans le salon, un jouet en caoutchouc entre les pattes. Néanmoins, il avait eu le temps de croiser le regard de madame Park, toujours assise sur son siège, sa tasse de thé encore fumante posée à côté de lui. Jeongin avait esquissé un petit sourire en se dépêchant de rentrer dans la voiture, ne prenant pas la peine de voir si la vielle dame lui avait répondu.
Au travail, Minho était, comme à son habitude, derrière la caisse, parlant nonchalamment avec un client qui venait régulièrement. Jeongin s'était rapidement changé et avait commencé à réorganiser les rayons, comme à son habitude, alors que Minho commençait à se plaindre à gorge déployée lorsque le magasin était vide, faisant rire le plus jeune qui lui répondait de temps à autre. Mais en début d'après-midi, lorsque Seungmin les rejoint, le plus jeune fut prit d'un mal de tête douloureux qui lui donnait l'impression que le monde tanguait sous ses pieds ou bien sa vision devenait floue lorsqu'il essayait de se concentrer sur quelque chose. Minho l'avait forcé à aller se mettre au calme dans la salle des employés après avoir pris un ibuprofène, lui intimant de revenir lorsque ça irait mieux. Mais à cause de cela, le plus jeune avait perdu près d'une heure de travail et, alors qu'ils s'approchaient doucement de l'heure de la fermeture, et alors qu'il essayait de se dépêcher pour finir à l'heure, il entendit Seungmin souffler à ses côtés.
« Oh non... »
Seungmin avait soupiré en étendant la petite cloche de la porte retentir dans le magasin alors que madame Kim entrait, tout sourire, et Jeongin avait pu voir le froncement de sourcil de Minho lorsque la cinquantenaire lui lança son plus grand sourire. Seungmin avait de nouveau soufflé lorsqu'elle passa devant eux et prit son temps dans les rayons. Et Jeongin savait qu'elle allait rester longtemps, et qu'il allait partir en retard.
Et, en effet, il était en retard.
Madame Kim avait passé de longues minutes à la caisse à parler de la pluie et du beau temps avec un Minho qui n'en avait que faire de ses dires, son regard noir posé sur cette dame qui les mettait en retard, Seungmin et lui ayant commencé à faire l'inventaire pour prendre un peu d'avance. Mais rien n'y fit. Jeongin sortit à vingt heures passées de l'épicerie, s'excusant auprès de ses amis pour son retard précipité, mais les deux garçons n'y firent pas vraiment attention.
Sur le chemin, il s'était connecté sur le serveur avec ses amis, ses écouteurs dans les oreilles alors que la voix de Jisung se faisait entendre, parlant d'un truc quelconque auquel Jeongin ne fit pas attention, se concentrant plutôt sur le message qu'il envoyait à Chan.
[jeongin - 8:26 PM] toujours bon pour demain soir ?
Puis la voix de Jisung résonna dans ses oreilles lorsqu'il envoya son message, le ramenant à la réalité.
« Vous avez vu les infos ?
— Je ne suis pas en ville, Sung, souffla distraitement Felix, le bruit de sa souris se faisant entendre en fond.
— Tu parles du cheval qu'ils ont retrouvé ? la voix de Hyunjin paraissait lointaine.
— Le cheval ?
— Ouais ! Le fermier qui est au sud de la ville a retrouvé un de ses chevaux mort ce matin, mais - Putain, Felix concentre toi !
— Pardon, pardon, rit-il, et Jeongin comprit qu'ils jouaient à quelque chose.
— Mais ? demanda Hyunjin, sa voix un peu plus audible qu'auparavant.
— Ouais, pardon, ils ont dit que c'était forcément quelqu'un qui avait fait ça, parce que le cheval a été éventré, ou quelque chose comme ça... »
Au loin, et malgré les voix de ses amis, Jeongin entendit ce bruit strident et lointain qui venait déchirer le calme et le silence pesant de la ville, le faisant inconsciemment accélérer le pas. Il pouvait sentir la chair de poule sur ses avants-bras alors qu'il scrutait la rue, l'obscurcirait s'installant doucement.
« Innie, tu es bientôt chez toi ?
— Dans une dizaine de minutes, je pense. J'espère, pensait-il.
— D'accord, Felix avait soufflé doucement. Hyunjin, ce soir, tu joues avec nous ?
— Je suis obligé ? »
Jeongin remerciait ses amis de toujours lui tenir compagnie le soir en rentrant de l'épicerie, ça lui donnait l'impression de ne pas être seul, un semblant de sécurité. Et leurs voix apaisaient un peu ses nerfs qui, une fois dans le noir, semblaient s'exciter, la peur s'insinuant en lui sournoisement, la boule dans son ventre se faisant plus lourde au fil des secondes.
Son téléphone vibra dans la poche de sa veste, et il se dépêcha de le sortir, lisant rapidement la réponse de Chan.
[chan - 8:30 PM] évidemment
[chan - 8:30 PM] je te rejoins au travail, ou bien tu viens en sortant ?
[jeongin - 8:31 PM] je viendrai, t'embête pas
« Après, je dis pas que ton avis est à chier, mais...
— Jisung, sifflait Felix, les dents serrées, et Hyunjin riait.
— Faut dire la vérité ! Même Hyunjin est d'accord !
— Eh ! Jeongin avait grimacé en l'entendant crier.
— Jisung, je vais te botter le cul d'une force...
— Lucas est un personnage cancer, Lix ! Rends-toi à l'évidence ! »
Jeongin sentit un étrange soulagement en voyant sa maison au bout de la rue, et il voulait simplement être chez lui, au calme et à l'abri. Au loin, les bruits se faisaient parfois entendre, stridents et effrayants. Les voix de ses amis n'étaient plus qu'un bruit de fond et son téléphone vibrait dans sa poche alors qu'il se dépêchait de réduire la distance entre lui et sa maison, ses doigts s'accrochant à son trousseau de clé.
De l'autre côté de la porte, il pouvait entendre les griffes de Haengbok taper joyeusement contre le parquet alors qu'il s'activait à ouvrir la porte, ses doigts tremblants ayant du mal à avoir une prise correcte sur ses clés. Ce n'est qu'une fois la porte déverrouillée et Jeongin à l'intérieur de la maison que ce dernier se sentit enfin soulagé, plus léger.
Haengbok aboya alors que Jeongin refermait derrière lui, verrouillant de nouveau la porte au passage, qu'il entendit la voix de Felix.
« Haengbokkie !
— Tu es bien rentré ? demanda Hyunjin, ne faisant pas attention à Felix.
— Oui, c'est bon, je vous rejoins tout à l'heure, je dois sortir le chien avant.
— Pas de problème, à tout à l'heure Innie ! »
Jeongin n'avait pas vraiment répondu et était sorti de l'appel, lisant rapidement le message de Chan alors qu'il enlevait sa veste, la posant simplement sur le dossier d'un des fauteuils du salon.
[chan - 8:35 PM] tu sais très bien que ça ne me dérange pas
Haengbok aboya de nouveau et le brun sourit, venant lui caresser le crâne alors qu'il se dirigeait vers la cuisine, s'activant à remplir la gamelle vide du chien qui tournait autour de lui, sa queue se balançant activement de gauche à droite, attendant que son maître ait terminé. Une fois fait, Jeongin lui caressa la tête et se dépêcha de mettre de l'eau à chauffer dans une casserole avant de rapidement aller dans sa chambre se changer, troquant son jean et son pull contre un jogging et une veste d'intérieur. En descendant, il prit le temps de répondre à Chan.
[jeongin - 8:47 PM] je sais, mais j'ai pas envie de te faire attendre comme la dernière fois
[jeongin - 8:48 PM] mme Kim nous a encore fait fermer en retard
Ce n'est qu'en passant à côté du plan de travail qu'un petit bout de papier jaune fluo attira son attention. Jeongin reconnut rapidement l'écriture de sa mère lorsqu'il lit « Je vais rentrer un peu tard, Bokkie pas sorti. Reste du kimchi dans le frigo. A ce soir. - Maman ».
Un soupir lui échappa, et il jeta un regard au pungsan qui mangeait tranquillement.
« Bokkie ? »
Il l'avait appelé doucement pour ne pas lui faire peur, et le chien s'était tourné dans sa direction, sa tête légèrement penchée vers la gauche, et Jeongin sourit en le voyant faire. Il tapota rapidement sa cuisse, lui intimant de venir, et le chien s'était joyeusement approché de lui, son museau venant se frotter à sa cuisse comme il en avait l'habitude depuis de nombreuses années. Le garçon lui caressait gentiment les oreilles, faisant courir ses doigts dans le pelage doux du chien avant de se redresser, son regard posé sur l'écran de son téléphone qui affichait vingt heures cinquante-cinq. Un nouveau soupir lui échappa alors qu'il se dirigeait vers la baie vitrée, le chien le suivant du regard, sa tête toujours penchée vers la gauche.
« On sort, Bokkie ? Allez, on y va ? »
Il n'avait pas fallu bien longtemps avant que le chien ne le suive, sa queue se balançant activement de droite à gauche alors que Jeongin ouvrit la porte coulissante, laissant le chien s'engouffrer dans l'obscurité. Une grimace avait déformé ses traits en sentant l'air frais caresser ses joues, mais il se fit violence et sortit à son tour.
Pour une fois, la vallée semblait calme.
Jeongin n'entendait aucun bruit sinistre porté par la légère brise, seul le silence de la nature se faisait entendre. Ses yeux étaient rivés sur Haengbok qui faisait le tour de leur jardin, reniflant le sol comme toujours. Puis son regard s'était porté sur le ciel dégagé ; il y avait quelques étoiles qui perçaient l'obscurité de cette étendue d'encre noire. Ça lui rappelait les soirées qu'ils passaient allonger dans l'herbe avec sa mère et son père lorsqu'il était plus jeune, lorsque son père faisait encore partie de l'équation. Il lui avait appris à reconnaître certaines constellations, racontant leurs histoires, faisant rêver le petit Jeongin de sept ans, celui qui souhaitait être « chercheur de l'espace ». Mais elle était loin cette époque, comme son rêve un peu fou de devenir chercheur. Comme le portrait de cette famille unie.
Maintenant, c'était lui, sa mère, et Haengbok.
Mais un bruit à sa gauche le tira de sa rêverie, et son regard vint lentement se poser sur la silhouette de madame Park.
La vieille femme était assise dans une vieille chaise à bascule que Jeongin avait toujours vue, une cigarette à moitié consumée entre ses doigts minces et osseux. Son regard était rivé vers la vallée qui était encore calme, une volute de fumée s'échappant de ses lèvres fines et gercées. Jeongin la détailla un instant, regardant les ombres projetées sur son visage mince et creusé par les années, son regard clair scannant l'obscurité en face d'elle. Puis elle avait légèrement tourné la tête, offrant un petit sourire pincé à Jeongin qui le lui rendit nerveusement avec un petit hochement de tête, Haengbok revenant doucement vers lui, sa queue se balançant joyeusement à chacun de ses pas. Le regard de la femme s'était porté sur le chien et Jeongin eut l'impression que ses prunelles claires s'étaient adoucies.
Ses doigts étaient venus doucement caresser le sommet du crâne du chien, profitant du calme environnant pendant quelques instants avant de nouveau relever les yeux vers sa voisine qui apportait la cigarette à sa bouche, prenant une longue bouffée qu'elle garda de longues secondes avant de la recracher, le nuage grisonnant venant se perdre dans la nuit.
Puis un bruit, lointain, se fit entendre, faisant hérisser ses poils en reconnaissant un de ces cris si étrange qui peuplait leurs nuits depuis de longs mois déjà. Son regard s'était porté sur la vallée qu'il ne parvenait pas vraiment à discerner à cause de la nuit, essayant de comprendre d'où venaient ces bruits.
C'est un coup de museau contre sa cuisse qui détourna l'attention du garçon, cette dernière venant se porter sur le chien qui le regardait intensément, sa queue battant toujours plus rapidement.
« On rentre ? le pungsan avait grogné doucement, et le brun avait sourit. Il jeta un dernier regard à la vieille dame avant de dire, doucement : Passez une bonne soirée, madame Park.
— Bonne soirée, Jeongin-ah. »
Ils étaient rapidement rentrés, le chien allant directement s'allonger dans son panier à côté du canapé, léchant doucement sa patte avant alors que Jeongin refermait la vitre de la baie-vitrée, n'oubliant pas d'appuyer sur l'interrupteur pour baisser le volet roulant. Il se dépêcha de se préparer un bol de nouilles, n'ayant pas la patience ni même l'envie de se préparer quelque chose de trop élaboré pour la soirée qu'il allait passer, mais il fit attention d'en faire un peu plus pour sa mère lorsqu'elle rentrerait.
Lorsque tout fut prêt, il se dépêcha de préparer son bol et de monter, le chien sur les talons alors qu'il rejoignait enfin sa chambre. Il alluma la pièce, posa son bol et mit son ordinateur en route. Pendant que l'objet s'allumait, il prit enfin son téléphone et un sourire timide prit place sur son visage en voyant les messages que lui avaient envoyé son petit ami.
[chan - 8:52 PM] d'accord, binnie risque d'être à l'appartement par contre...
[chan - 8:52 PM] on regardera peut-être enfin le film que tu voulais ?
[chan - 8:54 PM] enfin, si tu veux toujours ahah
[chan - 8:59 PM] j'ai hâte de te voir, innie-ah
Alors qu'il se connectait sur discord, le salon vocal s'ouvrant sur les rires de Jisung et Hyunjin, Jeongin se dépêcha de lui écrire une simple réponse avant de rejoindre ses amis dans leur discussion, essayant de faire abstraction des bruits dehors comme chaque soir.
[jeongin - 9:19 PM] il me tarde aussi de te voir, hyung
Et la soirée sembla aller mieux lorsqu'il rejoint la discussion de ses amis, les bruits étranges de la nuit ne se faisant pas entendre par-dessus les voix de Jisung et Felix ou bien le rire de Hyunjin. A cet instant, la nuit n'existait plus, et Jeongin avait l'impression que tout allait bien, que rien n'avait changé.
Ce n'est que lorsque Haengbok sortit rapidement de sa chambre en aboyant que le brun enleva ses écouteurs, coupant court à la discussion qu'il avait sur une série que Hyunjin leur avait conseillé pour entendre la voix de sa mère qui saluait leur chien qui ne cessait d'aboyer. Puis ses pas s'étaient fait entendre dans l'escalier, suivit par le bruit rapide des griffes du chien, faisant penser à Jeongin qu'ils devraient bientôt songer à les couper. Un sourire s'installa sur son visage en voyant le visage souriant, mais fatigué de sa mère apparaître, toujours dans sa tenue de travail lorsqu'elle s'approcha de lui.
« Tu as passé une bonne journée, mon chéri ? souffla-t-elle contre son front, ses bras se refermant mollement contre le cou du brun.
— Ça a été, la tienne ?
— Épuisante, rit-elle en se redressant, ses bras restant tout de même à leur place.
— Je t'ai laissé un bol dans le micro-ondes, dit-il en montrant son maigre repas à peine entamé.
— Merci, je meurs de faim. C'est demain que tu es avec Channie ? Il hocha distraitement la tête, son regard rivé sur l'écran de son ordinateur où il pouvait voir la webcam de Jisung s'allumer. D'accord, après-demain, je suis de nuit, si tu veux, tu peux lui proposer de venir ici, hm ? Pour ne pas être seul, et comme ça Bokkie aura quelqu'un avec lui. »
A l'entente de son nom, le chien avait grogné, ce même petit bruit qu'il faisait lorsqu'il était heureux. Ils avaient tout deux porté leur attention sur le pungsan qui était allongé au sol, sa queue se balançant joyeusement.
« Oui, je parle de toi mon gros bébé, rit-elle de nouveau en se levant. On va aller manger tous les deux, hein Bokkie ?
— J'ai rempli sa gamelle en arrivant, et merci, je proposerais à Chan. »
Elle lui avait simplement souri, Haengbok sur les talons, avant de quitter la pièce. Et lorsque Jeongin remit ses écouteurs, il put entendre le rire de Jisung, son sourire apparaissant de manière pixelisée à l'écran lorsqu'il dit :
« Alors mon chéri ? »
Jeongin grogna en le faisant taire.
Lorsqu'il partit pour le travail le lendemain, il croisa le regard de madame Park à travers la fenêtre de sa cuisine et lui adressa un petit signe de la tête avant de se dépêcher.
C'est avec une dizaine de minutes en retard que Jeongin arriva à l'épicerie, s'excusant auprès de Minho et Eunsoo qui étaient déjà en train de travailler. Il s'était dépêché de se changer et d'aller aider la trentenaire à ranger les rayons, le bruit de la petite télé canonique à côté de la caisse venant combler le silence du magasin. Toute la matinée, Jeongin s'était affairé à réorganiser les rayons, aidant les quelques clients qui venaient à trouver ce qu'ils cherchaient, puis vers midi, il fut surpris de voir Jisung rentrer, un grand sourire aux lèvres lorsqu'il vit Minho.
« T'es en retard, soupira le brun derrière sa caisse.
— C'est parce que je me faisais belle pour toi, sourit-il au plus vieux qui leva les yeux au ciel. Fais-moi une place, hyung. Son regard se posa sur Jeongin lorsqu'il s'assit aux côtés du garçon, et son sourire sembla s'illuminer : Jeonginnie ! Tu viens regarder Jojo's avec nous ?
— Comparé à certains, je travaille.
— N'oublie pas qui doit s'occuper de madame Kim tous les jours.
— Ta caisse, ton problème. »
Le grognement qu'avait poussé l'aîné l'avait fait sourire alors qu'il continuait de faire l'inventaire de son rayon, attendant que leur collègue ne revienne de sa pause pour prendre la sienne.
Néanmoins, il avait fini par les rejoindre lors de sa pause, regardant distraitement les épisodes qui défilaient sur le téléphone de Minho, mangeant calmement avec ses amis alors qu'une cliente faisait tranquillement ses courses. Mais le tintement caractéristique de la clochette au-dessus de la porte du magasin retentit, laissant rentrer madame Kim qui arborait son éternel sourire. Elle salua joyeusement Minho qui répondit avec un sourire étrange, Jisung se retenant de rire à ses côtés lorsqu'elle disparu dans les rayons. Les garçons s'étaient replongés dans l'épisode lorsque la voix de la cinquantenaire s'éleva, entrant dans une discussion passionnée avec l'autre cliente. Jeongin vit le regard de Minho se voiler lorsqu'il se mit à écouter distraitement la discussion des deux femmes un peu plus loin, le reste de son repas oublié devant lui.
« Ils l'ont retrouvé près du centre ville !
— Et vous savez s'il... vous voyez ?
— S'il est en vie ? Oh, non ! Le pauvre bougre a été retrouvé dans sa voiture le visage mutilé, comme s'il se l'était arraché ; un vrai carnage d'après Siyoung ! Ils ne savent pas encore si c'était l'un d'eux ou bien un pauvre homme qui a perdu la tête.
— C'est affreux, quand je pense à la famille...
— Jeongin, tu saignes ! »
La voix de Jisung l'avait sorti de sa torpeur et il pouvait sentir sa lèvre supérieure s'humidifier et un léger goût métallique prendre possession de sa cavité buccale. Il jura silencieusement lorsqu'il se leva précipitamment sous les regards curieux des clientes et concernés de ses amis alors qu'il disparaissait dans la salle des employés, sa main venant essuyer le sang qui coulait de son nez alors qu'il ouvrit le robinet de la petite vasque mise à leur disposition, nettoyant frénétiquement son visage avec l'eau froide, une grimace d'inconfort venant déformer ses traits. Il resta un certain moment ainsi penché au-dessus de la vasque, regardant les gouttes carmin venant tacher la porcelaine claire, attendant que le sang arrête enfin de couler avant d'aller rejoindre ses amis qui étaient toujours en train de regarder leur série.
Le reste de l'après-midi se passa sans encombre pour le brun qui continuait calmement son inventaire, les voix de Jisung et Minho lui tenant compagnie. Ce n'est que lorsque Jisung fit une remarque sur l'heure tardive que le plus jeune jeta un coup d'œil à l'horloge murale derrière Minho, un petit sourire venant étirer ses lèvres en constatant qu'il avait terminé sa journée. Il se dépêcha de se changer et de prendre ses affaires avant de partir, souhaitant une bonne soirée à ses amis, Minho se chargeant de fermer la boutique.
Jeongin avait pressé le pas pour se rendre chez Chan, voulant rapidement retrouver son copain qu'il n'avait pas pu voir depuis un petit moment, leurs emplois du temps se chevauchant toujours. En arrivant enfin devant le petit immeuble, le brun se dépêcha de rentrer le code et monter les deux étages qui le séparaient du plus vieux qui semblait l'attendre lui aussi au vu de la vitesse où ce dernier avait ouvert la porte lorsque Jeongin avait sonné.
Ce n'est qu'une fois dans les bras du roux que le garçon se détendit pleinement, sa tête venant se lover dans le cou de son aîné qui le serrait contre lui, ses lèvres venant se poser sur sa tempe en guise de bonjour. Jeongin eut seulement le temps de se déchausser et de saluer le colocataire de Chan avant que ce dernier ne l'entraîne dans sa chambre, un grand sourire aux lèvres. Et lorsque la porte fut enfin close, Jeongin vint réellement embrasser le garçon qui ne pouvait s'empêcher de sourire dans le baiser, ses mains se glissant dans la nuque du plus jeune lorsqu'il souffla contre ses lèvres un « tu m'as manqué aussi ».
Bien plus tard, aucun des deux ne faisait attention au film qui défilait sur l'écran de la petite télé de Chan ; le son était baissé, ne restant qu'un murmure de fond constant alors que les garçons parlaient doucement blottis l'un contre l'autre. Jeongin jouait distraitement avec un fil dépassant du drap qui le recouvrait, écoutant Chan lui parler de sa journée, sa voix le calmant d'une certaine manière lui qui avait l'impression d'être une boule de nerfs depuis quelque temps, la situation pesant malgré tout sur son moral. La main droite de Chan reposait sur son abdomen, le caressant distraitement alors qu'il parlait, ses yeux rivés sur le visage détendu du plus jeune.
« Et toi, ça va mieux ? » finit-il par demander après un petit silence.
Jeongin mit du temps à répondre, repensant à son travail ennuyant à l'épicerie, l'impression de faire inlassablement les mêmes choses sans que rien ne change, sans que le monde n'évolue, le fait que sa voisine lui faisait toujours aussi peur du haut de ses vingt ans, ce malaise qui le dérangeait à chaque fois qu'il croisait son regard perçant chaque matin et chaque soir, semblant l'épier. Il pensait à ses migraines qui allaient et venaient, parfois, elles étaient gérables, d'autres fois, il voulait simplement se recroqueviller sur lui-même et pleurer à cause de la douleur, s'isoler du reste du monde et rester dans le silence et le confort de sa chambre. Il pensait à sa vie, au fait qu'il était piégé dans cette ville où il se passait toujours quelque chose d'étrange, trop loin de la vraie ville pour se sentir en sécurité, mais trop mis à l'écart de cette dernière pour envisager de partir, pour de vrai. Ça aussi, il y songeait, de partir loin, très loin de Hoengseong et de sa vallée terrifiante, de ses cris étranges mais glaçant la nuit. Et Chan le savait ; lui aussi partageait ce rêve un peu fou de partir d'ici. Alors Jeongin soupira, un petit souffle tremblant lorsque ses yeux vinrent se plonger dans ceux de son vis-à-vis qui attendait calmement, ce même petit rictus enjôleur au coin des lèvres.
« Ça va, finit-il par dire, pas mieux, pas pire ; ça va. Chan avait souri, dévoilant ses fossettes aux creux de ses joues. Dis, il changeait de sujet, il le savait, mais la lueur de curiosité dans le regard du roux lui suffit pour continuer : est-ce que tu viendrais à la maison demain soir ? Ma mère est de garde de nuit, et... je ne veux pas rester seul, j'ai peur des bruits le soir, voulut-il dire, mais les mots étaient restés coincés dans sa gorge.
— Oui, bien sûr, avait soufflé Chan. Il s'était redressé sur un coude, éteignant la télé. On devrait dormir, il commence à être tard et on doit se lever tôt demain...
— Hyung ? il avait appelé, doucement.
— Hm ? »
Il s'était arrêté dans son mouvement, son corps surplombant à moitié celui du plus jeune, prêt à éteindre la petite lampe de chevet et plonger la pièce dans le noir. Son regard brun semblait briller sous l'éclairage doré et artificiel de sa lampe, donnant l'impression à Jeongin qu'une nuée d'étoiles avaient pris place dans les iris de son roux.
Une de ses mains était venue se poser dans la nuque de Chan, une légère pression le poussant à se pencher vers le plus jeune qui le regardait toujours, ses yeux ne voulant pas quitter ceux de l'autre. Leurs lèvres se frôlaient, mais ne se touchaient pas réellement ; Jeongin pouvait sentir le souffle chaud et régulier contre son visage lorsque Chan inspirait doucement, son odeur boisée emplissant les sens du plus jeune qui sourit. C'était un petit sourire, presque secret, un qu'il faisait rarement, mais que Chan avait appris à chérir lorsqu'il lui était adressé. Puis Jeongin avait soufflé, un murmure presque imperceptible :
« Merci beaucoup. »
Chan avait comblé la distance entre eux, et la pièce fut plongée dans le noir.
Le chemine entre l'appartement du roux et l'épicerie où travaillait Jeongin était assez rapide, une dizaine de minutes de marche au mieux. Généralement, Chan l'accompagnait jusqu'au magasin et partait ensuite rejoindre Changbin à leur travail à la station radio de la ville un peu plus loin.
C'est main dans la main et dans le silence que les garçons marchaient, le pouce de Chan tapant doucement la main du plus jeune à un rythme régulier, la main libre du plus jeune fourrée dans la poche de sa veste à cause de l'air frais de la ville. Une moue boudeuse vint prendre place sur le visage de Jeongin lorsqu'il vit la devanture de l'épicerie au bout de la rue, sa cadence ralentissant doucement, forçant Chan à ralentir lui aussi. Le roux avait souri en le voyant faire, ses doigts effectuant une douce pression sur sa main.
« Jeongin...
— Chan, se plaint-il, j'ai pas envie d'y aller.
— On se retrouve ce soir de toute façon, hm ? Il avait toujours ce même petit sourire aux lèvres. Je te rejoins en sortant, d'accord ? »
Le brun avait simplement hoché la tête, cette même moue aux lèvres lorsque le plus vieux vint se pencher vers lui, ses lèvres se posant brièvement sur les siennes, et Jeongin pouvait sentir son sourire contre ses lèvres. Il avait prolongé l'instant, appuyant à son tour doucement ses lèvres contre celles du roux avant de se détacher. Chan lui souffla de passer une bonne journée avant de s'éloigner, sa main effectuant une dernière pression sur les doigts du plus jeune qui le regardait partir, essayant de trouver le courage d'aller travailler.
C'est après avoir poussé un long soupir que le brun se dirigea vers la boutique, poussant doucement la porte et fut rapidement accueilli par la voix moqueuse du caissier :
« Ton tomboy n'a pas voulu venir ce matin ?
— Bonjour à toi aussi, Minho.
— C'est hyung ! » dit-il un peu plus fort lorsque Jeongin ouvrit la porte de la réserve.
Il passa devant Eunsoo qui lui sourit, Jeongin répondant seulement par un petit hochement de tête avant de se changer rapidement, allant aider la jeune femme à réapprovisionner les rayons.
Leur matinée paraissait interminable, les rares clients qui venaient ne restaient pas longtemps, laissant le magasin dans un calme que Jeongin n'aimait pas particulièrement. Il lui tardait juste de rentrer chez lui et de retrouver Chan ; il n'aimait pas vraiment ce travail, ses journées se ressemblaient toutes et le silence étrange qui pesait sur le magasin le mettait mal à l'aise. Quand il était seulement avec Minho et Seungmin, ce malaise semblait s'évaporer, mais avec Eunsoo il y avait cette distance qui le dérangeait sans vraiment comprendre pourquoi. Alors, lorsque Seungmin vint la remplacer à treize heures, Jeongin se sentit légèrement plus léger.
Le châtain lui avait souri et avait gracieusement ignoré le plus vieux des trois qui avait fini par lui jeter un stylo à moitié vide dans le dos, demandant un semblant d'attention que le garçon ne voulait pas lui offrir. Mais son après-midi devint plus difficile lorsqu'une migraine vint prendre naissance dans ses tempes, lui donnant l'impression que le monde était bien trop bruyant pour lui. Au début, il avait essayé de passer outre, prenant simplement un analgésique en espérant que cela passe assez rapidement, mais lorsqu'un vertige le prit en plein milieu d'un rayon, il se sentit désagréablement partir sur le côté, Seungmin le rattrapant de justesse.
« Va te reposer, je pense qu'on pourra gérer à deux. » lui avait-il soufflé en l'aidant à se redresser.
Le brun avait distraitement hoché la tête, les sourcils froncés alors qu'il se dirigeait rapidement vers leur salle de pause. Une fois enfermé dedans, il se laissa tomber sur une des chaises, venant plonger sa tête dans le creux de ses bras en fermant les yeux, essayant de réguler sa respiration qui lui paraissait bien trop rapide pour être normale.
Il avait passé un long moment à faire les exercices de respiration que Jisung lui avait appris, essayant de calmer les battements rapides de son cœur et faire en sorte d'atténuer la douleur dans son crâne. Plus le temps passait, plus il avait la désagréable impression que quelqu'un martelait sa boite crânienne avec un marteau, la douleur venant par vague de plus en plus violente, mais le calme de la pièce aidait un tant soit peu. Alors il priait silencieusement pour s'endormir, voulant essayer de faire disparaître rapidement la douleur.
Ce n'est qu'une vingtaine de minutes plus tard, alors que Jeongin commençait à sentir la douleur s'atténuer doucement au milieu de son front que la voix perçante de Minho se fit entendre, faisant geindre le garçon qui se redressa, prêt à sortir pour le faire taire.
Mais lorsqu'il ouvrit la porte, s'apprêtant à dire à son aîné de se taire, sa voix mourut dans sa gorge en voyant un homme agripper le col de la veste de travail de Seungmin qui tentait de se dégager, son regard noir rivé sur le visage émacié de l'homme devant lui. Jeongin ne parvenait pas vraiment à voir le visage de l'assaillant, mais il pouvait voir son corps amaigri, ses vêtements paraissant bien trop grands pour sa carcasse décharnée. Et alors que Minho semblait appeler la police, l'homme se mit à hurler, un cri grave et caverneux qui réveillait la douleur dans le crâne du plus jeune qui geignit sous l'assaut brutal de la douleur. Seungmin avait grimacé, ses mains essayant de repousser l'homme qui, malgré son allure chétive, avait une poigne d'acier sur son vêtement.
« Mais lâche-moi ! » hurla le garçon, la panique semblant doucement prendre le dessus.
Et Jeongin avait de nouveau grimacé à cause de la douleur, mais il s'était fait violence et, malgré sa vision quelque peu floue, vint attraper l'épaule de l'homme, le tirant de toutes ses forces en arrière dans une vaine tentative de le faire lâcher, mais l'homme ne semblait pas bouger, son cri continuant, encore et encore, résonnant dans la boutique au point que Jeongin ne pouvait pas entendre la voix de Minho qui parlait avec la police. Comme l'homme ne bougeait pas, Jeongin recommença, plusieurs fois, sa poigne se faisant toujours plus forte sur l'épaule bien trop osseuse de l'homme, Seungmin essayant toujours de le faire lâcher, ses mains fermement agrippées sur les poignets de l'homme, s'enfonçant douloureusement dans la peau pâle et parsemée de veines foncées.
Un nouveau cri, encore plus profond que le précédent échappa à l'homme, et Jeongin tirait toujours. Sous ses yeux, Seungmin semblait terrifié.
Lorsque Chan vint chercher son petit ami vers dix-neuf heures, il fut surpris de le voir assit dehors avec Minho, une voiture de police et une ambulance garée dans la rue. Jeongin avait plongé son regard dans le sien, et quand Chan ouvrit la bouche, prêt à parler, le plus jeune avait secoué la tête, son index venant lentement se poser sur ses lèvres closes.
C'est Minho qui avait soupiré, son coude venant se loger dans les côtes du brun qui avait grimacé.
« Tu peux y aller, je vais l'attendre.
— Mais, hyung...
— Jeongin, ça ira, Seungmin a bientôt terminé. »
Le brun avait froncé les sourcils, mais s'était tout de même redressé, ne prenant pas la peine d'adresser la parole à son ami avant de rejoindre Chan qui le regardait, perdu. Il n'avait pas eu le temps de parler que le plus jeune avait attrapé son bras, le forçant à avancer rapidement, à s'éloigner de la boutique.
Ce n'est que lorsqu'ils furent assez loin du magasin que Jeongin sembla se détendre un peu, sa prise sur le bras de Chan se faisant plus légère. Le roux attendit un instant avant d'ouvrir la bouche, la question qui lui brûlait les lèvres depuis une dizaine de minutes prête à être posée, mais là encore Jeongin le devançant.
« Seungmin-hyung s'est fait attaquer par quelqu'un aujourd'hui, et ils ne pensent pas que ce soit un alterné. Ils ont juste dit qu'il était fou, et ça m'a énervé. Minho-hyung aussi était énervé, marmonna-t-il.
— Il va bien ?
— Il n'a rien, mais il a eu peur et-
— Le gouvernement dit de ne pas montrer notre peur, je sais, souffla Chan. Mais si ce n'est pas un alterné, tout va bien, non ? Pendant un instant, aucun des deux ne parla, et Chan pinça les lèvres. Puis Jeongin soupira.
— Je ne sais pas, normalement oui...
— Alors Seungmin ira bien. »
Son sourire s'était voulu chaleureux, mais Jeongin ne parvenait pas à oublier ce qu'il s'était passé. Chan vint glisser sa main dans la sienne, entremêlant leurs doigts doucement avant de se remettre à parler.
« On va chercher mon sac et on prend mon vélo pour y aller, on gagnera un peu de temps, puis t'as l'air fatigué.
— Désolé, j'ai mal à la tête depuis tout à l'heure et, ça, c'était...
— Trop ? tenta le roux avec un petit sourire, et Jeongin hocha la tête. Allez, viens, on se dépêche comme ça, tu pourras aller dormir un peu en rentrant. »
Jeongin avait simplement souri en l'entendant.
Le trajet avait duré un petit quart d'heure, Jeongin profitait simplement de l'air frais contre son visage alors que Chan pédalait tranquillement, faisant attention à ce que le vélo reste stable malgré leurs deux corps, Jeongin étant assis plus ou moins confortablement sur le guidon, le sac du plus vieux reposant dans le creux de ses bras.
En arrivant devant la demeure des Yang, Jeongin fit attention en descendant, cherchant ses clés dans les poches de son manteau alors que Chan rangeait son vélo sous le porche de la maison. En relevant la tête, Jeongin croisa le regard de madame Park assise sur son éternelle chaise, une cigarette pratiquement consumée au creux de ses lèvres. Elle lui adressa un petit signe de la main auquel le garçon répondit par un petit sourire réservé alors que Chan lui souhaita une bonne soirée lorsque le brun ouvrit enfin la porte, ayant fini de se battre avec ses clés. Il n'eut pas le temps d'ouvrir entièrement la porte que Haengbok sortit, se précipitant vers Chan, sa queue battant joyeusement l'air alors que le garçon s'était baissé à sa hauteur, un large sourire aux lèvres.
« Hey, Bokkie ! »
Le plus jeune avait tendrement souri en voyant l'interaction, mais il n'eut pu s'empêcher de jeter un dernier regard à madame Park qui le fixait toujours lorsqu'il ferma enfin la porte d'entrée, son regard clair étant la dernière chose que le brun vit.
HINDER the alternate's movement
« Hyung... »
Son soupir était venu perturber le calme de la pièce, sa main droite glissant contre l'estomac de Chan à cause de la sueur, sa main fermement accrochée à la hanche de Jeongin qui ondulait doucement au-dessus de lui.
Cela faisait quelques heures maintenant que Jeongin s'était réveillé de sa sieste réparatrice, son mal de tête ayant enfin disparu lorsqu'il avait rejoint Chan au rez-de-chaussée. Ils avaient passé une soirée relativement tranquille, mangeant devant la télévision avant de rejoindre sa chambre, regardant distraitement quelque chose sur l'ordinateur du brun alors qu'ils étaient enlacés dans le lit, Chan caressant distraitement le dos du plus jeune. Puis les caresses au début innocentes s'étaient rapidement transformées en quelque chose de plus lascif et sensuel.
Maintenant, le regard sombre de Chan était rivé sur le visage rougi de plaisir du plus jeune, ses gémissements n'étaient plus que des souffles rapides et tremblants, sa main fermement jointe à celle de Chan qui l'aidait dans ses mouvements.
Pendant un instant, seul le bruit de leurs peaux s'entrechoquant doucement et les souffles tremblants de Jeongin résonnaient dans l'esprit de Chan ; sa main maintenant toujours fermement la hanche du plus jeune, son bassin accompagnant le mouvement du corps de Jeongin dont les ongles venaient se planter dans la peau de son ventre à cause du plaisir. Ici, dans cette chambre à peine éclairée grâce à la lampe de chevet du plus jeune, les draps jetés à leurs pieds, ils étaient dans leur bulle. Et Chan chérissait ce genre de moment qui s'était fait plus rare depuis quelques mois, il chérissait Jeongin, tout simplement.
Un gémissement, un vrai, échappa à Jeongin ; sa main, précédemment posée sur le ventre du roux, avait glissé, ses doigts venant s'accrocher aux draps alors que sa tête tomba vers l'avant, son souffle tremblant venant s'écraser contre la joue du plus vieux qui le regardait, émerveillé. Pendant un instant, Chan hésita entre le contempler ainsi, son visage brillant et rougis par le plaisir et l'effort, ou bien l'embrasser. Mais lorsque Jeongin rouvrit les yeux, son regard noir et brillant rencontrant celui de Chan, ce dernier n'hésita plus et détacha leurs mains pour venir la porter au visage du plus jeune, leurs lèvres se rencontrant tendrement alors qu'il le serrait contre lui, les gémissements du plus jeune venant mourir contre ses lèvres.
Et alors qu'à l'étage, les deux garçons arrivaient à leur climax, dans le salon, le chien regardait fixement la baie-vitrée, allongé dans son panier lorsqu'un glapissement lui échappa. C'était un bruit aiguë et plaintif, caractéristique de son inconfort. Puis un couinement se fit entendre, toujours aussi aiguë alors, qu'à l'étage, Jeongin gémit une dernière fois contre la gorge de Chan, le roux laissant lui aussi échapper un râle grave.
Pendant un instant, il n'y avait plus aucun bruit ; seules leurs respirations rapides venaient perturber le silence de la pièce, leurs corps toujours enlacés lorsque Chan vint caresser le dos humide du plus jeune, ses yeux encore fermés lorsque les lèvres de Jeongin vinrent se poser sur sa mâchoire. C'est en souriant que le plus vieux les fit basculer sur le côté, venant légèrement surplomber le corps de son partenaire, son regard s'ancrant dans le sien, un sourire timide venant décorer le visage du plus jeune lorsqu'il vint doucement embrasser les lèvres rouges de ce dernier.
Mais un aboiement plaintif vint faire éclater cette bulle que les garçons avaient su créer, il y a de cela une bonne heure. Un geignement plaintif avait échappé à Jeongin lorsque Chan se recula, un sourire moqueur venant étirer ses lèvres lorsque son regard rencontra celui du brun.
« Channie... sa moue se fit plus prononcée.
— Je crois qu'il t'attend.
— Hyung, s'te plaît.
— Lève-toi, sourit-il.
— C'est bon, j'ai compris » râla-t-il en se redressant, poussant le roux de son corps.
Chan se mit à rire en le voyant attraper un simple pantalon de jogging et une veste, sa veste, qu'il enfila rapidement sans oublier de jeter un regard qui se voulait noir au plus vieux qui ne put s'empêcher de rire plus fort en le voyant disparaître dans le couloir.
Jeongin descendit rapidement les escaliers, allumant le plafonnier du salon à son arrivée, son regard venant se poser sur Haengbok assit à côté de la baie-vitrée, sa queue battant vivement de gauche à droite alors que ses oreilles étaient baissées. Le brun fronça les sourcils en constatant qu'il avait oublié de baisser les volets roulant alors qu'il s'approchait de la porte coulissante.
« Allez, viens, on sort. »
Jeongin avait soupiré en ouvrant la baie-vitrée, l'air frais venant taper violemment contre son visage encore brûlant, ses mains venant tout de suite se réfugier dans les manches de la veste qu'il venait de piquer à Chan, essayant de retrouver la chaleur qu'il avait quitté pour faire sortir le chien, chien qui venait de disparaître dans l'obscurité. S'il se concentrait bien, il pouvait entendre l'eau couler dans les canalisations, preuves que Chan était encore sous la douche.
Ici, il y a la vallée, ses cris et ses bruits.
Puis le vent de la nuit.
Le ciel était noir encre, ce soir-là. Le brun ne parvenait pas à voir une seule étoile transpercer ce voile noir opaque, et le vent s'était levé, froid et sec. Jeongin se sentait frissonner à chaque rafale, même si ces dernières n'étaient pas si violentes, le changement soudain de température entre la maison et le jardin le paralysait. Il souhaitait simplement que Haengbok se dépêche de faire ses besoins pour qu'il puisse rentrer prendre une douche à son tour et retrouver la chaleur de ses draps ainsi que celle du corps du plus vieux.
Mais un bruit se fit entendre à sa gauche, presque imperceptible à cause du bruit du vent, mais assez pour capter l'attention de Jeongin qui s'était tourné, surpris de savoir sa voisine réveillée à une heure aussi tardive.
La vieille femme se tenait debout dans son jardin, ses longs cheveux blancs semblaient décoiffés, loin des nattes propres et des chignons tirés que faisait la dame tous les jours. Son vêtement de nuit - une chemise de nuit claire d'après ce que Jeongin arrivait à discerner - semblait lui aussi mal mis, une des bretelles retombant lâchement sur le bras de la femme qui fixait la vallée et sa noirceur effrayante. Il ne parvenait pas à discerner son visage, n'arrivait pas à voir l'expression qu'il arborait alors qu'elle avançait étrangement dans l'herbe, le froid mordant de la nuit ne semblant pas l'atteindre alors que lui se sentait frigorifié jusqu'aux os.
Jeongin n'osait pas faire de bruit, ni même respirer de peur qu'elle lui prête attention, qu'elle le remarque. Il se tenait ici, droit comme un piquet au beau milieu de son jardin, sa respiration bloquée dans sa gorge alors que la vieille dame avançait toujours avec une démarche étrange, presque mécanique, la bretelle de sa chemise de nuit glissant toujours plus contre sa peau abîmée par les années, découvrant peu à peu sa poitrine tombante.
Jeongin était pétrifié, par la peur et par quelque chose qu'il n'arrivait pas à définir, mais il ne parvenait pas à bouger, à réagir, rien. Il était impuissant face au spectacle qui se déroulait sous ses yeux écarquillés. Et alors qu'elle avançait toujours, son habit tombait toujours un peu plus, la dévêtissant au fil de ses pas, jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un vulgaire bout de tissu reposant sur l'herbe un peu trop haute de son jardin mal entretenu. D'où il était, il ne pouvait toujours pas bien voir son visage, mais il put voir ses lèvres fines s'entrouvrir douloureusement, toujours plus, jusqu'à ce que sa bouche soit grande ouverte sans qu'aucun son n'en sorte.
C'est à ce moment-là que la peur prit le dessus et qu'il parvint à bouger ; il recula maladroitement, sa main venant taper sur sa cuisse, appelant Haengbok qui était quelque part dans le jardin, mais son regard ne quittait pas la femme. Sa main tapait toujours plus rapidement sa cuisse, priant pour que le chien arrive rapidement, mais elle avançait toujours vers la vallée, ses pieds nus frottant étrangement l'herbe alors que sa bouche restait béante face à l'obscurité. Il espérait que Chan le rejoigne pour ne plus être seul, que le chien revienne enfin pour pouvoir rentrer et s'enfermer dans la sécurité de sa maison, mais à la place il tapait plus vigoureusement, plus fortement sur sa cuisse, le nom de son chien sur le bout des lèvres lorsqu'un bruit caverneux ne se fasse entendre de la vallée, le son résonnant dans l'air pendant quelques secondes, pétrifiant le garçon dont le regard ne quittait pas la silhouette désarticulée de la vieille femme qui s'était soudainement arrêtée.
Peur. Il avait peur, et c'est cette dernière qui sembla éveiller en lui une sorte d'instinct de survie, qui le força enfin à parler, à faire quelque chose.
« Bokkie, il avait appelé, doucement, un simple murmure qui s'était perdu dans le vent. Haengbokkie, vient, il l'implorait, la peur enduisant étrangement ses mots, les rendant plus difficiles, plus pâteux. Haengbok ! »
Puis la femme avait crié.
Son cri n'avait rien d'humain aux oreilles de Jeongin dont le cœur venait de rater plusieurs battements, reculant toujours plus alors que le chien arrivait enfin vers lui, le bruit de ses pattes martelant le sol se rapprochant.
Le brun l'avait attrapé par son collier pour s'assurer qu'il ne parle pas et l'avait poussé en direction de la maison alors que, derrière eux, elle continuait de crier.
Le cri qu'elle venait de pousser était aigu et guttural à la fois, venant percer l'obscurité, comme une réponse à ce bruit sinistre. Son cri avait duré de longues secondes qui paraissaient être une éternité aux yeux du brun qui avait rejoint la baie-vitrée de son salon, forçant son chien à le suivre. Et il durait encore lorsqu'elle se mit à courir en direction de la vallée, son corps nu et décharné disparaissant dans l'obscurité alors que le garçon fermait la porte coulissante dans la panique.
Derrière-lui, des bruits de pas se firent entendre dans l'escalier avant que Chan ne l'appelle :
« Innie ? Ça va ? »
Jeongin n'avait pas répondu, son regard toujours rivé vers l'extérieur à la recherche de cette femme qui venait de fuir dans la nuit, son corps ayant été englouti par l'obscurité.
Il sursauta violemment en sentant l'une des mains du plus vieux se glisser sur sa taille, son torse se collant contre son dos.
« Pardon, pardon, il avait soufflé ça dans le cou du plus jeune dont la respiration était rapide. Calme-toi, Jeongin, je suis là.
— Elle, elle est-, il déglutit difficilement, essayant d'organiser ses pensées alors que le roux le tournait dans ses bras, le faisant lui faire face. Elle a couru vers la vallée, Chan, elle a couru en hurlant et y a eu le bruit, et elle est partie, et-
— Respire, lui intima-t-il. Respire et calme-toi. « Elle », tu parles de madame Park ? Il avait hoché la tête, les mains de Chan se posant sur ses joues. D'accord... Écoute, on verra ça demain, il est hors de question qu'on sorte maintenant, c'est peut-être juste un... effet secondaire ? il avait grimacé en disant ça. Il est tard en plus, tu travailles demain, on devrait aller se coucher.
— Non, attends, je veux juste vérifier que tout soit fermé. »
Le roux avait hoché la tête et s'était détaché du plus jeune pour aller faire un tour de la maison, laissant le plus jeune se diriger vers les escaliers après avoir fait descendre les volets roulant, Haengbok allongé dans son panier, le regardant se déplacer à travers la pièce.
Chan le rejoint rapidement et éteignit derrière lui, sa main venant se poser dans la chute de reins du plus jeune et le suivait silencieusement jusqu'à sa chambre. Jeongin s'était dépêché d'aller se doucher avant de rejoindre Chan dans son lit, le plus vieux allongé et regardant quelque chose sur son téléphone lorsque le brun vint s'allonger à ses côtés, sa tête se posant sur son torse et son bras vint se glisser sur le ventre de Chan qui le serrait contre lui, reposant son téléphone et éteignant la lampe de chevet, plongeant la chambre dans le noir.
Pendant un long moment, Jeongin resta calmement allongé, son regard balayant la pièce malgré l'obscurité, écoutant la respiration calme et régulière de Chan dont le bras se fit plus lourd contre sa taille, signe que le plus vieux s'endormait, mais Jeongin avait du mal à se laisser aller dans les bras de Morphée, son esprit ressassant encore et encore ce qu'il avait vu plus tôt. Puis Chan bougea quelque peu dans son demi-sommeil, sa prise sur le corps du plus jeune se raffermissant un moment, et Jeongin ferma enfin les yeux, se lovant un peu plus contre le corps de son copain, se concentrant sur les battements calmes de son cœur.
Lorsque les garçons quittèrent la maison le lendemain matin, leurs mains fermement jointes, et le regard de Jeongin vint immédiatement se poser sur la chaise vide sous le porche de la maison des Park, là où sa voisine devait normalement se trouver, mais il n'y avait rien. Et cela le terrifiait.
Et ce sentiment de terreur ne l'avait pas laissé de la journée, le laissant nerveux et à fleur de peau sous le regard curieux de Minho qui l'épiait silencieusement depuis le comptoir, un magazine ouvert devant lui.
IDENTIFY the class type
Alors que les jours passaient, Jeongin avait décidé de faire comme si de rien n'était, comme si madame Park était toujours là, à le regarder silencieusement chaque jour. Lorsque sa mère lui avait fait la remarque un soir en rentrant, Jeongin avait feint la surprise. Puis était venu son week-end et sa balade avec Haengbok.
Et là encore, Jeongin avait du mal à faire comme si tout était normal. Alors qu'il longeait l'un des champs vide près de son quartier, le chien marchant calmement quelques mètres devant lui, le brun ne pouvait s'empêcher de constater qu'il n'y avait personne, qu'aucun bruit venait perturber le calme angoissant de la nature, ce silence qu'il n'arrivait plus à supporter le jour, et les cris terrifiant la nuit. Jeongin ne supportait plus cette ville et cette sorte de malédiction qui semblait s'être abattue sur eux. Et alors qu'il continuait d'avancer, le silence était assourdissant.
Puis Haengbok s'arrêta ; Jeongin avait froncé les sourcils en voyant le chien se figer ainsi, tous les muscles de son corps semblaient s'être raidis, sa queue était basse et ses oreilles plaquées en arrière. Le garçon arriva à sa hauteur et s'accroupit, sa main venant doucement se poser sur le dos de l'animal qui tremblait comme une feuille.
« Bokkie ? » s'enquit-il, mais le chien ne réagit pas.
Son regard était fixé au loin, et Jeongin décida de regarder aussi dans cette direction, et ce fut à son tour de se figer. Au loin, un homme se tenait debout, son visage émacié et son regard noir fixé sur eux. Mais ce n'était pas tant sa présence qui faisait peur au brun, mais le sourire étrange qu'il arborait. D'où il était, Jeongin pouvait voir ses lèvres s'étirer, trop s'étirer, comme si cet homme se forçait, une sorte de grimace grossière et douloureuse, disproportionnée comparé à un sourire normal. Ses yeux étaient toujours rivés sur eux, mettant toujours plus mal à l'aise le garçon qui souhaitait qu'une seule chose : rentrer chez lui.
« Allez, Bokkie, on rentre. »
Il avait soufflé tout en continuant de fixer cet homme dont le sourire ne disparaissait pas, mais il semblait même s'agrandir.
Jeongin avait enlevé la laisse qu'il avait posée sur son épaule, l'attachant rapidement au collier du chien avant de se redresser, forçant le pungsan à le suivre. Ils avaient marché rapidement, si bien que lorsque le garçon arriva enfin chez lui, il était légèrement essoufflé. Haengbok avait rapidement pris place dans son panier, les oreilles toujours rabattues contre son crâne alors que le brun se dépêchait de fermer toutes les issues de la maison pour être sûr d'être en sécurité. Enfin.
Ce soir-là, lorsqu'il rejoint ses amis sur discord, il hésita un long moment avant de parler. Alors que Hyunjin et Felix se mirent à rire, Jeongin craqua enfin et se mit à parler :
« Je sais qu'on ne doit pas en parler, c'est pour ça qu'on s'appelle tous les soirs : pour oublier. Mais je ne peux pas faire comme si je n'avais rien vu et faire comme si tout allait bien, parce que c'est faux.
— Jeongin ? demanda Jisung.
— J'ai vu madame Park disparaître dans la vallée, ça fait presque une semaine, et tout à l'air étrange, plus que d'habitude. »
Il y eut un silence pesant, plus personne ne parlait, et Jeongin avait fermé les yeux, une main venant frotter son visage fatigué.
Idiot, idiot, idiot.
Puis Hyunjin avait parlé, sa voix tremblante malgré les efforts qu'il faisait pour ne pas qu'on l'entende.
« On a dit qu'on ne devait pas en parler, pas entre nous. C'est pas drôle, Jeongin.
— Mais je ris pas !
— Comment ça, elle a disparue ? demanda Felix, et Hyunjin soupira.
— Elle, il souffla fort, essayant d'organiser ses pensées. J'ai sorti le chien quand Chan était sous la douche, et elle était déjà dehors, je crois. Elle regardait la vallée, puis y a eu un bruit, un cri, et elle s'est mise à hurler. Je sais pas pourquoi, mais elle est partie dans la vallée, et je comprends toujours pas. Et quand on est parti avec Chan le lendemain, elle n'était pas là, ni quand je suis revenue, et elle est plus là. Elle a juste... disparue.
— C'est juste une vieille bizarre qui fait peur à tout le monde, commença Hyunjin, en quoi-
— Attends, coupa Jisung, Seungmin m'a parlé de quelque chose comme ça.
— Quand ça ?
— Je sais pas, y a deux jours ? tenta-t-il. J'étais avec Minho-hyung, et il nous a dit qu'un gars dans son immeuble a disparu deux semaines avant de revenir comme si de rien était.
— Il est revenu ? demanda Felix. Jisung avait fait un petit bruit pour confirmer.
— Oui, donc ta voisine bizarre va revenir.
— Hyunjin... souffla Felix.
— Donc tout ira bien, hein ?
— Je crois... » tenta Jisung.
Et Jeongin se sentait frustré face à ça, frustré de voir que ses amis ne le croyaient pas, ou n'essayaient pas de comprendre. Ils continuaient simplement de parler, Jisung ayant réussi à changer de sujet, et Hyunjin semblaient se détendre au fur et à mesure de la discussion, et Jeongin était frustré.
[jeongin - 10:06 PM] personne veut me croire pour mme park
[jeongin - 10:06 PM] et j'ai l'impression de devenir fou
[jeongin - 10:12 PM] je suis pas fou
[chan - 10:14 PM] je sais innie, tu l'es pas
Cette nuit-là, Jeongin resta éveillé jusqu'à tard dans la nuit à cause des cris de détresse dans la vallée, ces cris qu'il tentait d'oublier et ne plus y faire attention. Mais les voix, elles continuaient de crier, d'hurler des mots qu'il ne comprenait pas, à la fois trop proche et trop lointaine : un brouhaha incessant et infernal.
Jeongin était terrifié, car les voix ne s'arrêtaient pas.
Le réveil fut difficile ; à peine eut-il ouvert les yeux ce matin-là qu'il sentit la douleur au creux de ses tempes, cette brûlure sournoise et caractéristique qui l'empêchait de penser correctement. Il était resté allongé un long moment dans le noir, attendant de voir si la douleur allait passer et remerciait silencieusement le ciel de ne commencer qu'en fin de matinée. Alors pendant près de deux heures et demie, il resta allongé dans le noir, la douleur semblant se calmer doucement, mais elle ne partait jamais vraiment, elle était toujours là, tapie dans l'ombre.
Lorsqu'il descendit après s'être enfin habillé, il avait croisé sa mère assise dans le salon, une tasse de café devant elle, un magazine dans les mains et Haengbok allongé à ses pieds. Elle lui avait adressé un sourire qui s'était voulu tendre, mais il s'était rapidement effacé en le voyant prendre son traitement avec l'espoir un peu fou que cela ferait disparaître sa migraine, ou du moins l'atténuer un peu. Puis Jeongin avait soufflé en voyant l'heure, comprenant que s'il ne se dépêchait pas, il serait en retard, et il ne se sentait pas capable de faire face aux taquineries de Minho, pas aujourd'hui. Alors après avoir mis ses chaussures et pris ses affaires, il avait embrassé le front de sa mère en lui souhaitant une bonne journée avant de rapidement partir.
Le vent froid de Hoengseong vint cogner contre son visage, le faisant grimacer légèrement, son corps étant parcouru d'un frisson. Alors il se dépêcha de fermer sa veste, voulant se protéger du froid qui commençait à s'installer en ce mois d'octobre, et par habitude, il jeta un regard en direction de la maison des Park, mais son sang se glaça et son corps se figea.
Sous le porche, sur son éternelle chaise, était assise madame Park, son regard clair posé sur Jeongin, un sourire aux lèvres. C'est ce sourire en particulier qui terrifiait le garçon, car ce n'était pas quelque que chose que la vieille femme faisait. Non. Son sourire lui rappelait celui de l'homme qu'il avait croisé avec Haengbok ; trop grand pour son visage marqué par les années, trop grossier pour le visage de cette femme.
Jeongin s'était fait violence pour bouger, fuir, loin de cette femme qui lui faisait toujours aussi peur.
Et alors qu'il s'éloignait rapidement de la maison, il pouvait toujours sentir le poids de son regard toujours posé sur lui.
Minho avait vivement relevé la tête de son livre lorsqu'il entendit la clochette de la porte tinter bruyamment, laissant ainsi apparaître Jeongin qui s'appuyait dos contre la vitrine, son torse se soulevant rapidement et son visage plus pâle qu'à l'accoutumé.
« Ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme. »
Il avait demandé ça doucement pour ne pas le brusquer, mais quand le plus jeune se tourna dans sa direction et hocha la tête, Minho pouvait voir l'expression de terreur sur son visage. Connaissant le brun, il n'allait pas insister et chercher à lui tirer les vers du nez. Alors il jeta un simple coup d'œil à l'écran de la caisse, ses sourcils se fronçant en constatant qu'il était déjà treize heures.
« Tu pourras dire à Seungmin de se bouger le cul et de venir travailler un jour ? Parce que j'ai moyennement apprécié me retrouver seul à l'ouverture.
— Il n'est pas là ? la surprise se faisait entendre dans sa voix.
— Non, il ne répond ni aux appels ni aux messages. Y a que nous aujourd'hui. »
Le sourire qu'avait fait Minho était si dénué d'émotion que Jeongin se dépêcha d'aller se changer avant de se mettre au travail.
Jamais Jeongin n'avait vu la ville aussi calme : il n'y avait personne dehors et aucun client n'était venu hormis madame Kim qui, comme à son habitude, était venue acheter deux babioles, discutant activement avec Minho qui, pour une fois, semblait s'intéresser un tant soit peu à la discussion, histoire de faire passer le temps plus rapidement. Le plus jeune attendait simplement que la journée ne se termine enfin, la douleur dans son crâne allant et venant par vague.
Donc lorsque Minho lui fit signe qu'ils allaient fermer, Jeongin s'était détendu et avait aidé son ainé à faire la caisse et l'inventaire pour le lendemain. En sortant de la boutique, Jeongin salua son ami et se dépêcha de rentrer. Il ne souhaitait qu'une seule chose : se glisser sous ses draps et dormir, la douleur dans sa tête semblant se réveiller à chacun de ses pas.
Lorsqu'il arriva dans son quartier, à l'orée de la vallée, Jeongin sentit un étrange soulagement à la vue de sa maison. Mais il pouvait sentir le poids de ce regard posé sur lui, brûlant sa nuque, la peur reprenant du terrain. Alors avant de rentrer, il se permit de jeter un regard en direction de la bâtisse à sa gauche, rencontrant les iris clair et devenus laiteux à cause des années et la maladie de madame Park avant que la porte ne se referme.
Jeongin voulait partir d'ici.
« Après, je sais pas si Minho-hyung sera d'accord pour venir, s'enquit Jisung, sa petite moue pensive visible sur l'écran de son ordinateur.
— Pour un film, il va pas faire de manière, si ? demanda Hyunjin.
— On parle de Minho là. »
Après sa sieste en rentrant du travail, Jeongin s'était réveillé quelque peu désorienté, mais la douleur n'était plus là. En descendant, il avait vu un message de sa mère disant qu'elle restait à l'USLD pour la soirée, mais que pour s'excuser de ce contre temps, elle lui avait ramené un tonkatsu et déjà fait sortir le chien. Alors en voyant l'heure tardive, il avait rejoint ses amis sur discord, mangeant et discutant avec eux. Il n'avait pas osé parler de Seungmin, ne voulant pas réitérer le malaise de la dernière fois.
Il écoutait alors Hyunjin essayer d'organiser une soirée entre eux, Jeongin regardant distraitement Felix jouer à quelque chose sur son écran, parlant par message avec Chan. Depuis son réveil, il avait l'impression d'être un peu vaseux et étrange. Il essayait de sortir de cette brume épaisse qui le laissait un peu perdu, alors il essayait de se concentrer sur les voix de ses amis et sur la discussion qu'il avait avec son copain, lui donnant l'impression d'être un peu plus là, un peu plus réveillé. Ça le raccrochait à la réalité.
Mais ce furent les grognements de son chien qui capta son attention, le détournant de la discussion des garçons, laissant l'écran de son téléphone s'éteindre dans sa main à cause de l'inactivité. Les grognements étaient sourds et lointains, et le brun avait froncé les sourcils.
« Jeongin, ça va ? »
Jisung avant posé la question, regagnant son attention. Les garçons avaient arrêté de parler, et maintenant, trois paires d'yeux étaient braquées sur lui.
« Ça va, je crois, dit-il, puis le chien aboya. Bokkie !
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquit Felix.
— Je ne sais pas... Attendez. »
Le brun s'était redressé, déverrouillant son téléphone sur lequel il lança l'application avant de se rejoindre la discussion, retrouvant ainsi ses amis dont les caméras étaient toujours activées. Jeongin fit de même avant de descendre pour rejoindre le chien dont les grognements ne tarissaient pas.
Dans les escaliers, Jeongin pouvait voir le chien se tenir près de son panier, faisant face à la porte d'entrée. Il pouvait voir ses oreilles plaquées contre son crâne et les babines retroussées. Il se dépêcha de descendre pour aller le rassurer, s'accroupissant à ses côtés alors que les garçons ne parlaient plus, se contentant simplement d'écouter ce qu'il se passait.
Jeongin caressait lentement le dos du chien pour le calmer, l'appelant doucement pour capter son attention, mais rien n'y faisait : Haengbok fixait la porte, son corps toujours aussi tendu sous ses doigts.
« Innie ? appela doucement Felix.
— Oui, oui, je suis là, ça- »
Quelque chose cogna violemment la porte de l'extérieur, le bruit résonnant dans toute la pièce, et le brun se figea.
A travers l'écran, les garçons pouvaient voir le visage faiblement éclairé du plus jeune dont le regard était fixé devant lui.
« Jeongin ? »
A l'entente de la voix de Jisung, le brun avait regardé la caméra, portant son index à ses lèvres pour faire comprendre aux garçons de garder le silence lorsque le bruit de la poignée se fit à son tour entendre. Jeongin pouvait la voir bouger frénétiques sous ses yeux, Haengbok couinant à ses côtés. Le chien s'était reculé alors que lui s'était redressé, won regard toujours rivé sur la porte. Puis il y avait eu de nouveaux coups.
Il avait sursauté au premier avant de lui aussi reculer, mettant une certaine distance entre lui et la porte, voulant s'assurer qu'il serait en sécurité. Il voulait simplement que tout s'arrête.
Il voulait juste être tranquille.
Et c'est ce qui arriva : tout s'arrêta brusquement.
Jeongin n'osait pas bouger. Le soudain silence qui s'était abattu sur eux était pesant, presque angoissant. Même les garçons n'osaient pas parler, et Jeongin fixait toujours la porte.
La poignée bougea une nouvelle fois, une unique fois.
Puis une voix se fit entendre.
« Laisse-moi rentrer, Jeongin-ah. »
La voix était étouffée à cause de l'épaisse porte en bois, mais il pouvait entendre la façon dont sa voix traînait à la fin des mots, une lenteur étrange qui dérangeait le garçon.
« J'ai un cadeau pour to-o-o-oi-oi. »
Il avait reculé ; les syllabes traînaient désagréablement, presque robotiques alors que la voix semblait avoir changé : elle était plus grave d'un octave, plus traînante, quelque chose de plus lascif.
« J'ai un ca-ca-cadeau.
— Jeongin ? »
Un nouveau coup se fit entendre contre la porte, plus puissant que les précédents, faisant sursauter le garçon qui fixait toujours la porte, priant tous les dieux pour que cela cesse.
« J'ai une-e-e surprise.
— Appelle quelqu'un. »
Il avait chuchoté cela, ses yeux sombres toujours rivés sur la porte, la voix qu'il avait du mal à reconnaître à cause des bruits et de la porte s'élevait encore, les bruits continuant toujours, résonnant de façon assourdissante dans la bâtisse.
Pam pam pam.
« Quoi ? »
Jisung avant parlé, sa voix peinant à se faire entendre par-dessus ce boucan.
Pam pam pam.
Alors Jeongin répéta, plus fortement et désespérément.
« Appelle quelqu'un.
— Innie, Hyunjin avait commencé, mais fut rapidement coupé.
— Jisung appelle quelqu'un, la police, qui tu veux, je m'en tape, mais fait-le, implora-t-il.
— Je ne te ferai pas de mal. »
Les coups avaient redoublé d'intensité, si bien que Jeongin avait l'impression de les entendre dans sa tête, le bruit assourdissant et assommant.
Pam pam pam.
La voix de Jisung appelant la police ne se faisait pas entendre, les coups étaient toujours plus forts, plus violent et assourdissant.
Pam.
Pam.
Pam.
Puis plus rien.
Le silence était revenu, glaçant. Jeongin n'osa pas bouger pendant un instant, laissant le silence reprendre son règne sur la pièce, sur la maison, sur la vallée.
Le brun avait attendu encore un peu avant d'ouvrir ses messages, tapant rapidement quelque chose alors que Jisung lui assurait que la police arrivait, dans une dizaine de minutes tout au plus. Et la voix de Hyunjin se fit entendre :
« Jeongin, t'es là ? »
[jeongin - 11:27 PM] je t'en supplie viens à la maison.
Lorsque Chan arriva enfin devant la maison des Yang, sa gorge était en feu à cause du vent sec de la nuit, et ses jambes lui tirait désagréablement à cause de l'effort qu'il avait mis pour pédaler le plus rapidement possible. Mais ce qui le fit paniquer fut la voiture de police garée devant la maison, Jeongin se tenant dehors avec un officier alors que deux autres faisaient le tour du propriétaire.
Quand le brun le vit s'approcher, Chan ne perdit pas de temps à ouvrir ses bras, serrant fortement le corps du plus jeune contre sien lorsque ce dernier se jeta contre lui, ses propres bras venant prendre place autour des épaules du roux et le serrait contre lui.
« Je suis pas fou, avait-il soufflé. Je suis pas fou, Chan, je te le promets. Je suis pas fou... »
Sa voix s'était brisée sur la fin, et lorsqu'il s'était mis à trembler dans ses bras, Chan l'avait serré fort contre lui, laissant son copain enfouir son visage dans son cou, faisant fi de son t-shirt qu'il s'entait s'humidifier lentement au niveau du col, l'une de ses mains caressant le dos du plus jeune.
« Je sais, je suis là, souffla le roux. Je suis là, tout ira bien. »
Et il espérait avoir raison.
NEUTRALIZE the alternat (if safe to do so)
Pendant plusieurs jours, Seungmin ne vint pas à la boutique, et chacun de ses jours, Jeongin ne revit pas madame Park.
Chaque jour, il rejoignait Minho et Eunsoo lorsque cette dernière travaillait, et leurs journées se passaient plus ou moins normalement : il faisait les stocks et le rayonnage avec la trentenaire, Minho restait derrière la caisse où venait parfois l'aider lorsqu'il n'y avait personne, madame Kim venait chaque jour en fin de journée, racontant cette dernière à Minho alors que le plus jeune finissait de faire l'inventaire. Et après, il rentrait chez lui, ne croisant pas madame Park, parlait avec Chan et appelait ses amis le soir venu sur discord.
La routine avait repris, plus déprimante que jamais.
Ce jeudi matin, lorsqu'il arriva au magasin, Minho lui avait jeté un drôle de regard auquel il n'avait pas voulu porter attention à cause de la migraine qu'il avait depuis la veille. Déjà, hier, le garçon lui avait fait la remarque qu'il était pâle et Jeongin n'avait rien dit, mais lorsqu'il s'était vu dans le reflet du miroir ce matin, il n'avait pu que constater son regard cerné et son visage pâle.
Toute la journée, il n'avait souhaité qu'une chose : que cette dernière se termine rapidement pour qu'il puisse enfin rentrer chez lui et dormir. Il était venu simplement car il savait que Minho serait seul toute la journée, et même si la vie à Hoengseong n'était pas trépidante, mais plutôt terrifiante, il ne voulait pas laisser son aîné seul ici, pas avec les disparitions et les gens étranges. Alors toute la journée Jeongin avait essayé de faire abstraction de la douleur, mais lorsqu'il avait senti un liquide chaud couler d'une de ses narines, il n'avait pas réussi à cacher cela à Minho qui s'était dépêché d'aller chercher un mouchoir.
Quand le plus vieux arriva à sa hauteur, Jeongin tenta de sourire, mais le monde avait bougé trop vite sous ses pieds, et Minho n'était plus qu'une ombre floue lorsqu'il perdit l'équilibre, sa main tentant maladroitement de le rattraper alors qu'il vacilla dangereusement vers l'arrière.
Les quelques conserves que sa main avait rencontrées lors de l'impact étaient par terre lorsque le monde redevint clair, et Minho le tenait fermement, l'un de ses bras autour de son torse et une lueur d'inquiétude dans ses iris noirs alors que Jeongin grimaçait.
Minho l'aida à s'asseoir au sol, Jeongin le remerciant silencieusement en apportant un des mouchoirs à son nez, une nouvelle grimace - de dégoût cette fois - déformant ses traits en voyant le liquide carmin sur sa main.
Il était resté un moment ainsi, son ami accroupi à ses côtés, nettoyant sommairement le sol, là où quelques gouttes de sang avaient atterri lors de sa chute. Et Jeongin voulait disparaître.
« Tu aurais dû rester chez toi, Jeongin-ah, souffla Minho une fois sa tache terminée.
— Ça va, hyung, répondit-il timidement.
— On ne dirait pas, pourtant.
— Hyung, souffla-t-il en fermant les yeux. Je te jure que ça va, c'est pas grave, c'est juste... il n'en parlait qu'avec Chan ou sa mère normalement, de peur d'être vu comme l'un de ces fous en ville. Il rouvrit les yeux, doucement. C'est rien, promis. »
Minho avait gardé le silence un moment, papillonnant doucement des yeux plusieurs fois, comme s'il prenait en compte les informations. Le plus jeune ne se sentait pas vraiment à l'aise sous son regard perçant, toujours assis sur le sol de leur petite épicerie. Ainsi, il avait l'impression d'être un enfant sous le regard désapprobateur d'un adulte. Il avait l'impression que quelque chose n'allait pas, sans jamais parvenir à savoir quoi.
Mais le brun n'élabora pas, se contentant de pincer les lèvres, et Jeongin se détendit quelque peu devant lui.
« Si tu le dis, mais évites simplement de me faire un malaise entre deux rayons, dit-il en se redressant. Et, Jeongin ?
— Oui ?
— Je sais que Seungmin couvre tes arrières généralement, mais si ça ne va pas, je ne vais jamais rien dire. »
Le brun avait gardé le silence en le voyant partir vers l'avant du magasin, et était resté un long moment assit par terre dans le rayon, repassant ce qu'il venait de se passer encore et encore dans sa tête. Ce n'est qu'après avoir nettoyé son menton encore ensanglanté et s'être relevé lentement, qu'il se remit au travail, faisant attention de ne pas se faire remarquer par Minho qui le surveillait malgré tout.
Le reste de l'après-midi fut calme, si bien que lorsqu'ils s'apprêtaient à fermer, tous deux assit derrière la caisse, Jeongin fut surpris de voir Chan rentrer, la petite clochette émettant son tintement désagréable lorsque le roux poussa la porte. En croisant son regard surpris, Chan lui offrit un sourire qui fit ressortir ses fossettes.
« Bonsoir hyung, marmonna Minho en finissant de compter la caisse.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demanda Jeongin, ignorant le brun à ses côtés.
— Je te raccompagne ?
— Tu peux y aller, j'ai bientôt terminé.
— Hyung, le brun lui jeta un coup d'œil, un sourcil haussé.
— Jeongin, un soupire, et ce même regard perçant, vas-y. »
Le plus jeune hésita un instant, Minho ne détournant pas son regard du sien, jusqu'à ce que le plus jeune ne soupir et se résigne à écouter. Alors qu'il disparaissait dans la salle des employés, il ne vit pas le petit sourire satisfaite de son ami alors que Chan riait doucement. Lorsqu'il ressortit, le roux lui offrit ce même petit sourire tendre, son bras venant se glisser autour de la taille de son copain qui souffla un au revoir à Minho qui ne prit pas la peine de répondre, effectuant un simple petit mouvement de la main alors qu'ils sortaient.
Le vent frais de ce début de soirée vint caresser son visage, le faisant grimacer alors que ses mains s'enfouissaient dans les poches de son manteau, Chan le serrant contre lui alors qu'ils marchaient silencieusement en direction de la maison des Yang.
Jeongin pouvait sentir le poids du regard de son aîné posé sur lui, mais il se faisait violence pour le rencontrer, regardant au loin devant lui, là où le centre-ville disparaissait pour laisser place aux petites rues et aux champs dépeuplés depuis des mois. Alors qu'ils s'engageaient sur le chemin menant à son quartier, Chan osa enfin briser le silence entre eux et la nature.
« Ça va ? »
Ça ira, à force, tu penses ?
C'est ce que Jeongin avait l'impression d'entendre, et il ne put s'empêcher de fermer les yeux en expirant longuement par le nez, le bras de Chan le tenant contre lui, un poids à la fois rassurant et étouffant.
Quand il rouvrit les yeux, son regard vint se poser sur la route vide et les maisons éteintes au loin.
Là-bas, il y avait la vallée, il y avait les cris.
Son regard vint enfin rencontrer les iris brillants de Chan donc le sourire restait, timide, sur ses lèvres roses. Alors il avait soufflé, doucement, sa voix s'élevant à peine à travers le vent.
« Ça va, il le pensait, à moitié. Alors il le répéta encore une fois pour essayer de se convaincre : ça va. »
Puis le silence était revenu, assommant, et le vent se levait doucement.
À la fin du trajet, il y avait la vallée, et les cris.
Et la peur.
Le bras autour de sa taille glissa, se détacha, et la gorge de Jeongin se serra un instant.
Là-bas, il y a la vallée...
La main de Chan vint se glisser dans la poche de sa veste au côté de la sienne, sa peau froide contrastant avec celle du plus jeune.
« C'est Minho qui m'a appelé, avoua Chan.
— Je sais. »
Il y a les cris...
Ses doigts froids vinrent caresser les siens maladroitement, et Jeongin hésita un instant avant de les entremêler.
« On n'est pas obligé d'en parler.
— Je sais. »
Là-bas, il y a la vallée, les cris.
Et je suis terrifié, hyung.
Chan serra doucement sa main dans la sienne. C'était rassurant, d'un côté, de savoir qu'il était là, et que malgré le silence, il restait avec lui.
Jeongin voulait disparaître avec Chan.
Partir loin d'ici.
« Mais sache que je suis là, hm ? il avait souri, un petit sourire timide, intime, précieux.
— Merci. »
Il avait soufflé, tout doucement, et sa main avait effectué une petite pression sur celle de Chan.
Là-bas, il y a la vallée, il y a les cris.
Mais tu es là.
Et malgré tout, il se sentit enfin plus léger.
Mais ce sentiment de légèreté fut de courte durée lorsqu'en arrivant enfin dans son quartier, à quelques mètres à peine de chez lui, il la vit débout devant sa porte, une cigarette pratiquement consumée coincée entre ses doigts fins, son regard clair posé sur eux, et ce même foutu sourire que Jeongin détestait tant. A ses côtés, Chan s'était arrêté, son regard perdu posé sur Jeongin qui s'était figé sur place, sa main toujours dans la sienne.
Le brun l'avait entendu l'appeler doucement, mais il n'avait pas répondu, se contentant de le tirer vers chez lui, tentant d'ignorer le poids de ce regard étranger lorsqu'il déverrouillait hâtivement la porte, Chan le suivant sans rien dire. Mais il ne pouvait s'empêcher de regarder Jeongin vérifier que toutes les fenêtres et portes du rez-de-chaussée étaient bel et bien fermées, la panique déformant ses traits.
« Jeongin ? appela doucement Chan.
— Elle était pas là.
— De quoi ?
— La voisine, elle était plus là.
— Comment ça ? » il avait froncé les sourcils en disant cela.
Jeongin s'était retourné vers lui, son regard paniqué ancré dans le sien, et Chan se sentit perdu face à l'expression qu'arborait le plus jeune.
Il s'approcha du brun qui était figé sur place, ses mains tremblants légèrement à cause du froids et la panique, de la peur ; Chan ne savait pas vraiment, mais il était venu prendre ses dernières dans les siennes. Ses pouces caressaient lentement le dos des mains de Jeongin, essayant de le calmer doucement, son regard toujours ancré dans celui de son vis-à-vis.
« J'ai pas voulu te le dire, et Jisung a promis de ne pas en parler à Minho, avoua-t-il, mais quand t'es venu la dernière fois, elle, elle avait disparu et, il marqua une pause, laissa un souffle tremblant lui échapper. Chan attendit, ses pouces continuant ses mouvements jusqu'à ce que le brun ne recommence : quand elle est revenue, elle était bizarre ? Je sais pas, y avait un truc qui allait pas. Et quand maman a du rester au travail elle, elle a tenté de rentrer ? il grimaça en disant cela, son regard se posant sur quelque chose derrière Chan. C'est pour ça que je t'ai demandé de venir, le soir. Jisung avait appelé la police et, j'ai pas su l'expliquer, et après ça, elle était plus là.
— Jeongin, calme toi, demanda doucement Chan.
— Je voulais pas t'inquiéter plus que d'habitude, mais les garçons pourront le dire, hyung-
— Jeongin, bébé, coupa-t-il, son regard rencontrant de nouveau le sien, je te crois, d'accord ? Je te crois. »
Silence.
Ils se regardaient sans rien dire, Chan essayant toujours de calmer le brun qui le fixait, ses iris sombres s'embuant toujours plus au fil des secondes, et le roux sentit sons cœur se serrer.
Chan lâcha les mains de Jeongin pour les glisser contre sa taille, le serrant doucement contre lui alors que le plus jeune vint le serrer en retour, son regard rivé sur la porte close de l'entrée, l'une des mains de Chan caressant son dos doucement, son menton posé sur l'épaule du plus jeune.
« Je vais rester là ce soir, d'accord ? Il faut que tu te reposes, Innie. On va aller s'allonger en attendant que ta mère rentre. Je reste ici, promis. » avait-il soufflé contre sa tempe.
Jeongin avait simplement hoché la tête, son regard toujours rivé sur la porte.
[KNOW YOUR PLACE in reality]
Chan avait fini par passer la nuit chez les Yang ; Jeongin s'était endormi peu de temps après que le plus vieux l'ait forcé à se coucher et ne s'était réveillé qu'au moment où son réveil habituel avait sonné, Chan tranquillement endormi à ses côtés. Lorsque le roux l'avait déposé devant la boutique, Chan l'avait longuement embrassé, lui promettant qu'il viendrait le chercher ce soir-là et lui faisant promettre de l'appeler pour lui dire si quelque chose n'allait pas. Jeongin avait simplement hoché la tête, un petit sourire timide au coin des lèvres, avant de l'embrasser une dernière fois, lui souhaitant une bonne journée. Mais à peine eut-il passé la porte de l'épicerie que Minho lui attrapa le bras, le tirant vers la réserve.
Le brun avait regardé son aîné le traîner à travers la boutique sans rien dire, attendant simplement qu'il lui explique ce qu'il se passait. Quand Minho ferma enfin la porte derrière lui, Jeongin put voir l'expression étrange sur son visage, et cette tension dans ses épaules alors que son dos reposait maintenant contre la porte close.
« Kim est revenu, mais il est bizarre, annonça-t-il.
— Comment ça « bizarre » ? demanda doucement Jeongin en se préparant. Tu trouves toujours que Seungmin est bizarre.
— Oui, mais cette fois-ci, c'est vrai, y a quelque chose qui ne va pas chez lui. »
Il y avait quelque chose qui n'allait pas sur le visage de Minho, une expression que Jeongin n'avait pas l'habitude de voir. C'était quelque chose d'assez discret, mais assez rare pour que le plus jeune ne le remarque : son regard était plus sombre, mais il y avait cette lueur, ce quelque chose qui s'apparentait à de la peur.
« Hyung ?
— Jeongin, je rigole pas, Seungmin est pas comme d'habitude, grimaça-t-il. Tu verras. »
Il ne lui laissa pas le temps de répondre et sortit rapidement, laissant la porte entrouverte derrière lui.
Jeongin se dépêcha de se préparer pour rejoindre son aîné, mais hormis le fait que Minho était assis comme à son habitude derrière la caisse, il n'y avait rien de particulier. Le brun se contenta alors de faire un tour des rayons, prêt à faire son travail comme tous les jours, mais lorsqu'il croisa le regard de Seungmin dans le fond du magasin, quelque chose n'allait pas.
Le grand châtain le regardait étrangement, une lueur sombre dans le regard alors qu'il se tenait en retrait entre deux rayons, et Jeongin ne se sentait pas du tout à l'aise face à son ami. Il avait tenté de lui adresser un petit sourire, mais il savait que cela devait plus ressembler à une grimace. Alors il avait tenté de faire abstraction de ce regard étranger qui le suivait à chacun de ses mouvements.
Il avait tenu un certain moment ainsi, à laisser Seungmin l'épier sans rien dire, et à ignorer le regard insistant de Minho toujours posé sur lui alors qu'il sentait une migraine arriver. Mais il avait dû arrêter en sentant un vertige le prendre, fermant les yeux pour que le monde arrête de tourner alors que la douleur dans son crâne semblait se faire plus persistante, plus violente, et avant que Minho ne puisse réagir, le brun lui avait fait un signe de la main pour lui dire de ne pas bouger. Il était resté quelques secondes planté en plein milieu de son rayon, rouvrant doucement les yeux avant de se mettre en mouvement, allant s'asseoir derrière le comptoir aux côtés de Minho qui lui jeta un coup d'œil à la fois curieux et inquiet.
Mais Jeongin n'avait pu s'empêcher de continuer de surveiller Seungmin, quelque chose le dérangeant profondément lorsque son regard rencontrait celui de son ami. Il était différent dans sa manière de bouger, de faire son travail, de se tenir, il y avait ce quelque chose qu'il n'arrivait pas à nommer, mais qui était bel et bien là. A ses côtés, Minho ne semblait pas tenir en place : sa jambe tressautait nerveusement alors que son regard faisait des allers-retours entre la porte et Seungmin qui ne bougeait plus, terré dans l'ombre d'un rayon.
Cette ambiance bizarre avait duré un long moment, la tension dans l'air était si palpable que Jeongin voulait partir, échapper à cet environnement austère qui semblait s'être abattu sur la boutique. Son mal de tête était toujours là, assommant, mais il ne voulait pas partir et laisser Minho seul avec Seungmin, il ne voulait pas prendre ce risque. Mais la douleur ne semblait pas se calmer malgré le calme ambiant du magasin, au contraire : elle empirait au fil des minutes, le martèlement inlassable de la douleur lui donnait petit à petit le tournis. Il s'était levé doucement, une grimace de douleur déformant ses traits lorsqu'il s'en alla vers la salle des employés en quête de son traitement.
Jeongin était resté un moment appuyé contre son casier, attendant que cela fasse effet. Il comptait doucement dans sa tête, faisant en sorte que sa respiration soit la plus calme possible pour que tout aille plus vite, pour que la douleur se calme et que le monde ne tangue plus. Mais ce moment de paix fut de courte durée lorsqu'il entendit un bruit sourd résonné de l'autre côté de la porte avant que la voix de Minho ne s'élève dans une injure.
Jeongin avait relevé la tête un peu trop vite, un flash douloureux lui traversa le crâne alors qu'il se faisait violence pour faire fi de cette dernière et sortir au plus vite de la salle pour rejoindre ses amis. Mais en sortant, il ne s'attendait pas à voir Minho se tenir au-dessus de Seungmin, un pied posé sur sa poitrine alors que le garçon aux cheveux châtains grognait au sol, le contenu d'une des étagères éparpillés sur lui et autour de lui.
« Hyung ?
— C'est un putain d'alterné, Jeongin. »
Minho avait grogné cela en appuyant toujours plus fermement sur le torse de Seungmin, et c'est à instant précis que Jeongin put voir son visage dans son entièreté et qu'il découvrit sa mâchoire désaxée et ce même sourire qu'arborait madame Park depuis sa disparition dans la vallée. Il eut un moment de recul en voyant le garçon tenté d'attraper la jambe de Minho qui réagit en reculant rapidement, la grande main de Seungmin se refermant sur le vide.
Minho l'avait rejoint, tous deux regardant la carcasse du châtain bouger bizarrement devant eux alors qu'il se redressait maladroitement, la main de Minho ayant trouvé son avant-bras auquel il s'accrochait désespérément, les faisant reculer. Seungmin se tenait maintenant devant eux, son sourire malsain déformant les traits maintenant asymétrique de son visage alors que son regard sombre était rivé vers eux.
Jeongin déglutit difficilement alors, qu'à ses côtés, Minho s'était reculé, sa main toujours fermement accrochée à son poignet, attendant que la chose en face d'eux ne bouge enfin.
Le plus jeune n'eut pas le temps de réfléchir qu'il vit son ami, du moins ce qu'il en restait, se jeter sur eux, son sourire semblant toujours grandir. Minho l'avait tiré vers lui, laissant Seungmin rencontrer violemment le comptoir derrière eux, son corps se pliant douloureusement en deux sous la force de l'impact. Jeongin avait écarquillé les yeux en voyant Minho foncer sur lui, attrapant la taille de Seungmin et le plaquer contre le comptoir, un étrange et inquiétant bruit de craquement résonnant dans la boutique. Jeongin regardait le plus vieux maintenir le corps presque désarticulé de leur ami au sol, ses mains tentant de maîtriser les bras de Seungmin, une grimace déformant ses traits à cause des efforts.
Jeongin ne savait pas quoi faire : il assistait impuissant à ce combat étrange alors que Minho s'acharnait sur le corps de Seungmin, sa poigne se raffermissant toujours plus sur les membres de cette chose qui souriait toujours.
Minho lui jeta un bref regard, les dents serrées et le regard sombre, Seungmin se débattant sous son corps.
« Jeongin, tire toi de là ! »
Mais le brun ne bougeait pas, il était pétrifié par la peur et le fait de voir ses amis se battre ainsi le terrifiait.
Ce n'est que lorsque Seungmin sembla prendre le dessus sur son aîné qu'il se mit en mouvement ; il avait réussi à se dégager de la poigne de fer de Minho, une de ses mains venant s'accrocher fermement à sa gorge, ce même sourire pourri aux lèvres. Jeongin n'avait pas hésité à attraper une conserve sur l'étagère en face de lui, la jetant violemment au visage de l'alterné qui, sous la force du choc, avait lâché la gorge de Minho, ce dernier reprenant l'ascendant sur lui en attrapant son crâne pour venir le cogner violemment contre le sol.
« Hyung !
— Ça, dit-il froidement, c'est pas Seungmin. Jeongin, part d'ici ! »
Jeongin s'était tu et avait maladroitement hoché la tête avant d'écouter son aîné, reculant jusqu'à sortir de la boutique. Il était resté un moment planté devant la boutique sans trop savoir quoi faire avant qu'un bruit sourd ne se fasse entendre au loin, lui glaçant le sang. Et à ce moment précis, Jeongin voulait disparaître de cette ville, fuir le plus loin possible, alors c'est ce qu'il fit en se mettant à courir, le plus vite possible, le bruit de ses pas martelant le sol, résonnant dans les rues calme de la ville, son cœur battant toujours plus violemment dans sa cage thoracique.
Jamais Jeongin n'avait couru aussi vite, jamais il n'avait fuit ainsi, la peur semblant raffermir sa prise toujours plus vicieusement sur lui. Il avait essayé d'appeler Chan, plusieurs fois, mais il tombait systématiquement sur le répondeur, le frustrant toujours plus.
« Décroche, décroche, marmonna-t-il, la tonalité le rendant fou. Chan, s'il te plaît... Mais ce fut le répondeur qui lui répondit, et Jeongin voulait hurler. Chan, je t'en supplie rappelle moi, y a eu quelque chose et, il marqua une pause, déglutit, et reprit : juste rappelle-moi, hyung, c'est tout ce que je veux. »
Il raccrocha rapidement, un étrange soulagement le prenant en voyant qu'il arrivait bientôt dans son quartier. Mais cela fut de court durée, car en arrivant, il ne croisa personne ; il n'y avait plus aucun bruit dans la ville, seul le calme terrifiant et pesant de la ville l'entourait, et Jeongin se sentit soudainement mal.
Et lorsqu'il parvient enfin à rentrer chez lui, la panique sembla s'intensifier lorsqu'il vit Haengbok dans un coin de la maison, un couinement étrange lui échappant. Jeongin n'avait pas hésité un seul instant et s'était approché du chien, mais il eut un vif moment de recul en voyant le pungsan retrousser les babines en le regardant, un grognement sourd lui échappant.
« Bokkie ? » appela-t-il, perdu.
Mais seul un nouveau grognement lui répondit, le déstabilisant toujours plus. Pourtant, le regard du chien était rivé sur quelque chose derrière lui, ses grognements étaient destinés à quelque chose que Jeongin ne vit pas, mais cette sensation profonde de malaise ne voulait pas le quitter lorsqu'il se tourna, regardant la cage d'escalier vide.
Il posa son téléphone qu'il tenait toujours fermement sur la table dans la cuisine pour prendre un des couteaux de sa mère, la longue lame en inox tendue devant lui alors qu'il s'avançait dans la maison, les aboiements de Haengbok résonnant dans la bâtisse alors que Jeongin avançait doucement dans les escaliers, son regard scannant le rez-de-chaussée grâce à la hauteur qu'il avait pris, mais en arrivant enfin à l'étage, sa respiration se coupa brusquement, son regard rivé sur cette chose à l'autre bout du couloir.
Là, devant lui, se tenait sa copie conforme.
Jeongin avait l'impression de voir son propre reflet dans un miroir, un jumeau peut-être, mais il y avait ce quelque chose qui le différenciait de sa copie, cette façon de se tenir, cette lueur sombre dans son regard qui était fixé sur Jeongin. Et ce sourire... Jamais Jeongin n'avait souri ainsi, d'une façon si forcée, si fausse. Mais le fait que ce sourire si tordu lui était adressé le terrifiait, et la peur, à cet instant présent, était son pire ennemi. Car c'est de la peur que ces choses prenaient vie, et c'est de la peur qu'elles parvenaient à prendre leur place.
Alors, lorsque son double se mit à avancer, son sourire semblant toujours plus s'agrandir, Jeongin déglutit difficilement, la prise qu'il avait sur le manche du couteau se raffermit toujours plus, et la peur semblait le bouffer de l'intérieur.
Au rez-de-chaussée, Haengbok aboya violemment lorsque le hurlement de Jeongin se fit entendre. Et sur la table de la cuisine, son téléphone vibra contre le bois, le bruit se noyant dans le chaos environnant de la maison.
[chan - 3:17 PM] je suis bientôt là, je me dépêche, promis
KILL YOURSELF
there's not enough room for the two of us
Sa respiration erratique résonnait dans son esprit ainsi que les battements chaotiques de son cœur, un brouhaha infernal comme celui d'une ruche d'abeille venait le perturber, lui donnant même l'impression que la terre bougeait trop vite pour lui. Chan avait fait au plus vite après avoir reçu l'appel de Jeongin, se maudissant encore et encore de ne pas avoir réussi à décrocher à temps. Il n'avait eu droit qu'à ce pauvre message vocal de quelques secondes à peine sans aucune autre explication, mais s'il avait fait un peu plus attention, alors peut-être, il aurait pu décrocher, lui parler. Mais lorsqu'il avait tenté de rappeler son copain, ce dernier n'avait pas décroché, que ce soit la première fois ou la sixième, et Chan ne pouvait s'empêcher de paniquer toujours plus alors qu'il arrivait enfin devant la maison Yang.
Ses poumons lui faisaient un mal de chien, la brûlure dans sa trachée semblait devenir de plus en plus douloureuse au fil des secondes alors qu'il poussait enfin la porte de la grande maison, le silence qui suivit ne lui disant rien qui vaille.
Tout était plongé dans la pénombre, les volets électriques du salon baissés, plongeant le salon dans le noir alors que les autres fenêtres laissaient rentrées un tant soit peu de lumière. Chan vit du coin de l'œil Haengbok caché dans un coin de la pièce, le chien se mettant à couiner étrangement en le voyant. Le roux eut un pincement au cœur en le voyant s'approcher difficilement de lui, la queue entre les jambes alors que le pungsan vint se coller contre sa jambe, sa main venant doucement caresser l'arrière des oreilles du chien dans une vaine tentative de l'apaiser. Mais Chan senti la panique grandir lorsqu'il vit un liquide poisseux dans les escaliers, la couleur pourpre du sang faisant battre son cœur encore plus violemment, plus douloureusement.
Il laissa Haengbok derrière lui et avança doucement dans la maison, gravissant précautionneusement les marches, évitant de marcher dans les épaisses flaques de sang qui coulaient lentement au goutte à goutte. La montée fut longue pour Chan qui s'attendait au pire, priant pour retrouver le plus jeune en un seul morceau, mais plus il montait et plus le sang se faisait important, plus alarmant, et le cœur du roux s'emballait toujours plus.
Ce n'est qu'en arrivant au dernier pallier, à quelques marches de la fin, qu'il vit le brun. Une vague de soulagement s'abattit sur lui en voyant le brun se tenir debout à quelques mètres de lui, au niveau de la porte de la salle de bain.
Mais quelque chose n'allait pas ; Chan pouvait le sentir, que ce soit dans la façon de se tenir du plus jeune, sa tête penchant doucement sur la droite, sa frange un peu trop longue venant cacher ses yeux sombres, ou bien alors l'épais filet de sang qui coulait de son nez, tachant ses lèvres pâles et son menton, des gouttes pourpres tombant sur le parquet à ses pieds. Sa posture était étrange, à la fois tendue et molle, quelque chose qui n'allait pas, qui détonnait avec le Jeongin qu'il avait l'habitude de côtoyer. Puis son regard se posa sur le couteau de cuisine qui reposait dans une flaque de ce que le roux imaginait être du sang, de nombreuses taches rouges salissant le parquet et la lame.
Il n'osait plus réagir, sa respiration coincée dans sa gorge alors que son regard était rivé sur l'arme au sol, le silence écrasant de la maison lui donnant le tournis alors que son regard vint lentement se poser sur Jeongin qui n'avait pas bougé, sa tête toujours étrangement penchée sur le côté, son visage partiellement dissimulé sous sa chevelure brune.
« Jeongin-ah ? »
Chan l'avait appelé doucement, presque un murmure, quelque chose qui avait eu du mal à sortir, sa gorge trop serrée pour dire quelque chose de plus. Pourtant, il avait l'impression que sa voix était trop forte, trop violente pour le silence sinistre qu'il y avait. Tout lui semblait trop et pas assez à la fois.
Mais la peur, elle, était toujours là, ce poids qui ne l'avait pas lâché depuis qu'il avait écouté le message vocal du plus jeune, cette même boule qui n'avait de cesse de grandir dans le creux de son estomac lorsqu'il courrait, priant pour que le plus jeune aille bien. Cette même boule qui, à cet instant, semblait peser des tonnes lorsque le plus jeune s'était mis à sourire.
Un sourire étrange, forcé qui étirait ses lèvres trop pâles, le doux rosé de sa peau semblant avoir disparu alors que ses lèvres laissèrent apparaître ses dents rougies par le sang, son regard noir venant se poser sur Chan qui, à ce moment précis, voulait fuir le plus loin possible de cette maison, de ce qui se trouvait en face de lui.
Parce que ce sourire, cette chose, ce n'était pas Jeongin, ce n'était plus lui.
Et Chan voulait disparaître.
« IF YOU SEE ANOTHER PERSON
THAT LOOKS IDENTICAL TO YOU
RUN AWAY
AND
HIDE »
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